Confirmation 20 mars 2025
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Sur la décision
| Référence : | CA Douai, ch. 8 sect. 4, 20 mars 2025, n° 22/04134 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Douai |
| Numéro(s) : | 22/04134 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras, 27 juillet 2022, N° 51-20-0040 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 29 mars 2025 |
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Texte intégral
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 20/03/2025
N° de MINUTE : 25/225
N° RG 22/04134 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UOZ4
Jugement (N° 51-20-0040) rendu le 28 Juillet 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras
APPELANTE
Madame [X] [L] [B] [O]
née le 07 Février 1949 à [Localité 23] – de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 24]
Représentée par Me Laurent Janocka, avocat au barreau d’Amiens, avocat constitué
INTIMÉ
Monsieur [A] [O]
né le 31 Août 1953 à [Localité 23] – de nationalité Française
[Adresse 32]
[Localité 23]
Représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Cécile Mamelin, président de chambre
Sara Lamotte, conseiller
Isabelle Facon, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez
DÉBATS à l’audience publique du 16 janvier 2025
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Cécile Mamelin, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Suivant acte authentique en date du 25 mai 1992, reçu par Maître [G] [I], notaire à [Localité 33], [W] [O] et son épouse [K] [N] ont donné à bail à [A] [O] diverses parcelles de terres à usage agricole leur appartenant sises sur les terroirs des communes de [Localité 33], [Localité 42] et [Localité 23], pour une superficie totale de 44 hectares 29 ares 97 centiares.
Ce bail a été consenti pour une durée de 18 années entières et consécutives et a commencé à courir le 1er octobre 1992, le bail s’étant renouvelé par tacite reconduction pour venir à expiration le 30 septembre 2027.
Les époux [O] ont consenti une donation-partage à leurs deux enfants [A] [O] et [X] [O], par acte de Maître [I] en date du 17 juin 1992.
[X] [O] est ainsi devenue attributaire en nue-propriété d’une partie des biens loués à savoir les parcelles suivantes sises :
— sur la commune d'[Localité 23] :
* ZA n°[Cadastre 6], Lieudit [Localité 31], 1 hectare 75 ares 30 centiares
* ZN n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7], Lieudit [Localité 37], 78 ares 70 centiares
* ZH n°[Cadastre 9], Lieudit [Localité 39], 4 hectares 25 ares 80 centiares
* ZH n°[Cadastre 10], Lieudit [Localité 39], 7 hectares 21 ares 20 centiares
* ZI n°[Cadastre 14], Lieudit [Localité 36], 1 hectare 75 ares 30 centiares
* ZI n°[Cadastre 3], Lieudit [Localité 36], 60 ares 6 centiares
* ZI n°[Cadastre 13], Lieudit [Localité 36], 69 ares 40 centiares
* ZI n°[Cadastre 7], Lieudit [Localité 36], 1 hectare 3 ares 10 centiares
* ZI n°[Cadastre 8], Lieudit [Localité 36], 1 hectare 61 ares 60 centiares
* ZB n°[Cadastre 19], Lieudit [Localité 34], 3 hectares 67 ares 80 centiares
— Sur la commune de [Localité 42] :
* Z n°[Cadastre 11], Lieudit [Localité 30], 46 ares 13 centiares
* Z n°[Cadastre 12], Lieudit [Localité 30], 1 hectare 37 ares 40 centiares
* Z n°[Cadastre 17], Lieudit [Localité 29], 2 hectares 44 ares 80 centiares
* Z n°[Cadastre 18], Lieudit [Localité 29], 1 hectare 4 ares 50 centiares
* Z n°[Cadastre 15], Lieudit [Localité 29], 15 ares
* Z n°[Cadastre 22], Lieudit [Localité 38], 51 ares 40 centiares
* Z n°[Cadastre 20], Lieudit [Localité 38], 1 hectare 90 ares 10 centiares
* Z n°[Cadastre 21], Lieudit [Localité 38], 2 hectares 85 ares 90 centiares
* Z n°[Cadastre 25], Lieudit [Localité 39], 1 hectare 34 ares
* Z n°[Cadastre 26], Lieudit [Localité 39], 2 hectares
* Z n°[Cadastre 27], Lieudit [Localité 39] 1 hectare 52 ares 76 centiares
— Sur la commune de [Localité 33] :
* ZD n°[Cadastre 5], Lieudit [Localité 35], 2 hectares 71 ares 33 centiares
— Sur la commune de [Localité 41] :
* ZD n°[Cadastre 4], Lieudit [Localité 40], 1 hectare 54 ares 40 centiares
Soit au total : 43 hectares 26 ares 52 centiares
[X] [O] avait reçu en outre en pleine propriété de ses parents deux parcelles sises sur la commune de [Localité 33], cadastrées section ZD n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] pour une contenance totale de 52 ares 50 centiares.
Les époux [O] étant tous deux décédés, [X] [O] est devenue unique et pleine propriétaire des immeubles ruraux susvisés.
[A] [O] souhaitant céder ses droits à son fils [T] [O], né le 23 février 1979 à [Localité 28], de nationalité française et agriculteur, il a sollicité de [X] [O], sa s’ur, l’autorisation de céder ses droits au bail à son fils en application de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime. [X] [O] n’a pas fait droit à cette demande.
Par requête en date du 21 octobre 2020, [A] [O] saisissait le tribunal paritaire des baux ruraux d’ARRAS aux fins de cession de bail au profit de son fils, [T] [O]. A l’audience de conciliation du 7 décembre 2020, les parties ne parvenaient à aucun accord.
Par acte d’huissier en date du 24 mars 2021, [X] [O] faisait délivrer à [A] [O] un congé pour le 30 septembre 2022 en raison de l’âge.
Par requête en date du 9 juillet 2021, [A] [O] saisissait le même tribunal aux fins d’annulation dudit congé. A l’audience de conciliation, les parties ne parvenaient à aucun accord.
Après plusieurs renvois, l’affaire a été retenue et plaidée lors de l’audience du 27 juin 2022.
Par jugement en date du 28 juillet 2022, auquel il est renvoyé pour exposé complet de la procédure antérieure à ce jugement et du dernier état des demandes et prétentions des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux d’ARRAS a :
Ordonné la jonction des deux requêtes,
Autorisé [A] [O] à céder à son fils [T] [O] ses droits détenus sur le bail relatif aux parcelles reprises dans la liste ci-dessus,
Rappelé qu’en application de l’article L.411- 64 du code rural, le bénéficiaire de la cession a droit au renouvellement dudit bail,
Annulé le congé pour atteinte de l’âge de la retraite du 24 mars 2021, délivré à [A] [O],
Condamné [X] [O] à verser à [A] [O] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté [X] [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné [X] [O] aux dépens de l’instance.
[X] [O] a relevé appel de ce jugement par l’intermédiaire de son conseil, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au secrétariat greffe de cette cour le 25 août 2022, sa déclaration d’appel portant sur l’ensemble des dispositions du jugement.
Les parties ont été régulièrement convoquées devant cette cour par lettres recommandées avec accusé de réception.
Après plusieurs renvois, l’affaire a été retenue et plaidée à l’audience du 16 janvier 2025.
Lors de l’audience, [X] [O], représentée par son conseil, soutient oralement les conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe, par lesquelles elle demande à la cour de :
La déclarer recevable en ses demandes,
Infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d’ARRAS en date du 28 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau en cause d’appel :
Débouter [A] [O] de sa demande de cession de bail reçu par acte de Maître [I], alors notaire à [Localité 33], en date du 25 mai 1992, renouvelé depuis au profit de son fils, [T] [O] et portant sur les parcelles :
* ZA n°[Cadastre 6], Lieudit [Localité 31], 1 hectare 75 ares 30 centiares
* ZN n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7], Lieudit [Localité 37], 78 ares 70 centiares
* ZH n°[Cadastre 9], Lieudit [Localité 39], 4 hectares 25 ares 80 centiares
* ZH n°[Cadastre 10], Lieudit [Localité 39], 7 hectares 21 ares 20 centiares
* ZI n°[Cadastre 14], Lieudit [Localité 36], 1 hectare 75 ares 30 centiares
* ZI n°[Cadastre 3], Lieudit [Localité 36], 60 ares 6 centiares
* ZI n°[Cadastre 13], Lieudit [Localité 36], 69 ares 40 centiares
* ZI n°[Cadastre 7], Lieudit [Localité 36], 1 hectare 3 ares 10 centiares
* ZI n°[Cadastre 8], Lieudit [Localité 36], 1 hectare 61 ares 60 centiares
* ZB n°[Cadastre 19], Lieudit [Localité 34], 3 hectares 67 ares 80 centiares
* Z n°[Cadastre 11], Lieudit [Localité 30], 46 ares 13 centiares
* Z n°[Cadastre 12], Lieudit [Localité 30], 1 hectare 37 ares 40 centiares
* Z n°[Cadastre 17], Lieudit [Localité 29], 2 hectares 44 ares 80 centiares
* Z n°[Cadastre 18], Lieudit [Localité 29], 1 hectare 4 ares 50 centiares
* Z n°[Cadastre 15], Lieudit [Localité 29], 15 ares
* Z n°[Cadastre 22], Lieudit [Localité 38], 51 ares 40 centiares
* Z n°[Cadastre 20], Lieudit [Localité 38], 1 hectare 90 ares 10 centiares
* Z n°[Cadastre 21], Lieudit [Localité 38], 2 hectares 85 ares 90 centiares
* Z n°[Cadastre 25], Lieudit [Localité 39], 1 hectare 34 ares
* Z n°[Cadastre 26], Lieudit [Localité 39], 2 hectares
* Z n°[Cadastre 27], Lieudit [Localité 39] 1 hectare 52 ares 76 centiares
* ZD n°[Cadastre 5], Lieudit [Localité 35], 2 hectares 71 ares 33 centiares
* ZD n°[Cadastre 4], Lieudit [Localité 40], 1 hectare 54 ares 40 centiares
Valider le congé en raison de l’âge délivré par acte extrajudiciaire à [A] [O], le 24 mars 2021, pour le 30 septembre 2022 et portant sur lesdites parcelles,
Ordonner l’expulsion de [A] [O], ou de tout occupant de son chef des parcelles ci-avant rappelées,
Ordonner qu’à défaut pour [A] [O] d’avoir quitté les lieux dans le mois suivant la notification de l’arrêt, il pourra être expulsé avec l’assistance de la force publique et sera condamné au paiement d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, et ce pendant le délai de 7 mois commençant à courir 30 jours après notification de l’arrêt,
Condamner [A] [O] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner [A] [O] aux entiers dépens.
[X] [O] expose qu’elle souhaite reprendre la jouissance de ses parcelles pour que sa fille agricultrice puisse conforter sa propre exploitation avec les terres de famille ;
Elle fait valoir que le congé délivré en raison de l’âge de la retraite est valide, ayant respecté le délai de 18 mois avant la date d’effet dudit congé au preneur ayant qualité pour recevoir l’acte, [A] [O] étant né le 31 août 1953 et ayant dépassé l’âge de la retraite depuis plusieurs années ; que le refus de cession du bail peut être fondée sur la mauvaise foi des preneurs ; qu’en l’espèce, plusieurs manquements peuvent être imputés au preneur : un défaut d’information de la mise à disposition au profit d’un GAEC, tant pour le bail initial que pour les nouveaux baux postérieurs, en l’absence de l’envoi de la lettre recommandée prescrite par l’article L.323-14 du code rural, un défaut d’information des échanges opérés par les preneurs sur les parcelles louées, tant pour le bail initial que pour les nouveaux baux postérieurs, en l’absence de la lettre recommandée prévue par l’article L.411-36 du code rural, que le preneur a autorisé des tiers à chasser sur les parcelles en cause, et qu’enfin il a tenté de passer outre ses droits de propriétaire en donnant son accord pour l’aménagement d’une aire de stationnement sur la plateforme agricole à [Localité 43] ; elle ajoute que [T] [O] ne présente pas toutes les capacités exigées, ne justifiant ni d’une autorisation d’exploiter, ni de la possession du matériel nécessaire pour exploiter.
[A] [O], représenté par son conseil, soutient oralement les conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe, par lesquelles il demande à la cour de :
— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
— condamner [X] [O] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
— à titre subsidiaire : en cas de validation du congé et refus d’autorisation de cession de bail, accorder un délai jusqu’au 1er novembre 2024 pour libérer les parcelles,
— dans tous les cas : condamner [X] [O] dépens de l’instance.
Il fait valoir pour l’essentiel s’être constamment acquitté de ses obligations : que s’agissant de l’information de la mise à disposition des terres au profit d’un GAEC, [W] [O], père de [A] [O] et [X] [O], était informé puisqu’intervenu lors de la constitution du GAEC, qu’en outre le non-respect formel de l’envoi d’un courrier recommandé n’est sanctionné par aucun texte ; que s’agissant du défaut d’information quant aux échanges de parcelles, [W] [O] en avait une parfaite connaissance, de par les excellentes relations quotidiennes entretenues avec son fils, sachant qu’un accord verbal suffit et qu’il produit à ce titre plusieurs attestations en ce sens ; que les échanges non contestés, nés au cours d’un bail sont reconduits dans le bail renouvelé ; qu’il n’est pas titulaire du droit de chasse et n’a donc rien pu céder, qu’il s’agissait d’arrangements pris par son père qui ont perduré, faute d’intervention de la propriétaire actuelle [X] [O] ; qu’en tout état de cause, la question de la chasse échappe à la règlementation du fermage (article L.415-10 du code rural) ; qu’il n’a donné aucune autorisation pour un aménagement, indiquant que l’on devait se rapprocher de [X] [O] , propriétaire ; qu’enfin, [T] [O] remplit les conditions quant au contrôle des structures, autorisation d’exploiter, diplôme, domicile, profession et matériel.
Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
SUR CE
Sur la demande en cession du bail
Il résulte des dispositions de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime que « toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire ».
La faculté accordée au preneur de céder son bail dans les conditions de l’article précité, notamment à l’un de ses descendants ayant atteint l’âge de la majorité, constitue une dérogation au principe général d’incessibilité du bail rural, qui ne peut bénéficier qu’au preneur qui a satisfait à toutes les obligations nées de son bail et qui ne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur appréciées uniquement au regard de la bonne foi du cédant et des conditions de mise en valeur du fonds par le cessionnaire éventuel, et non pas des projets concurrents que le bailleur forme pour son bien.
Un manquement du preneur aux obligations nées du bail fait obstacle à ce qu’il soit fait droit à la demande, à condition toutefois que ce manquement soit suffisamment grave.
Sur le défaut d’information de la mise à disposition des parcelles au profit d’un GAEC
Vu les dispositions de l’article L.323-14 du code rural : « Le preneur à ferme qui adhère à un groupement agricole d’exploitation en commun peut faire exploiter par ce groupement tout ou partie des biens dont il est locataire pour une durée qui ne peut être supérieure à celle du bail dont il est titulaire. Il en avise alors, par lettre recommandée, avec accusé de réception, le propriétaire.
Cette opération ne donne pas lieu à l’attribution de parts d’intérêts au profit du preneur, qui reste seul titulaire du bail. Les droits du bailleur ne sont pas modifiés. Toutefois, le groupement est tenu solidairement avec le preneur de l’exécution des clauses du bail.
Le bailleur et le métayer conviennent alors avec la société de la manière dont seront identifiés les fruits de l’exploitation en vue des partages à opérer. En cas de désaccord, ces conditions sont déterminées par le tribunal paritaire des baux ruraux saisi à la diligence de l’une ou l’autre des parties. »
Ainsi que l’a relevé le premier juge, ce qui n’est nullement contesté par le preneur, [A] [O], s’agissant dès lors d’un fait constant, les parcelles, objet du bail en cause, ont en effet été mises à la disposition du GAEC [O], sans que cette mise à disposition n’ait fait l’objet d’une notification par lettre recommandée au bailleur d’alors, [W] [O].
Il résulte des éléments versés aux débats qu'[W] [O] a en réalité eu parfaite connaissance par un autre moyen qu’une lettre recommandée de cette mise à disposition : en effet , il ressort des statuts du GAEC, selon acte du 31 juillet 2006, qu’il est intervenu audit acte portant création et donc de l’apport au GAEC des parcelles litigieuses, la mention page 6 de l’acte précisant « aux présentes est intervenu [W] [O] (') lequel, avoir pris connaissance de tout ce qui précède, déclare renoncer, en ce qui concerne ce bien, à l’interdiction d’aliéner et au droit de retour conventionnel résultant de la donation énoncée dans l’origine de propriété ».
Si la formalité évoquée par l’article précité consiste en une lettre recommandée, la volonté exprimée ainsi par le législateur est que l’information soit faite, peu important le moyen utilisé, ce qui est le cas en l’espèce, sachant qu’en tout état de cause, il n’est prévu aucune sanction quant à la méconnaissance de cette information, dès lors que le bailleur ne peut s’y opposer.
Ce moyen n’est donc pas opérant à ce titre, et [A] [O] n’avait pas davantage à renouveler une telle information à chaque renouvellement de bail auprès de [X] [O], une fois [W] [O] décédé, dès lors que l’information initiale est seule requise et a été accomplie, le bail renouvelé se poursuivant dans les mêmes termes et conditions. Seul [W] [O], en tant qu’usufruitier, devait être informé ; en effet, lorsque la propriété du fonds loué est démembrée, il appartient à l’usufruitier seul d’autoriser la cession du bail rural. Le concours du nu-propriétaire n’est pas exigé (Cass. 3e civ., 15 mars 2000, n° 97-22.475).
Sur le défaut d’information des échanges de parcelles
Vu les dispositions de l’article L.411-39 du code rural : « Pendant la durée du bail, le preneur peut effectuer les échanges ou locations de parcelles qui ont pour conséquence d’assurer une meilleure exploitation.
Les échanges ne peuvent porter que sur la jouissance et peuvent s’exercer sur tout ou partie de la surface du fonds loué. La commission consultative départementale des baux ruraux fixe et l’autorité administrative du département publie par arrêté, pour chaque région agricole, la part de surface de fonds loué susceptible d’être échangée. Cette part peut varier en fonction de la structure des exploitations mises en valeur par le preneur. Pour les fonds mentionnés à l’article 17-1 du code rural, elle ne peut être inférieure à la moitié de la surface totale du fonds loué.
Les échanges mentionnés au présent article ne peuvent porter sur la totalité du bien loué que si sa surface n’excède pas le cinquième du seuil mentionné à l’article L.312-1, compte tenu de la nature des cultures.
Le preneur les notifie au propriétaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le propriétaire qui entend s’y opposer doit saisir le tribunal paritaire dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du preneur. A défaut, il est réputé avoir accepté l’opération.
L’esprit du texte est là encore celle de l’information réelle faite auprès du bailleur, peu important qu’elle soit réalisée par lettre recommandée, dès lors qu’un accord préalable a été donné, y compris verbalement, celui-ci est régulier ; (cf. Cass 3ème ch. civile 12 juillet 2006).
En l’espèce, seules sont concernées les parcelles cadastrées Z n°[Cadastre 17] et Z n°[Cadastre 18], Lieudit [Localité 29] ;or, il résulte de l’attestation conforme aux dispositions du code de procédure civile de [P] [Y] de ce qu'[W] [O] était parfaitement informé des échanges pratiqués entre lui et [A] [O] dès 1997 ; dès lors qu’il en était informé en tant qu’usufruitier, et qu’il n’a pas saisi le tribunal paritaire d’une contestation à ce sujet, dans les délais susvisés, [W] [O] est donc réputé avoir accepté ces opérations. De la même façon qu’évoquée plus haut, [A] [O] n’avait pas davantage à renouveler cette information à chaque renouvellement de bail auprès de [X] [O], dès lors que l’information initiale est seule requise et a été accomplie, le bail renouvelé se poursuivant dans les mêmes termes et conditions.
En tout état de cause, il a déjà été jugé que la mise à disposition des terres sans information du bailleur en temps utile et l’échange en jouissance de parcelles sans autorisation du bailleur ne constituent pas des motifs assez graves pour justifier le refus d’autorisation de cession du bail. (cf. Civ. 3e, 6 février 2020).
Ce moyen n’est pas fondé.
Sur le droit de chasser
Le droit de chasse est un droit lié au droit de propriété, lequel appartient exclusivement au propriétaire.
Quant au droit de chasser, il est réservé au seul titulaire du bail (article L.415-7 du code rural).
L’article L.415-10 du code rural n’est pas applicable, s’agissant de baux de chasse, ce qui n’est pas en cause en l’espèce.
[X] [O] soutient que [A] [O] a procédé à des échanges de ce droit au titre de la pratique de la chasse sur l’ensemble des parcelles, dont elle est propriétaire, avec [E] [J], président de la société de chasse d'[Localité 23], sans qu’elle n’ait donné son accord.
Le courrier de Monsieur [J], non daté, mais étant une réponse à un courrier envoyé par [X] [O] le 25 novembre 2021 (courrier non produit) indique : « Les cartes de droit de chasse à [Localité 23] n’existent plus depuis 2007, année à partir de laquelle chaque propriétaire est désormais payé à l’hectare. Un accord avait été trouvé avec Monsieur [A] [O] pour faire des échanges de droits de chasse arrangeant tout le monde. Toutes vos parcelles étaient dans cet accord’ ». Toutefois, cette affirmation est contredite par un courrier postérieur du même [E] [J], daté du 26 juin 2023 (en pièce 32), dans lequel il entend préciser « il y a eu des arrangements à l’époque non pas avec Monsieur [O] [A], mais avec Monsieur [O] [W] et mon prédécesseur Monsieur [F] [Z]. Au décès de Monsieur [O] [W], personne n’ayant remis en cause les accords de l’époque, la société de chasse a continué sur les mêmes arrangements. Vous me demandez les compensations pour les années précédentes. Comme aucun accord n’a été conclu et sans aucune manifestation de votre part suite au décès de votre père vos terres n’étaient pas apportées à la société de Chasse’ »
Ainsi la preuve n’est absolument pas rapportée que [A] [O] ait passé de tels accords à quelque époque que ce soit au mépris des droits de [X] [O]. Et en tout état de cause, n’étant pas le propriétaire, il n’aurait eu aucun titre pour passer des accords de droits de chasse, expression exacte reprise dans le premier courrier.
Ce moyen n’est pas fondé.
Sur l’aménagement d’une aire de stationnement
[X] [O] indique dans ses écritures que Monsieur [C] [V] de la Communauté de Communes du Sud Artois a pu lui retranscrire les faits suivants : « Une réunion s’est tenue mardi 22/09 en mairie de [Localité 42] en présence de M. le Maire, M. [T] [O], M. [S], représentant les anglais de [Localité 44] (qui cofinancent ces travaux), le maître d''uvre (VERDI), moi-même pour la Communauté de Communes, pour finaliser le dossier de travaux et programmer le démarrage du chantier. M. [O] a indiqué que vous aviez déjà écrit un courrier pour autoriser la communauté de communes à réaliser ces travaux mais je n’ai pas retrouvé trace de ce courrier dans le dossier ». [X] [O] considère que son neveu l’a engagée dans ce projet sans respecter ses droits. A l’appui de ces affirmations, [X] [O] produit un document dactylographié (pièce 19 non datée, non signée, non attribuée) dont il apparaît qu’il ne s’agit nullement d’un témoignage mais en effet d’une retranscription faite par [X] [O] elle-même de propos rapportés. Ce document n’a aucune valeur probante.
Or, [A] [O] ne conteste pas dans ses écritures que son fils [T] [O] a été approché par la communauté de communes, en sa qualité d’associé du GAEC exploitant susceptible d’être évincé, sur les conditions de la création d’une aire de stationnement pour véhicules légers sur la plateforme agricole à [Localité 43], mais il indique que son fils n’avait pas cause d’opposition et avait invité les intervenants à se rapprocher de la propriétaire.
De ce fait, les conditions exactes de l’implication de [T] [O] quant aux droits de [X] [O] ne sont absolument pas établies, et il s’agit d’allégations non fondées. En outre, il s’agit d’apprécier la bonne foi du cédant et non du cessionnaire.
Ce moyen n’est pas fondé.
Sur les conditions pour exploiter de [T] [O]
Suivant les dispositions de l’article L.331-2 du code rural :
Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La constitution d’une société n’est toutefois pas soumise à autorisation préalable lorsqu’elle résulte de la transformation, sans autre modification, d’une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient l’unique associé exploitant ou lorsqu’elle résulte de l’apport d’exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux personnes liées par un pacte civil de solidarité qui en deviennent les seuls associés exploitants ;
2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles ayant pour conséquence :
a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil mentionné au 1° ou de ramener la superficie d’une exploitation en deçà de ce seuil ;
b) De priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s’il est reconstruit ou remplacé ;
3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole :
a) Dont l’un des membres ayant la qualité d’exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ;
b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d’exploitant ;
c) Lorsque l’exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l’exception des exploitants engagés dans un dispositif d’installation progressive, au sens de l’article L.330-2 ;
II
4° Lorsque le schéma directeur régional des exploitations agricoles le prévoit, les agrandissements ou réunions d’exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l’exploitation du demandeur est supérieure à un maximum qu’il fixe ;
5° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d’un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
— Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies :
1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I ;
2° Les biens sont libres de location ;
3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins ;
4° Les biens sont destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n’excède pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l’article L. 312-1
III
Pour l’application du présent II, les parts d’une société constituée entre les membres d’une même famille sont assimilées aux biens qu’elles représentent.
En l’espèce, le GAEC [O] constitué entre [A] [O] et [T] [O] bénéficie d’une autorisation d’exploiter suivant décision du Préfet du Pas de Calais en date du 26 avril 2006 dûment produite aux débats.
[X] [O] soutient que du fait du départ en retraite de [A] [O], le GAEC va se transformer en EARL, laquelle ne dispose pas de l’autorisation requise, s’agissant d’un changement de forme sociétaire.
Or, la transformation d’un GAEC en EARL, exploitant les mêmes surfaces, ne constitue ni un agrandissement au sens du texte précité, ni la création d’une nouvelle personne morale, l’EARL reprenant les parts sociales et le bilan du GAEC, et les baux se poursuivant. Dès lors, il n’est nul besoin, contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, d’obtenir une nouvelle autorisation administrative d’exploiter pour bénéficier de celle de l’ancienne structure.
Le transfert du bail doit enfin être autorisé si le cessionnaire présente « les garanties voulues pour assurer la bonne exploitation du fonds ». Il appartient aux juridictions saisies de vérifier l’aptitude, la volonté d’exploiter et la solvabilité du descendant choisi pour gérer le domaine. Les cessionnaires doivent ainsi posséder les moyens nécessaires à l’exploitation, ou à défaut les moyens de les acquérir (Cass. 3e civ., 6 juill. 2022, n° 21-15.779).
[T] [O] justifie parfaitement pour une bonne exploitation des conditions de diplôme nécessaires (baccalauréat professionnel en conduite et gestion d’exploitation agricole), d’une expérience professionnelle agricole en tant que membre du GAEC, d’un domicile proche des parcelles, et des moyens matériels et financiers pour mettre en valeur les terres concernées, reprenant les moyens matériels dont dispose le GAEC, en tant qu’associé unique, et justifiant de ses capacités financières aux termes de l’état des immobilisations de la société (pièce 12).
Dès lors, la décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a autorisé [A] [O] à céder à son fils [T] [O] ses droits détenus sur le bail relatif aux parcelles reprises au dispositif de la décision.
Sur la validité du congé pour atteinte de l’âge de la retraite :
Le congé pour âge est privé d’effet par la cession du bail rendue opposable au bailleur. La décision de première instance doit être confirmée sur ce point.
Sur les frais irrépétibles :
La décision de première instance sera confirmée en ce qui concerne les frais irrépétibles.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de [A] [O] les frais irrépétibles qu’il a engagés dans le cadre de l’appel au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; il lui sera alloué à ce titre la somme de 2.000 euros.
[X] [O] succombant, sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens :
La décision de première instance sera confirmée en ce qui concerne les dépens.
Le sens du présent arrêt conduit à faire supporter la charge des dépens de l’appel à [X] [O].
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant en cause d’appel,
Condamne [X] [O] aux dépens d’appel ;
Condamne [X] [O] à payer à [A] [O] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Cécile MAMELIN
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