Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 28 septembre 2011, n° 10/03729

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc., 28 sept. 2011, n° 10/03729
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 10/03729
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vienne, 14 juillet 2010, N° F09/00135

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 10/03729

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2011

Appel d’une décision (N° RG F09/00135)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 15 juillet 2010

suivant déclaration d’appel du 16 Août 2010

APPELANT :

Monsieur B C

XXX

XXX

Représenté par Me Brice LACOSTE (avocat au barreau de LYON)

INTIMEE :

La S.A.S. G.D.E. ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Cyril LAURENT (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Septembre 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 28 Septembre 2011.

L’arrêt a été rendu le 28 Septembre 2011.

RG 10/3729 DJ

EXPOSE DU LITIGE

B C a été embauché le 8 novembre 1999 en qualité de chauffeur poids lourd par la Société EUROPÉENNE DES MÉTAUX. Son contrat a été transféré à plusieurs employeurs successifs, et en dernier lieu à la SAS GDE TRANSENVIRONNEMENT (X Y Environnement), désormais dénommée TRANSENVIRONNEMENT, filiale du groupe ECORE.

La société assure le transport et la logistique de la société GDE qui effectue le traitement et la récupération de déchets industriels (métaux ferreux et non ferreux, papier, carton, plastique, batteries, véhicules…) d’aciéries, imprimeries, constructeurs automobiles.

B C a été licencié pour motif économique le 16 février 2009 dans le cadre d’un licenciement collectif de 140 salariés. Il a adhéré au congé de reclassement proposé dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi.

Un réembauchage lui a été proposé le 20 février 2009 au poste de chauffeur à Luçon (85) et le 4 novembre 2009 au poste de chauffeur courte distance à Salaise sur Sanne (38), offres auxquelles il n’a pas répondu.

Le 16 avril 2009, il a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes de Vienne qui, par jugement du 15 juillet 2010, a rejeté toutes ses demandes, y compris un rappel de prime.

B C, à qui le jugement a été notifié le 24 juillet 2010, a interjeté appel le 16 août 2010.

Il sollicite l’infirmation du jugement et la condamnation de son ancien employeur au paiement des sommes de :

—  55.000 euros pour licenciement nul (délégation dans les SAS) et en tout cas sans cause réelle et sérieuse,

— subsidiairement 55.000 euros pour inobservation des critères d’ordre des licenciements,

—  960,40 euros de rappel de prime de non casse (7 mois) outre 96,04 euros de congés payés afférents,

—  2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il relève que la lettre de licenciement a été signée au nom du président avec la seule mention 'pour ordre’ et que rien ne permet d’affirmer que le signataire avait qualité pour mener la procédure de licenciement.

Il estime que les motifs économiques invoqués dans la lettre de licenciement sont d’ordre général ; que les pièces produites par la société (articles de presse sur la situation de VEOLIA) et la référence au résultat d’exploitation négatif à la fin de l’exercice 2008/2009 ne reflètent pas la situation de la société dont le chiffre d’affaires n’a cessé d’augmenter entre 2008 et 2010; que l’employeur ne produit aucun élément comptable relatif à la société GDE ou au groupe ECORE au niveau desquels la sauvegarde de la compétitivité doit s’apprécier. Il prétend que plusieurs chauffeurs de sociétés sous-traitantes ont poursuivi leurs fonctions au sein de l’entreprise.

Il dénonce l’absence de proposition de reclassement individualisée dès lors que la liste de postes disponibles qui lui a été transmise le 7 janvier 2009 était la même pour tous les salariés dont le licenciement était envisagé.

Il soutient que les critères d’ordre de licenciement et leur pondération permettaient à l’employeur de choisir les salariés, dès lors que l’appréciation des critères de qualité professionnelle et de polyvalence pouvant aller jusqu’à 5 points, était subjective. Il invoque le manque de loyauté de l’employeur dans l’application de ces critères. Il fait valoir qu’au regard de son ancienneté (9,5 ans), de son âge (52 ans), de ses charges de famille (trois enfants à charge), de la situation de son épouse en contrat à durée déterminée, et de ses qualités professionnelles correspondant au niveau 'confirmé', il aurait dû obtenir un total de 6,8 points.

Il invoque une discrimination par rapport à des salariés nouvellement embauchés. Il fait observer que la société employait 26 chauffeurs, que 3 ont été licenciés, dont un en arrêt maladie depuis un an et un ayant huit mois d’ancienneté, et que lui-même était le plus ancien.

Il a indique avoir retrouvé un travail en juillet 2009.

La société TRANSENVIRONNEMENT, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner B C à lui payer 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la procédure est régulière, Z A, en charge des ressources humaines de la société, ayant reçu une délégation de pouvoir pour mettre en oeuvre et suivre le plan de sauvegarde de l’emploi et pour mener la procédure de licenciement.

Elle soutient que le motif économique du licenciement est avéré et lié à :

— l’effondrement des marchés des métaux qui a impacté les secteurs de l’automobile et de la construction, ce qui s’est répercuté sur le recyclage industriel et sur la branche transport et logistique,

— la baisse de près de moitié du cours des métaux récupérés.

Elle explique qu’elle a dû se restructurer et adapter ses effectifs à ses besoins et que les représentants du personnel ont émis un avis favorable à la suppression de 140 postes.

Elle affirme avoir respecté ses obligations en matière de critères d’ordre des licenciements.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux écritures déposées et soutenues oralement et sans modification à l’audience.

Sur la nullité du licenciement invoquée par B C:

En application de l’article L.1232-6 du code du travail, pour être valable le licenciement doit procéder de la notification d’une lettre de licenciement émanant de l’employeur ou de son représentant.

Si en vertu de l’article L.227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l’égard des tiers par son président et, pour le cas où ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n’exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d’effectuer des actes déterminés tel que celui d’engager ou de licencier les salariés de l’entreprise.

En l’occurrence les statuts de la SAS TRANSENVIRONNEMENT disposent notamment que la société est représentée, dirigée et administrée par un président investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société ; que ce président peut déléguer à toute personne de son choix certains de ses pouvoirs pour l’exercice de fonctions spécifiques ou l’accomplissement de certains actes.

Par mandat écrit du 24 novembre 2008, le président, F-B H, a donné pouvoir de signature à Z A, adjoint ressources humaines, sur tout document afférant à la procédure de licenciement collectif pour motif économique au sein des sociétés GDE et GDE TRANSENVIRONNEMENT.

Les différents courriers adressés à B C dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi sont signés par Z A. La même signature figure sur la lettre de licenciement notifiée au nom et pour le compte du président.

Dès lors que Z A, adjoint ressources humaines, avait juridiquement le pouvoir de procéder au licenciement litigieux, le moyen de nullité n’est pas fondé.

Sur le motif économique :

En application de l’article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Par courrier en date du 16 février 2009, la SAS TRANSENVIRONNEMENT a notifié à B C son licenciement pour le motif économique suivant :

— suppression de 110 postes sur l’ensemble des qualifications professionnelles, dans le cadre de la restructuration nécessaire pour prévenir des menaces sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel l’entreprise appartient, et la pérennité de l’entreprise,

— sureffectif du service auquel B C appartient, au regard des besoins de fonctionnement de l’entreprise,

— impossibilité de reclassement.

La lettre de licenciement vise le contexte économique et plus précisément :

— l’effondrement des marchés au niveau mondial et l’infléchissement, depuis l’été 2008, des achats sur les métaux ferreux et non ferreux,

— l’impact direct de cette situation sur les carnets de commande industriels, particulièrement dans les secteurs de l’automobile et de la construction,

— les répercussions de cette chute d’activité sur le recyclage industriel.

Elle fait état d’une diminution de l’ordre de 45 % du volume de tonnes vendues entre novembre 2007 et novembre 2008 et d’une baisse de plus de 45 % au niveau des achats sur les deux domaines majeurs de l’entreprise (métaux ferreux et non ferreux).

La société fait référence à l’évolution économique des entreprises qui interviennent dans le même secteur d’activités : la société VEOLIA ENVIRONNEMENT dont l’analyse des résultats semestriels au 30 juin 2009 montre une baisse d’activités dans le secteur Propreté, la société DERICHEBOURG spécialisée dans le recyclage des ferrailles et des métaux non ferreux dont le chiffre d’affaires a chuté.

La situation de l’entreprise et les dispositions mises en place ont été exposées au comité d’entreprise extraordinaire du 24 novembre 2008 qui a émis un avis favorable sur le projet de PSE.

La société justifie, au titre de l’année 2008/2009, de la baisse de son résultat d’exploitation qui passe de 16.928 euros – 285.724 euros, et d’une perte de 332.903 euros à la fin de l’exercice.

La réalité des difficultés économiques est donc établie.

En application de l’article L 1233-4 du code du travail, le licenciement ne peut intervenir pour motif économique que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés pour permettre le reclassement de l’intéressé et que ce reclassement dans l’entreprise, ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient, s’avère impossible. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.

Dans la lettre de licenciement l’employeur indique avoir mené des recherches sur tous les sites de la société GDE et les entités du groupe ECORE et avoir transmis à B C, par courriers du 7 janvier et du 21 janvier 2009, 'l’état de (ses) analyses’ mais que celui-ci n’a postulé à aucune de ces offres.

B C produit la première page de la lettre du 7 janvier 2009 par laquelle la société lui propose en interne quatre types de postes disponibles : deux postes d’opérateurs centre de tri à Rocquancourt (14), quatre postes d’opérateurs de tri (nouveau broyeur) à Limay zone portuaire (78), un opérateur maintenance (nouveau broyeur) et un opérateur maintenance engins à Limay.

La proposition de reclassement du 21 janvier 2009 n’est pas produite.

L’employeur ne démontre pas, par ces seuls éléments, avoir effectué des recherches sérieuses de reclassement alors même que dès après la notification du licenciement, le 20 février 2009, puis le 4 mai et le 20 mai 2009 il a, dans le cadre du congé de reclassement, proposé à B C des postes de chauffeur à Luçon (85), à Cesson-Sévigné (35), à Corbas (69).

Ainsi en lui proposant, au titre du reclassement destiné à éviter le licenciement, des postes d’opérateurs sur des sites éloignés, sans offre de formation ou d’adaptation, l’employeur n’a pas loyalement rempli son obligation.

Au surplus, il s’avère que les critiques formulées par B C sur l’application des critères d’ordre de licenciement, plus précisément sur l’appréciation des qualités professionnelles, sont fondées.

Pour la détermination de ce critère, tel que cela ressort du procès-verbal du comité d’entreprise du 24 novembre 2008, il est tenu compte de quatre niveaux de compétence : aucune aptitude (0 point), initié au poste (1 point), maîtrise du poste (2 points) et confirmé (3 points), la différence entre les deux derniers niveaux résidant 'dans la faculté pour son titulaire d’être formateur au poste'. Il est par ailleurs prévu l’attribution de 2 points de polyvalence.

A l’examen de la grille de points attribués aux 19 chauffeurs du site de Salaise sur Sanne, il apparaît que B C est le salarié qui a obtenu le plus de points (3,6 points) au titre des critères objectifs (charges de famille, ancienneté et âge) et un point au titre des qualités professionnelles.

Il estime qu’au regard de son ancienneté et des témoignages des personnes qui ont travaillé avec lui, il aurait dû se voir attribuer, sur ce dernier critère, trois points correspondant au niveau 'confirmé'. Il fait justement remarquer que l’employeur n’a pas répondu à ses demandes d’explications.

Dans ses écritures la société se borne à affirmer qu’elle a justement apprécié les différents critères mais ne fournit pas les éléments objectifs de comparaison qui ont présidé à la mise en oeuvre des critères retenus de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier la pertinence de l’appréciation portée au regard des notions de compétence et de polyvalence.

Le licenciement se trouve, en raison de l’irrespect par l’employeur de l’obligation de reclassement, dénué de cause réelle et sérieuse.

Le préjudice subi du fait de la rupture sera réparé par le versement de la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts tenant compte de l’ancienneté du salarié ( 9 ans), du montant de sa rémunération (2.419 euros), de son âge au moment du licenciement (52 ans) et du fait qu’il a retrouvé un emploi, moins bien rémunéré, en juillet 2009.

Sur la prime de non casse :

Le contrat de travail initial conclu avec l’Européenne des Métaux prévoyait l’attribution d’une prime forfaitaire mensuelle de 700 francs pour 'respect des consignes d’entretien du matériel, application des consignes de sécurité et non absentéisme'.

Toutefois par avenant du 2 mai 2000, il a été convenu qu’à compter du 1er mai 2000 les primes seraient intégrées au salaire.

Comme l’a justement relevé le Conseil de Prud’hommes aucun document contractuel relatif au versement de cette prime n’est fourni et la demande n’est pas fondée.

L’équité commande d’allouer à B C la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement régulier et a rejeté la demande en paiement de rappel de prime,

l’infirmant pour le surplus,

— Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— Condamne la SAS TRANSENVIRONNEMENT à payer à B C 24.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— Condamne la SAS TRANSENVIRONNEMENT à payer à B C la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— Condamne la SAS TRANSENVIRONNEMENT aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Mademoiselle ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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