Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 17 octobre 2017, n° 15/00655

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Chronologie de l’affaire

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EFL Actualités · 7 novembre 2017
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 17 oct. 2017, n° 15/00655
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 15/00655
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Gap, 4 janvier 2015, N° 14/00127
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G. N° 15/00655

D.J

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELAS AGIS

Me Ronald LOCATELLI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 17 OCTOBRE 2017

Appel d’un Jugement (N° R.G. 14/00127)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP

en date du 05 janvier 2015

suivant déclaration d’appel du 17 Février 2015

APPELANT :

L a D I R E C T I O N G E N E R A L E D E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S D I R E C T I O N DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES, agissant sous l’autorité du Directeur Général des Finances Publiques au Ministère des Finances et des Comptes Publics rue de […]

élisant domicile en ses bureaux au

Pôle de Gestion Fiscale – […]

[…]

[…]

Représenté par Me Alexine GRIFFAULT de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE

INTIME :

Monsieur Z A

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Ronald LOCATELLI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me LE GALLO, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique X, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Delphine CHARROIN, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Septembre 2017, Madame X a été entendue en son rapport, en présence de Monsieur B C, élève avocat.

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique des 23 et 26 septembre 2009, D Y et E Y alors âgées respectivement de 92 et 87 ans, ont vendu à Z A une maison d’habitation et une parcelle de terre situées à la Saulce (Hautes-Alpes) au prix de 77.000 euros.

Le prix était payable pour partie au comptant, à concurrence de 10.000 euros, et le solde en six annuités du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2015.

Agissant dans le cadre de l’article 10 du livre des procédures fiscales, l’administration des finances publiques a adressé le 3 avril 2012 à Z A une demande de justification du paiement du prix.

Par courrier du 30 avril 2012, celui-ci a répondu qu’il avait omis de régler les annuités échues et d’inscrire la somme de 67.000 euros dans ses déclarations au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2010 et 2011.

Le 22 juin 2012, Z A a procédé au paiement de la somme de 33.510 euros au titre des trois annuités échues de 2010 à 2012.

Puis le 28 décembre 2012, il a réglé, par anticipation, le solde de 33.490 euros.

L’administration fiscale estimant qu’il s’agissait d’une donation déguisée et procédant en outre à une réévaluation des immeubles à hauteur de 97.500 euros, a mis en recouvrement, le 10 juin 2013, la somme de 54.581 euros au titre du reliquat des droits de mutation et celle de 51.525 euros à titre de pénalités.

Après le rejet de sa réclamation contentieuse, Z A a assigné le directeur départemental des finances publiques des Hautes-Alpes, par acte du 31 janvier 2014, devant le tribunal de grande instance de Gap en dégrèvement des impositions et pénalités.

Par jugement du 5 janvier 2015, le tribunal a :

- prononcé le dégrèvement total des impôts et pénalités réclamés par l’Etat à Z A, représentant la somme de 106.106 euros,

- condamné l’Etat à rembourser à Z A les frais de signification exposés dans le cadre de la procédure,

- dit n’y avoir lieu de faire application des articles 699 et 700 du code de procédure civile.

Le directeur départemental des finances publiques des Hautes-Alpes a relevé appel de cette décision le 17 février 2015.

Dans ses dernières conclusions du 5 novembre 2015, il demande à la cour, au visa de l’article 64 du livre des procédures fiscales, d’infirmer le jugement, de dire fondée la décision de rejet du 9 décembre 2013, de débouter Z A de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il invoque un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes permettant de requalifier l’acte de vente en donation déguisée :

— le non paiement des sommes convenues aux dates prévues et l’absence de mise en oeuvre de la garantie prévue à l’acte,

— le comportement adopté par Z A à réception de la demande de justificatifs de paiement,

— l’âge avancé, au moment de la cession, des venderesses,

— l’absence de nécessité économique de procéder à la vente, les venderesses ayant accepté de ne percevoir que 10.000 euros et de consentir un échelonnement sur six années,

— les liens d’affection unissant les venderesses à Z A.

Il relève à cet égard l’absence de descendance en ligne directe des trois soeurs Y et le fait que Z A a bénéficié, sur plusieurs années, de plusieurs mutations à titre gratuit et à titre onéreux de leur part, ainsi que de contrats d’assurance vie suite au décès de F-G Y survenu le 1er janvier 2007.

Il ajoute que Z A avait procuration sur les comptes des deux venderesses depuis 2008.

Il observe que E Y, partie à l’acte de vente, est décédée neuf mois plus tard et avait institué Z A légataire universel.

Il rappelle que les biens transmis sont évalués au jour du fait générateur de l’impôt, en l’occurrence les 23 et 26 septembre 2009, et que les événements postérieurs n’ont pas à être pris en considération.

Il relève que l’attestation immobilière dressée le 12 juillet 2007 à la suite du décès de F-G Y évalue l’ensemble immobilier objet de la vente à 97.500 euros (90.000 euros pour la maison et 7.500 euros pour le terrain).

Enfin il indique que c’est à la suite de l’intervention du service, en avril 2012, que Z A s’est acquitté des sommes dues et que la procédure d’abus de droit est justifiée.

Dans ses dernières conclusions du 3 décembre 2015, Z A demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnité de procédure, et de condamner l’administration fiscale à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il fait valoir que l’administration fiscale ne rapporte pas la preuve de l’intention libérale au moment de la vente, alors même que les venderesses ont sollicité des garanties pour le recouvrement du solde du prix et que la vente avait pour objet de leur permettre de faire face à l’insuffisance de leurs retraites en vue du coût de leur futur hébergement en maison de retraite.

Il soutient qu’il n’y a pas de donation déguisée dès lors que la totalité du prix a été payé avant le terme de l’échéancier.

Il conteste l’évaluation de la maison à 90.000 euros. Il indique qu’elle a été estimée par un expert immobilier, le 4 janvier 2013, à 70.000 euros et qu’il l’a revendue le 27 mars 2014 au prix de 72.000 euros.

Il soutient que la procédure d’abus de droit n’est pas applicable en l’absence de démonstration d’une donation déguisée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Selon l’article 64 du livre des procédures fiscales, l’administration, afin d’en restituer le véritable caractère, est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

En l’occurrence, et contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, l’administration fiscale démontre, par un faisceau d’indices, l’intention libérale des venderesses et la contrepartie avantageuse pour l’acquéreur.

En effet, si l’acte a certes été passé devant notaire sous la forme d’une vente, il s’avère que:

— le prix n’a été stipulé payable comptant que pour une partie dérisoire (10.000 euros sur 77.000 euros),

— le solde du prix a été échelonné sur une durée particulièrement longue (six années) au regard de l’âge avancé des venderesses (92 et 87 ans),

— la garantie prévue pour le cas du non paiement des annuités n’a pas été mise en oeuvre alors qu’aucune des trois annuités échues n’avait été honorée, ce qui démontre que, contrairement à ce que soutient Z A, les venderesses n’avaient pas besoin de liquidités.

Il est en outre établi que les venderesses, sans descendance en ligne directe, étaient proches de Z A, en ce que :

— elles lui avaient donné procuration sur leurs comptes en 2008,

— au cours des années précédant l’acte litigieux, et comme cela figure dans la proposition de rectification du 20 novembre 2012 et n’est pas contesté, elles lui avaient vendu un terrain à bâtir, lui avaient donné la nue-propriété de 10 hectares de terre et l’avaient gratifié au titre de différents contrats d’assurance vie.

A ces éléments, s’ajoute la sous-évaluation du bien au regard de l’estimation faite un peu plus de deux auparavant à 97.500 euros, comme cela ressort de l’attestation immobilière dressée le 12 juillet 2007 par le notaire chargé de la succession de l’une des trois propriétaires.

La diminution de 20 % de la valeur de ce bien ne résulte d’aucune pièce du dossier.

En effet l’avis qu’aurait émis un agent immobilier en janvier 2013 n’est pas versé aux débats. Par ailleurs le prix de revente du bien, en mars 2014, ne reflète pas la situation du marché au jour de la vente en 2009.

Selon l’article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt (…) entraînent l’application d’une majoration de (…) 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (…).

Z A conteste l’application de la procédure d’abus de droit en soutenant que la seule qualification qui aurait pu être envisagée par l’administration fiscale serait celle de donation indirecte, relevant du droit commun.

Or comme cela ressort de ce qui précède, l’abus de droit est constitué et Z A en a été le principal bénéficiaire.

La décision de rejet du 9 décembre 2013 du directeur départemental des finances publiques des Hautes-Alpes est fondée et le jugement doit donc être infirmé.

Il n’est pas inéquitable de laisser à l’Etat la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Infirme le jugement déféré,

statuant à nouveau,

— Déboute Z A de sa demande,

— Déclare fondée la décision de rejet du 9 décembre 2013 du directeur départemental des finances publiques des Hautes-Alpes,

y ajoutant,

— Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne Z A aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame CHARROIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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