Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 27 avril 2021, n° 19/01257

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 27 avr. 2021, n° 19/01257
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 19/01257
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Valence, 11 février 2019, N° 18/03033
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/01257 – N° Portalis DBVM-V-B7D-J53C

VL

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL RETEX AVOCATS

Me Gaëlle AUGER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 27 AVRIL 2021

Appel d’un jugement (N° R.G. 18/03033)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 12 février 2019

suivant déclaration d’appel du 18 Mars 2019

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ NATIONALE 7 immatriculée au RCS de ROMANS sous le numéro 537 759 672, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Céline CASSEGRAIN de la SELARL RETEX AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

LA SOCIÉTÉ LA VAUCLUSIENNE immatriculée au RCS de MULHOUSE sous le numéro 433 209 343, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Gaëlle AUGER, avocat au barreau de VALENCE postulant, et plaidant par Me

Jonathan AZOGUI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Mars 2021, Madame LAMOINE, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La SCI LA VAUCLUSIENNE est propriétaire, à Portes-les-Valence (26) dans une zone artisanale, de parcelles cadastrées […], 4 et 5 supportant des bâtiments à usage commercial situées le […].

La SARL « Nationale 7 » est propriétaire de parcelles voisines, dont la parcelle […] à la parcelle […].

Courant 2002, la commune de Portes-les-Valence a entrepris des travaux consistant en l’aménagement d’un giratoire avec voirie sur la parcelle cadastrée AE n° 7 lui appartenant, ainsi que d’une piste cyclable le long de l'[…].

La SCI LA VAUCLUSIENNE, dont les bâtiments étaient loués à la société FLY qui a depuis lors résilié son bail, avait conclu le 28 juillet 2017 avec la société LIDL une promesse synallagmatique de vente de la parcelle AE […] sous condition suspensive de l’obtention d’un droit de passage pour la circulation des piétons et de tous véhicules sur la parcelle n° 21. Mais cette condition n’a pas pu être levée en raison du refus de la SARL « Nationale 7 » de consentir ce droit de passage.

Par sommation du 25 janvier 2018, la SARL « Nationale 7 » a fait interdiction à la SCI LA VAUCLUSIENNE et l’ensemble de ses ayants droit d’utiliser ou revendiquer un quelconque droit de passage sur sa parcelle n° 21.

Après y avoir été autorisée, la SCI LA VAUCLUSIENNE a, par acte du 4 octobre 2018, assigné à jour fixe la SARL « Nationale 7 » devant le tribunal de grande instance de Valence pour voir constater l’état d’enclave de ses parcelles cadastrées […], 4 et 5, et voir dire qu’elle bénéficie d’un droit de passage sur la parcelle n° 21 selon le tracé de la desserte matériellement existante à ce jour au départ de la voie communale et traversant la parcelle cadastrée section AE n° 21. A titre subsidiaire, elle a sollicité l’instauration d’une mesure d’expertise pour déterminer le trajet le plus court et le moins dommageable.

La SARL « Nationale 7 » a contesté l’état d’enclave, et subsidiairement demandé que la mission d’expertise porte aussi sur la vérification de cet état d’enclave.

Par jugement du 12 février 2019, le tribunal a :

• constaté l’état d’enclave des parcelles cadastrées section […], 4 et 5,

• dit que la SCI LA VAUCLUSIENNE dispose d’un droit de passage sur la parcelle n° 21 en surface pour la circulation des piétons et de tous véhicules légers et lourds compris des véhicules de livraison et pompiers,

• fixé l’assiette du droit de passage en faveur des parcelles cadastrées section […], 4 et 5 selon le tracé de la desserte matériellement existante à ce jour au droit de la voie communale, d’une largeur équivalente à cette voie et traversant la parcelle cadastrée section AE n° 21 selon le plan cadastral annexé au jugement,

• condamné la SCI LA VAUCLUSIENNE à payer à la SARL « Nationale 7 » une indemnité symbolique de un euro,

• condamné la SARL « Nationale 7 » à payer à la SCI LA VAUCLUSIENNE une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• ordonné l’exécution provisoire,

• condamné la SARL « Nationale 7 » aux dépens,

• ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière compétent aux frais de la SCI LA VAUCLUSIENNE.

Par déclaration au Greffe en date du 18 mars 2019, la SARL « Nationale 7 » a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2020, elle demande l’infirmation du jugement déféré, et, au principal, le débouté de la SCI LA VAUCLUSIENNE de toutes ses demandes.

À titre subsidiaire, elle demande que l’indemnité à lui revenir soit fixée à 200'000 €, et qu’il soit dit que la SCI LA VAUCLUSIENNE ne pourra bénéficier du passage litigieux qu’après avoir payé cette somme.

En tout état de cause, elle demande condamnation de la SCI LA VAUCLUSIENNE à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

• que les parcelles n° 3, 4 et 5 ne sont pas enclavées, que la SCI LA VAUCLUSIENNE ne démontre aucun obstacle matériel ou juridique à ce qu’un accès soit directement créé sur la voie publique constituée par l'[…], le PLU applicable à la zone ne l’interdisant nullement,

• qu’il est faux de prétendre que la piste cyclable empêcherait l’accès, que ce point n’est nullement démontré, que d’ailleurs les clients des magasins situés sur les parcelles 3, 4 et 5 continuent de sortir du parking commun par un accès direct depuis la parcelle n° 4 sur l'[…], et que de nombreuses autres enseignes situées du même côté de l’avenue, donc concernées aussi par la piste cyclable, accèdent néanmoins directement par l’avenue,

• qu’en réalité il ressort des pièces produites que la demande de passage relève d’un simple souhait de commodité d’un potentiel acquéreur de la parcelle […] et que, dans ce cas, les règles relatives à la desserte d’une parcelle après division d’un bien devraient être appliquées,

• que si l’aménagement de la piste cyclable avait causé un obstacle de fait, il incombait au propriétaire des parcelles concernées d’obtenir du gestionnaire public à l’origine des travaux le rétablissement d’un accès suffisant,

• que la SCI LA VAUCLUSIENNE ne justifie pas avoir pris le soin de former une quelconque demande auprès de la commune, ni a fortiori s’être heurtée à un refus,

• que l’octroi d’un droit de passage va forcément lui causer grief en l’empêchant de se clore, étant souligné qu’elle a déjà dû faire face à des occupants sans droit ni titre (gens du voyage),

• qu’à titre subsidiaire, elle a droit à une juste indemnisation, le droit de passage l’empêchant de se clore et générant nécessairement un flux de véhicules importants que ce soit par les clients de l’enseigne ou par les véhicules de livraison,

• que l’opération d’aménagement menée par elle en sera d’autant impactée et les accès devront être modifiés.

La SCI LA VAUCLUSIENNE, par uniques conclusions notifiées le 10 juillet 2019, demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation de la SARL « Nationale 7 » à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

• que sa parcelle […] ne dispose d’aucun accès à la voie publique, étant bordé à l’Est non pas par la D7 mais par une parcelle n° 1 appartenant à la commune sur laquelle est aménagée la piste cyclable et bordée d’un muret,

• que, si les travaux routiers ont permis l’aménagement d’un giratoire et de voies sur la parcelle n° 7 appartenant à la commune, celles-ci débouchent non sur son fonds mais sur la parcelle n° 21 appartenant à la SARL « Nationale 7 »,

• que de fait, depuis 2002, ce sont des dizaines de piétons et de véhicules qui empruntent tous les jours cet accès pour se rendre au magasin FLY,

• que c’est sur la sommation délivrée en janvier 2018 et face à l’intransigeance de la SARL « Nationale 7 », que l’urgence s’est manifestée d’obtenir le désenclavement officiel de sa parcelle,

• qu’il est exact que la parcelle n° 4 dispose d’un accès sortant sur la RD 7 mais qu’elle n’a pour vocation que de permettre la sortie des véhicules et elle coupe la parcelle n° 1,

• qu’au regard de la configuration des lieux, il apparaît que la création à cet emplacement d’une entrée emporterait le risque certain d’augmenter considérablement le flux des véhicules et viendrait aggraver le caractère déjà dangereux de cette desserte,

• qu’elle avait contacté la mairie qui lui avait bien évidemment fait part de ces impossibilités techniques compte-tenu du flux de véhicules très important sur la route nationale,

• que la servitude ne créerait aucun préjudice, puisque la voirie existe déjà et est déjà empruntée, que celle-ci n’empêcherait pas la SARL 'Nationale 7" de se clore.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 2 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

L’état d’enclave ouvrant droit à un passage suffisant sur les fonds voisins, au sens de l’article 682 du code civil, suppose l’absence d’issue sur la voie publique, ou encore une issue insuffisante soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement.

En l’espèce, la SCI LA VAUCLUSIENNE réclame l’instauration d’un droit de passage pour ses parcelles cadastrées n° 3, 4 et 5 en les prétendant enclavées, en expliquant que c’est la création du giratoire sur la parcelle cadastrée AE n° 7 propriété de la commune ainsi que de la piste cyclable qui a entraîné cet état d’enclave ; or elle n’explique pas, ni a fortiori ne justifie, comment l’accès à ses parcelles se faisait avant la création de ces aménagements.

Sur l’état d’enclave invoqué au regard de la situation actuelle des parcelles n° 3, 4 et 5, il ressort des pièces produites que ces parcelles sont toutes trois bordées par l'[…]. Si, sur les plans cadastraux, figure le long de cette avenue une parcelle cadastrée n° 1 correspondant à la piste cyclable aménagée en 2002, il n’est pas établi que cette parcelle, dont la SCI demanderesse attribue la propriété tantôt à la commune (page 16 de ses conclusions) tantôt ' à la Mairie ou au Département' (page 13 des mêmes conclusions) sans pour autant en justifier, ne soit pas intégrée au domaine public et ne constitue pas une voie publique alors-même qu’elle supporte une piste cyclable ouverte à la circulation publique.

En outre, il ressort des photographies produites que la parcelle n° 4 dispose d’ores et déjà d’un accès à l’avenue traversant la piste cyclable, matérialisée par une ouverture de plusieurs mètres dans la haie séparant cette parcelle de la piste cyclable ainsi qu’une interruption du muret séparant la piste cyclable des voies réservées au véhicule sur l’avenue.

En outre, il ressort des photographies produites qu’aucune séparation ne matérialise entre elles les parcelles n° 3, 4 et 5 qui supportent plusieurs bâtiments commerciaux et un parking aménagé en continu et que, dès lors, les parcelles n° 3 et 5 peuvent sans obstacle ni aménagement particulier bénéficier matériellement de l’accès existant sur la parcelle n° 4.

Si cet accès est équipé d’un panneau 'sens interdit' depuis l’avenue de sorte qu’il ne soit utilisable que pour la sortie des véhicules et non pour leur entrée, il n’est pas justifié que cette situation résulte d’une interdiction de la commune de faire accéder les véhicules entrant par ce passage plutôt que d’une simple décision de la propriétaire des terrains.

Il existe donc, s’il s’avérait que la parcelle n° 1 relève du domaine privé de la commune, à tout le moins une tolérance permettant l’accès par cette parcelle, pour laquelle il n’est justifié d’aucune restriction particulière ni opposition de sa propriétaire.

Si la SCI LA VAUCLUSIENNE affirme qu’elle a contacté la mairie qui lui a fait part de l’impossibilité technique d’aménager une entrée à cet emplacement au risque d’augmenter le flux des véhicules en aggravant le caractère dangereux de cette desserte, elle n’en rapporte pas la preuve puisque aucun document administratif attestant de ce refus ou d’une impossibilité technique n’est produit aux débats ; or l’impossibilité alléguée n’est pas manifeste au seul vu de la situation des lieux et des pièces produites, la SARL « Nationale 7 » soulignant justement, en l’illustrant par des photographies, que d’autres enseignes situées du même côté de l’avenue bénéficient d’un accès direct sur celle-ci traversant la piste cyclable.

Dès lors, l’état d’enclave des parcelles n° 3, 4 et 5 n’est pas établi, et il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de débouter la SCI LA VAUCLUSIENNE de toutes ses demandes.

Sur les demandes accessoires

La SCI LA VAUCLUSIENNE, succombant en ses demandes, devra supporter les dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile et il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

Il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL « Nationale 7 ».

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant à nouveau :

Déboute la SCI LA VAUCLUSIENNE de toutes ses demandes.

Condamne la SCI LA VAUCLUSIENNE à payer à la SARL « Nationale 7 » la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne la SCI LA VAUCLUSIENNE aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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