Infirmation 1 juillet 2021
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Sur la décision
| Référence : | CA Grenoble, ch. com., 1er juil. 2021, n° 19/04313 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Grenoble |
| Numéro(s) : | 19/04313 |
| Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Grenoble, 25 septembre 2019, N° 16/03917 |
| Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
| Président : | Patricia GONZALEZ, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Cabinet(s) : | |
| Parties : | SA KPMG |
Texte intégral
N° RG 19/04313 – N° Portalis DBVM-V-B7D-KGUN
PG
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL JURISTIA – AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 01 JUILLET 2021
Appel d’un jugement (N° RG 16/03917)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 26 septembre 2019
suivant déclaration d’appel du 23 Octobre 2019
APPELANTE :
Mme A X
née le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Marion HENNEQUIN, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 5.497.100 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°775 726 417, prise en son établissement sis […], à […], représentée par son représentant légal en exercice demeurant es qualité audit siège
[…]
[…]
représentée par Me Jean Damien MERMILLOD-BLONDIN de la SELARL JURISTIA – AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me CATHOU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 juin 2021, Mme GONZALEZ, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSE DU LITIGE
Mme A X est la gérante de la Sarl Federhis Intérim qui a confié à la société KPMG, cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, une mission de présentation de ses comptes annuels à compter du mois de mars 2008.
En 2011, elle a souhaité racheter la participation détenue par son conjoint au capital de la société pour réunir entre ses mains l’intégralité de ce capital et elle a confié à la société KPMG une mission complémentaire portant sur l’intégralité des formalités de rachat des parts détenues par son mari dans la société.
Par courrier du 10 mai 2012, la société Federhis intérim a résilié la mission de la société KPMG à effet du mois d’octobre 2011.
Mme X s’est ensuite vue infliger un redressement fiscal et elle a reproché à la société KPMG d’avoir commis des manquements graves engageant sa responsabilité, soit la non transmission à l’administration fiscale d’une lettre manifestant l’option de Federhis Intérim à l’impôt sur les sociétés plutôt qu’à l’impôt sur le revenu, ce qui lui a causé un préjudice personnel.
En l’absence de règlement amiable du litige, elle a par acte introductif d’instance du 12 juillet 2016 fait assigner la société KPMG devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins d’indemnisation de ses préjudices.
La société KPMG s’est opposée à ces prétentions.
Par jugement du 26 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Grenoble a :
— débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes,
— condamné Mme X à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Mme X a formé appel de cette décision par déclaration d’appel du 23 octobre 2019.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2021.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 janvier 2020, Mme X demande à la cour de :
Vu les articles 1147 et 1382 anciens du code civil, 11 et 19 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable,
— infirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé,
— en conséquence, statuant à nouveau,
— débouter la société KPMG de toutes ses demandes,
— la condamner à réparer les conséquences de ses fautes soit des manquements à ses obligations contractuelles en ce qu’elle n’a pas procédé à l’envoi de la lettre d’option à l’impôt sur les sociétés auprès du Trésor public, ce qui pourtant entrait expressément dans le périmètre de sa mission d’accompagnement de la cession des titres, et des manquements à ses obligations de devoir et de conseil en ce qu’elle n’a pas veillé à ce que la concluante effectue cette diligence et à tout le moins ne l’a pas alertée de ce que cette tâche lui incombait tant pour les exercices 2011 que 2012,
— en conséquence,
— condamner la société KPMG à lui payer :
— la somme de 4.219,80 euros correspondant aux factures d’intervention de Maître Y au cours de la procédure de redressement fiscal,
— la somme de 1.062,42 euros correspondant au temps passé par elle sur cette même procédure aux dépens de ses activités professionnelles ainsi que le coût de ses déplacements,
— la somme de 17.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral représentant la moitié du préjudice matériel,
— la somme de 10.000 euros au titre de la réticence fautive et du comportement empreint de mauvaise foi de la société KPMG,
— en tout état de cause, condamner la société KPMG à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
— c’est la société KPMG qui lui a conseillé au départ la création d’une Sarl puis, lors du rachat des
parts, elle lui a notamment répondu qu’au titre des formalités, il y avait une lettre concernant l’option à l’impôt sur les sociétés, la Sarl à associé unique étant de droit soumise à l’impôt sur le revenu,
— la lettre de mission correspondait aux actes et diligences annoncés et en particulier prévoyait la lettre concernant l’option à l’impôt sur le revenu, et cette option étant considérée comme un acquis, à aucun moment il ne lui a été proposé de procéder seule à l’établissement du courrier d’option, dont elle n’avait aucune information sur les termes à employer et les formes à utiliser, ; ces formalités étaient connues de KPMG et il lui incombait de les mettre en oeuvre, ce qui ressort de son mail du 4 février 2011 mais n’a pas été fait,
— elle s’en est rendue compte abruptement lors d’une procédure de vérification, conséquence du défaut de réception dudit courrier, de sorte que l’administration a considéré que les rémunérations de la concluante en 2011 et 2012 devaient être re-qualifiées en revenus imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux, d’où un avis de rehaussement de 172.125 euros recouvrable sur son patrimoine personnel,
— elle a immédiatement fait appel à KPMG pour l’assister dans le suivi de la procédure de vérification mais cette dernière ne lui a proposé aucune assistance juridique, elle a fait appel à un conseil qui est parvenu à instaurer un dialogue constructif avec l’administration pour une transaction, et plusieurs déplacements ont été nécessaires ; l’administration a finalement consenti à l’abandon total du recouvrement, et KPMG s’attribue à tort les honneurs de cette décision, ayant seulement participé à une réunion sur l’insistance de son avocat alors que le contenu de l’acte de cession de parts était déjà bien connu de l’administration fiscale,
— elle a subi un préjudice direct et actuel des manquements contractuels adverse et indemnisable, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation,
— en s’abstenant d’effectuer la formalisation obligatoire de l’option à l’IS, la société KPMG s’est rendue coupable de négligence et à tout le moins d’une imprudence fautive à son égard, les conséquences directes de l’absence d’option étant sur l’imposition et le patrimoine de la concluante étant parfaitement connues de KPMG et si elle est un tiers à la lettre de mission, elle est particulièrement intéressée à la bonne exécution du contrat,
— il n’importe pas que la société ne soit pas partie à l’instance puisque les fautes contractuelles ont directement menacé le patrimoine personnel de la concluante et cela ne signifie pas l’absence de manquement,
— KPMG devait accomplir toutes les formalités liées à l’enregistrement au Trésor public, ce qui englobait celles afférentes à la lettre d’option et la signature de l’avenant n’est que la contractualisation du mail du 4 février 2011; le premier juge a à tort considéré qu’aucune précision particulière quant à la lettre de mission n’était produite, l’envoi de la lettre d’option constituait la seule formalité sur le plan fiscal que KPMG avait à réaliser,
— elle n’a jamais reçu l’information de ce qu’elle devait faire en qualité de gérante, aucun courrier de KPMG ne fait référence à une telle obligation, elle avait une obligation de faire au titre de cette mission spécifique et ne elle ne peut se retrancher derrière la fin de sa mission,
— l’expert comptable a également une obligation de conseil et doit s’assurer que son client a opté pour la bonne option, l’alerter sur les conséquences juridiques et fiscales de son choix, KPMG devait non seulement la mettre en garde sur la nécessité d’option mais également s’assurer que les modalités de cette option soient accomplies dans les formes et délais des textes,
— le tribunal a méconnu la porté d’un courrier où elle n’exprime pas sa satisfaction mais qu’elle entend engager la responsabilité,
— elle a subi un préjudice pécuniaire et moral direct, découlant de la survenance du contrôle fiscal déclenché sur ce chef, peu important l’issue de ce contrôle, le contrôle n’aurait pas dû avoir lieu, les frais d’assistance à un contrôle fiscal sont source d’un préjudice indemnisable pour leur surcoût découlant des fautes de l’expert comptable, et il ne peut lui être reproché d’avoir fait appel à un conseil, dont l’action a été efficace,
— elle a subi une anxiété particulièrement compréhensible notamment eu égard à sa situation de mère de famille, la résidence de la famille étant en péril, ceci a été lourd pour sa carrière, elle a vendu sa société et redoute de se lancer dans un nouveau projet, alors qu’elle s’épanouissait dans ses fonctions, elle est légitime à demander 10 % du risque de perte financière auquel elle a été exposée,
— KPMG a eu une attitude particulièrement discutable à son égard, persistant à nier son erreur et rejetant ses demandes de réparation, elle a laissé entendre qu’elle était mauvaise gestionnaire.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 avril 2020, la société KPMG demande à la cour de :
Vu les articles 1147 et 1382 du code civil,
— confirmer le jugement querellé en ce qu’il a
— débouté Mme X de l’ensemble de ses prétentions,
— condamné Mme X à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile,
— y ajoutant,
— condamner Mme X à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
— les obligations de l’expert comptable sont définies par la mission qui lui est confiée par son client et aucune responsabilité ne peut être mise à sa charge pour un manquement à une obligation qui ne lui incombait pas ; il n’a qu’une obligation de moyens et le demandeur doit apporter la preuve des négligences ou erreurs,
— le tribunal de grande instance a légitimement retenu que les diligences de la lettre de mission avaient été accomplies, l’acte de cession a été rédigé en tenant compte du régime fiscal à l’impôt sur les sociétés de Federhis, ce qui est mentionné dans l’acte de sorte que l’administration a été contrainte d’abandonner toutes les causes du redressement,
— Mme Z fait valoir à tort que la mention aurait été insuffisante, en se prévalant de pièces relatives à une autre société et sans rapport avec la cause ; à aucun moment la lettre de mission il n’a été fait état de l’envoi du courrier visant à maintenir l’assujettissement de Federhis à l’impôt sur les sociétés ; Mme X, en tant que gérante, avait été avisée par la concluante de la nécessité pour maintenir cet assujettissement d’adresser un courrier d’option à l’administration fiscale, et il lui appartenait d’adresser le courrier à cette administration,
— elle a en conséquence parfaitement rempli son obligation de conseil et de renseignement,
— c’est également vainement compte tenu de la date de résiliation, que Mme X se plaint de ce qu’elle n’aurait pas réparé son omission au cours des déclarations comptables effectuées les années suivantes, il appartenait à son successeur lors de la reprise du dossier, de vérifier le régime fiscal de l’Eurl en constituant son dossier permanent puis dans le cadre du suivi comptable, et il s’est écoulé deux exercices entre la fin de son intervention et le redressement fiscal, et elle ne pouvait savoir que l’option n’avait pas été formée,
— en l’absence de faute contractuelle et alors que la société Federhis n’a formé aucune demande à son encontre, l’action fondée sur l’article 1240 du code civil est vouée à l’échec et Mme X n’a pas subi de préjudice puisque le redressement fiscal a été totalement abandonné,
— même en cas de faute contractuelle, il n’existe pas de préjudice indemnisable, ni de lien de causalité,
— Mme X ne cesse d’augmenter sa demande au titre d’un préjudice indirect et la somme réclamée lui permettrait de s’enrichir indûment ; le choix d’un avocat fiscaliste constitue un choix de gestion directement lié au contrôle fiscal alors qu’elle avait demandé tardivement à la concluante d’intervenir auprès de l’administration fiscale, ce qui a été fait sans frais ni honoraires, et avec succès après un rendez-vous avec l’administration,
— L’appelante ne justifie pas du règlement des factures de la société Aklea et ses honoraires sont liés à la vérification de comptabilité et n’ont aucun lien avec la faute alléguée, puisqu’un contrôle fiscal fait partie de la vie courante d’une entreprise, et les frais liés à son déroulement ne sont pas un préjudice indemnisable, il en est de même du préjudice pour 'temps passé’ ; il n’y a eu aucun préjudice matériel donc aucun préjudice moral, et il n’est évoqué qu’un simple risque, le stress lié à la situation d’entrepreneur n’est pas indemnisable,
— c’est Mme X qui a eu une attitude particulièrement discutable et non l’expert-comptable, elle fait valoir la cession de ses parts et la cessation de ses fonctions d’entrepreneur individuel alors que la cession de parts est une décision de gestion probablement liée aux difficultés financières de la société, avec des pertes importantes.
* * *
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les fautes contractuelles
En droit, un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle un manquement contractuel du débiteur au contrat dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Mme X agissant dans ce cadre et faisant valoir des préjudices personnels, il est indifférent que la Sarl Federhis Intérim n’ait pas été attraite à la procédure.
La cour rappelle que l’Eurl étant soumise à l’impôt sur le revenu, les sociétés optant pour l’impôt sur les sociétés doivent notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, contre récépissé avant la fin du troisième mois de l’exercice au cours duquel l’entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l’impôt sur les sociétés et l’option rappelée dans les statuts ne suffit pas à la rendre effective.
Il résulte de l’acte de cession, au paragraphe enregistrement que 'le cédant et le cessionnaire déclarent que la présente cession ne remettra pas en cause le régime fiscal de la société, la société devient unipersonnelle, elle reste soumise
à l’IS’ mais, comme vu supra, cette mention est insuffisante à faire bénéficier l’Eurl du régime de l’impôt sur les sociétés, une lettre concernant l’option étant nécessaire.
Les productions révèlent que par courriel du 4 février 2011, la société KPMG avait adressé un message à Mme X indiquant que l’opération prévue pouvait se réaliser sous la forme d’une cession de parts sociales d’un associé minoritaire à un autre associé, que la société restait sous la forme Sarl avec un associé unique et ce courriel précisait que ' cela entraîne la réalisation des actes suivants :
— un acte de cession de parts entre vous et votre mari
— une mise à jour de vos statuts pour au moins la mise à jour de répartition du capital
— des formalités à déposer au greffe du tribunal de commerce entraînant des frais d’environ 19,01 euros
— une lettre concernant l’option à l’IS de la société, la Sarl à associé unique étant de droit à l’IR'.
Il était ensuite ajouté 'nous pouvons réaliser cette opération qui fera l’objet d’une lettre de mission juridique pour des travaux exceptionnels.' Le prix proposé était de 500 euros et il était indiqué 'si vous en êtes d’accord, je vous adresse une lettre de mission'.
Il résulte de ce qui précède que l’option rentrait ainsi dans les actes que KPMF se proposait de réaliser pour le prix annoncé et c’est à tort que l’intimée prétend avoir par ce courrier avisé Mme X qu’il lui appartenait seule d’y procéder, le contraire étant indiqué.
L’avenant définissait quant à lui pour ce même tarif les missions suivantes :
— rédaction de l’acte de cession de parts sociales
— rédaction du procès-verbal d’assemblée
— mise à jour des statuts
— formalités liées à l’enregistrement au trésor public
— dépôt du dossier au greffe, réception certificat de dépôt.
Il n’était pas précisé que contrairement à ce qui était indiqué dans le courriel, l’envoi de la lettre d’option était à la charge de Mme X et cette dernière, au vu du courriel susvisé, de l’évocation de formalités d’enregistrement au Trésor public (sans leur détail) et du prix de la prestation correspondant à la proposition du courriel, ne pouvait que légitimement penser que la lettre d’option était à la charge de l’expert comptable et rien n’attirait son attention sur une modification de la mission de ce dernier.
Or, l’expert comptable est débiteur d’une obligation de conseil et d’information à l’égard de son client et il lui appartenait sans équivoque et a minima de faire connaître à la gérante de la société que l’une des tâches prévues dans le courriel lui incomberait personnellement.
Faute d’y avoir procédé et Mme X, induite en erreur, n’ayant pas levé l’option, d’où un régime
fiscal la soumettant à l’impôt sur le revenu, la société KPMG qui a ainsi manqué à son obligation de conseil et d’information est tenue à l’indemnisation de tout préjudice subi par Mme X découlant de sa faute contractuelle envers son client.
Sur les préjudices de Mme X
Par courrier du 26 février 2015, l’administration fiscale a avisé Mme X de ce que toute poursuite au titre d’un redressement fiscal était abandonnée de sorte qu’elle n’a pas subi de préjudice financier découlant d’un tel redressement, mais ceci ne la prive cependant pas de faire valoir d’autres préjudices qu’elle aurait pu subir du fait du manquement susvisé.
S’agissant des frais matériels, (défense, perte de temps), Mme X a été avisée par courrier de l’administration fiscale du 25 février 2014 de ce que suite à la vérification complète de comptabilité du 4 septembre 2013 au 4 décembre 2013, le contrôle concernait l’ensemble des déclarations fiscales sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, et faute d’avoir opté pour le régime des sociétés de capitaux, l’associée unique de la société Fedhéris était personnellement imposable au titre de l’impôt sur le revenu sur les bénéfices réalisés par la société au cours des exercices clos le 30 septembre 2011 et le 30 septembre 2012, la société ayant à tort considéré être soumise au régime des sociétés de capitaux pour ces exercices.
Mme X, assistée de son conseil était reçue le 2 septembre 2014 par l’inspectrice principale des Finances publiques et prétendait que la demande d’option aurait été demandée par la société.
Par courrier du 10 février 2015, en présence de son conseil, il était tenu compte de circonstances particulières et l’administration fiscale décidait de ne pas maintenir les rehaussements notifiés en matière de bénéfices industriels et commerciaux.
Mme X C alors à KPMG par courrier du 25 avril 2015, de ne pas avoir a minima attiré son attention sur le fait qu’il lui appartenait de déposer l’option. Elle soulignait que l’expert comptable avait continué à déposer des déclarations IS sans se poser de questions et sans s’assurer de ce que l’administration en avait bien reçu un exemplaire. Elle retenait seulement que KPMG était présent lors du dernier rendez-vous parce que son conseil avait insisté sur cette présence.
La société KPMG par courrier du 5 mai 2015, prétendait que son responsable juridique de l’époque avait informé Mme X de cette obligation personnelle d’option dans le mail du 4 février 2011. Elle soutenait que dans la lettre de mission, la rédaction de la lettre d’option ne lui appartenait pas. Elle rappelait ne plus être son expert comptable et indiquait avoir fait diligence. Elle se prévalait notamment d’un élément essentiel, soit la copie de la page 3 de l’acte de cession.
Même si Mme X ne justifie pas concrètement avoir sollicité la société KPMG ni s’être vue opposer un refus, il ne peut lui être fait le reproche de s’être faite représenter par un conseil fiscalité au vu des enjeux financiers alors que par ailleurs la société n’était plus la cliente de KPMG et que cette dernière réfutait toute responsabilité dans l’absence d’option. Par ailleurs, la société KPMG qui n’est intervenue qu’in fine ne procède que par affirmations lorsqu’elle prétend que son intervention a été déterminante.
C’est donc à tort que la société KPMG prétend que Mme X n’a exposé des frais que dans la mesure où elle n’a pas fait appel immédiatement à l’appelante pour régler la question fiscale.
Mme X justifie de frais d’assistance par un conseil et elle a nécessairement passé du temps à constituer son dossier. Ce préjudice matériel découle de la faute contractuelle de KPMG et doit être évalué à 5.000 euros.
S’agissant du préjudice moral, il est constant que Mme X, en raison des fautes de la société
KPMJ a été menacée d’un redressement de 172.000 euros, nécessairement synonyme d’un bouleversement familial profond s’il avait été effectif, qu’elle a ainsi vécu pendant plus d’une année avec l’angoisse quotidienne de devoir affecter son bien immobilier à sa dette et de la destruction de sa vie familiale outre le doute légitime sur ses capacités à gérer une société. Le préjudice moral est donc certain et important compte tenu de ce qui précède. Il a été justement évalué par l’appelante de sorte qu’il est fait droit à la demande au titre du préjudice moral pour le montant sollicité de 17.000 euros.
S’agissant enfin des dommages intérêts au titre de la résistance abusive, cette demande ne sera pas accueillie, la preuve d’un préjudice supplémentaire à ceux déjà indemnisés n’étant pas concrètement rapportée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société KPMG qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens de première instance et d’appel et versera à Mme X la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme la décision querellée.
Statuant à nouveau,
Dit que la société KPMG a commis une faute contractuelle en ce qu’elle n’a pas procédé à l’envoi de la lettre d’option à l’impôt sur les sociétés auprès du Trésor public ni a tout le moins avisé Mme A X dirigeante de la société, d’avoir à y procéder personnellement.
Dit que cette faute a causé des préjudices à Mme A X
En conséquence, condamne la société KPMG à payer à Mme A X en indemnisation de ses préjudices la somme de 5.000 euros au titre du préjudice matériel et celle de 17.000 euros au titre du préjudice moral.
Rejette la demande en paiement de dommages intérêts supplémentaires de Mme X.
Condamne la société KPMG aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme A X la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SIGNE par Mme GONZALEZ, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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