Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 9 décembre 2021, n° 21/01570

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Cabinet Neu-Janicki · 23 janvier 2022

La Cour d'appel de Grenoble considère, pour les commerces non essentielles ayant fait l'objet de fermeture administrative pendant les périodes de pandémie, que les loyers sont dus y compris pendant les périodes de fermetures confirmant que (1) aucune loi n'a suspendu le paiement des loyers et charges, (2) que le bailleur n'a pas manqué à son obligation de délivrance, (3) que la force majeure ne peut pas être opposée au bailleur, (4) qu'il n'y a pas eu perte partielle de la chose louée. rejettant d'une part, qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'a prévu que pendant cette …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. com., 9 déc. 2021, n° 21/01570
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 21/01570
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 21/01570 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KZ6I

LB

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

Me Alain COLLOMB-REY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 09 DECEMBRE 2021

Appel d’une ordonnance (N° RG 20/02218)

rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE

en date du 17 mars 2021

suivant déclaration d’appel du 02 avril 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. 2 ALPES 1600 SPORTS

SARL immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 798 303 939, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

[…]

[…]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me CHRISTIN de la SCP ARMAND-CHAT & Associés, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMÉS :

Mme Z A épouse X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

M. B X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés par Me Alain COLLOMB-REY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 octobre 2021, BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport, en présence de Mme FIGUET, présidente et Mme BLANCHARD, conseillère, assistés de Mme RICHET, greffière

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

Suivant acte sous seing privé du 13 septembre 2013, B X et son épouse, née Z A, ont donné à bail commercial à la Sarl 2 Alpes 1600 Sport des locaux dans un ensemble immobilier dénommé 'L’Equinoxe’ situé dans la station des Deux Alpes, sur la commune de Mont de Lans.

Ce bail d’une durée de neuf ans a couru à compter du 1er octobre 2013, pour un loyer annuel de 19.200 euros payable mensuellement d’avance. Le loyer en cours en 2020 est de 1.690 euros HT.

La Sarl 2 Alpes 1600 Sport n’a pas réglé ses loyers pour avril et mai 2020, et le 22 juin 2020, les époux X ont mis en demeure le preneur de payer la somme de 3.380 euros, proposant cependant des délais de paiement afin de prendre en compte les circonstances sanitaires du printemps 2020. La société 2 Alpes 1600 Sport n’a pas réglé les loyers et a sollicité l’annulation des loyers pour ces deux mois.

Par exploit délivré le 30 septembre 2020, les époux X ont assigné la Sarl 2 Alpes 1600 Sport

devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble afin, en application des dispositions des articles L 145-41 et suivants du code de commerce, 1147 et suivants du code civil et 834 et 835 du code de procédure civile, de voir, à titre principal, condamner la Sarl 2 Alpes 1600 Sport à leur payer la somme de 3.380 euros outre 29,17 euros d’intérêts arrêtés au 30 septembre 2020, outre intérêts à parfaire.

Par ordonnance du 17 mars 2021, le juge des référés a':

— condamné la société 2 Alpes 1600 Sport à payer à Monsieur B X et son épouse, née Z A les sommes provisionnelles de 3.380 euros au titre des loyers pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, de 29,17 euros au titre des intérêts arrêtés au 30 septembre 2020, outre intérêts à parfaire au jour de l’ordonnance, de 23 euros au titre de la revalorisation du loyer de novembre 2020, de 5.139 euros au titre des loyers de décembre 2020, janvier et février 2021, de 1.271 euros au titre de la taxe foncière 2020 et de 117,39 euros au titre des charges 2020, outre intérêts à compter de cette décision à valoir sur la créance de loyers, accessoires et charges restant due ;

— dit que la société 2 Alpes 1600 Sport pourra se libérer de sa dette en 6 mois à raison de 1.655 euros par mois, payables à compter du mois suivant la signification de cette décision le 10 de chaque mois, en sus du règlement des loyers courants ;

— dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, l’intégralité de la dette restante sera exigible sans autre formalité ;

— débouté la société 2 Alpes 1600 Sport de sa demande tendant à voir dire et juger qu’en vertu du bouleversement des circonstances économiques du contrat, de la perte partielle de la chose louée et du principe d’exécution de bonne foi des contrats, il y a lieu de réviser le montant du loyer et de le fixer en fonction d’une clause recettes pure correspondant à 10 % du chiffre d’affaires HT encaissé dans les lieux loués depuis le 11 mai 2020 et l’a renvoyée à mieux se pourvoir sur ce point ;

— condamné la société 2 Alpes 1600 Sport à payer à B X et son épouse, née Z A, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté la société 2 Alpes 1600 Sport de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la Sarl 2 Alpes 1600 Sport aux dépens.

La société 2 Alpes 1600 Sport a interjeté appel de cette décision le 2 avril 2021.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 2 avril 2021.

Prétentions et moyens de la société 2 Alpes 1600 Sport':

Selon ses conclusions remises le 6 juillet 2021, elle demande, au visa des articles 1195 et suivants, 1218 et suivants, 1343-5, 1147 et 1148 (anciens) du code civil, L.145.41 du code de commerce':

— d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la concluante à payer aux époux X les sommes provisionnelles de 3.380 euros au titre des loyers pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, de 29,17 euros au titre des intérêts arrêtés au 30 septembre 2020, outre intérêts à parfaire, de 23 euros au titre de la revalorisation du loyer de novembre 2020, de 5.139 euros au titre des loyers de décembre 2020, janvier et février 2021, de 1.271 euros au titre de la taxe foncière 2020 et de 117,39 euros au titre des charges 2020, outre intérêts à compter de cette décision à valoir sur la

créance de loyers, accessoires et charges restant due; en ce que cette ordonnance a dit que la concluante pourra se libérer de sa dette en 6 mois à raison de 1.655 euros par mois, payables à compter du mois suivant la signification en sus du règlement des loyers courants ; a dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, l’intégralité de la dette restante sera exigible sans autre formalité; a débouté la concluante de sa demande tendant à voir dire et juger qu’en vertu du bouleversement des circonstances économiques du contrat, de la perte partielle de la chose louée et du principe d’exécution de bonne foi des contrats, il y a lieu de réviser le montant du loyer et de le fixer en fonction d’une clause recettes pure correspondant à 10 % du chiffre d’affaires HT encaissé dans les lieux loués depuis le 11 mai 2020 et l’a renvoyée à mieux se pourvoir sur ce point ; a condamné la concluante à payer aux époux X la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; a débouté la concluante de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; a condamné la concluante aux dépens';

— statuant à nouveau, de constater l’existence de contestations sérieuses, et en conséquence, de se déclarer incompétent, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir';

— subsidiairement, de dire que la concluante est dispensée du paiement des loyers dus du 15 mars au 11 mai 2020';

— de dire qu’en vertu du bouleversement des circonstances économiques du contrat, de la perte partielle de la chose louée et du principe d’exécution de bonne foi des contrats, il y a lieu de réviser le montant du loyer et de le fixer en fonction d’une clause recettes pure correspondant à 10 % du chiffre d’affaires HT encaissé dans les lieux loués depuis le 11 mai 2020';

— très subsidiairement, de dire que la concluante pourra bénéficier d’un délai de deux ans pour s’acquitter des sommes qui seraient mises à sa charge';

— en tout état de cause, de débouter les intimées de l’ensemble de leurs demandes';

— de condamner les époux X à payer à la concluante la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle expose':

— concernant le bien fondé de l’absence de paiement des loyers sur la période du 15 mars au 11 mai 2020, et depuis le 28 octobre 2020, qu’elle n’est pas contrainte par les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoyant différentes mesures pour protéger les locataires et qu’elle peut se prévaloir parallèlement des dispositions du droit commun des contrats'; qu’ainsi, il importe peu que ce texte ne prévoit pas de dispense de paiement des loyers dès lors que cette dispense est justifiée sur le fondement du droit commun des contrats';

— qu’elle justifie d’un cas de force majeure, puisque par arrêtés des 14 et 15 mars 2020, les pouvoirs publics ont ordonné la fermeture de tous les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation parmi lesquels les commerces non essentiels tels que les magasins de vêtements et accessoires et ce d’autant que la station des Deux Alpes a fermé au même moment'; que ces arrêtés ont entraîné l’arrêt de son activité'; qu’il en résulte que l’obligation de délivrance et de jouissance paisible incombant aux époux X n’a pas pu être honorée'; que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, il importe peu que ce manquement ne résulte pas d’une faute des époux X mais d’une situation qui puisse éventuellement être assimilable à un cas de force majeure'; qu’en raison de l’interdiction d’ouverture, la concluante n’a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination de sorte que le bail commercial ne pouvait plus être exécuté'; qu’il s’agit d’un empêchement partiel et définitif dû à un cas de force majeure'; que conformément aux dispositions de l’article 1218 alinéa 2 du code civil, cette suspension ou libération partielle des obligations

s’applique aux obligations respectives des parties et donc à celle incombant au preneur de procéder au paiement de ses loyers';

— que la concluante n’a pu obtenir de prêt garanti par l’état mais simplement un concours bancaire aux conditions désavantageuses, qui devra être remboursé et ne permettra aucunement de rattraper les pertes de chiffre d’affaires subies'; que sa trésorerie, suite aux différentes mesures imposées pour lutter contre la pandémie de la Covid 19, ne lui permettait pas d’honorer ses loyers et charges'; que l’attestation de son cabinet comptable confirme que le magasin n’est ouvert que l’hiver et qu’il est donc totalement fermé depuis le 16 mars 2020, que les gérants n’ont pu se verser la moindre rémunération et que le paiement intégral des loyers fragiliserait de manière très importante la survie de la société';

— que la force majeure, lorsque l’empêchement est temporaire, permet ainsi d’échapper à ses obligations durant le temps de cet empêchement et donc en l’espèce de ne pas devoir le loyer et les charges pour la période du 15 mars 2020 au 11 mai 2020 et depuis le 28 octobre 2020';

— qu’elle est fondée à opposer une exception d’inexécution, résultant du non-respect de l’obligation de jouissance paisible par les bailleurs'; que ce principe à vocation à rétablir l’équilibre contractuel et précisément à libérer l’un des co-cocontractant lorsque l’autre co-cocontractant n’est pas en mesure de respecter lui-même son obligation'; qu’ainsi, en vertu de l’article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée et de permettre au preneur d’en jouir paisiblement pendant la durée du bail'; que c’est en contrepartie de la jouissance de la chose louée que le preneur est tenu du règlement du loyer et des charges et que, parallèlement, l’absence de délivrance des lieux pour l’usage convenu, prive de contrepartie le paiement du loyer';

— que plusieurs juridictions de référé ont ainsi accueilli ce fondement dans le contexte de la pandémie de la Covid-19 pour considérer que l’exception d’inexécution caractérisait une contestation sérieuse faisant échec à la mise en jeu de la clause résolutoire et à la demande de condamnation provisionnelle formalisée par le bailleur'; qu’il résulte de l’article 1351 du code civil que l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure';

— concernant la réduction du montant du loyer sur le fondement de la perte partielle de la chose louée, qu’il résulte de l’article 1722 du code civil que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail';

— qu’en conséquence, la fermeture administrative ordonnée par le gouvernement fait perdre au locataire la jouissance de son local et, partant, lui ouvre droit à la révision du loyer, laquelle peut elle-même n’être que temporaire'; que plusieurs décisions ont assimilé à la perte de la chose louée la décision administrative empêchant son usage'; qu’en l’espèce, la concluante a été privée de la possibilité d’exploiter son commerce pendant la période de confinement, ce qui caractérise une perte partielle de la chose louée, justifiant qu’elle soit dispensée du paiement du loyer durant les périodes de fermeture totale et que le loyer soit réduit de 50 % durant les autres périodes en raison des mesures administratives impactant son activité et celles relatives à la fermeture des remontées mécaniques';

— que les circonstances sanitaires imposent malgré tout une exécution de bonne foi du contrat, au sens de l’article 1104 du code civil'; qu’il appartient ainsi aux parties de vérifier si des circonstances particulières ne sont pas de nature à rendre nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leur contrat'; qu’un locataire dont le secteur d’activité se trouverait fortement perturbé économiquement et justifiant avoir fait le nécessaire afin d’exposer sa situation à son bailleur, est en droit de reprocher, sur le fondement de l’exception d’inexécution, un manquement à son devoir de

bonne foi contractuel'; que les intimés ne peuvent ignorer la situation financière catastrophique vécue par la concluante'; qu’en refusant d’adapter le contrat à une situation grave, inédite et aux conséquences désastreuses pour la concluante, les intimés font preuve d’une manifeste mauvaise foi';

— que les circonstances économiques du contrat ont été bouleversées, ce qui justifie une réduction sensible du montant des loyers, alors qu’elles n’étaient pas prévisibles lors de la conclusion du bail'; que cette théorie de l’imprévision est régie par les dispositions de l’article 1195 du code civil, lequel prévoit que si un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant, en continuant à exécuter ses obligations durant la renégociation'; qu’en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation'; qu’à défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe';

— qu’en l’espèce, les intimés ne peuvent ignorer la situation financière catastrophique vécue par la concluante qui s’est vue privée de pouvoir exploiter son local durant deux mois essentiels de la saison d’hiver et qui ignore quand elle pourra ouvrir pour la saison qui démarre dans quelques jours'; que les conditions d’exploitation pour la prochaine saison sont totalement incertaines puisqu’il est acquis que la clientèle ne pourra skier avant fin janvier, réduisant ainsi quasiment à néant l’activité de la concluante durant encore plusieurs mois'; que ces circonstances entraînent un déséquilibre et un bouleversement du bail non prévisibles lors de sa conclusion'; que le paiement du montant

intégral de ses loyers compromettrait la survie de la concluante'; qu’il convient ainsi de fixer le loyer en fonction d’une clause recettes pure correspondant à

10 % du chiffre d’affaires HT encaissé dans les lieux loués et ce jusqu’à ce que la concluante parvienne de nouveau à réaliser le chiffre d’affaires encaissé en 2019';

— que si les dispositions de l’ordonnance portant réforme du droit des obligations ne sont pas applicables, en raison de la date de conclusion du bail, elles reprennent cependant des avancées jurisprudentielles anciennes';

— très subsidiairement, que la concluante a vu son activité brutalement s’arrêter générant des conséquences financières graves'; qu’elle est de bonne foi et a honoré les loyers pour la période de mai à juillet 2020 ainsi que de septembre à décembre 2020 alors que sa trésorerie était sensiblement grevée'; que le délai de six mois accordé par le premier juge est totalement insuffisant puisque la concluante ne sera pas en mesure de reconstituer sa trésorerie avant l’hiver prochain, son commerce étant fermé durant l’été, alors que les aides perçues ne sont pas suffisantes pour permettre d’honorer le règlement intégral du loyer'; qu’il convient ainsi de lui allouer des délais de paiement sur deux années pour s’acquitter des sommes qui seraient mises à sa charge.

Prétentions et moyens de B X et de Z A épouse X':

Selon leurs conclusions remises le 7 juin 2021, ils demandent, au visa des articles L145-41 et suivants du code de commerce, 1134 et suivants,1147 et suivants du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile':

— de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné l’appelante à leur payer les sommes provisionnelles de 3.380 euros au titre des loyers pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, de 29,17 euros au titre des intérêts arrêtés au 30 septembre 2020, outre intérêts à parfaire au jour de l’ordonnance, de 23 euros au titre de la revalorisation du loyer de novembre 2020, de 5.139 euros au titre des loyers de décembre 2020, janvier et février 2021, de 1.271 euros au titre de la taxe foncière

2020 et de 117,39 euros au titre des charges 2020, outre intérêts à compter de l’ordonnance, à valoir sur la créance de loyers, accessoires et charges restant due ;

— de confirmer cette ordonnance en ce qu’elle a débouté l’appelante de sa demande tendant à voir dire et juger qu’en vertu du bouleversement des circonstances économiques du contrat, de la perte partielle de la chose louée et du principe d’exécution de bonne foi des contrats, il y a lieu de réviser le montant du loyer et de le fixer en fonction d’une clause recettes pure correspondant à 10 % du chiffre d’affaires HT encaissé dans les lieux loués depuis le 11 mai 2020 et l’a renvoyée à mieux se pourvoir sur ce point ;

— de la confirmer en ce qu’elle a condamné l’appelante à payer aux concluants la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de l’infirmer en ce qu’elle a dit que l’appelante pourra se libérer de sa dette en six mois à raison de 1.655 euros par mois, payables à compter du mois suivant la signification de l’ordonnance, le 10 de chaque mois, en sus du règlement des loyers courants; en ce qu’elle a dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, l’intégralité de la dette restante sera exigible sans autre formalité ;

— statuant à nouveau, de condamner l’appelante à payer aux concluants les sommes de 3.380 euros au titre des loyers pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, outre la somme de 29,17 euros au titre des intérêts arrêtés au

30 septembre 2020 outre intérêts à parfaire au jour de l’ordonnance du

17 mars 2021, la somme de 23 euros, au titre de la revalorisation du loyer de novembre 2020, celle de 92 euros au titre de la revalorisation des loyers de mars, avril, mai et juin 2021, celle de 1.713 euros au titre du loyer de décembre 2020, de 1.713 euros au titre du loyer de janvier 2021, de 1.713 euros au titre du loyer de février 2021, de 1.713 euros au titre du loyer de juin 2021, outre intérêts à parfaire à compter de l’ordonnance du 17 mars 2021';

— de débouter l’appelante de toutes demandes';

— de la condamner à payer aux concluants la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Ils soutiennent':

— que pendant le cours de la procédure, l’appelante n’a pas réglé la réévaluation du loyer de novembre 2020, soit 23 euros, ni le loyer des mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, soit 1.713 euros x 3, pas plus que de la taxe foncière de 2020 à hauteur de 1.271 euros, ni les charges de copropriété soit 117,39 euros, si bien que la dette s’élève en principal, à la somme de 9.930,39 euros'; que la dette s’est donc accrue substantiellement'; que malgré la signification de l’ordonnance entreprise, l’appelante n’a pas réglé l’arriéré nonobstant l’exécution provisoire et n’a donc pas réglé les 1.650 euros qu’elle aurait dû payer les 10 avril et 10 mai 2021';

— qu’ils disposent d’une créance certaine, liquide et exigible, que l’ordonnance du 25 mars 2020 ne peut leur être opposée, ne prévoyant aucun effacement des loyers, mais seulement l’impossibilité pour le bailleur de se référer, pendant la durée de protection dont le terme est survenu le 23 août 2020, à la clause résolutoire contenue dans le bail pour solliciter et obtenir l’expulsion du preneur'; qu’il ne peut pas plus leur être opposée une prétendue exception d’inexécution, puisque l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’a pas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux qui peuvent être payés spontanément ou par compensation, n’interdisant que l’exercice de voies d’exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement';

— que les loyers sont indexés selon le paragraphe VI-1- c) du bail, en fonction de l’indice des loyers commerciaux avec pour base le premier trimestre 2013, et une actualisation au 1er octobre de chaque année'; que si le preneur a repris le paiement des loyers depuis mars 2021, il y a procédé sans aucune indexation'; que l’article 3 du bail a mis à la charge du preneur les charges, impôts et taxes du bail, ce qui inclut la taxe foncière'; qu’il est ainsi incontestable que la somme principale de 10.347 euros reste due, outre intérêts ;

— concernant l’existence d’une force majeure opposée par l’appelante, que les dispositions de l’article 1351 du code civil sont inapplicables au contrat de bail régularisé le 13 septembre 2013, puisqu’elles sont issues de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016 alors que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne'; qu’en outre, l’appelante ne peut invoquer la force majeure dans la mesure où celle-ci ne s’applique pas en principe aux obligations de payer une somme d’argent';

— concernant la possibilité d’opposer l’exception d’inexécution, que les dispositions de l’article 1218 alinéa 2 du code civil sont également issues de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 et ainsi inapplicables au contrat de bail régularisé entre les parties le 13 septembre 2013, alors que la jurisprudence citée par l’appelante ne saurait pas plus fonder son opposition à tout paiement puisque les concluants ont exécuté leur obligation de délivrance en laissant le preneur accéder à ces locaux et ne peuvent être considérés comme responsables de la crise sanitaire'; que l’appelante n’invoque aucun manquement à leur encontre'; que concernant les loyers de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, tout comme les taxes foncières et les charges locatives dues, il ne saurait être invoqué une fermeture de l’exploitation dans la mesure où l’activité n’a pas été soumise à un confinement';

— concernant la bonne foi, que si, selon l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés, et exécutés de bonne foi, et qu’il appartient aux parties de vérifier si des circonstances particulières ne sont pas de nature à rendre nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leur contrat, ces dispositions sont encore une fois inapplicables au contrat de bail régularisé entre les parties le 13 septembre 2013, étant issues de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016'; qu’en outre, les concluants sont retraités alors que les revenus émanant de ce commerce constituent l’essentiel de leur retraite'; que l’appelante ne les a jamais prévenus, mais a décidé unilatéralement de suspendre le paiement du loyer': que les concluants ont proposé des délais de paiement compte-tenu des circonstances exceptionnelles'; que leur assignation délivrée le 20 septembre 2020 ne visait pas la clause résolutoire, prenant ainsi encore une fois en considération les circonstances exceptionnelles'; que l’appelante ne produit qu’une attestation de chiffre d’affaires et de situation économique, établie et signée par elle-même, alors que nul n’est habilité à se préconstituer des preuves à soi-même'; qu’après une année, l’appelante a obtenu encore six mois de délai de paiement, mais n’a rien réglé au titre des arriérés;

— s’agissant d’un bouleversement économique du contrat, que les dispositions de l’article 1195 du code civil sont toujours inapplicables au contrat de bail régularisé entre les parties le 13 septembre 2013, étant issues de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 inapplicable aux contrats en cours'; que la demande de révision du contrat est faite dans un contexte d’aggravation de la dette et de l’obtention forcée de plus de 15 mois de délai de paiement, de sorte que l’appelante n’est pas de bonne foi à solliciter une révision du loyer'; que cette demande est infondée et se heurte à une contestation sérieuse';

— s’agissant de l’octroi de délais de paiement, que l’appelante n’a pas justifié en première instance ni de sa situation de débiteur de bonne foi ni de débiteur malheureux et ne pouvait donc solliciter de tels délais'; que suite au prononcé de l’ordonnance déférée, elle a encore accru la dette qui est passée de 3.380 euros à plus de 10 000 euros.

*****

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Motifs':

Les demandes des époux X ont été formulées devant le juge des référés au visa notamment de l’article 835 du code de procédure civile, à savoir, en l’absence de contestations sérieuse, l’octroi d’une provision.

Le bail commercial a été conclu le 13 septembre 2013, pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2013, de sorte que les dispositions du code civil résultant de la réforme du droit des contrats, issue de l’ordonnance du 10 février 2016, ne sont pas applicables au présent litige.

Selon ce bail, le loyer a été fixé au prix de 1.600 euros HT, payable mensuellement et d’avance, par virement bancaire sur le compte des bailleurs. Il a été indexé sur l’indice des loyers commerciaux. Il n’est pas contesté que le montant de ce loyer, à la date de l’ordonnance déférée, est de 1.690 euros, et est, en raison de sa revalorisation, de 1.713 euros au 4 juin 2021. Il a également été stipulé que le preneur s’acquittera des taxes dont il est personnellement assujetti, des charges lui incombant en contrepartie des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée, des menues réparations, des taxes municipales et également de la taxe foncière due par les bailleurs.

Les intimés produisent devant la cour un nouveau décompte, afin d’actualiser leurs prétentions conformément à l’article 566 du code de procédure civile. Ce décompte ne fait en lui-même pas l’objet d’une contestation. Il en est de même concernant les demandes additionnelles des intimés, visant à compléter les sommes dues par le preneur en terme de loyers, de charges, d’intérêts de retard, et de réévaluation du loyer initial.

Il en résulte que les époux X justifient d’une obligation fondée en son principe au sens de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

S’agissant des contestations élevées par l’appelante, tenant aux effets résultant de la crise sanitaire liée à la pandémie Covid 19, ainsi que relevé par le premier juge, il n’est pas sérieusement contestable que si administrativement, tous les commerces non essentiels ont été tenus, pendant la période de confinement, de fermer leurs activités de vente en magasin, aucune disposition législative ou règlementaire n’a prévu que pendant cette fermeture les obligations des preneurs, notamment de payer les loyers et leurs accessoires, seraient suspendues.

Le juge des référés a ainsi justement énoncé qu’au regard de ces décisions gouvernementales, l’appelante restait tenue de régler ses loyers et qu’elle méconnaît que l’inaccessibilité à son commerce ne provient pas d’un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, mais d’une décision extérieure à ceux-ci.

Concernant en premier lieu l’existence d’une force majeure, l’ordonnance déférée a exactement retenu que les mesures sanitaires imposant un confinement total, avec fermeture des commerces non essentiels, n’ont eu qu’une durée restreinte, et que l’appelante a ainsi été en mesure d’ouvrir son commerce entre le 11 mai et le 30 octobre 2020, puis à compter du 15 décembre 2020. La cour ajoute que si l’appelante soutient qu’elle n’ouvre ses portes que pendant la saison d’hiver car exerçant une activité de location de matériels de ski, ce fait n’est pas imputable aux bailleurs. Elle ne produit en outre aucun document certifié par un expert-comptable concernant sa situation financière, le seul document concernant cette situation émanant de son gérant. Si elle indique dans ce courrier que son chiffre d’affaires a été nul entre le 1er octobre et le 6 mai 2021, la seconde période de confinement a pris fin le 15 décembre 2020, et l’appelante a ainsi été en mesure d’ouvrir son commerce pendant la saison hivernale 2020/2021. Ainsi que relevé par le premier juge, en l’absence d’élément comptable probant, l’appelante de démontre pas l’impossibilité d’exécuter ses obligations de paiement prévues

dans le bail commercial. La cour ajoute qu’elle a bénéficié d’une subvention de 40.000 euros, selon l’attestation de son gérant.

Concernant ensuite un manquement des bailleurs à leur obligation d’assurer une jouissance paisible à l’appelante, il ne peut être contesté qu’aucune faute à ce titre ne peut être reprochée aux époux X, qui ne sont pas à l’origine de la pandémie sanitaire et des mesures gouvernementales restreignant les possibilités d’exploitation du commerce.

Concernant la révision du montant du loyer, il a été dit plus haut que les nouvelles dispositions du code civil ne sont pas applicables en la cause, en raison de la date de conclusions du bail.

En outre, l’appelante ne peut soutenir qu’il y a eu une perte partielle de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil par l’effet d’une destruction, puisqu’elle a toujours pu avoir accès aux locaux commerciaux, alors qu’en dehors des périodes lors desquels une interdiction d’ouverture au public a été prescrite, elle a été en mesure d’exploiter ces locaux conformément à leur vocation.

Enfin, elle ne peut pas plus prétendre que les bailleurs sont de mauvaise foi à avoir refusé une réduction des loyers, la preuve de ce fait n’étant pas rapportée, alors qu’il est constant que les époux X ont proposé des délais de paiement.

Il s’ensuit que les intimés justifient de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable. Par ces motifs ajoutés à ceux du premier juge, l’ordonnance déféré sera ainsi confirmée en ses dispositions ayant fait droit à la demande en paiement des intimés. Statuant à nouveau, la cour condamnera l’appelante à payer les sommes dues au titre de la nouvelle inexécution du bail, postérieurement à la date prise en compte par le juge des référés.

Concernant l’octroi de délais de paiement, il n’est pas contesté que les causes de l’ordonnance déférée n’ont pas été exécutées, et que de nouveaux incidents de paiement sont survenus en cours d’instance, alors que l’appelante ne justifie toujours pas de sa situation économique et qu’elle a perçue une subvention importante. Elle ne peut être regardée comme se trouvant de bonne foi.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a accordé des délais de paiement à l’appelante, dont la nouvelle demande sur ce point sera rejetée.

La société 2 Alpes 1600 Sport succombant en son appel sera condamnée à payer aux intimés la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 835 alinéa 2 et 566 du code de procédure civile, L145-1 et suivants du code de commerce, 1134 et suivants (anciens), 1722 du code civil, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations';

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a':

— dit que la société 2 Alpes 1600 Sport pourra se libérer de sa dette en 6 mois à raison de 1.655 euros par mois, payables à compter du mois suivant la signification de cette décision le 10 de chaque mois, en sus du réglement des loyers courants ;

— dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, l’intégralité de la dette restante sera exigible sans autre formalité ;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions';

y ajoutant':

Condamne la société 2 alpes 1600 Sport à payer à monsieur et madame X':

— la somme de 92 euros au titre de la revalorisation des loyers de mars, avril, mai et juin 2021':

— celle de 1.713 euros au titre du loyer de décembre 2020, de 1.713 euros au titre du loyer de janvier 2021, de 1.713 euros au titre du loyer de février 2021, de 1.713 euros au titre du loyer de juin 2021, outre intérêts à parfaire à compter de l’ordonnance du 17 mars 2021, sauf concernant le loyer du mois de juin 2021, pour lequel les intérêts seront à parfaire à compter du 1er juin 2021;

Déboute la société 2 Alpes 1600 Sport de sa demande de délais de paiement';

Condamne la société 2 Alpes 1600 Sport à payer à monsieur et madame X la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société 2 Alpes 1600 Sport aux dépens exposés en cause d’appel';

SIGNE par Mme FIGUET, Présidente et par Mme DJABLI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente



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Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 9 décembre 2021, n° 21/01570