Cour d'appel de Limoges, 5 avril 2016, 15/00068

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Chronologie de l’affaire

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Anne-laure Blouet Patin · Lexbase · 17 octobre 2018
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Sur la décision

Référence :
CA Limoges, ch. civ., 5 avr. 2016, n° 15/00068
Juridiction : Cour d'appel de Limoges
Numéro(s) : 15/00068
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Limoges, 15 octobre 2014
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032392846
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

— -- = = oOo = =---

ARRET DU 05 AVRIL 2016

— -- = = = oOo = = =---

ARRET N.

RG N : 15/ 00068

AFFAIRE :

M. Sébastien X…, Mme Valérie Y… épouse X…

C/

M. Bertrand Z…, SCP A…

Grosse délivrée à Me Michel MARTIN, avocat

Le CINQ AVRIL DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur Sébastien X…

de nationalité Française, né le 14 Décembre 1975 à BLOIS (41000), demeurant…-87350 PANAZOL

représenté par Me Michel MARTIN de la SELARL SOLTNER-MARTIN, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Elvina JEANJON, avocat au barreau de LIMOGES

Madame Valérie Y… épouse X…

de nationalité Française, née le 12 Décembre 1974 à LIMOGES (87000), demeurant…-87350 PANAZOL

représentée par Me Michel MARTIN de la SELARL SOLTNER-MARTIN, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Elvina JEANJON, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTS d’un jugement rendu le 16 OCTOBRE 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES

ET :

Monsieur Bertrand Z…

de nationalité Française, né le 24 Janvier 1971 à LIMOGES (87000), demeurant…-47490 SAINT HILAIRE DE LUSIGNAN

n’ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné à personne ;

SCP A…

Notaires,…-87400 SAINT LEONARD DE NOBLAT

représenté par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC & ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

— -- = = oO § Oo = =---

Le dossier de la procédure a été communiqué au Ministère Public le 10 février 2016 et visa de celui-ci a été donné le jour même.

Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l’affaire a été fixée à l’audience du 25 Février 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 24 mars 2016. L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2016.

A l’audience de plaidoirie du 25 Février 2016, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 05 Avril 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

— -- = = oO § Oo = =---

LA COUR

— -- = = oO § Oo = =---

Madame Valérie Y… et M. Sébastien X… se sont mariés le 12 novembre 2005.

Madame Y…, née le 12 décembre 1974, exerçait la profession de chirurgien dentiste à titre libéral, dans le cadre d’une société d’exercice professionnel.

M. Sébastien X…, né le 14 décembre 1975, exerçait également la profession de chirurgien dentiste, mais à titre salarié.

Préalablement à la célébration de ce mariage, un contrat a été signé devant Maître Bertrand Z…, notaire associé au sein de la SCP B….

Ce contrat qui avait été rédigé par M. Bertrand Z… avec qui les futurs époux entretenaient des liens d’amitié, portait adoption du régime de la communauté réduite aux acquêts ; il contenait en outre :

— une clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant en cas de décès ;

— une clause de donation entre époux portant sur l’universalité des meubles et immeubles composant la succession de l’époux prédécédé.

Maître Z… a fait l’objet, en novembre 2012, d’une condamnation pour des faits d’abus de confiance et de faux en écriture publique à la suite de laquelle il a cessé d’exercer la profession de notaire.

Par acte du 14 juin 2013, Madame Valérie Y… épouse X… et M. Sébastien X… qui exposaient que M. Z… avait manqué à son obligation d’information et de conseil dans la rédaction de leur contrat de mariage, inadapté à leur situation personnelle, ont fait assigner ce dernier et la SCP A…, venue aux droits de la SCP B…, devant le tribunal de grande instance de LIMOGES en réparation de leur préjudice.

Le tribunal a par jugement du 18 octobre 2014 dit l’action recevable, y compris à l’égard de la société d’exercice professionnel qui était légalement responsable des fautes commises par un de ses membres ; il a toutefois débouté les époux X… de leurs demandes au motif qu’elles étaient fondées sur les textes régissant la responsabilité contractuelle alors que le régime de la responsabilité des notaires relevait en l’espèce des articles 1382 et 1383 du code civil.

Ces derniers ont été condamnés à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à M. Bertrand Z… une indemnité de 1 500 € et à la SCP une indemnité du même montant.

M. et Madame X… ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 20 janvier 2015.

Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 12 janvier 2016, ils demandent à la cour :

— de constater qu’au regard de leur situation professionnelle qui nécessitait d’adopter le régime de la séparation de biens, le contrat de mariage rédigé par M. Z… était à la fois inutile, incohérent et inadapté ;

— de dire que la responsabilité de M. Z… et de la SCP A… est engagée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, les notaires ayant manqué à l’obligation de conseil qui résulte de leur mission légale ;

— de les condamner solidairement à leur payer la somme de 8 200 € représentant le coût du changement de leur régime matrimonial en régime de la séparation de biens, outre des dommages-intérêts de 2 500 € pour préjudice moral ;

— de les condamner solidairement à leur verser une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

**

Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 16 décembre 2015, la SCP A… demande à la cour :

— de constater que le contrat de mariage rédigé par M. Z… était cohérent et adapté à la volonté des époux de protéger en cas de décès de l’un d’eux les intérêts de celui qui survivrait ;

— de dire que les appelants ne rapportent pas la preuve d’une faute imputable au notaire, ni d’un préjudice certain et actuel, ni, enfin, celle d’un lien de causalité entre la faute supposée et le préjudice allégué ;

— de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux X… de l’intégralité de leurs demandes et de condamner ces derniers au paiement d’une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

**

M. Bertrand Z… qui a été assigné à personne n’a pas constitué avocat.

LES MOTIFS DE LA DECISION

Le contrat de mariage rédigé par M. Z… aurait peut-être convenu à des époux qui se trouvaient au soir de leur vie et qui, après avoir pris des dispositions pour garantir l’avenir de leurs enfants, auraient exprimé le souci de protéger les intérêts de celui qui survivrait à l’autre.

Il était manifestement inadapté à la situation de jeunes époux qui n’avaient pas encore d’enfants et pour lesquels le seul régime matrimonial qui convienne était celui de la séparation de biens dans la mesure où l’un d’eux était salarié alors que l’autre exerçait une profession libérale et s’était endetté afin de s’installer.

Les notaires sont dans l’incapacité de justifier que les appelants leur aient fait part de raisons particulières ayant pu les inciter à choisir un régime matrimonial aussi insolite, en réalité assimilable à celui de la communauté universelle, alors qu’ils débutaient leur vie matrimoniale et professionnelle et projetaient d’avoir des enfants.

En réalité, ils ne justifient pas d’avoir donné aux époux un conseil adapté à une situation professionnelle spécifique au regard de laquelle le seul régime contractuel qui paraisse utile était celui de la séparation de biens.

M. Z… a manqué à l’obligation d’information et de conseil qui lui incombait en sa qualité de notaire rédacteur d’acte.

Le préjudice qui résulte de ce manquement est la nécessité dans laquelle les époux se trouvent aujourd’hui, alors que les trois enfants nés de leur mariage sont encore très jeunes et qu’eux-mêmes sont loin de pouvoir envisager la cessation de leurs activités professionnelles, de changer en séparation de biens un régime matrimonial inadapté à une situation dont la particularité subsiste.

Les appelants justifient du coût de ce changement de régime en produisant un devis de Maître ALEXIS, notaire associé à LIMOGES, qui s’élève à la somme de 8 196, 52 €, arrondie à 8 200 €.

Ils ont également subi un préjudice moral dans la mesure où les liens d’amitié qu’ils entretenaient avec le professionnel qui a failli à sa mission les avaient amenés à lui accorder une confiance particulière.

Il y a lieu d’évaluer ce préjudice moral à 2000 €.

Enfin, les appelants sont en droit de réclamer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité que la cour fixe à 3000 €.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR

Statuant par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Dit que M. Bertrand Z… a manqué à l’obligation d’information et de conseil qui lui incombait en sa qualité de notaire rédacteur d’acte.

Le condamne solidairement avec la SCP A… à payer à Madame Valérie Y… épouse X… et M. Sébastien X… les sommes de :

-8 200 € en réparation du préjudice financier (coût du changement de régime matrimonial) ;

-2 000 € en réparation du préjudice moral.

Condamne en outre M. Bertrand Z… et la SCP A…, solidairement, à verser à M. et Madame X… une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les condamne aux dépens de première instance et d’appel et dit que les dépens d’appel pourront être recouvrés par la SELARL SOLTNER-MARTIN, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.

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Textes cités dans la décision

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