Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 27 décembre 2018, n° 18/00087

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Limoges, ch. civ., 27 déc. 2018, n° 18/00087
Juridiction : Cour d'appel de Limoges
Numéro(s) : 18/00087
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tulle, 17 décembre 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 701

N° RG 18/00087 – N° Portalis DBV6-V-B7C-BHYAP

AFFAIRE :

M. C Y,

M. C Y es qualité de représentant de l’exploitation agricole’ C Y'.

C/

Mme E X

AJ/MK

Demande en réparation des dommages causés à une personne par un immeuble

Grosse délivrée à

Me BRU SERVANTIE, avocat

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 27 DECEMBRE 2018

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Le vingt sept Décembre deux mille dix huit la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur C Y

né le […] à […]

comparant en personne,

représenté par Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LIMOGES

Monsieur C Y es qualité de représentant de l’exploitation 'agricole C Y'.

représentée par Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 18 DECEMBRE 2017 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TULLE

ET :

Madame E X

née le […] à […][…]

représentée par Me Marie BRU-SERVANTIE, avocat au barreau de TULLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/001011 du 08/03/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Limoges)

INTIMEE

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Suivant avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 20 Novembre 2018 avec arrêt rendu le 26 décembre 2018.

L’ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2018.

Conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, Mme Axelle JOLLIS, Vice Présidente placée déléguée à la Cour d’Appel de Limoges par ordonnances de Madame la Première Présidente prises en date des 09 Juillet et 18 octobre 2018 , magistrat rapporteur, assistée de Mme Mandana SAFI, greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure

Après quoi, Mme Axelle JOLLIS, magistrat rapporteur, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 Décembre 2018 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Mme Axelle JOLLIS, magistrat rapporteur, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller et d’elle-même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Madame E X a fait aménager sur ses parcelles sises commune de Saint-Merd de Lapleau (19320) un terrain de motocross.

Monsieur C Y, propriétaire de parcelles sises au lieu dit l’Herbeil commune de

Laval sur Luzège, en vis à vis de celles de Madame X dans la vallée de la Sombre, a déposé contre cette dernière plusieurs plaintes pour nuisances sonores.

Par acte d’huissier en date du 4 mai 2016, Monsieur Y a fait assigner Madame X devant le Tribunal de Grande Instance de Tulle afin d’obtenir la cessation du trouble sonore et l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 18 décembre 2017, le Tribunal de Grande Instance de Tulle a notamment :

— débouté Monsieur Y, agissant tant en son nom personnel qu’au nom de son exploitation agricole, de ses demandes ;

— condamné Monsieur Y à payer à Madame X la somme de 500 euros pour procédure abusive ;

— condamné Monsieur Y à payer à Madame X la somme de 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamné Monsieur Y, en son nom personnel et en qualité de représentant de son exploitation agricole, aux dépens.

Monsieur Y a relevé appel de l’ensemble des dispositions de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 août 2018 , Monsieur Y demande à la Cour de :

— dire Madame X responsable de troubles anormaux du voisinage ;

— condamner Madame X à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

— subsidiairement, ordonner une expertise sonore;

— condamner Madame Z à lui payer la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Madame X aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur Y expose que Madame A a fait aménager un terrain de motocross pour son fils et ses amis dès 2013, sans aucune autorisation, après défrichage de sa parcelle D460 initialement boisée située face à sa propriété sur l’autre versant de la vallée, et que les entraînements de motocross sur cette parcelle mais également dans les forêts environnantes de la vallée sont à l’origine de nuisances sonores constituant un trouble anormal de voisinage.

Monsieur Y fait valoir une intensité sonore très importante sur sa propriété, et une fréquence quasi quotidienne de ces bruits . Il soutient que son préjudice est d’autant plus important, qu’en qualité d’agriculteur, il travaille à l’extérieur sur sa propriété et se trouve ainsi particulièrement exposé aux nuisances.

Il ajoute que le fils de Madame X et ses amis pratiquent le motocross en milieu sauvage, le bruit se propageant très loin du fait de la caisse de résonance que constitue la vallée

Il précise que les attestations versées par Madame X en défense émanent de personnes ne résidant pas à proximité du terrain de motocross.

*

Dans ses conclusions déposées le 18 juin 2018, Madame X demande à la Cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur Y de ses demandes ;

— condamner Monsieur Y à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive ;

— condamner Monsieur Y aux entiers dépens ainsi qu’ à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile .

Madame X fait valoir que les deux plaintes pénales déposées en 2013 puis 2015 par Monsieur X ont été classées sans suite, que le maire de la commune de Lapleau a pris un arrêté le 8 juillet 2014 règlementant les activités de motocross et que Monsieur Y n’a pas daigné se présenter à la médiation pénale qui avait été ordonnée.

Elle souligne n’avoir jamais pratiqué l’activité de moto-cross et que c’est son fils désormais majeur, F G, qui pratique cette activité dans le respect de la réglementation en vigueur. Elle indique ne pas pouvoir être tenue pour responsable des activités de son fils majeur et affirme que ce dernier ne pratiquait le moto-cross que de façon occasionnelle certains samedis.

Elle fait observer que les attestations produites par Monsieur Y émanent de témoins partiaux, ne caractérisent pas le caractère anormal des bruits entendus et sont contredites par les témoignages qu’elle produit.

Elle estime que l’attitude de Monsieur Y relève d’un acharnement procédural à son encontre.

MOTIFS

Sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage

En application des articles 544 et 651 du Code civil, nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, c’est à dire une nuisance ou un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Ce régime de responsabilité est étranger à la notion de faute.

Ainsi, l’argument de Madame X selon lequel elle ne pratique pas elle-même l’activité de motocross est inopérant dans la mesure où il n’est pas contesté que, a minima depuis l’été 2013, son fils et ses amis pratiquent cette activité sur un terrain lui appartenant et dont Madame X reconnaît qu’il été spécifiquement aménagé en vue de cette activité sportive.

Par ailleurs, le respect des dispositions légales ou règlementaires n’exclut pas l’existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Il n’est donc pas nécessaire pour Monsieur Y de démontrer l’existence d’une infraction pénale ou que les horaires de l’arrêté municipal du 8 juillet 2014 ayant encadré l’activité de motocross ne sont pas respectés.

Cependant, s’il n’est pas sérieusement contestable que l’activité régulière de motocross sur le terrain de Madame X génère des nuisances sonores, il appartient à Monsieur Y de rapporter la preuve de leur caractère excessif.

Or, Monsieur Y ne produit ni constat d’huissier, ni mesure technique qui aurait pu éclairer la juridiction sur la fréquence, la durée ou l’intensité de ces nuisances.

Les pièces de l’enquête pénale afférentes à sa plainte du mois d’août 2013 ne font état que d’une seule constatation faite par les gendarmes le 15 août 2013 selon laquelle des bruits de moteurs provenant du terrain de Madame X étaient audibles à 21 heures et se répercutaient dans la vallée de la Sombre.

Outre ses propres écrits ( mails aux autorités municipales à compter du mois de décembre 2012, dépôt de plainte en août 2013 et septembre 2015 ), il verse aux débats 6 témoignages établis en novembre 2016 de personnes résidant à l’Herbeil ou s’étant rendus au domicile de Monsieur Y faisant état de l’existence de nuisances sonores en lien avec l’activité motocross pratiquée par le fils de Madame X.

Toutefois, ces témoignages sont imprécis, ne datant pas les faits constatés et ne localisant pas précisément la provenance des bruits de moteurs, de telle sorte qu’ils ne permettent pas d’établir que les nuisances sont perçues lorsque les motos circulent sur le terrain de Madame X ( Madame B, témoin n°1, relatant un «'bruit infernal'» lorsque les motos passent dans l’Herbeil). De plus, ces témoignages ne décrivent ni la fréquence, ni la durée ni l’intensité de ces nuisances sonores.

Ainsi, ces seuls témoignages sont insuffisants à établir le caractère excessif des nuisances sonores, d’autant plus que Madame X produit de son côté plusieurs témoignages de personnes résidant à proximité de ses terres ( dont une dans l’Herbeil) attestant ne pas être gênées par de quelconques nuisances sonores, sans que Monsieur Y ne démontre par ailleurs que ces témoins seraient moins exposés aux bruits de moteur du fait de leur localisation et de la configuration géographique du site.

En outre, il n’y a pas lieu de suppléer à la carence de l’appelant par une mesure d’expertise judiciaire alors que Monsieur Y était en mesure de recueillir des témoignages plus précis ou d’obtenir des constatations ou mesures techniques objectives.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Y de ses demandes d’indemnisation.

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par Madame X

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, il n’est pas établi que l’action en justice de Monsieur Y ait dégénéré en abus.

En effet, si le trouble anormal de voisinage n’est pas établi, l’existence de certaines nuisances sonores n’est pas contestable et il peut être relevé que les pièces du dossier font apparaître que Monsieur Y a tenté de résoudre ce litige à l’amiable en s’adressant directement à Madame X puis aux maires des communes concernées avant de déposer plainte, que Madame X a pu reconnaître devant les services de gendarmerie que les bruits des motos pouvaient gêner le voisinage, qu’une médiation pénale a été proposée, ce qui suppose a minima la reconnaissance du caractère sérieux des motifs de plainte de Monsieur Y, et que ce dernier ne s’est pas désintéressé de cette médiation malgré le caractère tardif de sa mise en place ainsi qu’en atteste les divers courriers échangés avec le service de médiation désigné.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et Madame X débouté de sa

demande d’indemnisation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Chacune des parties succombant partiellement en cause d’appel, elles seront condamnées à supporter chacune la moitié des dépens d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile .

En application de l’article 700 du Code de procédure civile et pour la même raison, il est équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles d’appel.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR,

Statuant par décision Contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi;

CONFIRME le jugement rendu le 18 décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Tulle en ce qu’il a :

— débouté Monsieur C Y de ses demandes à l’encontre de Madame E X ;

— condamné Monsieur C Y à payer à Madame E X la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamné Monsieur C Y aux dépens;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Monsieur C Y à payer à Madame E X la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

Statuant de nouveau sur ce point ;

DEBOUTE Madame E X de sa demande en dommages et intérêts ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter la moitié des dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions sur l’aide juridictionnelle ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

[…].



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Textes cités dans la décision

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