Cour d'appel de Lyon, 21 mai 1974, n° 1598

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 21 mai 1974, n° 1598
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 1598

Texte intégral

Cour d’appel de Lyon, 1ère Chambre civile, Arrêt du 21 mai 1974, Répertoire général n° 1598

ENTRE :

Monsieur A Y, […] COMPARANT par Me VERRIERE, avoué assisté par Me. Matuchet. D’UNE PART.

ET :

Monsieur X, […] INTIME Comparant par Me AGUIRAUD, avoué assisté par Me Etienne D’AUTRE PART.

M. COSTE, Président. Messieurs CAMBAZARD et CHANARON, Conseillers.

Attendu que, par jugement du 21 juin 1973, frappé d’appel, régulièrement en la forme, par Y, le Tribunal de Commerce de LYON, faisant droit à la demande de X, a dit le premier coupable de concurrence déloyale à l’égard du second, et l’a condamné à lui verser la somme réclamée de 5 000 F de dommages-intérêts, ainsi qu’aux frais d’insertion du jugement dans le journal « LE PROGRES » ;

Attendu que les reproches de X à l’encontre de Y, tous deux installateurs d’antennes collectives de télévision destinées à de grands immeubles, se réfèrent à deux faits, l’un, remontant à 1966, relatif à l’immeuble « LE BELVEDERE » – 64, montée de l’Observance à LYON, régi par la Société de Construction de la Ville de LYON, dite S.A.C.V.L., l’autre, beaucoup plus récent, puisque du mois de mars 1972, relatif à l’immeuble LE DUGUESCLIN, au 296, de la rue de ce nom, et […], en la même ville, régi par Z et MOTTEROZ ;

Attendu, pour le premier, que X expose que, spécialiste de la pose d’antennes de télévision, ayant la qualification professionnelle « qualifanten », il avait obtenu, en 1964, l’installation d’antennes collectives dans les immeubles construits par la S.A.C.V.L., notamment montée de l’Observance ; que ces installations ayant cessé de donner satisfaction aux usagers, faute, dit-il, pour cette régie d’avoir, par mesure d’économie, voulu passer un contrat d’entretien, il fut fait appel par elle à Y ; que celui-ci lui adresse un rapport accablant pour X qui conduisit la S.A.C.V.L. à le citer en référé devant le Tribunal de Commerce, où un expert fut nommé en la personne de VALLET ; que celui-ci ayant conclu seulement au défaut d’entretien, la S.A.C.V.L. renonça à son action ; que, néanmoins, X ne se retourna pas, à ce moment, contre Y, la S.A.C.V.L. lui ayant enfin offert le contrat d’entretien qu’elle avait refusé auparavant ; qu’il ajoute qu’il n’a pas accepté cette proposition tardive, préférant réduire son activité, se séparant de ses ouvriers et ne travaillant plus qu’avec son fils ; que c’est ainsi qu’il a, au début de 1972, installé une antenne collective sur l’immeuble, de grand « standing » dit LE DUGUESCLIN, dont la régie MOTTEROZ a demandé l’entretien à Y ; que celui-ci, par lettre du 15 mars 1972, a répondu à ladite régie que « bien que neuve cette installation ne correspond pas aux normes » ; que, par suite, il se refusait à son entretien sans la mettre auparavant en conformité ;

Attendu que la régie ayant transmis cette réponse à X, celui-ci a protesté, faisant remarquer qu’au cours d’une réunion à laquelle assistait MAZET, pour l’O.R.T.F., un


représentant de la S.M. C.I., constructeur de l’immeuble, X et Y, il a été constaté que, contrairement aux dires de ce dernier, les « niveaux » prévus aux prises individuelles de télévision étaient largement respectés ; que Y avait, déloyalement, tenté de jeter le discrédit tant sur la S.M. C.I. que sur X (lettre de la S.M. C.I. à MOTTEROZ, du 31 mai 1972) ; que X s’est alors résolu à assigner devant le Tribunal de Commerce, instance qui a abouti au jugement dont appel, et dont il sollicite la confirmation ;

Attendu que l’appelant fait valoir, de son côté, qu’il est tout aussi compétent que X, dont la qualification « qualifanten » n’est délivrée par un organisme dénommé « qualifelec » que contre paiement d’une redevance élevée ; que l’expert VALLET n’est pas allé jusqu’au bout de sa mission, puisqu’il n’a pas eu à déposer de rapport devant l’abandon de l’action introduite contre X par la S.A.C.V.L. ; qu’il n’a jamais visité l’immeuble du 64, montée de l’Observance, ce qu’il reconnaît dans une lettre écrite le 14 octobre 1966 à Me BRESARD, avoué ; qu’il n’a donc pu se formuler une opinion sur la qualité de l’installation de cet immeuble qu’il est certain que celle-ci ne fonctionnait plus et que c’est la raison pour laquelle la S.A.C.V.L. a recouru aux conseils de Y, lequel a formulé ses critiques en toute objectivité ; que, du reste, les améliorations n’ont pas été faites par lui mais par la Société ANCORA qui a, effectivement, changé les câbles axiaux des « colonnes techniques », câbles qui présentaient trop de pertes ; qu’en 1969, cette même Société a refait la répartition comme Y l’avait préconisé en 1966 ;

Attendu, en ce qui concerne LE DUGUESCLIN, qu’il serait inexact de prétendre que MAZET avait vérifié l’installation, ce que l’O.R.T.F. ne peut faire ; que cet idoine a seulement déclaré que la tension mesurée à la prise « usager » était supérieure à celle préconisée par l’arrêté du 8 mai 1969 ; que, suivant constat de l’huissier LANFREY du 26 juin 1972, la Société WISI, constructeur d’appareils et accessoires d’antennes collectives, a confirmé les critiques de Y ;

Attendu que, selon lui, il n’y aurait donc eu aucun dénigrement des travaux de X, mais seulement un diagnostic, au surplus exact, établi à la demande des usagers ;

Attendu, en droit, que le dénigrement d’un concurrent constituant un acte de concurrence déloyale, consiste à jeter le discrédit sur les produits, le travail ou la personne d’un concurrent ; qu’il ne peut être reproché à un technicien, requis par un client, pour donner son avis ou procéder à une réfection, voire à l’entretien, d’une machine ou d’une installation provenant d’une autre entreprise, de formuler des critiques qu’il estime justifiées qu’il n’y a dénigrement que si ces critiques, systématiques, sont manifestement et sciemment erronées, dans le but de discréditer, fallacieusement, l’entreprise concurrente, dans le but de détourner abusivement la clientèle à son profit ;

Attendu, en l’espèce, que ce dénigrement n’existe pas dans le premier fait ; qu’en effet, il appert que Y, requis par la S.A.C.V.L., pour indiquer les remèdes à apporter à une installation qui ne fonctionnait plus, s’est contenté de faire un rapport dans lequel il déclare : « l’installation a été mal calculée et présente actuellement un déséquilibre important… en deuxième chaîne, le système de distribution entraîne des pertes très importantes et les câbles employés étant de qualité inférieure, sont irrémédiablement saturés et irrécupérables. Pour ces motifs, le signal reçu est pratiquement nul » ; qu’il a alors proposé les remèdes : réfection de la distribution, en remplaçant tous les câbles, remplacement de l’amplification de la 1ère chaîne par une de deux lampes « stabilisées » ; que si l’expert VALLET a, selon une lettre du 14 octobre 1966, précitée, où il a déclaré n’avoir pas visité l’immeuble litigieux, formulé quelques critiques à ce diagnostic, ou plutôt aux remèdes à y apporter, le mal venant surtout selon lui d’un défaut d’entretien, il résulte d’une lettre de la Société ANCORA, datée du 11 mars 1974, qui a procédé aux travaux de réfection qu’effectivement, elle avait dû changer, en 1968, les câbles de colonne, qui avaient trop de pertes, du fait, ajoute-t-elle prudemment, du « vieillissement » ; que l’on peut pourtant s’étonner de ce dernier point pour des câbles


prétendument de bonne qualité, datant seulement, à l’époque, de 4 ans ; que l’expert VALLET n’a pas, d’autre part, critiqué la proposition de Y de remplacer les amplificateurs existants, par un « deux lampes stabilisées », faisant simplement remarquer qu’ils n’existaient pas en 1964, date de l’installation ; que Y, dans son rapport, n’impute pas à faute à l’installateur (en l’occurrence X) de n’avoir pas utilisé un tel amplificateur, mais préconise seulement de remplacer l’ancien par ce système ;

Attendu, par suite, qu’il n’apparait dans les faits ci-dessus aucune volonté de nuire au susnommé, mais seulement une critique technique, en présence d’une installation qui, et ce point n’est pas contesté, ne fonctionnait plus, en particulier sur la 2e chaîne ; qu’une contestation entre deux techniciens, d’un avis différent, quant aux moyens préconisés pour la remettre en état, alors que rien n’indique que ceux proposés par Y aient été inefficaces, ne peut constituer de sa part, un dénigrement, sous peine d’interdire à tout technicien chargé de revoir une installation, de formuler son avis autorisé ;

Attendu, sur le second fait, que Y a été sollicité non pour réparer mais pour entretenir l’installation de télévision, neuve, d’un immeuble récent, que X ne se chargeait plus d’assurer, ainsi qu’il le reconnaît, ayant réduit son activité aux installations elles-même ; qu’il était loisible au premier de se refuser à accomplir l’ouvrage qui lui était demandé, sans apporter à l’installation les modifications qu’il jugeait utiles conformément au système qu’il emploie lui-même et aux appareils (fournis par une maison qui l’a formé ainsi que ses ouvriers) qu’il utilise pour ses propres installations ;

Attendu, par contre, que rien ne l’autorisait à formuler, par écrit, des critiques acerbes, qui ont ému la Société de Construction, au point qu’elle a alerté la Régie MOTTEROZ et également X, ensuite de quoi a été organisée la réunion précitée ; qu’il en est résulté, quoiqu’en dise Y, que l’installation fonctionnait parfaitement ; que le préposé de l’O.R.T.F. qui a assisté à la prise de mesures, a constaté que la tension était comprise entre le minimum et le maximum autorisés ; qu’il n’y a donc pas eu de violation des règlements en vigueur, contrairement à l’opinion formulée par le susnommé, qui y persiste, au cours d’une discussion qu’il veut scientifique, mais qui, de toute façon, est étrangère au débat ; que rien, en effet, ne vient prouver que l’installation faite par X ne donne pas, encore à l’heure actuelle, satisfaction aux co-propriétaires du DUGUESCLIN, contrairement aux prévisions volontairement pessimistes de Y ; que le « pompage » rapide des amplificateurs qu’il prétend devoir se produire par suite d’une « répartition très mal conçue », n’apparait pas avoir eu lieu ; qu’il s’agissait-là d’une affirmation gratuite, de nature à nuire à la réputation de son concurrent ; qu’il ne pouvait ignorer, comme il tente de le faire, que, lorsqu’il a critiqué avec virulence l’installation qu’on lui proposait seulement d’entretenir, celle-ci avait été faite par X qui avait apposé sa raison sociale sur tous les appareils ;

Attendu, par suite, qu’il y a bien eu là dénigrement générateur de concurrence déloyale ; que, toutefois, pour ce fait isolé, le préjudice subi par X ne saurait dépasser 2 000 F ; qu’il y a lieu, par contre d’ordonner la publication de l’arrêt dans un journal aux frais de Y ;

Et attendu que ce dernier doit supporter les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière sommaire et en dernier ressort ;

Reçoit comme régulier en la forme l’appel interjeté par Y ;



Au fond, confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu contre ledit un acte de concurrence déloyale à l’égard de X, et ordonné la publication, à ses frais, par voie de presse de sa décision ;

En conséquence, ordonne la publication par extraits du présent arrêt, aux frais de l’appelant, dans le Journal « LE PROGRES » ;

Réduit toutefois à 2 000 F le montant des dommages-intérêts ;

Condamne Y aux dépens d’instance et d’appel et prononce distraction de ces derniers au profit de Me AGUIRAUD, avoué sur son affirmation qu’il a fait la plus grande part des avances.

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