Cour d'appel de Lyon, du 29 janvier 2003, 2001/02785

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’enquête locale réalisée par une association de consommateurs constitue une oeuvre intellectuelle.

Commet une faute la société qui se sert de cette enquête, suite à sa diffusion dans une revue, afin de réaliser un effet publicitaire en utilisant le nom et l’oeuvre de l’association de consommateurs sans son autorisation

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 29 JANVIER 2003

Décision déférée : Décision du Tribunal d’Instance de LYON du 13 mars 2001 (R.G. : 200003464) N° R.G. Cour : 01/02785

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à des contrats divers sans autre indication APPELANTE : UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L’ISERE (UFC 38) Siège social : Maison des Associations 6 rue Berthe de Boissieux 38000 GRENOBLE représentée par Maître RAHON, Avoué assistée par Maître BRASSEUR, Avocat, (GRENOBLE) INTIMEE : SARL MTB CONSEILS ENSEIGNE UNICIS Siège social :

103 rue du Président Edouard Herriot 69002 LYON représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, Avoués assistée par Maître GOEDERT, Avocat, (LILLE) Instruction clôturée le 18 Juin 2002 Audience de plaidoiries du 17 Décembre 2002

LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D’APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :

. Monsieur VEBER, Président

. Madame DUMAS, Conseiller

. Monsieur SORNAY, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame X…, Greffier, a rendu l’ARRET contradictoire suivant prononcé à l’audience publique du 29 JANVIER 2003, par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec Madame X…, Greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

L’Union Fédérale des Consommateurs de l’Isère – Que Choisir (UFC – QUE CHOISIR 38), association sans but lucratif soumis au régime de la loi du 1er juillet 1901 dont l’agrément dans le cadre des dispositions de l’article L.421-1 du Code de la Consommation a été renouvelé le 6 décembre 2001, a pour objet d’aider, d’informer et de défendre les consommateurs.

Elle fait éditer trimestriellement une revue intitulée « CONSOM’AGIR » dans laquelle elle a publié (n° 95 – mars – avril – mai 2000) les résultats d’une enquête effectuée dans six agences matrimoniales de GRENOBLE et MEYLAN.

La Société SARL MTB CONSEILS, société franchisée de l’enseigne UNICIS, installée à LYON, a fait publier dans l’hebdomadaire gratuit « BONJOUR LE 69 » du 10 avril 2000 un encart publicitaire dans la rubrique « RENCONTRES » mentionnant « Unicis seule enseigne classée »Bon« dans le magazine CONSOM’AGIR n° 95 UFC GRENOBLE » et explicitant les résultats de l’enquête menée en précisant " jugement global :

seule enseigne classée « Bon ».

Par acte du 22 août 2000, l’Association UFC – QUE CHOISIR 38 a fait assigner la Société MTB CONSEILS – UNICIS devant le Tribunal

d’Instance de LYON afin d’obtenir l’interdiction de toute publicité mentionnant le sigle ou les travaux de l’UFC, l’apposition de la décision à intervenir sur les portes de la Société MTB CONSEILS, la publication du jugement dans le journal « LE 69 ». Elle a demandé également de prononcer ces condamnations sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée et la condamnation de la Société MTB – CONSEILS à lui verser une somme de 40.000 F à titre de dommages et intérêts outre une somme de 6.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 13 mars 2001, le Tribunal d’Instance a :

— déclaré recevable l’action de l’Association UFC – QUE CHOISIR 38 ; – donné acte à la Société MTB CONSEILS – UNICIS de son engagement de ne pas réitérer une quelconque parution à vocation publicitaire mentionnant les travaux de l’association ;

— condamné la Société MTB CONSEILS – UNICIS à payer à l’Association UFC-QUE CHOISIR 38 la somme de 10.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 1.200 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

— ordonné l’apposition de la décision sur les portes des établissements de la Société MTB CONSEILS – UNICIS du département du Rhône pendant une semaine à ses frais dans les conditions et limites des articles L.421-9 du Code de la Consommation et 131-35 du Code Pénal ;

— débouté les parties pour le surplus.

Appelante de cette décision, la Société MTB CONSEILS conteste qu’il y ait eu reproduction même partielle de l’oeuvre constituée par le compte-rendu de l’enquête et soutient qu’il ne s’agit que d’une référence faite sous une autre forme à des éléments d’information préalablement diffusés par voie de presse à l’initiative d’UFC et tombés dans le domaine public.

De même, elle estime qu’il ne peut y avoir atteinte au nom, la référence à un magazine intitulé « UFC – QUE CHOISIR ISERE CONSOM’AGIR » ne caractérisant aucune violation. Elle ajoute, concernant l’atteinte à l’image d’UFC – QUE CHOISIR pouvant résulter dans l’esprit des consommateurs d’une éventuelle collusion entre UFC et une société commerciale, qu’une telle atteinte ne pourrait résulter que d’une dénaturation de l’enquête qui en l’occurrence n’existe pas, le consommateur étant à même de faire la différence entre la référence faite par une société commerciale à un article par une association de consommateurs qui lui est favorable et l’enquête elle-même à laquelle il est loisible de se référer.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les courtes citations justifiées par le caractère d’information sous réserve que soient indiqués son nom et la source et que la reproduction partielle corresponde à une courte citation, que l’auteur et la source sont cités dans la parution litigieuse qui, si elle a une vocation publicitaire, a également une vocation d’information du public.

Sur le caractère trompeur de la parution litigieuse invoquée par UFC – QUE CHOISIR en ce que l’enquête se limitait à la ville de GRENOBLE et ne s’étendait pas à tout le réseau de franchisés exploitant l’enseigne UNICIS, la Société MTB CONSEILS réplique que les

paramètres de cette enquête, à l’exception de celui intitulé « contact-ambiance » peuvent s’appliquer indifféremment à toutes les agences du réseau de l’enseigne UNICIS compte tenu de la politique imposée aux franchisés. Elle soutient, en outre, qu’en tout état de cause, le caractère trompeur n’est pas intentionnel, parfaitement théorique et que le préjudice en résultant pour les consommateurs est inexistant, d’autant que la parution n’est intervenue qu’une seule fois.

La Société MTB CONSEILS – UNICIS, qui estime non fondée l’action de l’Association UFC – QUE CHOISIR 38, conclut à l’infirmation du jugement déféré et sollicite une somme de 2.286,74 ä en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. ***********

L’Association UFC – QUE CHOISIR 38 souligne que l’opération publicitaire a été faite sans son autorisation et constitue une publicité trompeuse. Elle rappelle qu’une personne morale a un droit privatif sur son nom, peut interdire que son nom soit utilisé ou se plaindre de toute atteinte à sa réputation ou de tout acte pouvant lui porter un discrédit, qu’elle peut également défendre les travaux réalisés que la contrefaçon soit partielle ou non. Elle précise que les courtes citations ne sont autorisées que lorsqu’elles sont justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées.

Elle soutient que la publicité litigieuse a, d’une part, porté préjudice à l’association elle-même (atteinte à son nom et à son image), d’autre part, créé un trouble illicite à l’intérêt collectif des consommateurs que l’association est habilitée à représenter dans le département. Elle demande ainsi une somme de 20.000 F pour chaque préjudice.

Elle demande également la publication de la décision, cette mesure étant une partie de la réparation seule à même d’atteindre la collectivité des consommateurs touchés par la publicité. Elle sollicite en outre l’élévation de l’indemnité de procédure allouée en première instance à la somme de 762,24 ä et d’en prononcer une nouvelle pour la procédure d’appel à hauteur de 1.600 ä.

MOTIFS

Attendu qu’il n’est pas contesté que l’enquête locale à laquelle s’est livrée l’association UFC – QUE CHOISIR 38 sur les agences matrimoniales de la région de GRENOBLE constitue une oeuvre intellectuelle et que celle-ci a été divulguée par sa publication dans la revue « CONSOM’AGIR » du deuxième trimestre 2000 ;

Attendu que lorsqu’une oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées ;

Attendu qu’en l’espèce, la Société MTB CONSEILS a fait paraître le 10 avril 2000 dans un journal hebdomadaire gratuit « BONJOUR LE 69 » un placard publicitaire dans la rubrique « RENCONTRES » précisant en titre et gros caractères « UNICIS seule enseigne classée »Bon« avec comme référence en petits caractères »dans le magazine CONSOM’AGIR n° 95 UFC GRENOBLE" ;

Que l’annonce a précisé :

« Les résultats de l’enquête menée par »CONSOM’AGIR" sont clairs :

. Contact-Ambiance : Bon. Rédaction-Clarté du contrat : Bon

. Respect de la loi : Bon. Impression sur les chances de réussite :

Bon Jugement global : seule enseigne classée « Bon » ;

Que l’utilisation de l’enquête réalisée par l’Association UFC – QUE CHOISIR par la Société MTB CONSEILS n’a eu manifestement d’autre but que de réaliser un effet publicitaire en utilisant le nom et l’oeuvre de l’association sans son autorisation ;

Que ce comportement s’avère doublement fautif d’une part en raison de l’usage du nom d’une association de consommateurs disposant d’une notoriété certaine sans son accord, d’autre part, en reproduisant une partie de l’oeuvre de celle-ci dans un contexte que ne permet pas la loi s’agissant en l’espèce de publicité ;

Que c’est donc à juste titre que le premier juge a retenu que la Société MTB avait porté atteinte aux intérêts de l’Association UFC – QUE CHOISIR en utilisant son oeuvre sans autorisation ;

Attendu que l’enquête réalisée par l’Association UFC – QUE CHOISIR portait exclusivement sur six agences matrimoniales installées à GRENOBLE et à MEYLAN dans le département de l’ISERE ;

Que, néanmoins, le placard publicitaire a omis cette précision pour présenter les résultats de l’enquête comme concernant globalement la

franchise UNICIS (« UNICIS seule enseigne classée Bon ») et non la seule agence de cette enseigne installée à GRENOBLE ;

Qu’à juste titre le Premier Juge a retenu que l’utilisation à des fins publicitaires de l’enquête ainsi détournée de son objectif premier présentait un caractère trompeur portant atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs ;

Attendu que le préjudice de l’UFC – QUE CHOISIR résulte du fait de s’être trouvée impliquée contre son gré dans une campagne publicitaire susceptible de provoquer dans l’esprit des consommateurs une doute sur son indépendance et son impartialité et donc sur son action ;

Que, toutefois, la publication litigieuse s’est limitée à un seul tirage d’un journal local hebdomadaire gratuit d’annonces dont l’impact est limité dans le temps et dans l’espace ; que la somme allouée par le jugement déféré apparaît ainsi justifiée ;

Que l’apposition de la décision sur les portes des établissements de la Société MTB CONSEILS – UNICIS du département du Rhône pendant une semaine constitue une réparation appropriée et suffisante ;

Attendu que l’équité commande que la Société MTB CONSEILS – UNICIS participe aux frais irrépétibles que l’Association UFC – QUE CHOISIR 38 a été contrainte d’engager dans la présente procédure ; qu’il convient d’élever à hauteur de 1.000 ä l’indemnité allouée par le Premier Juge ;

Attendu que la Société MTB CONSEILS – UNICIS qui succombe supporte les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Elève à la somme de 1.000 ä l’indemnité de procédure allouée à l’Association UFC – QUE CHOISIR 38 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la Société MTB CONSEILS – UNICIS aux dépens d’appel et autorise Maître RAHON, Avoué, à les recouvrer aux formes et conditions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT

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