Cour d'appel de Lyon, 24 juin 2014, n° 13/01553

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 24 juin 2014, n° 13/01553
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/01553
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 22 janvier 2013, N° 11/011462

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/01553

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 23 janvier 2013

RG : 11/011462

XXX

XXX

C/

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES RHONE A ALPES ET DU DEPARTEMENT DU RHONE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRET DU 24 Juin 2014

APPELANTE :

XXX

représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social

XXX

XXX

Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, assisté de Me Anne LICHTENSTERN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES RHÔNE-ALPES et du DEPARTEMENT DU RHONE

poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques qui élit domicile en ses bureaux sis

Hôtel des finances

XXX

LYON 2e

Représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 22 Novembre 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Juin 2014

Date de mise à disposition : 24 Juin 2014

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et X Y, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l’audience, X Y a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Jean-Jacques BAIZET, président

— Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

— X Y, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Par acte du 12 septembre 2003 la société AP Développement a acquis un tènement immobilier sis avenue Berthelot à Lyon 7e moyennant le prix de 3'811'225 € aux fins de construction en deux tranches de treize bâtiments pour un total d’environ 640 logements.

Cette société a opté pour le régime fiscal de faveur de l’article 1594 OG du code général des impôts, (TVA sur les terrains à bâtir) les travaux devant alors être réalisés dans le délai de 4 ans.

Par courrier du 16 décembre 2009 la direction générale des finances publiques a rejeté une demande de la société AP développement aux fins de prorogation du délai .

Ce rejet a été confirmé par décision du 27 juin 2011 du directeur régional des finances publiques .

La direction générale des finances publiques a émis un avis de mise en recouvrement pour un montant global de 224 958 € , soit 162 930 € au titre des droits et 62 028 € au titre des pénalités.

Par acte du 29 août 2011, la société AP Développement a saisi le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de constater que les conditions d’une prorogation annuelle étaient satisfaites et qu’il convenait de l’accorder et de prononcer la décharge des droits et pénalités mises à sa charge.

Par jugement du 23 janvier 2013 le tribunal de grande instance de Lyon a débouté la société AP Développement de l’intégralité de ses demandes .

La société AP Développement a relevé appel du jugement.

Elle demande à la cour :

— de dire et juger que la décision de refus d’accorder la prorogation annuelle du délai de construire en date du 16 décembre 2009 est irrégulière en ce qu’elle n’est pas suffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 et de la circulaire du 28 septembre 1987,

— de dire et juger que la procédure initiée par la décision de refus d’accorder la prorogation annuelle du délai de construire en date du 16 décembre 2009 est en conséquence frappée de nullité,

— de dire et juger qu’elle satisfaisait chacune des conditions requises par la doctrine et la jurisprudence pour bénéficier des prorogations annuelles qu’elle a sollicitées,

— de dire et juger que c’est à tort que le Directeur des services fiscaux du Rhône a refusé d’accorder des nouvelles prorogations annuelles et a rejeté la demande,

A titre subsidiaire

— de dire et juger qu’en cas de déchéance partielle du régime de la TVA immobilière, la régularisation doit être effectuée en ventilant le prix global d’acquisition en fonction de la superficie du terrain,

— de dire et juger que les intérêts de retard ne peuvent courir qu’à compter de l’expiration du délai pour construire, soit à compter du 12 septembre 2009 et que l’avis de mise en recouvrement est donc irrégulier,

en conséquence,

A titre principal

— de réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 23 janvier 2013,

— de constater que la procédure est irrégulière du fait de l’absence de motivation de la décision de refus du 16 décembre 2009,

— de constater que les conditions prévues pour octroyer des prorogations annuelles sont satisfaites et qu’il convient de les accorder,

— de prononcer la décharge des droits et pénalités,

— d’annuler par conséquent, l’avis de mise en recouvrement,

A titre subsidiaire

— de constater que seuls 30% des droits en principal figurant dans la proposition de rectification pourraient être exigés, soit 48 022 €,

— de constater que l’avis de mise en recouvrement doit être annulé concernant les intérêts de retard,

En tout état de cause

— de condamner l’Etat aux dépens et à payer à la société la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner l’Etat aux frais de timbres et aux entiers dépens de l’instance.

Elle soutient :

— que des délais supplémentaires doivent être octroyés lorsqu’il s’agit da la construction d’un ensemble immobilier par tranches et lorsque se présentent des cas de force majeure,

— qu’en l’espèce, on est bien en présence d’une construction à réaliser par tranches successives et qu’elle a rencontré plusieurs des cas de force majeure cités par la doctrine administrative et dont chacun est de nature à lui seul à justifier l’octroi d’une prorogation annuelle.

La Direction Générale des Finances Publiques demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable et non fondée la demande de la requérante , de confirmer le rejet de la demande de dégrèvement présentée par cette dernière et la condamnation aux dépens , de condamner la requérante à payer à l’administration 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Elle soutient :

— qu’aux termes de l’article 1594 0 G IV dans sa rédaction antérieure une prolongation annuelle renouvelable du délai de quatre ans fixée au 11 peut être accordée par le Directeur des Services fiscaux du lieu de la situation des immeubles dans des conditions fixées par décret, notamment en cas de force majeure ou lorsqu’il s’agit de la construction d’ensembles à réaliser progressivement par tranches successives,

— qu’au cas particulier, compte tenu de l’ampleur du programme immobilier qui se compose de deux tranches, l’administration a pris en considération cette situation pour accorder une prorogation de délai,

— alors que la 2 ème demande de renouvellement était hors délai, l’administration s’est montrée tolérante et n’a pas opposé la forclusion,

— qu’au terme du délai ( 12 septembre 2009) aucune construction n’était achevée et ce, même en ce qui concerne la première tranche (bâtiment A à F),

— que selon la doctrine administrative, une prorogation du délai légal doit être accordée toutes les fois que le défaut d’achèvement des travaux est dû à un cas de force majeure,

— que la Cour de cassation ne semble pas avoir validé une définition spécifique de la force majeure différente de la définition habituelle,

— que la notion de force majeure qui motive une prorogation de délai n’est pas différente de celle du droit commun : Il s’agit d’un événement imprévisible, insurmontable et indépendant de la volonté de l’acquéreur.

— que c’est donc à juste titre que le Tribunal a rejeté les arguments de la société AP Développement en l’absence de force majeure,

— que si la société n’avait pas la certitude de respecter son engagement du fait de l’ampleur du programme, elle avait la possibilité de se placer sous le régime de droit commun et d’acquitter dès l’acquisition du terrain les droits correspondants,

— que selon la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass com 24 janvier 1995 SCI La Castillane) l’absence de motivation de la décision par laquelle le Directeur des Services Fiscaux accorde ou refuse une prorogation de délai dans lequel l’acquéreur d’un terrain doit s’exécuter de l’obligation de construire pour ne pas être déchu du régime de faveur prévu par l’article 1594 OG A du code général des impôts n’entraîne pas sa nullité,

— que cette décision n’obéit à aucune règle de motivation formellle et n’est ni une décision de déchéance ni une décision individuelle.

MOTIFS

Sur la motivation de la décision de rejet

La décision par laquelle le Directeur des Services Fiscaux accorde ou refuse une prorogation de délai dans lequel l’acquéreur d’un terrain doit s’exécuter de l’obligation de construire pour ne pas être déchu du régime de faveur prévu par l’article 1594 OG A du code général des impôts, n’est ni une décision de déchéance ni une décision individuelle dérogeant aux règles générales fixées par la loi ou le règlement visé par la loi du 11 juillet 1979.

Dès lors l’absence de motivation n’entraîne pas la nullité de la décision du 16 décembre 2009.

Sur le bien fondé de la décision de rejet

Aux termes de l’article 1594-0 G du code général des impôts dans sa version alors applicable :

«IV. Une prolongation annuelle renouvelable du délai de quatre ans fixé au II peut être accordée par le directeur des services fiscaux du lieu de la situation des immeubles dans des conditions fixées par décret, notamment en cas de force majeure ou lorsqu’il s’agit de la construction d’ensembles à réaliser progressivement par tranches successives.»

Aux termes d’une réponse ministérielle produite par la société AP Développement et non contredite par l’Administration fiscale, il est mentionné que :

« la prorogation peut être accordée non seulement en cas de force majeure mais également pour d’autres raisons et notamment quand le délai de quatre ans est de nature à contrarier une progression normale des opérations de construction, compte tenu des circonstances techniques ou administratives qui ont pû faire obstacle à leur achèvement (…) en l’absence de toute négligence ou mauvaise volonté de la part de l’acquéreur .» Rep. Min Sénat 5 mars 1967 page 60

Le texte législatif autorise ainsi l’Administration fiscale à envisager d’autres éléments que les cas de force majeure et la construction d’ensembles par tranches successives.

Sur la construction par tranches successives :

En l’espèce, la première tranche n’était pas intégralement achevée au 12 septembre 2009, de sorte que c’est à juste titre que l’administration fiscale n’a pas retenu cet élément pour accorder une prorogation de délai pour réaliser les tranches suivantes.

Sur la force majeure ou les circonstances techniques ou administratives

La société AP Développement a bénéficié à l’issue du délai de 4 ans d’une première prorogation automatique d’une durée de 1 an, en sa qualité de professionnelle, puis d’une prorogation supplémentaire facultative de 1 an , expirant le 12 septembre 2009 en considération de sa demande formulée par un courrier daté du 7 janvier 2009 et faisant état ':

— du retard de délivrance du permis de construire en raison du contentieux en cours relatif à la réforme du PLU,

— de l’imposition d’un constructeur social,

— de la nécessité de procéder à l’éviction de nombreux locataires ( 21 lots),

— de la nécessité de trouver un accord avec la Sncf, voisine du chantier,

— des difficultés non résolues relatives aux raccordements et à l’adressage de la rue.

Par un courrier du 9 octobre 2009, la société AP développement a sollicité un nouveau délai en fondant sa demande sur les éléments suivants :

— bâtiments A,B et C,D,E,F : achèvement imminent, permis modificatif sollicité pour une surface de 143 m2 supplémentaire,

— Bâtiments G,J,K,L,M,N,O :

* nécessité afin de réagir à la crise de revoir la topologie et la surface des logements de la seconde tranche , de déposer une demande de permis de construire modificatif au mois de juin 2009 , en cours d’instruction,

* attente de la signature de l’accord avec le « constructeur social HMF» , pourparlers en cours sur le planning des constructions, sur l’organisation des travaux de VRD, la description des limites de prestations, des servitudes de passage, du rapport de pollution, attente du permis de construire modificatif, transfert de co-titularité à envisager,

* division foncière : Pour les besoins de la vente au constructeur social, la parcelle 278 a fait l’objet d’une division foncière en trois nouvelles parcelles . La réquisition de division est en cours ce qui permettra de finaliser le règlement de copropriété de la seconde tranche .

* constitution d’une association syndicale libre pour la gestion des voies nouvelles en attendant la rétrocession à la ville de Lyon.

* nomination des voies : nomination de la voie nouvelle créée le long de la voie ferrée en cours, malgré une demande ancienne.

* difficultés techniques liées au voisinage de la voie ferrée : études acoustiques, règles de sécurité drastiques imposées par la société RFF.

Il apparaît dès lors au vu de ces éléments :

— que l’opération immobilière peut être qualifiée de «'hors normes»,

— que selon une attestation de l’architecte, les travaux du bâtiment C ont été achevés le 4 septembre 2009, ceux des bâtiments D, E, F le 6 juillet 2009 , soit avant le 12 septembre 2009,

— que les bâtiments CDEF ont été réceptionnés le 25 septembre 2009 et les bâtiments A et B le 15 janvier 2010,

— que la société AP Développement a donc terminé la première tranche, avec un retard raisonnable par rapport au 12 septembre 2009, ce qui caractérise une absence de mauvaise volonté de sa part,

— que la société AP développement n’a pu obtenir les permis de construire qu’après un délai de deux ans d’instruction, en raison principalement des litiges relatifs à la révision du PLU, sans qu’aucune négligence ne lui soit imputée,

— qu’il lui a été imposé de revendre une partie du tènement à un constructeur social ce qui n’a pu être réalisé que le 30 décembre 2009 et ce qui a retardé l’ensemble des travaux extérieurs,

— que ce n’est que les 9 juin 2009 et 16 octobre 2009 qu’ont été fournis le nom et les numéros de la rue correspondant aux bâtiments en construction, alors que les demandes de numérotation ont été transmises quelques mois seulement après l’obtention du premier permis de construire en 2006,

— que les travaux permettant le raccordement à l’égout n’ont été autorisés par la Préfecture du Rhône que le 21 janvier 2009, en raison de la nécessité d’abroger préalablement un arrêté préfectoral interdisant les travaux sans tranchée de pose à proximité des ouvrages de distribution de gaz, ce qui a bloqué l’évolution des travaux,

— que la faillite de la société de carrelage SOLCAR qui a cessé ses interventions le 12 décembre 2008, a généré un retard important sur les délais de construction prévus.

Ces éléments constituent des cas de force majeure, et a minima des circonstances techniques ou administratives indépendantes de la volonté de la société AP Développement ayant été la cause déterminante du non achèvement des travaux avant le 12 septembre 2009.

Aucune mauvaise volonté ou négligence n’est imputable à la société AP Développement qui apparaît au contraire s’être employée à mener à son terme cette opération de grande complexité.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré .

PAR CES MOTIFS:

la cour,

Réformant le jugement déféré et statuant de nouveau,

— Déboute la société AP Développement de sa demande d’annulation de la décision du 16 décembre 2009,

— Dit que la société AP Développement pouvait légitimement bénéficier d’une nouvelle prorogation annuelle,

— Prononce l’annulation de l’avis de mise en recouvrement n° 05102 du 31 août 2010,

Vu l’article 700 du code de procédure civile ,

— Déboute les parties de leurs demandes respectives,

— Condamne la Direction générale des finances publiques aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement au profit de la Scp Aguiraud-Nouvellet, Avocat au Barreau de Lyon.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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