Cour d'appel de Lyon, 18 octobre 2016, n° 16/05405

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/05405

Décision du

Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE
TARARE

Référé

du 07 juillet 2016

RG : 2016R28

SA à Conseil d’Administration U10

C/

X

SARL U-WEB

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 18 OCTOBRE 2016

APPELANTE :

SA U10

représentée par ses dirigeants légaux

XXX

XXX

XXX

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE
NOUVELLET, avocats au barreau de LYON (toque 475)

Assistée de la SCP BES SAUVAIGO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

INTIMES :

M. Y X

XXX charmes

XXX

Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON (toque 1547)

Assisté de Maître Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON

SARL U-WEB

représentée par ses dirigeants légaux

XXX

XXX

Représentée par la SELARL LAFFLY &
ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de
LYON (toque 938)

Assistée du cabinet LAMY LEXEL AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTERVENANTE :

SELARL MJ SYNERGIE représentée par maître
Z A agissant en qualité d’administrateur ad’hoc des sociétés U10 et U-Web avec mission précisée par ordonnance rendue en matière de référé par le
Président du Tribunal de Commerce de Villefranche-Tarare en date du 07 juillet 2016

XXX

XXX

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 31 Août 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31
Août 2016

Date de mise à disposition : 11 Octobre 2016, prorogée au 18 Octobre 2016, les parties ayant été avisées

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Claude MORIN, président

— Dominique DEFRASNE, conseiller

— Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Marine
DELPHIN-POULAT, greffier

A l’audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du

code de procédure civile,

Signé par Claude MORIN, président, et par Marine
DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le groupe U10 ayant à sa tête la société holding U10, est spécialisé dans le secteur de l’équipement de la maison.

Il possède plusieurs filiales, notamment la société L3C, dirigée par monsieur B C et la société FRED OLIVIER qui ont une activité de conception, commercialisation et distribution de produits textiles destinés à la décoration et l’aménagement intérieur de la maison.

Monsieur Y X était directeur général délégué et administrateur de la société
U10 aux côtés de monsieur D
E, son président directeur général et fondateur.

Début 2011, il a été décidé de créer une nouvelle filiale spécialisée dans la distribution des produits du groupe par internet auprès des consommateurs grand public.

Dans ce contexte, est née la société U-WEB, le 02 septembre 2011, ayant pour associés la société
U10 à 51% et monsieur X à 49%, également gérant.

La société U-WEB dont les fournisseurs exclusifs étaient les sociétés L3C et FRED OLIVIER, a eu un début d’activité très prometteur jusqu’en 2015, en dépit de l’absence d’un protocole d’accord à durée déterminée réclamé par monsieur
X.

Postérieurement, les relations entre la société U-WEB et les sociétés du groupe se sont dégradées, principalement en raison de l’augmentation unilatérale des prix pratiqués par L3C et FRED
OLIVIER.

Les sociétés du groupe ont prétendu justifier ces augmentations par l’évolution du dollar en indiquant que la société U-WEB bénéficiait encore des meilleurs tarifs proposés aux clients du groupe.

Dans ce contexte conflictuel, émaillé par de vives récriminations de monsieur X, le dirigeant de la société L3C, monsieur C, par courrier du 26 septembre 2015, a notifié à la société U-WEB la rupture de leurs relations contractuelles.

Ensuite, par lettre recommandée du 19 février 2016, la société U10, conformément aux statuts et aux dispositions de l’article L223-27 alinéa 4 du code de commerce, a demandé à monsieur X de convoquer au plus tard le 07 mars 2016, une assemblée générale de la société U-WEB avec l’ordre du jour suivant :

— décision à prendre sur la révocation du mandat de gérant de monsieur X,

— nomination d’un successeur gérant,

— pouvoir pour l’accomplissement de ces formalités.

Monsieur X n’a pas donné suite à cette demande et le 10 mars 2016, la société
U-WEB a fait assigner la société L3C devant le tribunal de commerce de LYON pour avoir paiement de 365.000 à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations contractuelles établies,

sur le fondement de l’article L442-6 du code de commerce.

Le 31 mars 2016, la société U10, associée majoritaire de la société U-WEB, a, de son côté, fait assigner la société U-WEB et monsieur X devant le président du tribunal de commerce de
VILLEFRANCHE SUR SAONE, statuant en la forme des référés, aux fins de désignation d’un mandataire ayant pour mission de convoquer une assemblée générale de la société U-WEB sur le fondement des statuts et de l’article L.223-27 du code de commerce, compte tenu de l’abstention du gérant.

Parallèlement, le 19 mars 2016, la société
U-WEB a diligenté une autre procédure au fond à l’encontre des sociétés U10, L3C et FRED OLIVIER devant le tribunal de commerce de
VILLEFRANCHE SUR SAONE pour avoir paiement de la somme de 5.901.000 à titre de dommages et intérêts pour abus de hausse unilatérale des prix.

Devant le juge des référés de VILLEFRANCHE SUR
SAONE, la société U-WEB et monsieur
X se sont opposés à la demande de désignation du mandataire pour convoquer l’assemblée générale, en faisant valoir que cette demande ne relevait pas de la « forme des référés » visée dans l’assignation de la société U10, mais du référé de droit commun et reconventionnellement, ont sollicité la désignation d’un mandataire ad’hoc avec pour mission de représenter la société U10 et de voter en ses lieu et place à l’assemblée de U-WEB, dont la convocation serait autorisée judiciairement ou en accord entre les associés.

Par ordonnance du 07 juillet 2016, le juge des référés, sous le visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, a :

— constaté qu’aucune disposition ne saurait imposer la désignation d’un mandataire pour convoquer une assemblée générale que le gérant a refusé,

— constaté qu’en transférant l’intégralité des marges et donc des résultats de la société U-WEB dont elle était actionnaire à 51% vers les sociétés
L3C et FRED OLIVIER dont elle est actionnaire à 100%, la société U10 s’est rendue coupable d’un abus de majorité au détriment de l’actionnaire minoritaire,

— constaté que les statuts de la société ainsi que le code de commerce prévoyaient que la désignation du mandataire ad’hoc est faite « par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en référé »,

En conséquence :

— rejeté la demande de désignation d’un mandataire formée par U10 et invité cette société U10 à saisir le tribunal de commerce de VILLEFRANCHE TARARE statuant au fond si elle entendait essayer de faire révoquer judiciairement pour cause légitime et/ou juste motif monsieur Y
X,

— rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société U10 et dit le juge des référés compétent pour statuer sur la désignation d’un mandataire ad’hoc à la société U10,

— dit que pour prévenir tout dommage et faire cesser tout trouble manifestement illicite, il y avait lieu de désigner un mandataire ad’hoc à la société
U10,

— dit qu’il était de l’intérêt social des sociétés U10 et U-WEB de désigner un seul et même mandataire ad’hoc,

— désigné à cette fin, maître Z A, associé de la SELARL AJPARTENAIRES avec pour

mission :

* représenter la société U10 et voter en ses lieu et place à toute assemblée dont la convocation serait autorisée judiciairement ou d’accord entre les associés,

* favoriser la conclusion d’un accord destiné à sauver et pérenniser l’activité de la société
U-WEB entre le gérant majoritaire de la société U-WEB, l’actionnaire majoritaire de cette société, le cas échéant, les fournisseurs exclusifs de la société U-WEB,

* plus largement, proposer toute solution de restructuration de la société U-WEB et/ou de son capital social qui soit de nature à sauvegarder sa pérennité,

— fixé la durée de la mission du mandataire ad’hoc jusqu’à l’issue définitive de toute voie de recours ordinaire et extraordinaire expirées des procédures commerciales lancées tant devant le tribunal de commerce de LYON que devant le tribunal de commerce de VILLEFRANCHE
TARARE ou signature d’un protocole d’accord entre les parties,

— ordonné à la société U10 de consigner au greffe du tribunal la somme de 20.000 à valoir sur la rémunération du mandataire ad’hoc avant le 31 juillet 2016,

— condamné la société U10 à payer à payer à monsieur Y X la somme de 5.000 en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société U10 à payer à la société U-WEB la somme de 5.000 en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société U10 aux dépens.

Le 11 juillet 2016, la SA U10 a interjeté appel de cette décision.

L’appelante demande à la cour :

A titre principal :

— de constater l’excès de pouvoir commis par le premier juge qui, saisi au fond en la forme des référés, a statué au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile,

— d’annuler en conséquence l’ordonnance querellée,

Subsidiairement :

— d’infirmer l’ordonnance querellée,

— de dire sa demande recevable,

— de désigner tel mandataire qu’il plaira à la cour, notamment administrateur judiciaire avec pour mission de convoquer une assemblée générale de la société U-WEB avec pour ordre du jour :

* décision à prendre concernant la révocation éventuelle du mandat de gérant de monsieur Y
X,

* nomination le cas échéant d’un nouveau gérant et fixation de ses pouvoirs,

* pouvoir pour l’accomplissement de ces formalités,

— de se déclarer incompétent rationae materiae pour statuer sur les demandes reconventionnelles de la société U-WEB et de monsieur X aux fins de désignation d’un administrateur provisoire et d’un mandataire ad’hoc pour la représenter,

— subsidiairement, de dire ces demandes mal fondées,

En toute hypothèse :

— de condamner monsieur Y
X à lui payer la somme de 10.000 en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle fait valoir que les articles L.223-27 et R.223-20 du code de commerce, concernant la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale, instituent une compétence spéciale propre à l’organe consulaire qui ne revêt du référé que la forme et que le président du tribunal de grande instance statue, en réalité, au fond, en dehors de toute considération propre au référé, comme l’urgence ou les critères des articles 872 et 873 du code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes principales aux fins de convocation de l’assemblée générale, elle fait valoir :

— que la convocation de l’assemblée générale à la demande d’un associé qui remplit les conditions de la loi est un droit qui ne peut être refusé par le gérant et qu’il y a lieu seulement d’apprécier la qualité de l’associé et la conformité de la demande à l’intérêt social,

— qu’aucune prétention ne peut faire obstacle à une révocation du gérant qui doit s’exprimer dans le cadre de la démocratie sociale,

— que l’intérêt social se confond avec le fonctionnement normal de l’assemblée générale et ses règles,

— que la demande d’une convocation de l’assemble générale, conformément à la loi, ne saurait constituer un abus, même si elle émane d’un associé majoritaire.

A titre subsidiaire, elle s’oppose à la demande reconventionnelle de monsieur X et de la société U-WEB en indiquant :

— que la désignation d’un mandataire ad’hoc avec pour mission de représenter la société U10 à toute assemblée est une mesure d’une exceptionnelle gravité, privative des libertés fondamentales en droit des sociétés,

— qu’il n’est nullement établi que la société
U10 ne serait pas libre de ses droits ou que l’exercice de ceux-ci serait entravé, ni qu’elle entend prendre des décisions contraires à l’objet social ou illicites,

— qu’en fait, la demande reconventionnelle, destinée à empêcher tout libre exercice des droits des associés dans le cadre des assemblées générales pour obtenir la révocation du gérant, est elle-même illicite.

La SARL U-WEB demande à la cour :

— de confirmer l’ordonnance querellé en toutes ses dispositions,

— de condamner la société U10 à lui payer la somme de 10.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle fait valoir qu’il résulte des termes de l’article
R.223-20 du code de commerce que le président du

tribunal de commerce statue en référé et non pas en la forme des référés et que l’ordonnance ne saurait donc être annulée en ce qu’elle a statué sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile tant à ce qui concerne la demande principale que la demande reconventionnelle.

Elle s’oppose à la demande formée par la société U10 en indiquant :

— que la désignation d’un mandataire pour convoquer l’assemblée générale n’opère pas de plein droit la seule demande d’un associé,

— que cette demande doit être examinée au regard de l’intérêt social et du but poursuivi par l’associé majoritaire,

— qu’en l’espèce, la demande de la société U10 qui tend à faire révoquer monsieur X est une mesure de représailles contre ce dernier avec pour but l’appropriation totale des résultats de la société U-WEB, l’anéantissement de celle-ci en sa forme actuelle, sa mise « sous silence judiciaire » à la faveur d’un nouveau gérant, aux ordres, qui n’aura plus qu’à se désister des instances au fond en laissant la partie belle à l’associé majoritaire,

— qu’il s’agit d’un coup de force habillé sous la notion de démocratie sociale, laquelle n’est pas ici synonyme d’intérêt social,

— que monsieur X, par son comportement, a justement voulu protéger les intérêts sociaux de la société U-WEB et que les explications fournies par le groupe pour justifier les hausses de prix sont fausses.

A l’appui de sa demande reconventionnelle, elle soutient :

— qu’il est possible de désigner un mandataire ad’hoc en cas de légitime défiance à l’encontre du pouvoir, même de manière préventive, notamment en présence d’un péril imminent menaçant l’intérêt social,

— qu’en l’espèce, la société U-WEB a tout à craindre du gérant qui sera mis en place par son associé majoritaire alors que son dirigeant actuel, monsieur X, a parfaitement rempli ses fonctions.

Monsieur Y X demande à la cour :

Sur la demande principale :

— avant dire droit, d’ordonner la comparution personnelle de la société U10 en la personne de son président, monsieur D E, à effet de répondre aux questions et d’être confronté à monsieur Y X et de donner acte à ce dernier qu’il comparaîtra volontairement et personnellement à toute audience,

— de rejeter la demande de désignation d’un mandataire ad’hoc et d’inviter la société U10 à saisir le tribunal de commerce de VILLEFRANCHE au fond si elle entend essayer de faire révoquer judiciairement pour cause légitime et/ou juste motif monsieur
Y X,

Sur la demande reconventionnelle :

— de rejeter la demande de nullité de l’ordonnance de référé ou l’exception d’incompétence du président du tribunal de commerce et de confirmer l’ordonnance querellée en ce que le premier juge s’est déclaré compétent pour statuer subsidiairement sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire, et dans tous les cas, de désignation d’un mandataire ad’hoc,

— subsidiairement, de rejeter la demande mais de désigner un administrateur provisoire en la personne de maître A à l’effet de représenter et de diriger la société U-WEB, sans disparition des fonctions opérationnelles de monsieur Y X qui doit demeurer gérant,

— dans tous les cas, de dire que pour prévenir tout dommage et faire cesser tout trouble manifestement illicite, il y a lieu, au titre des mesures de référés, de désigner un mandataire ad’hoc à
U10 chargé de la représenter et de voter en ses lieu et place à toute assemblée dont la convocation serait autorisée judiciairement ou d’accord entre les associés,

— de condamner la société U10 aux dépens ainsi qu’au paiement de 15.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X fait valoir les mêmes arguments et moyens que la société U-WEB pour conclure à la compétence du président du tribunal de commerce et pour s’opposer à la demande principale de la société U10 aux fins de désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale en indiquant qu’il appartient à la société U10 de saisir le tribunal de commerce de VILLEFRANCHE au fond si elle entend le faire révoquer judiciairement.

Il prétend justifier ses demandes de nomination, à titre subsidiaire, d’un administrateur provisoire et dans tous les cas d’un mandataire ad’hoc à U10, par l’abus de majorité de cette dernière et en expliquant que cet abus peut se produire à nouveau à l’occasion de la prochaine assemblée générale d’approbation des comptes ou dans l’hypothèse de la désignation ultérieure d’un administrateur provisoire chargé de convoquer l’assemblée générale.

MOTIFS DE LA DECISION

1/ Sur la demande principale de la société U10, aux fins de désignation d’un administrateur chargé de convoquer l’assemblée générale de la société U-WEB

Attendu que l’article L.223-27 du code de commerce prévoit, en son 4e alinéa, qu’un ou plusieurs associés détenant la moitié des parts sociales ou détenant, s’ils représentent au moins le 10e des associés, le 10e des parts sociales, peuvent demander la réunion d’une assemblée ;

Que tout associé peut demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre de jour ;

Attendu qu’aux termes du dernier alinéa de l’article
R.220-20 du même code, le mandataire chargé de convoquer l’assemblée dans le cas prévu par le 4e alinéa de l’article L.223-27 est désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en référé ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de ce texte réglementaire que le président du tribunal de commerce auquel il est demandé de désigner un administrateur chargé de convoquer l’assemblée générale statue bien en la matière du référé de droit commun et non pas en la forme des référés, comme le soutient la société U10 ;

Qu’il s’ensuit que le moyen tiré de l’excès de pouvoir du premier juge auquel il est reproché d’avoir statué au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, ainsi que la demande d’annulation de l’ordonnance de référé ne peuvent valablement prospérer ;

Attendu que le juge des référés saisi en application de l’article L.223-27 alinéa 4 du code de commerce doit vérifier que la demande tend à des fins légitimes conformes à l’intérêt social et non pas la satisfaction de fins propres au demandeur ;

Attendu qu’il est constant en l’espèce que la société U10, actionnaire majoritaire a 51% de la société

U-WEB et monsieur X, actionnaire à 49%, sont en conflit sur des choix commerciaux faits par cet actionnaire majoritaire, également fournisseur de la société U-WEB, et jugés préjudiciables par monsieur X, son gérant ;

Qu’il y a lieu de constater que la demande de la société U10 tend essentiellement à obtenir la révocation de monsieur X de son mandat de gérant ainsi qu’à la nomination d’un nouveau gérant et que l’issue de l’assemblée générale est connue d’avance, puisque l’actionnaire majoritaire aura nécessairement satisfaction avec la possibilité de nommer un gérant plus captif pour servir ses intérêts propres, ainsi que l’a justement relevé le premier juge, en évoquant notamment l’hypothèse d’un désistement des instances introduites par la société U-WEB devant les juridictions du fond afin de la priver d’une éventuelle indemnisation ;

Qu’au demeurant, il ne peut être soutenu que monsieur
X ait porté atteinte aux intérêts de la société U-WEB en refusant de convoquer une assemblée générale dont le seul but était d’obtenir sa révocation ;

Attendu que la demande de la société U-10, sous couvert de l’exercice de la démocratie sociale, ne tend pas à la préservation de l’objet social de la société U-WEB, ce qui caractérise principalement l’intérêt social, mais à la satisfaction de son propre intérêt ;

Qu’il ne peut donc être fait droit à cette demande ;

Qu’il appartiendra à la société U10, le cas échéant, de saisir le juge du fond aux fins de révocation judiciaire de monsieur X ;

2/ Sur la demande reconventionnelle de la société
U-WEB et de monsieur X aux fins de désignation d’un administrateur ad’hoc ou d’un administrateur provisoire pour représenter la société
U10

Attendu que le juge des référés tient de l’article 872 du code de procédure civile le pouvoir d’ordonner, dans tous les cas d’urgence, toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ;

Que l’article 873 du même code lui permet, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu en l’espèce que la société U-WEB et monsieur X sollicitent la désignation d’un mandataire pour représenter la société U10 à toute assemblée générale de la société
U-WEB à venir ;

Attendu que cette mesure est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société ou menaçant celle-ci d’un péril imminent ;

Attendu qu’il n’est pas démontré ni même allégué en l’espèce que la société U10 serait dans l’impossibilité d’exercer ses droits sociaux, ce qui entraverait son fonctionnement ou celui de la société U-WEB ;

Que sa décision annoncée de révoquer le mandat de gérant de monsieur X au sein de la société U-WEB, en dépit de ses motivations, n’entraîne pas en l’état un dommage ou un péril imminent, ni un trouble manifestement illicite qu’il appartiendrait au juge des référés de faire cesser en application des dispositions légales précitées ;

Attendu en conséquence qu’il y a lieu de rejeter également les demandes formées par la société

U-WEB et par monsieur X, sans qu’il soit besoin d’examiner l’opportunité d’une comparution personnelle des gérants concernés ;

Attendu que la société U10 supportera les entiers dépens ; qu’il n’y a pas lieu au vu des circonstances de la cause de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance querellée en ce qu’elle a retenu le pouvoir du juge des référés pour statuer tant sur la demande de la SA U10 que sur la demande de la SARL
U-WEB et de monsieur Y
X et en ce qu’elle a rejeté la demande formée par la SA U10 aux fins de désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale de la SARL U-WEB,

Confirme également l’ordonnance querellée sur les dépens de première instance,

La réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Rejette la demande formée par la SARL U-WEB et par monsieur Y X aux fins de désignation d’un mandataire ad’hoc ou d’un administrateur provisoire, chargé de représenter la SA
U10 et de voter en ses lieu et place à toute assemblée dont la convocation serait autorisée judiciairement en accord entre les associés,

Dit n’y avoir lieu à référé de ce chef,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant :

Condamne la SA U10 aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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