Cour d'appel de Lyon, 4 février 2016, n° 15/06409

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 4 févr. 2016, n° 15/06409
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/06409
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 27 juillet 2015, N° 2015r591

Texte intégral

R.G : 15/06409

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Référé

du 28 juillet 2015

RG : 2015r591

XXX

SAS SIGESS

C/

S.A.S. A B I

SELARL Y Z

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3e chambre A

ARRET DU 04 Février 2016

APPELANTE :

SAS SIGESS

inscrite au RCS de LYON sous le n° 433 682 143

représentée par son dirigeant légal domicilié audit siège

XXX

XXX

Représentée par la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER, avocats au barreau de LYON

INTIMEES :

S.A.S. A B I nom commercial SODIGEST

inscrite au RCS de LYON sous le n° 383 324 449

représentée par son dirigeant légal domicilié audit siège

XXX

XXX

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON

Assistée de LEXCASE société d’avocats – Maître Sébastien SEMOUN

avocat au barreau de Lyon

SELARL Y Z

représentée par son dirigeant légal en exercice domicilié audit siège

84 rue de la Part-Dieu

XXX

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 17 Décembre 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Décembre 2015

Date de mise à disposition : 04 Février 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— E F, président

— Hélène HOMS, conseiller

— Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier

A l’audience, E F a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par E F, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société A B I exerce son activité dans le domaine de la gestion de fonds de commerce, et exploite notamment des stations-service de manière provisoire.

Pour les besoins de son activité, la société A B I a recruté au début de l’année 2002 Monsieur J C D au poste de responsable des opérations.

A la demande de ce dernier résultant d’une correspondance du 21 octobre 2014, indiquant souhaiter démarrer de nouveaux projets, une rupture conventionnelle a été régularisée, Monsieur C D ayant quitté la société A B I le 26 décembre 2014.

Monsieur C D a alors été embauché par la société SIGESS, ayant pour activité l’administration et la gestion de stations-service, par contrat du 5 janvier 2015 en qualité de responsable technique.

Considérant que Monsieur C D, suite à son départ de la société, s’était livré à des agissements susceptibles d’être sanctionnés sur le fondement de la concurrence déloyale, la société A B I lui a adressé le 20 janvier 2015, ainsi qu’à la société SIGESS, une lettre leur intimant de cesser ces comportements déloyaux.

N’étant pas satisfaite de la réponse apportée par la société SIGESS et Monsieur C D par courriers des 2 et 6 février 2015, la société A B I a présenté une requête auprès du président du tribunal de commerce de Lyon sollicitant l’autorisation de réaliser un constat d’huissier sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dans les locaux de la société SIGESS. Il a été fait droit à cette requête par ordonnance du 16 avril 2015.

Celle-ci est rédigée en ces termes :'attendu après examen des pièces versées à l’appui de la requête, qu’il convient de constater qu’en l’espèce, le requérant justifie de la possibilité d’engager un procès, dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés,

Attendu qu’à ce stade de la procédure, cette action n’apparaît pas manifestement vouée à l’echec,

Attendu en conséquence que la légitimité de la mesure d’instruction sollicitée apparaît acquise et ce, conformément aux dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,

Parallèlement, la société A B I a présenté une autre requête au président du tribunal de grande instance de Bourgoin Jallieu aux fins de voir désigner un huissier de justice chargé d’investigations sur les ordinateurs de Monsieur C D, requête à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 17 avril 2015.

Le 1er juin 2015, les opérations de constat ont eu lieu dans les locaux de la société SIGESS et chez Monsieur C D.

Par assignation du 15 juin 2015, la société SIGESS a alors sollicité devant le président du tribunal de commerce, statuant en matière de référé, la rétractation de l’ordonnance du 16 avril 2015 et la destruction de tous les éléments appréhendés par l’Huissier instrumentaire ou leur restitution. Elle sollicitait également 10 000 € de dommages intérêts et une indemnité de procédure .

Par ordonnance du 28 juillet 2015, le président du tribunal de commerce de Lyon a :

— débouté la société SIGESS de sa demande de rétractation de l’ordonnance en date du 16 avril 2015, outre des mesures sollicitées à l’encontre de l’Huissier instrumentaire,

— déclaré irrecevable la demande de la société SIGESS tendant à se faire octroyer, à titre provisionnel, des dommages et intérêts,

— condamné la société SIGESS au paiement de la somme de 4.000 € au profit de la société A B I, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société SIGESS aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration reçue le 3 août 2015, la société SIGESS a relevé appel de cette décision, intimant la société A B I et la SELARL Y Z, huissier de justice ayant procédé aux opérations de constat.

Par ordonnance du 16 septembre 2015, rendue au visa de l’article 905 du code de procédure civile, les plaidoiries ont été fixées au 17 décembre 2015.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2015, la société SIGESS demande à la cour de :

— infirmer l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 28 juillet 2015,

statuant à nouveau,

— dire et juger la société SIGESS recevable et bien fondée en ses demandes,

à titre principal,

— dire et juger que ni la requête ni l’ordonnance du 16 avril 2015 ne caractérisent les circonstances susceptibles de justifier que ne soit pas respecté le principe du contradictoire au cas d’espèce,

à titre subsidiaire,

— dire et juger que ni la requête, ni l’ordonnance du 16 avril 2015 ne caractérisent des circonstances susceptibles de justifier d’un intérêt légitime à autoriser les mesures de constat contestées,

— dire et juger que le requérant ne justifiait pas de la possibilité d’engager un procès compte tenu de l’absence de captation possible de la clientèle, de l’absence d’informations confidentielles ou privilégiées détenues par le salarié nouvellement embauché au sein de la société SIGESS et de préjudice subi par la société A B I,

— dire et juger que les faits prétendument troublants invoqués par la société A B I ne sont pas étayés ni crédibles,

— dire et juger que les conditions de l’article 145 du Code de procédure civile ne sont pas réunies à défaut d’intérêt légitime,

en tout état de cause,

— réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 28 juillet 2015 par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon,

— dès lors, rétracter en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 16 avril 2015 par le Président du Tribunal de Commerce de Lyon,

— faire obligation à l’Huissier de justice ayant pratiqué les mesures de :

procéder à la destruction de tous les duplicatas ayant pu être saisis au cours des opérations du 1er juin 2015, quelle qu’en soit leur forme,

dresser procès-verbal de destruction de l’ensemble des duplicatas ayant pu être récupérés, aux frais de la société A B I, et d’en justifier auprès de la société SIGESS,

restituer à la société SIGESS les originaux ayant pu être saisis au cours des opérations du 1er juin 2015,

— faire interdiction à l’Huissier de justice ayant pratiqué les mesures de remettre à quiconque quelque élément que ce soit recueilli lors des opérations du 1er juin 2015, ainsi que tout constat qui aurait pu être établi sur la base de ces documents,

— débouter la société A B I de toutes ses demandes, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires,

— condamner la société A B I au paiement de la somme de 3.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à tous les dépens d’appel et de première instance, ces derniers distraits au profit de Maître Patrick PROTIERE, Avocat, sur son affirmation de droit,

si par impossible la cour confirmait la décision de première instance en ce qu’elle a débouté la concluante de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête,

— fixer la condamnation prononcée par la juridiction de première instance au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à de plus justes proportions.

La société SIGESS fait valoir que la dérogation exceptionnelle au principe du contradictoire consacré par l’article 15 du code de procédure civile, n’est justifiée ni dans la requête, ni dans l’ordonnance puisqu’elles n’expliquent pas en particulier sur quoi repose la prétendue crainte que les éléments visés puissent disparaître, celles-ci étant constituées de termes généraux pouvant être appliqués à toute espèce.

Elle expose que la société A B I a d’elle-même annihilé tout effet de surprise et créé de son fait un risque de dépérissement des preuves compte tenu du délai séparant la constatation des prétendus faits de concurrence déloyale et le dépôt de la requête( presque 3 mois ), et du délai dans lequel la mesure a été mise en 'uvre (2 mois) et compte tenu du fait que cette société avait pris attache auprès d’elle et de Monsieur C D en janvier 2015, soit 3 mois avant de déposer sa requête .

Elle soutient subsidiairement, sur l’absence de motifs légitimes en raison d’une action au fond manifestement vouée à l’échec, que même si les deux sociétés interviennent dans le même secteur d’activité,aucune captation de la clientèle n’était possible puisque les clients, à savoir les sociétés pétrolières, procèdent par appel d’offres et que l’obtention des nouveaux contrats ne se fait donc pas par démarchage direct, et encore moins par la volonté de Monsieur C D.

Elle soutient également que Monsieur C D n’avait pas de connaissance privilégiée ou confidentielle sur l’activité de la société A B I puisqu’il n’avait en charge que la mise en route technique et administrative des stations-service et non pas la charge de démarcher de nouveaux clients et de négocier de nouveaux contrats avec les pétroliers.

Elle prétend enfin que la société A B I n’a pas subi de préjudice puisqu’elle a précisé dans sa requête n’avoir perdu aucun client et qu’elle ne démontre pas un quelconque impact des faits reprochés sur son chiffre d’affaires ou encore le départ de salariés au profit de SIGESS, comme elle le prétendait en janvier 2015.

Elle affirme que les éléments fournis par la société A B I à l’appui de sa requête ne sont pas suspects puisque Monsieur C D n’était pas assujetti à une clause de non concurrence contractuelle, ll n’a informé que ses partenaires professionnels de son départ, ceux-ci n’étant pas des clients de la société A B I, et que rien ne permet d’affirmer qu’il ait écrasé les données informatiques et vidé sa messagerie, le matériel ayant été restitué avant la fin de son contrat de travail et aucun reproche ne lui ayant été fait à l’époque .

Elle affirme également que la société A B I ne démontre pas qu’elle se serait servie d’informations qui lui auraient été transmises par son salarié, ni qu’elle aurait procédé à un démarchage de ses clients, le mail et la carte de v’ux invoqués par cette société n’étant pas suffisants à le démontrer, contrairement à ce que retient l’ordonnance de refus de rétractation, surtout qu’ils ne sont pas versés aux débats. Elle observe que les faits de dénigrement allégués sont inexistants (un seul témoignage indirect et qui ne contient rien de dénigrant pour la société A).

Elle soutient enfin que les griefs postérieurs à la requête (parasitisme, appropriations de données) ne sont pas plus étayés et ne peuvent être pris en compte par la cour qui doit statuer au jour de l’ordonnance sur requête.

Très subsidiairement, elle considère que l’indemnité de procédure de 4000 € mise à sa charge est sans commune mesure avec la nature de l’affaire .

Dans ses dernières conclusions, déposées le 30 novembre 2015, la société A B I demande à la cour de :

— constater que la société A B I justifie de motifs légitimes fondant la mesure d’instruction ordonnée le 16 avril 2015,

— constater que l’ordonnance rendue le 16 avril 2015 était valablement motivée,

— constater que les arguments invoqués par la société SIGESS ne sauraient justifier la rétractation de l’ordonnance,

en conséquence,

— confirmer l’ordonnance rendue le 29 juillet 2015 par le juge des référés du Tribunal de Commerce de Lyon dans toutes ses dispositions,

— débouter la société SIGESS de l’intégralité de ses demandes,

— condamner la société SIGESS à payer à la société A B I la somme de 5.000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile distraits au profit de la SCP BAUFUME SOURBE sur son affirmation de droit,

— condamner la même aux entiers dépens.

La société A B I fait valoir qu’il existait bien un motif légitime à ce qu’une ordonnance soit rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, un faisceau d’indices laissant penser que des actes de concurrence déloyale avaient été commis par la société SIGESS et Monsieur C D. Ces faits sont :

— l’effacement et l’écrasement par Monsieur X de toutes ses données contenues sur son ordinateur et téléphone portable professionnel, ce que confirme le prestataire informatique,

— son initiative unilatérale, avant son départ, d’envoyer un mail d’information de son départ à ses clients, de sa boîte électronique personnelle,

— son embauche dans une société concurrente alors qu’il avait annoncé vouloir se tourner vers une autre activité,

— le démarchage de la clientèle et des personnels de SIGESS,

— le dénigrement de la société A.

Elle soutient que même si, à l’ époque de sa requête, elle n’avait constaté aucun départ, elle avait légitimement toute raison de craindre des agissements de concurrence déloyale de la part du nouvel employeur de Monsieur X ; elle affirme à cet égard être en situation de concurrence avec la société SIGESS puisqu’elle exerce une activité identique à cette société, sur le marché de la gestion provisoire de stations-services, ce marché ne comptant à ce jour que trois acteurs actifs en France, peu important l’existence d’appels d’offres. Elle indique avoir constaté en 2015 un nombre très important de reprises de gérance AGIP ( 6 à fin août 2015)

Elle soutient que Monsieur C D avait, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, eu accès à de nombreuses informations confidentielles dont il y avait tout lieu de penser qu’il allait se servir, et qu’il avait la responsabilité managériale des personnels de la société A sur les points de vente

Elle affirme que l’atteinte au principe du contradictoire était justifiée puisque dans l’hypothèse d’une action en référé, la société SIGESS et son salarié, pleinement avertis de ce qui leur était reproché, auraient eu la possibilité de faire disparaître toute information confidentielle lui appartenant, présente sur les ordinateurs, et ce avant tout constat d’huissier, risque que vise expressément la requête, comme sont visés les faits fautifs et le refus de la société SIGESS et de Monsieur C D d’y mettre fin .

Elle expose également que l’ordonnance visait expressément la requête, ses motifs et les pièces produites et respecte pleinement l’obligation de motivation. Elle rappelle que la démonstration d’un préjudice n’est pas nécessaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

La société Y Z, intimée, n’a pas constitué avocat. Le présent arrêt est rendu par défaut à son encontre, en l’absence d’assignation.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

L’ordonnance de refus de rétractation du 28 juillet 2015 n’est pas querellée sur l’irrecevabilité de la demande provisionnelle en dommages intérêts formée par la société SIGESS .

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile:'s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. '.

Selon l’article 493 du même code 'l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ', l’article 875 du même code ajoutant que 'le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes, lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement'

Il appartient donc au juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête de rechercher si la requête, et l’ordonnance rendues sur son fondement, exposent les circonstances caractérisant la légitimité de la requête et indiquent clairement en quoi il est nécessaire de s’affranchir du principe du contradictoire, principe directeur du procés, rappelé à l’article 16 du code de procédure civile, que le juge doit faire observer en toutes circonstances .

En l’espèce, la société SIGESS, appelante, soutient à titre principal, que ni la requête ni l’ordonnance ne caractérisent autrement que par une formulation générale s’appliquant dans tous les cas, la nécessité, au cas d’espèce, d’écarter le principe du contradictoire .

La requête vise en effet 'la nécessité de préserver les preuves ' et 'd’éviter la disparition des documents et informations dont on suspecte la présence '. Le caractère vague et général de cette allégation ne peut suffire à constituer une démonstration de la nécessité de déroger, au cas d’espèce, à la règle de la contradiction .

Dans l’ordonnance du 16 avril 2015 le chapitre relatif au contradictoire est rédigé comme suit’Attendu en outre, que le requérant justifie de la nécessité absolue de déroger au principe du contradictoire, en raison de la nature de la mesure envisagée impliquant nécessairement un effet de surprise, et ce, compte tenu notamment du risque de dépérissement d’éventuelles preuves '.

Cette formule qui tient plus de la clause de style que de la motivation, y compris par la référence qu’elle fait à la nature de la mesure envisagée par la société requérante, est par trop générale pour être pertinente en ce que dans toute demande d’acte d’instruction ou d’expertise, qu’elle soit ordonnée sur requête ou en référé, il est recherché une absence de dépérissement des preuves sans pour autant qu’il faille se passer du contradictoire .

Rien ne permet par ailleurs de comprendre en quoi, en l’espèce, un 'effet de surprise ' était nécessaire, alors que la société A B I avait précédemment, le 20 janvier 2015, mis en demeure la société SIGESS de cesser ses agissements et avait attendu le 3 avril 2015, soit plus de 2 mois pour déposer sa requête, compromettant ainsi elle-même, cet effet de surprise .

S’agissant enfin de ' la nature de la mesure envisagée', terme là encore très général, qui fait référence en fait à la nature des documents recherchés, le caractère informatique de la plus grande part de ces documents ne les rend pas nécessairement plus périssables que des documents papiers qui, une fois détruits, ne peuvent plus être reconstitués, étant observé par ailleurs que les documents papier dont il est également requis la remise à l’huissier instrumentaire tels le contrat de travail de Monsieur C D et le Grand Livre clients, sont des pièces et documents comptables qui doivent être impérativement conservés par l’entreprise.

En conséquence, faute d’avoir développé une argumentation spécifique au cas d’espèce, il est manifeste que ni l’ordonnance du 17 avril 2015, ni la requête du 3 avril 2015 à laquelle elle se réfère, ne permet de savoir en quoi il serait nécessaire de déroger au principe du contradictoire .

Ce défaut de motivation suffit à lui seul à infirmer l’ordonnance de refus de retractation en date du 28 juillet 2015, sans qu’il soit nécessaire d’examiner s’il existait ou non un motif légitime, et, statuant à nouveau, à rétracter l’ordonnance du 17 avril 2015.

L’huissier instrumentaire et le sapiteur éventuel devront en conséquence

— restituer à la société SIGESS l’intégralité des pièces emportées en original des locaux de cette société ainsi que l’intégralité des copies qui auraient pu être faites de celles-ci, ce, dans un délai de 48 heures à compter de la signification du présent arrêt ;

— détruire tout support qui aurait servi au transfert des données, et ce dans le même délai, et remettre un exemplaire du procès-verbal de destruction à la société SIGESS,

— s’interdire de faire mention ou de remettre à quiconque quelque élément que ce soit recueilli lors des opérations, ainsi que tout constat réalisé à cette occasion .

L’équité commande que la société SIGESS ne garde pas à sa charge l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a engagés dans cette procédure. La société A B I doit être condamnée à lui verser la somme de 3500 € à titre d’indemnité de procédure .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par défaut,

Infirme l’ordonnance de refus de rétractation en date du 28 juillet 2015;

Statuant à nouveau,

Rétracte l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon en date du 17 avril 2015;

Fait obligation à l’huissier instrumentaire et au sapiteur éventuel qui l’a assisté de

— restituer à la société SIGESS l’intégralité des pièces emportées en original des locaux de cette société ainsi que l’intégralité des copies qui auraient pu être faites de celles-ci, ce, dans un délai de 48 heures à compter de la signification du présent arrêt ;

— détruire tout support qui aurait servi au transfert des données, et ce dans le même délai, et remettre un exemplaire du procès-verbal de destruction à la société SIGESS,

— s’interdire de faire mention ou de remettre à quiconque quelque élément que ce soit recueilli lors des opérations, ainsi que tout constat réalisé à cette occasion ;

Y ajoutant,

Condamne la société A B I à payer à la société SIGESS une indemnité de procédure de 3.500 €;

Condamne la société A B I aux entiers dépens de l’instance, ceux d’appel étant recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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