Cour d'appel de Lyon, 6 septembre 2016, n° 15/01141

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

R.G : 15/01141

Décision du

Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 22 mai 2014

RG : 10/00423

XXX

I

A

C/

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRET DU 06 Septembre 2016

APPELANTS :

Mme H I épouse A

222 rue du Forgeron 69220 SAINT-T-D’ARDIERES

Représentée par la SCP AA ARNAUD, BRUNO CHARLES REY, avocats au barreau de LYON

M. J A

222 rue du Forgeron 69220 SAINT-T-D’ARDIERES

Représenté par la SCP AA ARNAUD, BRUNO CHARLES REY, avocats au barreau de LYON

INTIME :

M. T-U C

160 Rue du Forgeron Lieudit Pizay 69220 SAINT T D’ARDIERES

Représenté par la SCP SCP DESILETS ROBBE ET ROQUEL, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 10 Décembre 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Juin 2016

Date de mise à disposition : 06 Septembre 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— T-Jacques BAIZET, président

— AF-AA AH, conseiller

— Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffier

A l’audience, AF-AA AH a fait le rapport, conformément à l’article 785 du Code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par AF-AA AH faisant fonction de président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur L C était propriétaire d’un tènement immobilier comprenant maison avec terrain attenant sise à Saint-T d’Ardières, lieu dit le Pizay cadastré section XXX. Il est décédé le XXX laissant pour lui succéder ses trois enfants, R, T-AA et T-U C.

Le 27 novembre 1986, monsieur J A et son épouse, née H I ont acquis la maison voisine avec jardin sur un terrain cadastré section XXX

Par acte d’huissier du 7 avril 2010, les Consorts C ont assigné les époux A devant le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône en revendication de la propriété du mur séparant les tènements voisins, subsidiairement l’organisation d’une expertise à frais communs.

Par jugement du 2 février 2012, le tribunal a ordonné une expertise confiée à monsieur X, géomètre-expert.

Par jugement du 22 mai 2014, le tribunal a prononcé la mise hors de cause de madame R C épouse Z et de T-AA C, a fixé la limite des propriétés conformément aux conclusions du rapport d’expertise et au plan figurant à l’annexe 3 dudit rapport, a dit et jugé que le mur séparant lesdits fonds est la propriété des époux A entre les points dénommés A et C par l’Expert et les points dénommés F et G, et est mitoyen entre les points C et F, a débouté monsieur T-U C de sa demande tendant à l’organisation d’une nouvelle expertise et a rejeté les demandes en application de l’article 700 du Code de procédure civile en partageant les dépens incluant les frais de l’expertise.

Monsieur et madame A ont relevé appel et demandent à la cour de :

— constater leur désistement d’appel à l’encontre de Madame R C épouse Z et de Monsieur T-AA C qui ont perdu la qualité de propriétaire indivis,

— dire et juger que le mur litigieux est la propriété exclusive de Monsieur et Madame A,

— rejeter la demande d’expertise,

— débouter Monsieur T-U C de l’ensemble de ses demandes,

— à titre subsidiaire, faire droit à la demande de Monsieur T-U C tendant à l’organisation d’une nouvelle expertise à ses frais avancés et préciser la mission de l’Expert judiciaire à qui il appartiendra d’établir l’emplacement précis des bornes de délimitation des deux parcelles,

— en tout état de cause, condamner Monsieur T-U C au paiement de la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils font valoir :

— que la configuration des lieux induit nécessairement que le mur implanté en continuité de la maison des époux A est inclus dans leur propriété,

— qu’ils justifient d’une possession publique, paisible, non équivoque et de bonne foi du mur litigieux depuis leur acquisition le 27 novembre 1986 et sont ainsi fondés à se prévaloir de la prescription acquisitive primant sur le titre,

— qu’à défaut de caractériser la prescription acquisitive, il convient d’examiner les indices de mitoyenneté mais en relevant que tout indice ou marque constitutif d’une présomption de non-mitoyenneté est de nature à écarter la présomption de mitoyenneté relevée par l’expert judiciaire résultant de la construction du mur à double faîtage,

— qu’il ressort de l’attestation de madame B, fille des vendeurs aux époux G que ses parents ont rénové la maison et les murs de séparation de la propriété en modifiant la couverture d’un pan par deux pans et que le propriétaire voisin monsieur F puis monsieur C n’ont jamais effectué de travaux sur ces murs, ayant toujours affirmé que ce mur ne leur appartenait pas,

— qu’ainsi, la présomption spéciale de non mitoyenneté prévalant sur la présomption simple de mitoyenneté, il ne saurait être conclu à la mitoyenneté du mur en raison de l’inclinaison des tuiles de faîtage dès lors qu’il est établi que ces tuiles n’étaient pas initialement à double pente,

— qu’au titre des présomptions de non-mitoyenneté, il convient de relever que le mur litigieux sépare la propriété bâtie des époux A de la propriété non bâtie des Consorts C à usage exclusif de jardin de sorte que le mur de séparation est présumé être la propriété exclusive de la propriété bâtie ; que le mur se trouve dans la continuité et en parfait alignement avec la façade ouest de l’abri de jardin, de la maison, et du hangar de la propriété A avec débordement des bandeaux de rive en bas de pente de ces trois bâtiments ; qu’en outre, sur la façade ouest du hangar, propriété des époux A, les poutres de ferme encastrées dans la construction dépassent de plus de 54 millimètres, suivant les prescriptions édictées à l’article 657 du Code civil, signe de non-mitoyenneté du mur,

— que par application de la théorie de l’accession, le mur doit être considéré comme privatif dès lors que suivant les constatations de l’expert, le mur séparatif des deux propriétés contiguës ne suit pas la limite cadastrale de propriété et est donc par endroit construit en débord sur la propriété C et que le débord a été réalisé volontairement pour renforcer le mur de sorte que cet empiétement est caractéristique de l’absence de mitoyenneté du mur qui est nécessairement la propriété de l’auteur de l’empiétement.

Monsieur C demande à la cour de réformer le jugement, de dire que le mur litigieux est sa propriété exclusive, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise judiciaire, en tout état de cause, de condamner les époux A à payer une indemnité de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il soutient :

— que le premier juge a statué ultra petita en homologuant le rapport d’expertise alors que chacune des parties revendiquait la propriété du mur,

— que le tronçon AC est constitué par une partie de mur entièrement recouvert de tuiles inclinées vers la propriété C ce qui constitue une marque de non-mitoyenneté et par le déversement des eaux, la preuve de la propriété du mur,

— que concernant la section B-C, l’expert indique que la construction de l’abri de jardin en dur du côté A et le débordement du bandeau de rive, sont des signes d’appartenance du mur à Monsieur A mais fait ainsi abstraction de la chronologie des constructions ; que le simple fait que les époux A aient rénové leur abri de jardin ne suffit à leur attribuer la propriété du mur dès lors que la possession est viciée par la mauvaise foi du possesseur monsieur A pour avoir sciemment modifié l’ouvrage en le rehaussant avec des moellons ; que la constatation de l’expert judiciaire selon laquelle les tuiles penchent exclusivement vers la propriété C conduit au contraire à considérer que ce tronçon est la propriété de ce dernier,

— que s’agissant du tronçon C-F, la pièce n°25, reprise dans le rapport d’expertise, démontre que le mur, antérieurement aux travaux effectués par les époux A, était dénué de tuiles ce qui fait tomber la présomption de mitoyenneté puisque le mur était droit à l’origine,

— que s’agissant du tronçon F-G, l’expert a pris en compte le débord de toiture et les poutres affleurant la façade sans rechercher d’autres éléments alors que la maison a été construite après le mur y étant adossée, peut être dans l’illégalité et que le mur a été construit d’un seul « trait » rendant improbable que le constructeur ait voulu scinder le mur en de multiples segments,

— qu’il ressort du plan annexé 3 du rapport d’expertise que l’expert a souhaité, avant tout, faire apparaître une limite de propriété droite entre A et G alors qu’il est établi par ce même plan, que la limite de propriété se situait, et se situe donc toujours, le long du mur,

— que les époux A ne disposent pas d’un titre de propriété ainsi que l’a constaté l’expert et ont toujours demandé à leurs voisins l’autorisation de procéder aux travaux de sorte qu’ils ne se considéraient pas comme propriétaires du mur et ne peuvent se prévaloir de la prescription abrégée,

— que l’alignement du mur par rapport à la maison des époux A n’est pas probante dès lors que la maison a été construite après le mur et que le mur a été « reconstruit » par les époux A qui ont souhaité modifier le sens des tuiles et s’approprier, de mauvaise foi, le mur.

— que le cadastre Napoléonien démontre que la limite cadastrale s’effectuait en ligne droite et non avec un décrochage tel qu’il est indiqué aujourd’hui.

— que les époux A font une application inexacte de la théorie de l’accession puisqu’en application de l’article 546 du Code civil, le mur, s’il empiète sur la propriété C devient sa propriété.

MOTIFS

Le tribunal a relevé que Madame R C épouse Z et Monsieur T-AA C avaient perdu leur qualité de propriétaires indivis suite à la cessation de l’indivision.

Monsieur et madame A ont relevé appel seulement à l’égard de monsieur T-U C. Il n’y a donc pas lieu de leur donner acte de leur désistement d’appel à l’encontre de Madame R C épouse Z et de Monsieur T-AA C.

Aucun titre n’atteste de la propriété du mur litigieux par l’une ou l’autre des parties ainsi qu’il ressort des recherches de l’expert et des productions. Les conditions de la prescription abrégée de la propriété du mur résultant de leur possession depuis quatorze ans, invoquée par les époux A sur le fondement de l’article 2272 alinéa 2 du Code civil, ne sont pas remplies.

Le mur litigieux sépare la propriété bâtie des époux A de la propriété non bâtie de monsieur C de sorte que la présomption légale de mitoyenneté de l’article 653 du Code civil est sans application.

Il convient, dès lors, d’analyser les éléments de preuve invoqués par les parties au vu des pièces et du rapport d’expertise :

— Tronçon AC :

Les tuiles de faîtage sont exclusivement inclinées vers l’Est côté C, ce qui constitue une marque de non-mitoyenneté de la section AC.

Une photographie ancienne, page 6 du rapport d’expertise, montre l’inclinaison des tuiles de faîtage vers la propriété C sans modification de cette inclinaison.

Concernant la section BC, la même photographie ancienne montre qu’un appentis avait été construit du côté A adossé et prenant appui sur ce mur. Cet adossement ne constitue pas à lui seul un indice de la propriété exclusive du mur.

Les photographies produites en pièces 26 par monsieur C établissent que l’état de cet ouvrage tel qu’il était visible sur la photographie ancienne a été modifié par adjonction de moellons surélevant le toit. Le débordement du bandeau de rive relevé par l’expert résultant de cette reconstruction, dont il n’est pas prouvé qu’elle est conforme à l’état antérieur, ne peut constituer un signe d’appartenance du mur aux époux A.

Il convient donc de retenir que le mur tronçon AC est la propriété de monsieur C.

— Tronçon CF :

L’expert relève que le faîtage à double pente des tronçons CD et EF est la marque de la mitoyenneté de ce mur. Il s’agit d’un indice pouvant être écarté lorsqu’il existe une preuve de non mitoyenneté du mur.

Sur la partie DE, le pignon de la maison A s’appuie sur le mur.

Il résulte du débat et des productions que le mur n’a pas été construit dans le prolongement de la maison mais préexistait.

La photographie produite au débat pièce 25 et l’attestation circonstanciée de madame B établissent que la couverture du mur a été modifiée par les vendeurs aux époux A et n’était pas initialement à double pente.

Il ressort également de l’attestation et de l’ancien cadastre que la propriété des époux A est constituée d’un terrain clos avec construction de bâtiments séparée par un mur d’enceinte de la propriété voisine ne comportant pas de clôture.

La thèse de monsieur C de la destruction des ouvrages de la propriété G pendant la guerre suivie de leur reconstruction n’est étayée par aucune pièce probante et est contredite par l’attestation contraire de madame Y.

La surépaisseur du mur relevé par l’expert en EF résultant d’un doublage de moellons constitue un simple débord ne permettant pas à monsieur C de se prévaloir de la propriété du mur par accession faute de démontrer que le mur est entièrement érigé sur son fond.

Il ressort de ces éléments que le mur dans sa partie CF appartient au fonds privatif propriété des époux A.

— Tronçon FG:

Il s’agit d’un mur aveugle ancien d’un hangar appartenant à monsieur A. Sur les photos anciennes produites en pièce 25, le débord de toiture n’avait pas de gouttière.

En haut de façade, les fermes de la toiture A posées sur le mur affleurent en façade et n’ont pas été construites dans l’épaisseur du mur dans les conditions de l’article 657 du Code civil, ce qui conduit à constater l’absence de signes de mitoyenneté et le caractère privatif du mur appartenant aux époux A.

Enfin, le fractionnement du mur, morceau par morceau, peut selon son historique et les éléments de preuve de la propriété produits par les parties, conduire à en attribuer la propriété à des fonds et propriétaires distincts ce qu’admet la jurisprudence.

Il convient, en définitive, infirmant le jugement entrepris, de dire que le mur séparant les parcelles sises à Saint-T d’Ardières, lieu dit le Pizay cadastrées section XXX appartenant à monsieur T-U C et celles cadastrées section XXX et 143 appartenant à monsieur J A et son épouse, née H I appartient pour le tronçon AC à monsieur T-U C et pour les tronçons CF et FG, à monsieur et madame A.

Les parties succombant chacune pour partie, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance et en appel.

Le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives à l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Chacune des parties conserve la charge des frais et dépens engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau sur la propriété du mur,

Dit que le mur séparant les parcelles sises à Saint-T d’Ardières, lieu dit le Pizay cadastrées section XXX appartenant à monsieur T-U C et celles cadastrées section XXX et 143 appartenant à monsieur J A et son épouse, née H I appartient pour le tronçon AC à monsieur T-U C et pour les tronçons CF et FG, à monsieur et madame A,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes des parties au titre des frais et honoraires engagés en appel,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.

LE GREFFIER P/ LE PRÉSIDENT

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