Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 17 novembre 2017, n° 16/02623

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 17 nov. 2017, n° 16/02623
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/02623
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 23 mars 2016, N° F14/02355
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/02623

K

C/

SARL ALPHEE DEVELOPPEMENT

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 24 Mars 2016

RG : F 14/02355

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2017

APPELANT :

J K

né le […] à […]

[…]

[…]

Comparant en personne, assisté de Me Carole GUILLERMINET de la SELARL DIXIT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL ALPHEE DEVELOPPEMENT

[…]

[…]

Représentée par M. Raphaël GENIN, gérant, assisté de Me Frédéric CHAUTARD de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Stéphanie DUBOS, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2017

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de V W, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— AA AB, président

— Didier JOLY, conseiller

— Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Novembre 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par AA AB, Président et par V W, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société ALPHEE DEVELOPPEMENT exerce une activité de conception et de fabrication de composants électroniques. Elle applique la convention collective de la métallurgie du Rhône. Son établissement est situé à SAVIGNY près de LYON.

L M, co-gérant de la société ALPHEE DEVELOPPEMENT, a entretenu des liens privilégiés avec J K, qui en dernier lieu était domicilié à BERGERAC et se trouvait être salarié en qualité de technico-commercial au sein de la société TDK LAMBDA dont l’activité consiste à fabriquer des produits standards dans le domaine de l’alimentation électronique.

Un partenariat s’est alors développé entre la société ALPHEE DEVELOPPEMENT et la société TDK LAMBDA dans les années 2000.

La société ALPHEE DEVELOPPEMENT a ensuite eu le projet de créer un poste de commercial expérimenté qui a été confié à J K, lequel a alors quitté la société TDK LAMBDA.

Ainsi, suivant contrat à durée indéterminée, la société ALPHEE DEVELOPPEMENT a engagé J K en qualité de cadre commercial, position 2, coefficient 125 de la convention collective, rattaché au siège de l’entreprise à SAVIGNY (69) et soumis à des déplacements inhérents à sa mission sur les secteur national et l’EUROPE, à compter du 28 avril 2013 moyennant une rémunération mensuelle globale de 3 930 euros.

Le contrat de travail a stipulé que les fonctions de J K consistaient à développer la prospection, à être présent chez les clients et prospects pour l’implantation de nouveaux produits, à traduire leurs besoins en spécification et à leur proposer des solutions des produits correspondants.

J K a maintenu son domicile à BERGERAC.

Dans le cadre de l’exercice de son activité, J K adressait aux trois gérants de la société ALPHEE DEVELOPPEMENT des comptes-rendus sous forme de rapports écrits.

La société ALPHEE DEVELOPPEMENT ayant fait le constat d’une insuffisance de résultats du chiffre d’affaires de J K et d’une insuffisance de son analyse du marché et de ses perspectives, une action de formation a été mise en place par l’employeur.

La société ALPHEE DEVELOPPEMENT a ainsi fait appel à la société X, spécialisée dans le conseil en développement commercial qui a tenu une réunion le 7 avril 2014 pour mettre en place le coaching de J K pour les prochains jours.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2014, la société ALPHEE DEVELOPPEMENT a convoqué J K le 22 avril 2014 à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement et a notifié au salarié sa mise à pied conservatoire immédiate.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2014, la société ALPHEE DEVELOPPEMENT a notifié à J K son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Monsieur,

Nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec avis de réception à un entretien préalable fixé au 22 avril au cours duquel nous vous rappelons les motifs qui nous ont conduits à envisager une telle mesure :

A – Actes d’indiscipline:

' Absence à votre poste de travaille vendredi 11 avril pour rentrer à votre domicile alors que je vous avais fait part de mon refus sur ce départ anticipé.

' Cette absence constitue un acte d’indiscipline caractérisé, qui n’est pas isolé.

Ainsi, le 28 février dernier, alors que nous avions eu l’avant-veille un entretien sur les graves insuffisances de résultats et de prospection terrain, et que je vous avais demandé de préciser vos déplacements afin que l’on puisse vous joindre, vous n’avez pourtant pas hésité à me mettre devant le fait accompli en vous absentant une nouvelle fois, sans autorisation, pour regagner votre domicile, alors que vous êtes soumis à l’horaire collectif de l’entreprise, comme tout un chacun.

' De fait, vous avez unilatéralement modifié votre organisation de travail, en vous abstenant d’être présent à l’entreprise soit le lundi soit le vendredi sous couvert de divers prétexte (pneus, garage véhicule, etc…)

' Votre absence injustifiée au siège ce vendredi, alors qu’il était prévu que vous me restituiez les travaux programmés en début de semaine avec X dans le cadre de votre action commerciale définie est la manifestation claire de votre désintérêt pour l’entreprise et la mission qui vous est confiée.

B – Mauvaise volonté fautive à agir en vue d’améliorer des résultats commerciaux très largement insuffisants :

10 non réalisation des actions définies semaine 15 :

Devant l’absence de résultats commerciaux après près d’un an de collaboration, pour mémoire:

o 928,70 Euros de Chiffre d’Affaires générés,

o Nombre total de devis 39 sur 8 mois d’activité à partir de septembre soit 5 devis/mois

o N ombre de devis réalisés : 3

et l’absence de cohérence dans votre démarche commerciale, nous avions décidé de vous aider à organiser votre activité commerciale, notamment dans la préparation de votre démarche de prospection.

Ce soutien reposait notamment par la mise en 'uvre d’une action de coaching par l’intermédiaire de la société X.

Après le report par deux fois de la réunion initialement programmée en raison de vos absences (lundi 31 mars et jeudi 3 avril), une réunion a pu enfin se tenir ce lundi 7 avril.

Au cours de cette réunion, il a été décidé de centrer votre prospection sur le secteur médical, et vous deviez donc réaliser:

Pour le mardi 8 avril la mise à jour de la présentation commerciale en l’adaptant au secteur médical, avec identification des enjeux techniques.

Et pour le mercredi 9 avril :

- La rédaction d’un guide d’entretien commercial orienté sur le secteur médical, en validant trois critères : acceptabilité, accessibilité et potentiel;

- L’enrichissement de la base prospects établie par X (Plus de 300 références) en y adjoignant les clients ALPHEE et les prospects que vous aviez identifiés sur le secteur médical.

Ce travail de conception de l’argumentaire commerciale, et l’exploitation du fichier prospects avait un caractère prioritaire, pour organiser votre action sur les prochains jours. Or, le jeudi 10 avril, j’ai constaté que:

- vous m’avez remis un projet de guide d’entretien absolument pas travaillé, inexploitable, indigne d’un cadre commercial de votre expérience et niveau, ne répondant pas aux finalités visées;

- la présentation commerciale que vous aviez adaptée était très largement incomplète, et il a fallu que j’intervienne moi-même pour que vous modifiez les commentaires;

- enfin, vous n’avez pas restitué la base de prospection enrichie, en fait vous n’avez pas travaillé cette base comme demandé.

Je vous ai alors indiqué que vous n’aviez pas respecté les instructions et directives données, ni n’aviez d’ailleurs tenu vos propres engagements. Je vous ai alors dit que j’attendais votre restitution complète vendredi 11 avril matin pour faire le point, et nous savons la réponse que vous m’avez alors donnée, à savoir une invitation le vendredi soir…

2° Comportement du 31 mars:

Votre désintérêt pour la mission confiée, et votre mauvaise volonté à fournir les efforts nécessaires pour remédier à la médiocrité de vos résultats commerciaux peut être illustrée par votre comportement lors de la journée du 31 mars dernier.

Je vous rappelle que l’action de coaching devait initialement débuter le lundi 24 mars dernier à 9 heures. La réunion n’a pu avoir lieu ce jour-là puisque, malgré les informations que vous m’aviez vous-même transmis la veille, vous avez été souffrant, au point de ne pas pouvoir nous avertir avant 15 h 20 par SMS …

Lors de votre retour lundi 31 mars au matin, je vous ai indiqué que la réunion avec X avait donc été reportée au jeudi 3 avril. Vous m’avez alors indiqué que vous aviez programmé une tournée dans l’Est et aviez des rendez-vous qui ne pouvaient pas être reportés.

Nous avons donc dû, là encore reporter la réunion au lundi 7 avril …

Or, en consultant le planning commun j’ai eu la grande surprise de constater qu’en fait, il n’en était rien, et que concernant les deux prospects que vous avez en définitive visités, soit la société SIGMA PHI et N O, vous n’aviez aucun rendez-vous de pris le 31 mars au matin, puisque ce n’est que dans l’après-midi du 31 mars que vous les sollicitez.

Ainsi, pour une raison que j’ignore, vous avez éludé votre participation à une action de formation qui vous été pourtant dédiée, sous le prétexte de rendez-vous impératifs qui n’existaient pas, et que vous vous êtes ensuite empressé de constituer dans l’après-midi …

C – Exécution déloyale de votre contrat de travail:

10 Exemple de votre comportement peu soucieux des intérêts de votre entreprise : votre propension à faire supporter à l’entreprise des frais qui relèvent de vos dépenses personnelles

Ainsi, à titre illustratif, et sans que cela ne soit exhaustif:

- Vous avez fait passer une facture (14,20€) pour un déplacement le 27 février, alors que manifestement vous n’étiez pas en déplacement professionnel

- Alors que le téléphone mobile mis à votre disposition doit être utilisé exclusivement à des fins professionnelles, les appels à caractère privé devant être limités, nous avons constaté des consommations téléphoniques anormalement élevées à destination de numéros non identifiés parmi les fichiers clients, ce qui démontre pour le moins une utilisation abusive du téléphone professionnel à des fins personnelles.

C’est ainsi que l’analyse du relevé de communications téléphoniques établi par l’opérateur ORANGE révèle un nombre de communications téléphoniques élevé et pour des durées parfois de plus d’une heure avec l’un de nos concurrents, la Société TDK LAMBDA . Aucune trace de ces appels dans vos comptes rendus d’activité. Il est rappelé qu’aucune démarche commerciale en partenariat avec cette entreprise ne pourrait justifier des échanges téléphoniques aussi nourris.

C’est ainsi que le 23 mars, jour prévu pour la réunion de coaching avec X, alors que vous nous avez laissé sans aucune nouvelles jusqu’à 15 heures; heure à laquelle vous nous adressez un SMS laconique indiquant être dans l’incapacité de nous appeler, vous avez tout de même consacré plus de 100 minutes à des conve0rsations téléphoniques d’ordre privé, en utilisation abusive de votre outil de travail, et notamment, une nouvelle fois avec l’entreprise concurrente précitée, pour une durée de conversation de plus de 40 minutes …

Le constat fait sur le seul mois de mars 2014, révèle qu’un nombre important d’appels en cours de journée auraient été adressés à des numéros non répertoriés dans le fichier clients ou prospect de notre entreprise: Ainsi, le vendredi 21 mars, la quasi-totalité des appels depuis le téléphone professionnel ont été des appels à caractère privé, démontrant que vous vous livriez à des activités personnelles une grande partie de votre temps de travail.

Vous avez donc enfreint l’obligation d’exclusivité que vous deviez à votre employeur.

2° Faux rapport d’activité et propos mensongers

Le vendredi 4 avril, de retour au siège de l’entreprise, et à l’occasion d’une réunion informelle à laquelle participaient plusieurs salariés, ainsi que Monsieur Y, notre expert-comptable, vous nous avez fait part, avec moult détails de votre entrevue le 02 avril avec Monsieur Z de la société N O.

' A vous écouter, le rendez-vous s’était plutôt bien passé, et vous aviez pu échanger avec ce prospect.

' A lire le Compte-rendu de Visite établi par vos soins, il y aurait d’ailleurs eu, comme il se doit, une discussion pour identifier les besoins de cette entreprise.

Or, il s’avère qu’après renseignement pris auprès de cette société, vous n’avez jamais rencontré Monsieur Z, et n’avez donc jamais eu les discussions que vous nous avez rapportées, et donc, jamais recueilli d’informations de la part de ce prospect.

Enfin, votre rapport de visite concernant l’autre prospect, à savoir, la société SIGMA PHI précise que vous auriez rencontré trois interlocuteurs, dont Madame P Q, leur acheteuse. J’ai pris contact avec cette dernière, principale intéressée et j’ai eu, là encore, la très désagréable surprise d’apprendre que cette personne ne vous avait pas rencontré contrairement à ce que vous indiquez pourtant dans votre compte-rendu.

Lors de l’entretien vous avez reconnu en fait n’avoir rencontré que Monsieur A, car Mme B était malade, et madame P Q absente, vous avez également reconnu n’avoir pas rencontré personnellement Monsieur Z, mais juste déposé des plaquettes à l’accueil.

Vous avez donc établi de faux rapport de visite concernant le prospect N O, ce qui constitue à lui seul un acte d’une très grande gravité, et établi un rapport de visite inexact concernant la visite SIGMA PHI en faisant état d’entretiens qui ne se sont pas tenus avec les personnes indiquées …

Je note par ailleurs au vu des résultats obtenus à la suite de votre déplacement dans l’Est, qu’il ne s’agissait en aucune façon de rendez-vous impératifs comme vous le prétendiez, et qu’un simple rdv téléphonique aurait suffi pour recueillir ces informations commerciales, … et vous permettre de participer à la réunion du 3 avril.

Il me parait évident qu’au travers de compte rendus fallacieux, vous tentiez de masquer l’insuffisance de rendez-vous pris sur ces deux jours, et la faiblesse de votre activité professionnelle réelle.

Enfin, toujours concernant l’établissement de vos rapports d’activité, nous avons constaté des incohérences importantes entre les démarches identifiées et les comptes rendus que vous établissez.

Nous pensions, compte tenu de votre expérience professionnelle et du statut qui vous était conféré, pouvoir compter sur un collaborateur loyal et soucieux des intérêts de l’entreprise.

Ces agissements avérés vous sont imputables et sont constitutifs d’une faute grave caractérisée. L’absence d’exécution de bonne foi de vos obligations professionnelles ne permet plus une poursuite normale de votre contrat de travail.

Les explications fournies lors de l’entretien ne permettent pas d’en modifier notre appréciation, nous conduit à vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Cette mesure prend donc effet immédiatement sans indemnité de préavis ni de licenciement. Je tiens à votre disposition votre certificat de travail et votre attestation pour le Pôle emploi.

(…)'

Le 16 juin 2014, J K a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société ALPHEE DEVELOPPEMENT à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire avec les congés payés afférents, et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 24 mars 2016, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement repose sur une faute grave, a débouté J K de ses demandes, a débouté la société ALPHEE DEVELOPPEMENT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné J K aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l’appel interjeté le 4 avril 2016 par J K.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l’audience du 28 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, J K demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et :

— de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société ALPHEE DEVELOPPEMENT au paiement des sommes suivantes:

* 12 718.35 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 271.83 euros au titre des congés payés afférents,

* 25 450 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 813.60 euros à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et 181.36 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l’audience du 28 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société ALPHEE DEVELOPPEMENT demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter J K de l’intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – sur la rupture du contrat de travail

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié; qu’aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Attendu qu’en l’espèce, il est constant que:

— J K était chargé au sein de la société ALPHEE DEVELOPPEMENT d’exercer les fonctions de cadre commercial au titre desquelles il effectuait des déplacements ayant pour objet de se rendre chez les prospects, ce terme désignant communément les sociétés ou individus ayant exprimé un intérêt pour une offre de l’entreprise, et aussi de développer la prospection;

— J K procédait, à l’occasion de ces déplacements, à la rédaction de comptes-rendus qu’il transmettait à L M ou aux deux autres gérants de la société ALPHEE

DEVELOPPEMENT.

Attendu qu’il n’est pas plus discuté que J K a effectué un déplacement professionnel dans la région de Strasbourg; qu’il s’est ainsi rendu d’une part le 2 avril 2014 au siège de la société N O dont le responsable Recherche et Développement est M. Z, et d’autre part le 3 avril 2014 au siège de la société SIGMAPHY, au sein de laquelle M. C est ingénieur et Mme P-R est acheteuse;

que la société N O et la société SIGMAPHY sont des prospects de la société ALPHEE DEVELOPPEMENT.

Attendu qu’il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que parmi les griefs invoqués, la société ALPHEE DEVELOPPEMENT reproche à J K d’avoir rédigé de faux comptes-rendus de ses visites des 2 et 3 avril 2014.

Attendu qu’il convient donc d’examiner chacun de ces faits.

1.1. le compte-rendu du 2 avril 2014

Attendu que le compte-rendu du 2 avril 2014 rédigé par J K, versé aux débats, se présente comme suit:

'CV du 2/4/14 Mr Z

Réalisent des spectacles avec de l’eau et des jeux de lumière, permanents ou éphémères. Utilisent du rail din pour les coffrets de pilotage d’electrovanne et les leds. Offre à faire en 10A et 20A en 24Vdc.

Il y a deux ans ont acheté 90 alim de 1KW pour une affaire spécifique'.

Attendu qu’il résulte de ces énonciations que le compte-rendu de J K a pour objet d’informer son employeur qu’il a rencontré M. Z de la société N O le 2 avril 2014 dans le cadre d’une offre proposée à cette entreprise;

que cette affirmation de J K est confirmée par les attestations concordantes et circonstanciées de ses collègues M. E, M. S, M. F et M. G, lesquels indiquent que le 4 avril 2014 lors d’une réunion au siège de l’entreprise, J K leur a déclaré qu’il avait visité la société N O en Alsace le 2 avril précédent et que son interlocuteur était M. Z.

Attendu cependant que la société ALPHEE DEVELOPPEMENT verse aux débats l’échange de mails entre J K et M. Z dont il ressort:

— que J K s’est borné en réalité à déposer de la documentation sur la gamme d’alimentation COSEL au siège de la société N O;

— qu’aucune rencontre n’a eu lieu avec M. Z, ce dernier faisant part à J K de son indisponibilité mais de son intention de le contacter ultérieurement.

Attendu qu’il s’ensuit que J K a rédigé le 2 avril un compte-rendu qui ne correspond pas à la réalité.

1.2. le compte-rendu du 3 avril 2014

Attendu que le compte-rendu du 3 avril 2014 rédigé par J K, versé aux débats, se présente comme suit:

'CV DU 3/4/2014 Mr C Mr I (prod) Mme P-Q […]

SIGMAPHY a repris deux départements de brucker (EDP Euros lectronique de puissance et d’amplification RF) en 2013.

Réalisent des alimentations de 500W à plusieurs centaines de KM avec des courants max de 30.000A et des tensions max de 200 KV pour des centres de recherche et la protonthérapie.

Ont une gamme de solutions techniques et l’adaptent en fonction du besoin client. Effectif 50 personnes avec 15 personnes au BE.

(…)'.

Attendu qu’il résulte de ces énonciations que le compte-rendu de J K a pour objet d’informer son employeur qu’il a rencontré notamment Mme P-R, celle-ci exerçant les fonctions d’acheteuse, le 3 avril 2014 au siège de la société SIGMAPHI à l’occasion d’une réunion avec divers de ses représentants.

Attendu qu’aux termes de ses écritures reprises à l’audience, J K indique que Mme P-R n’était pas présente à la réunion, cette salariée jugeant que sa présence, effectivement prévue, n’était pas utile compte de sa faible ancienneté au sein de la société SIGMAPHI; que M. I du service production est venu alors participer à la réunion en lieu et place de l’acheteuse.

Attendu que force est donc de constater que J K a rédigé le 3 avril un compte-rendu qui ne correspond pas à la réalité puisqu’il évoque la présence de l’acheteuse de la société SIGMAPHI lors de la réunion objet du compte-rendu.

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que J K a procédé à des déclarations inexactes de visites de clients dans ses rapports journaliers des 2 et 3 avril 2014 et qu’il a ainsi transmis à son employeur de fausses informations sur son activité.

Attendu que l’inexactitude des comptes-rendus des 2 et 3 avril 2014 résulte en réalité de l’impréparation évidente de ces deux visites qui a conduit J K à les rédiger de manière à rendre crédible son déplacement dans l’Est et à justifier son absence à la séance de coaching de la société X;

qu’en effet, il n’est pas discuté que le 31 mars 2014, J K a été informé par L M que la séance de coaching de la société X organisée pour ce salarié, initialement prévue pour le 24 mars 2014 mais reportée du fait de l’état de santé de J K, était en définitive fixée au 3 avril 2014;

que J K a demandé à son employeur, qui l’a accepté, de reporter cette séance au 7 avril 2014 pour lui permettre d’effectuer la tournée qu’il avait prévue dans l’Est;

qu’il n’est toutefois pas contesté par J K qu’il a réalisé ses visites aux sociétés N O et SIGMAPHI et donc rédigé les comptes-rendus susvisés alors même que ces prospects n’avaient fait l’objet d’aucun rendez-vous préalablement fixé dans le cadre d’un déplacement de J K dans l’Est de la FRANCE;

que c’est donc seulement une fois rendu dans la région alsacienne que J K a décidé de se rendre au siège de chacune de ces sociétés.

Attendu qu’il s’ensuit, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus des griefs visés dans la lettre de licenciement, que la société ALPHEE DEVELOPPEMENT rapporte la preuve de faits qui constituent une violation par J K des obligations découlant de son contrat de travail et qui rendent impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis; que le licenciement pour faute grave est donc justifié; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté J K de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 – sur les demandes accessoires

Attendu qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de J K les dépens de première instance et en ce qu’il a débouté la société ALPHEE DEVELOPPEMENT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Attendu que J K sera condamné aux dépens d’appel.

Attendu que l’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE J K aux dépens d’appel,

CONDAMNE J K à payer la société ALPHEE DEVELOPPEMENT la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

Le Greffier Le Président

V W AA AB

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