Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 octobre 2017, n° 16/02385

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 27 oct. 2017, n° 16/02385
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/02385
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, 24 février 2016, N° F14/00121
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/02385

Association ADAPEI DE L’AIN

C/

Y

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 25 Février 2016

RG : F 14/00121

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2017

APPELANTE :

Association ADAPEI DE L’AIN

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Olivier BARRAUT de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

X Y

né le […] à […]

[…]

[…]

[…]

Comparant en personne, assisté de Me Bruno BRIATTA de la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Septembre 2017

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de B C, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— D E, président

— Didier JOLY, conseiller

— Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Octobre 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par D E, Président et par B C, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L’ADAPEI de l’AIN est une association dont l’objet est dédié aux personnes en situation de handicap. Elle applique la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Suivant contrat à durée indéterminée, l’ADAPEI de l’AIN a engagé X Y en qualité d’agent de service intérieur en internat à compter du 1er janvier 2004 et l’a affecté au centre de vie rural de TREFFORT/CUISIAT pour y exercer les fonctions de veilleur de nuit.

X Y a été promu à compter du 1er janvier 2007 au poste de surveillant de nuit qualifié, coefficient 400 de la convention collective.

En dernier lieu, X Y, placé au coefficient 425, percevait une rémunération mensuelle brute de 1 746.18 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2014, l’ADAPEI de l’AIN a convoqué X Y à un entretien fixé au 15 janvier 2014, préalable à un licenciement pour faute, et a notifié au salarié sa mise à pied conservatoire immédiate.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 janvier 2014, l’ADAPEI de l’AIN a notifié à X Y son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Monsieur,

Pour faire suite à notre entretien du 15 janvier dernier au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur Z A, délégué du personnel, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les faits suivants:

Vous avez utilisé le poste informatique du bureau des éducateurs afin de vous connecter sur des sites internet à des fins personnelles sur votre temps de travail: sites de jeux en ligne, d’achat de plants de cannabis, d’achat de matériels divers tels que «jeu-mafia.fr », « football- masters.fr» , « cannabisavenue.com », «cdiscount.com» ou encore « pacificpeche.com ».

Ces connections, répétées à de nombreuses reprises – et notamment les nuits des 3, 4 et 5 janvier derniers – témoignent du fait que vous n’étiez pas présent à votre poste de travail en salle de veille pendant que vous utilisiez internet et que vous ne pouviez en conséquence assurer la sécurité des résidants du foyer de Treffort. Votre indisponibilité, compte tenu de la fragilité et de la nécessité de surveillance des personnes que nous accueillons, constitue un danger réel pour la sécurité des résidants.

Vous avez expressément reconnu ces faits lors de l’entretien du 15 janvier 2014.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Votre licenciement prend effet immédiatement, à la date du 22 janvier 2013, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

(…)

'

Le 8 avril 2014, X Y a saisi le conseil de prud’hommes de BOURG-EN-BRESSE en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’ADAPEI de l’AIN à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire avec les congés payés afférents, et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 25 février 2016, le conseil de prud’hommes:

— a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

— a condamné l’ADAPEI de l’AIN à payer à X Y les sommes suivantes:

* 4 099.86 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 409.98 euros au titre des congés payés afférents,

* 10 505.89 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 12 300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 844.92 euros à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et 84.49 euros au titre des congés payés afférents,

* 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a débouté l’ADAPEI de l’AIN de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a condamné l’ADAPEI de l’AIN aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l’appel interjeté le 26 mars 2016 par l’ADAPEI de l’AIN.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l’audience du 15 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, l’ADAPEI de l’AIN demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de débouter X Y de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l’audience du 15 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, X Y demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf à porter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 24 599 euros, et en tout état de cause de condamner l’ADAPEI de l’AIN aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – sur la rupture du contrat de travail

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié; qu’aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Attendu que la mise en place par l’employeur d’un dispositif de contrôle au sein de l’entreprise qui vise l’ensemble des salariés doit donner lieu à la consultation du comité d’entreprise et à l’information des utilisateurs.

Attendu que s’agissant de l’identification ponctuelle des connexions Internet d’un salarié, dès lors que celles-ci sont réalisées pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail, ces connexions sont présumées avoir un caractère professionnel; que l’employeur peut donc, sans la présence du salarié, rechercher ses connexions aux fins de les identifier.

Attendu qu’en l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que l’ADAPEI de l’AIN reproche à X Y d’avoir à de nombreuses reprises sur son temps de travail durant ses nuits de garde des 3, 4 et 5 janvier 2014 utilisé le poste informatique équipant le bureau des éducateurs pour accéder à des sites internet de jeux en ligne, d’achats de matériels divers et d’achat de plants de cannabis.

Attendu que X Y conteste l’intégralité des faits en soutenant qu’il bénéficiait d’une autorisation verbale d’accès au poste informatique en cause, qu’il a fait une utilisation ponctuelle d’Internet, que les connexions alléguées ne sont pas toutes de son fait, que la sécurité des résidents n’a jamais été compromise et que l’employeur ne justifiait pas d’une information des salariés sur la mise en place d’un dispositif de contrôle des connexions à Internet.

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que:

— la mission de X Y afférente à sa fonction de surveillant de nuit au sein du centre de vie rural de TREFFORT/CUISIAT a consisté à réaliser des rondes de nuit et à assurer la surveillance et la sécurisation des résidants;

— X Y était affecté au local de veille et exerçait ses fonctions sans l’assistance d’aucun collègue;

— il n’est pas contesté qu’au cours de son temps de travail, X Y a quitté son poste de travail dans le local de veille pour se rendre au bureau des éducateurs distant de plusieurs mètres de son local de veille, et ainsi se connecter à Internet à partir du poste informatique qui équipait cette pièce;

— l’ADAPEI de l’AIN a procédé à l’identification des connexions Internet ainsi réalisées par X Y, cette identification par l’employeur étant licite dès lors que les connexions en cause ont été réalisées à partir d’un poste mis à la disposition des éducateurs pour l’exécution de leur travail;

— l’identification réalisée pour les nuits du 3 au 5 janvier 2013 est produite en pièce n°10 par l’ADAPEI de l’AIN; elle consiste en un historique de navigation qui permet de mettre à jour des connexions sur un compte client du site 'graines de cannabis et marijuana' après identification de l’utilisateur le 5 janvier 2014 à 04h00, 04h01 et 04h03; X Y ne conteste pas qu’il travaillait durant ces périodes et aucune pièce du dossier ne permet d’établir que des tiers auraient également eu un accès au poste informatique en cause notamment durant la nuit du 5 janvier 2014.

Attendu qu’il s’ensuit que l’ADAPEI de l’AIN justifie des connexions Internet de X Y le 5 janvier 2014 ayant pour objet la consultation d’un compte client concernant des transactions portant sur des substances prohibées, d’où il résulte que X Y s’est livré à des consultations de sites sur Internet pour se livrer à des activités illicites;

qu’en outre, ce salarié était chargé, durant le temps desdites connexions, de veiller à la sécurité des résidants du centre de vie rural de TREFFORT/CUISIAT.

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’ADAPEI de l’AIN rapporte la preuve de faits qui constituent une violation par X Y des obligations découlant de son contrat de travail et qui rendent impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis; que le licenciement pour faute grave est donc justifié; que le licenciement repose dès lors sur une cause réelle et sérieuse; qu’infirmant le jugement déféré, la cour déboutera X Y de l’intégralité de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 – sur les demandes accessoires

Attendu que les dépens de première instance et d’appel, suivant le principal, seront supportés par X Y.

Attendu que l’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT

DIT que le licenciement pour faute grave est fondé,

DEBOUTE X Y de l’intégralité de ses demandes

CONDAMNE X Y aux dépens de première instance et d’appel,

CONDAMNE X Y à payer l’ADAPEI de l’AIN la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

B C D E

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