Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 29 mars 2018, n° 17/07234

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 3e ch. a, 29 mars 2018, n° 17/07234
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 17/07234
Sur renvoi de : Cour de cassation, 6 septembre 2017, N° 16-17174
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

R.G : 17/07234 Décision de la Cour de Cassation de PARIS

Au fond

du 07 septembre 2017

RG : 16-17174

Z

SARL Y

C/

SNC X B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3e chambre A

ARRÊT DU 29 Mars 2018

APPELANTS :

Me A Z es qualité de commissaire à l’exécution du plan et de mandataire judiciaire de la SARL Y désigné à ses fonctions par jugement du Tribunal de commerce de CANNES du 23 février 2016

[…]

[…]

Représenté par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Renaud GIULIERI, avocat au barreau de NICE

SARL Y prise en la personne de ses représentant légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Renaud GIULIERI, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE :

SNC X B

[…]

[…]

Représentée par Me Jérôme ORSI de la SCP D.J. VERNE – L.G. BORDET – J. ORSI – Y. TETREAU, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Valérie PANEPINTO de la SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Février 2018

Date de mise à disposition : 29 Mars 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— C-D E, président

— Hélène HOMS, conseiller

— A BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Lindsey CHAUVY, greffier placé,

A l’audience, C-D E a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par C-D E, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Suivant acte notarié du 27 juin 1997, la société Y a pris à bail commercial un local lot 18 et entrepôt situés à Cannes dans une galerie commerciale « Palais Croisette » d’un complexe hôtelier de luxe pour une durée de 9 ans allant du 1er avril 1997 au 31 mars 2006 moyennant un loyer annuel initial de 240.000 francs (équivalents à 36.588 euros) indexés, porté au terme à la somme de 49.275,48 euros.

Par exploit du 19 octobre 2005, la société Y a signifié une demande de renouvellement à effet au 1er avril 2006.

La société X B (X) est devenue propriétaire par adjudication du 9 février 2006 de l’intégralité de la galerie commerciale comprenant les locaux litigieux.

Le 22 mars 2010, X a signifié au preneur un congé avec offre de renouvellement pour un effet au 1er octobre 2010 portant le loyer annuel à 150.000 euros, avant de saisir par exploit du 9

novembre 2010 le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Grasse d’une fixation du loyer à la somme annuelle de 200.000 euros au visa d’une évolution des facteurs locaux de commercialité.

Dans le cadre de divers incidents ayant émaillé le contentieux entre les parties, le tribunal de grande instance de Grasse, saisi par le bailleur le 12 avril 2012 pour fixer la date d’effet du nouveau loyer, a, par jugement du 10 juillet 2014 :

— débouté X de sa demande tendant à voir déclarer nulle et à tout le moins inopposable à elle la demande de renouvellement de bail du 19 octobre 2005,

— débouté X de sa demande tenant à voir retenir un accord des parties pour un renouvellement à effet du 1er avril 2008,

— jugé valables et opposables à X le bail commercial du 27 juin 1997 et la demande de renouvellement du 19 octobre 2005,

— jugé que le bail s’est renouvelé à compter du 1er avril 2006 pour 9 ans [à la suite de la demande de renouvellement de la part du preneur] et a renvoyé la fixation du loyer au juge des loyers commerciaux, en écartant la prescription biennale de l’action du bailleur en fixation du nouveau loyer.

Y preneur a été placée sous sauvegarde de justice le 27 mai 2014, avec désignation d’un administrateur et d’un mandataire judiciaires, avant de bénéficier d’un plan de 12 mois par jugement du 23 février 2016.

Sur appel du jugement sus-visé du 10 juillet 2014 par le preneur et les organes de sa procédure collective, la cour d’appel d’Aix-en-Provence l’a confirmé par arrêt du 8 mars 2016 en ajoutant la charge d’une indemnité de procédure au profit du bailleur.

Sur pourvoi initié par Y et Me Z, par un arrêt du 7 septembre 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé « mais seulement en ce qu’il déboute Y de son moyen tiré de la prescription de l’action de la société bailleresse en fixation du nouveau loyer annuel de renouvellement et dit qu’il appartiendra au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2006 », a remis les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Lyon.

Y preneur a saisi la présente cour de renvoi par acte du 13 octobre 2017.

Par ses conclusions récapitulatives du 18 janvier 2018, la Sarl Y et Me A Z pris en ses qualités de commissaire à l’exécution du plan et de mandataire judiciaire ont demandé à la cour :

— de les déclarer recevables en leur saisine de la cour,

— de débouter X de toutes ses demandes,

— de juger que X est définitivement prescrite en son action en fixation du loyer de renouvellement applicable à compter du 1er avril 2006,

— de juger que le bail liant les parties est définitivement renouvelé pour une nouvelle durée de 9 ans à compter du 1er avril 2006 aux conditions de loyer en vigueur à cette date,

— de condamner X à payer à Y une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du

Code de procédure civile,

— et au paiement des entiers dépens de l’instance avec distraction.

Par ses conclusions récapitulatives du 5 février 2018, au visa, au-delà des dispositions de l’article 2224 du code civil, de la règle générale selon laquelle le délai de prescription d’une action court à compter du jour où celle-ci peut être exercée, la société en nom collectif X B (X) a sollicité :

— de la dire recevable et fondée en ses demandes,

— à titre principal,

— de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 10 juillet 2014, sauf à préciser que le montant du nouveau loyer fixé au 1er avril 2006 ne pourra prendre effet qu’à compter du 22 mars 2010 date du congé avec offre de renouvellement par lequel elle a chiffré pour la première fois sa demande de nouveau loyer, ainsi que mentionné par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Grasse aux termes de son jugement définitif du 7 mars 2017,

— de dire que Y et Me Z ès qualités qui excipent d’un moyen de prescription, ne rapportent ni la preuve que X ait eu connaissance de la demande de renouvellement du 19 octobre 2005, ni celle que X aurait dû nécessairement avoir connaissance de cette demande de renouvellement, étant toutefois observé que, par application de la règle générale selon laquelle le délai de prescription d’une action court à compter du jour où celle-ci peut être exercée, seule doit être prise en compte la date à laquelle X a eu connaissance de la demande de renouvellement du 19 octobre 2005,

— de dire en conséquence que le point de départ de l’action en fixation du loyer du bail renouvelé ne saurait être antérieur au 10 janvier 2011, date à laquelle lui a été révélée par le mémoire du preneur l’existence de la demande de renouvellement du 19 octobre 2005,

— de dire que son action en fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2006 n’est pas prescrite,

— subsidiairement, dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande de prescription de l’action en fixation en fixation du loyer du bail renouvelé, de dire que Y et Me Z ont renoncé à se prévaloir de l’acquisition de la prescription par application des articles 2250 et 2251 du code civil,

— en toute hypothèse,

— de débouter Y et Me Z de toutes leurs demandes,

— de condamner ces derniers solidairement à lui payer 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— avec charge des entiers dépens avec distraction.

MOTIFS

Sur la prescription

Disant avoir accepté que le montant du nouveau loyer fixé au 1er avril 2006 ne pourra prendre effet qu’à compter du 22 mars 2010 date du congé avec offre de renouvellement par lequel elle a chiffré

pour la première fois sa demande de nouveau loyer, pour lequel le juge des loyers commerciaux a admis le déplafonnement par jugement récent du 7 mars 2017 en désignant un expert afin de détermination de la valeur locative, X soutient l’absence de prescription de son action en application des dispositions combinées des articles L.145-60 du code de commerce et 2224 du code civil dès lors que le premier texte ne précise pas le point de départ de l’action.

Elle fait alors valoir que la prescription ne court que « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui permettent de l’exercer », et pour ce qui la concerne, que son ignorance de la demande de renouvellement de la part du preneur du 19 octobre 2005 s’avère légitime puisque son titre de propriété est postérieur ( 9 février 2006), qu’il n’est rapporté aucune preuve de sa connaissance de cette demande et qu’il ne peut lui être reproché cette ignorance puisque le bail a pu se poursuivre par tacite prolongation, sans possibilité pour l’ancien bailleur de consentir bail ou renouvellement de bail depuis le commandement valant saisie du 8 avril 2002, sauf annulation de ce bail ou renouvellement s’ils avaient tout de même été consentis.

Elle souligne ainsi n’avoir appris l’existence de la demande de renouvellement que par le mémoire du 10 janvier 2011 signifié par Y et Me Z.

Elle en tire la conclusion qu’elle peut poursuivre la fixation du loyer du bail renouvelé.

Ce qui est écarté.

En effet, Y et Me Z qui admettent aussi bien l’application de l’article 2224 du code civil pour déterminer le point de départ de l’action du bailleur en fixation du loyer du bail renouvelé, énoncent à bon droit qu’en l’espèce, le point de départ de la prescription biennale n’est pas constitué par la notification du mémoire du 10 janvier 2011.

Ils avancent que ce point de départ est le 1er avril 2006, date de renouvellement du nouveau bail par effet de la demande de renouvellement du preneur initiée par exploit du 19 octobre 2005 à effet au 1er avril 2006, mais à tort.

La Cour de cassation a ainsi motivé sa cassation partielle au visa de l’article L.145-10 [dont son alinéa 4 qui dispose « Dans les trois mois de la notification de la demande de renouvellement, le bailleur doit ' faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de son refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent] et de L.145-60 du code de commerce :

« Attendu que, pour rejeter le moyen tiré de la prescription biennale, l’arrêt retient qu’il n’est pas établi que la demande de renouvellement du bail formée par Y ait été portée à la connaissance de X, laquelle n’était pas tenue, en qualité de nouveau propriétaire, de s’informer sur l’état du bail en cours de sorte que le délai biennal de prescription n’a pas couru à compter du 1er avril 2006,

qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que Y avait, le 19 octobre 2005, demandé le renouvellement du bail au 1er avril 2006 et qu’à défaut d’avoir répondu à cette demande dans le délai de trois mois, la société Noga [ex-bailleur] était réputée l’avoir acceptée tacitement de sorte que le bail s’était renouvelé le 1er avril 2006, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ».

Il résulte de l’application de cette règle de droit à l’espèce qui concerne le cas où le bailleur ne répond pas avant l’expiration du délai de trois mois de l’article L.145-10 ainsi que des explications et productions des parties :

— que le bail s’est tacitement renouvelé au 1er avril 2006 et que le bailleur disposait d’une action en

fixation du nouveau loyer, dont le point de départ est retenu, non pas à la date de renouvellement, mais plutôt au jour de l’expiration du délai de trois mois évoqué ci-dessus,

— que X ne peut arguer de son ignorance de la demande de renouvellement du preneur du 19 octobre 2005 en sa qualité de bailleur par adjudication ultérieure du 9 février 2006, dès lors qu’il ne pouvait ni ne devait ignorer les conditions d’occupation du bien alors acquis, ce qui a été consacré par l’arrêt de la Cour de cassation qui a confirmé la disposition du jugement ayant jugé valables et opposables à X le bail commercial du 27 juin 1997 et la demande de renouvellement du 19 octobre 2005.

Le délai de trois mois ayant débuté au 19 octobre 2005, il expirait le 19 janvier 2006.

L’action du bailleur en fixation du loyer du bail renouvelé, qui n’a été engagée qu’en 2010, est prescrite pour n’avoir pas été initiée avant le terme du délai de prescription biennal soit le 19 janvier 2008.

Il s’ensuit que le bail est définitivement renouvelé à compter du 1er avril 2006 au loyer en vigueur à cette date.

Cette disposition ne peut être écartée par la prétention subsidiaire énoncée par X, qui, dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande de prescription de l’action en fixation en fixation du loyer du bail renouvelé, ce qui est effectivement jugé, entend voir dire que Y et Me Z ont renoncé à se prévaloir de l’acquisition de la prescription par application des articles 2250 et 2251 du code civil,

ce qui est rejeté.

En effet, la considération que Y ne s’est pas prévalue de la prescription alors acquise ni à réception du congé par exploits des 19 et 22 mars 2010, ni à réception du mémoire préalable du 21 juillet 2010, ni à réception de l’assignation devant le juge des loyers commerciaux signifiée le 9 novembre 2010, ni aux termes de son mémoire du 10 janvier 2011, n’empêche pas le preneur, dans la présente instance portée devant la juridiction de droit commun qui n’est pas celle du juge des loyers commerciaux, de tirer bénéfice d’une prescription, qui exclut la fixation actuelle d’un loyer de bail renouvelé.

En outre, par application de l’article 625 alinéa 2 du code de procédure civile, le jugement du 7 mars 2017 du juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Grasse du 7 mars 2017 prononcé suite à l’arrêt du 8 mars 2016 depuis annulé partiellement par l’arrêt de cassation du 7 septembre 2017, ne peut avoir aucun effet. Une copie du présent arrêt sera adressé par le greffe à la juridiction concernée pour son information.

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de X, avec distraction, et l’article 700 du code de procédure civile trouve application au profit de Y.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur renvoi après prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2017 portant cassation partielle,

Confirme le jugement du 10 juillet 2014 sauf en ce qu’il a écarté le moyen tiré de la prescription de l’action du bailleur et renvoyé les parties à saisir le juge des loyers commerciaux pour fixation du

loyer du bail renouvelé,

L’infirme sur ce point et statuant à nouveau,

Juge irrecevable comme prescrite l’action de X B en fixation du nouveau loyer du bail renouvelé,

Dit que le bail qui s’est renouvelé entre les parties le 1er avril 2006 l’a été à la condition du loyer alors en vigueur à cette date,

Déboute X B de ses autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne X B à verser à Y une indemnité de procédure de 6.000 euros,

Dit que les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de X B avec distraction au profit du conseil de Y,

Dit que copie du présent arrêt sera adressé par le greffe au juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Grasse (RG 11/1506) pour son information.

Le Greffier, Le Président,

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