Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 10 octobre 2019, n° 16/03646

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 10 oct. 2019, n° 16/03646
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/03646
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, 3 février 2016, N° 14/00895
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 16/03646

N° Portalis DBVX – V – B7A – KK2Z

Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

Au fond du 04 février 2016

chambre civile

RG : 14/00895

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile A

ARRET DU 10 Octobre 2019

APPELANTE :

EARL DE LORMET

[…]

[…]

r e p r é s e n t é e p a r l a S C P D E S I L E T S R O B B E R O Q U E L , a v o c a t a u b a r r e a u d e VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTIMEE :

SA AMAZONE

[…]

[…]

représentée par la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 12 juin 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 septembre 2019

Date de mise à disposition : 10 octobre 2019

Audience présidée par Annick ISOLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Aude RACHOU, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— Annick ISOLA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Elsa MILLARY, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Au début de l’année 2012, la société de Lormet a accepté la proposition de son vendeur habituel de tracteurs, la société Agri pro, d’essayer un semoir à maïs, de marque Amazone Variatrail 8 rangs, pour les semis de maïs de la saison 2012.

La société de Lormet a utilisé cette machine, parallèlement à un semoir qu’elle avait l’habitude d’utiliser, de marque Maxi Kuhn.

Le 10 mars 2014, estimant qu’il existait des vides et des manques dans les rangs de maïs semés avec la nouvelle machine, la société de Lormet a, après une expertise privée confiée à M. X, assigné la société Amazone devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en indemnisation de son préjudice, sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Par jugement du 4 février 2016, le tribunal a rejeté les demandes indemnitaires de la société de Lormet au titre de la perte de récolte et de temps ainsi que pour résistance abusive.

La société de Lormet a relevé appel de cette décision le 12 mai 2016.

Dans ses dernières conclusions du 16 mars 2018, la société de Lormet demande à la cour d’appel de':

— réformer le jugement entrepris';

— dire et juger la société Amazone responsable du préjudice qu’elle a subi ';

— condamner la société Amazone lui payer les sommes suivantes':

* 55'217,52 euros pour perte de récolte

* 1'400 euros pour perte de temps de son gérant';

* 5'000 euros pour résistance abusive';

* 5'000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile';

— condamner la société Amazone aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP B-C-D, sur son affirmation de droit.

Elle fait principalement valoir que':

— elle a constaté au moment de la récolte 2012 que certains plans de maïs mourraient et que le rang situé sous les roues du semoir Amazone ne poussait pas';

— la société Amazone a donné son accord pour une expertise amiable';

— l’expert a relevé que les superficies ensemencées avec le semoir Amazone ont été déficitaires par rapport à celles ensemencées avec le semoir Kuhn traditionnel';

— qu’à la suite de ses remarques, le matériel a été modifié';

— que la société Amazone a commis une faute en mettant à sa disposition un semoir inadapté aux conditions d’utilisation requises';

— que la société Amazone a reconnu sa faute et le préjudice causé dans un courrier électronique du 24 avril 2013';

— le préjudice qu’elle a subi a été établi par un expert qu’elle a mandaté avec l’accord de la société Amazone et qu’en conséquence l’expertise est contradictoire';

— à titre subsidiaire, la responsabilité de la société Amazone est engagée sur le fondement de l’article 1384 ancien du code civil';

— la société Amazone lui a confié temporairement le semoir pour effectuer un essai, qu’elle a supervisé, ce dont il résulte qu’aucun transfert de garde n’a été opéré.

Dans ses dernières conclusions du 7 mars 2018, la société Amazone demande, en substance, à la cour d’appel de':

— confirmer le jugement';

— pour le cas où sa responsabilité serait retenue, débouter la société de Lormet de l’ensemble de ses demandes ou, à tout le moins, les ramener à plus juste proportions';

— condamner la société de Lormet à lui payer la somme de 3'000 euros au titre des frais irrépétibles';

— condamner la société de Lormet aux dépens de l’instance, distraits au profit de Maître Laurendon, sur son affirmation de droit.

Elle fait essentiellement valoir que':

— les affirmations de l’expert amiable, payé et rémunéré par la société de Lormet, ne constituent pas une preuve d’une faute qu’elle aurait commise';

— l’expert n’a pas décrit ou caractérisé de défaillance ou de dysfonctionnement du matériel qu’elle a mis à disposition de la société de Lormet';

— il n’existe pas de reconnaissance de responsabilité de sa part, seuls des échanges commerciaux étant intervenus entre les parties';

— les comparatifs entre les deux semoirs ne démontrent pas l’existence d’un dysfonctionnement du matériel fourni par elle';

— l’emplacement particulier des parcelles litigieuses et les conditions climatiques peuvent expliquer les déficits de rendement allégués';

— s’agissant de la responsabilité du fait des choses, la garde du semoir a été transférée à la société de Lormet, exploitant agricole';

— la société de Lormet ne démontre pas que le semoir serait défectueux ou non-conforme aux spécifications techniques annoncées';

— subsidiairement, l’expert s’est fondé sur les déclarations de la société de Lormet pour retenir le préjudice allégué et son avis est ainsi dépourvu de toute force probante';

— elle a mis le semoir gratuitement à la disposition de la société de Lormet et la valeur de cet avantage doit être imputée sur le montant du préjudice invoqué par cette société.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2018.

MOTIFS DE L’ARRET

Il appartient à la société de Lormet, qui fonde son action, à titre principal, sur l’article 1382, devenu 1240, du code civil, de démontrer que la société Amazone, qui ne conteste pas ce fondement, a commis une faute à son égard.

Il est constant qu’en 2012, dans une démarche commerciale, cette société a mis à disposition de la société de Lormet un semoir, par l’intermédiaire du vendeur habituel de cette dernière.

Afin d’établir que le semoir ainsi mis à disposition était défectueux et lui a causé un préjudice, la société de Lormet produit un rapport d’expertise privée établi par M. X.

Celui-ci a constaté que 'seules les parcelles (ou fractions de parcelles) ensemencées avec le semoir Amazone présentent des déficits de rendement significatifs. Les autres parcelles de l’exploitation ensemencées avec le semoir Kuhn ne présentent pas de déficits de rendement significatifs' (rapport, p. 2).

Il en déduit que 'les déficits de rendement sont certainement dus à une défaillance ou un dysfonctionnement de l’élément semeur de l’outil Amazone' (ibid.)

Cependant, M. X ne propose aucune analyse technique et déduit l’existence d’un dysfonctionnement du matériel Amazone de la seule comparaison des rendements entre les parcelles.

Ce rapport n’est ainsi pas probant en lui-même quant à l’existence d’une défectuosité de la machine, à l’origine du préjudice allégué.

Cependant, dans son rapport, M. X relève que M. Y, représentant la société Amazone, et M. Z, représentant la société Agri pro, étaient présents lors des opérations du 22 janvier 2013.

Il indique que 'il a été confirmé, le 22/1/2013, que, au cours de la saison 2012, deux visites ont eu lieu sur l’exploitation de l’EARL pour constater les irrégularité de semis provoquées par le matériel Amazone : les 1er juin et 9 octobre où étaient présents, avec les cogérants de l’EARL : Messieurs A (1/6 et 9/10), Y (1/6 et 9/10), Z (1/6 et 9/10) et Wessels (1/6 uniquement), toutes ces personnes étant liées à la société Amazone. Messieurs Y et Z ont pu attester, le 22/1/2013, avoir observé, à l’occasion de ces 2 visites, des anomalies de densité sur les parcelles ou fractions de parcelles ensemencées avec le semoir Amazone' (rapport, p. 2).

Par ailleurs, dans son courrier électronique du 24 avril 2013, la société Amazone écrit : 'Lors de notre entretien au Sima, j’ai bien noté votre souhait de pouvoir utiliser le semoir Amazone EDX avec des roues jumelées afin d’éliminer ce phénomène de tassem[e]nt derrière les roues du semoir et de garantir une bonne levée des rangs situés derrière ces roues. […] Nous comprenons votre revendication face aux pertes de rendement et comme nous vous l’avons précisé au Sima, nous souhaitons vivement que [vous] testiez le semoir EDX avec son jumelage, ensuite constater les résultats aux levées et ensuite nous rencontrer autour d’une table afin de trouver un arrangement amiable de dédommagement. Mon objectif premier est de solutionner le problème rencontrer aus semis 2012 et vous montrer concrètement l’intérêt du semoir EDX pour votre utilisation. Puis nous parlerons de votre dossier d’indemnité pour lequel nous trouverons j’en suis sûr un accord commun'.

Ainsi, la société Amazone, après avoir assisté aux opérations d’expertise, admet dans cette correspondance l’existence d’un problème lors des semis 2012 dus à un tassement derrière les roues du semoir, considère que la modification apportée aux roues de la machine est de nature à résoudre la difficulté et admet qu’elle doit une indemnisation à la société de Lormet pour les pertes de récolte de l’année 2012.

Contrairement à ce que soutient la société Amazone, ce courrier électronique ne constitue pas une démarche purement commerciale mais une reconnaissance de la défectuosité du semoir en 2012 et du droit à indemnisation de la société de Lormet.

En mettant à disposition de la société de Lormet une machine qui présentait un dysfonctionnement, qui provoquait un tassement derrière les roues du semoir, ce qui empêchait la levée des rangs de maïs, la société Amazone a commis une faute dont elle doit réparation.

Ce mauvais fonctionnement du semoir est à l’origine d’une perte de récolte en 2012 pour la société de Lormet, ainsi que l’a admis la société Amazone dans son courrier électronique.

A l’issue des opérations d’expertise auxquelles elle a participé, la société Amazone n’a pas contesté que la perte de récolte subie par la société de Lormet s’établissait à 2 300,73 quintaux, chiffre retenu par l’expert.

Par lettre du 15 avril 2013, les gérants de la société de Lormet ont rappelé ces 'pertes de rendement significative’ à la société Amazone, qui n’a pas remis en cause ce chiffrage dans son courrier électronique du 24 avril 2013.

La société de Lormet justifie, par la production d’un contrat, qu’elle a vendu 300 tonnes de maïs au titre de la campagne 2012, au prix de 240 euros la tonne.

Son préjudice sera ainsi évalué à la somme de 55 217,52 euros.

La société Amazone demande que soit déduit du montant du préjudice la valeur de l’avantage que constitue la mise à la disposition de la société de Lormet d’un semoir en 2013, à titre gratuit.

Cependant, cette mise à disposition, dont la valeur n’est au demeurant pas chiffrée par la société Amazone, ne revêt pas un caractère indemnitaire mais constitue une offre commerciale, en vue de la vente du matériel.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Amazone à payer à la société de Lormet la somme de 55 217,52 euros au titre de la perte de récolte subie en 2012.

La société de Lormet n’établit pas l’existence d’autres préjudices, que ce soit au titre de 'la perte de temps de son gérant’ ou à raison de la résistance de la société Amazone à l’indemniser.

Ainsi, il y a lieu de la débouter de ces chefs de prétentions.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société de Lormet.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 4 février 2016 ;

Statuant à nouveau,

Déclare la société Amazone responsable du préjudice subi par la société de Lormet ;

Condamne la société Amazone à payer à la société de Lormet la somme de 55 217,52 euros (cinquante cinq mille deux cent dix-sept euros et cinquante deux centimes) au titre de la perte de récolte ;

Rejette le surplus des demandes indemnitaires de la société de Lormet ;

Condamne la société Amazone à payer à la société de Lormet la somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Amazone aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP B – C – D par application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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