Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 2 décembre 2020, n° 18/03011

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 2 déc. 2020, n° 18/03011
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/03011
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, 19 mars 2018, N° F16/00547
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/03011 – N° Portalis DBVX-V-B7C-LVFN

Société GTMV

C/

X

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de SAINT ETIENNE

du 20 Mars 2018

RG : F 16/00547

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 02 DECEMBRE 2020

APPELANTE :

Société GTMV

Numéro SIRET : 533 565 693 000 17

La terrasse

[…]

représentée par Me Damien CONDEMINE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

C X

né le […] à […]

[…]

42000 SAINT-ETIENNE

représenté par Me Géraldine VILLAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Novembre 2020

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées), qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Manon

FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— Nathalie PALLE, présidente

— Natacha LAVILLE, conseiller

— Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Décembre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Gibert Transports Messagerie du Velay, ci-après dénommée GTMV, a embauché M. C X en qualité de chauffeur poids-lourds suivant une succession de contrats de travail à durée déterminée des 2 avril 2013, 29 avril 2013, 30 septembre 2013 et 28 mars 2014 pour surcroît d’activité ou remplacement d’un salarié en arrêt-maladie.

Suivant contrat à durée indéterminée du 27 mars 2015, la société GTMV a engagé M. X en qualité de chauffeur poids-lourds, moyennant un salaire mensuel brut de 1 457,54 euros pour une durée hebdomadaire de 35 heures par semaine ou 151, 67 heures par mois.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 février 2016, la société GTMV a convoqué M. X le 17 février 2016 à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement .

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 février 2016, la société GTMV a notifié à M. X son licenciement pour fautes graves dans les termes suivants:

' Suite a notre entretien du l7 février 2016 a 9h, nous vous notifions par la présente votre

licenciement motivé par les faits ci-dessous ;

Nous vous reprochons l’exécution défectueuse de votre travail et votre insuffisance professionnelle caractérisées par plusieurs négligences. Et pour preuve :

Le 26 décembre 2016, vous avec commis une infraction au code du travail, vous avez mal manipulé le tachygraphe de votre véhicule de 8h26 à 11h19 en sélectionnant le mode travail alors que vous étiez en repos. Ceci est une infraction au temps de pause obligatoire par le code du travail avec plus de 6h consécutives en conduite ou travail.

Le centre de tri de St Etienne nous a envoyé un recommandé le 22 septembre 2015 pour nous lancer un avertissement sur le non port des EPI (chaussures de sécurité). Vous avez reçu le 9 octobre 2015 une sommation par SMS de porter impérativement ses EPI. Vous avez toujours refusé': malgré les relances de ma part ou de celle de Mr A F-G, vous voyez régulièrement un responsable du centre de tri de Saint-Etienne noter votre désinvolture sur le port des EPI et n’avez rien dit jusqu’au 6 févier ou vous auriez fourni enfin un certificat médical vous interdisant le port.

Après renseignement pris auprès de notre client LA POSTE en la personne de sa responsable de site (Mme Y), toute personne ne pouvant porter des chaussures de sécurité doit impérativement se faire faire des chaussures de sécurité sur mesure afin de palier au risque d’ écrasements importants des chariots que vous poussez toute la journée. N’ayant jamais eu connaissance de votre certificat médical avant le jour de l’entretien et malgré mes réclamations en janvier dernier, vous avez commis une faute grave et régulière en vous mettant en danger et pénalisant la société sur ses obligations contractuelles de son travail. Par chance, nous n’avons pas eu à déplorer d’accident sur la fin de votre période de travail .

Depuis le 15 décembre 2015, nous avions choisi la compagnie APRIL pour établir un contrat santé pour tous les salariés de la société à l’exception du personnel n’entrant pas le champ d’application de la loi. Vous faites parti de la société depuis plus d’un an et vous aviez obligation de souscrire le contrat mutuelle auprès de la société APRIL au 1er janvier 2016. Nous vous avions relancé à plusieurs reprises, nos demandes sont restées sans réponse et nous étions toujours dans l’attente de justificatif vous désengageant de l’obligation: CMU, contrat groupe auprès du conjoint. Vous ne pouviez pas prolonger le contrat existant en 2015 car son échéance était le 31 décembre, et vous deviez passer impérativement sous celle de l’entreprise.

De plus lors de l’entretien le l7 février dernier, vous nous avez fait part que vous souhaitiez prendre la mutuelle de GTMV à partir du 9 février 2016, date de la fin de votre série de séances de kinésithérapeute pour votre tendinite. Hors il s’avère que le 17 février, jour de notre entretien, nous n’avions toujours pas le dossier mutuelle APRIL rempli alors qu’il vous avait été remis en décembre dernier.

De plus le 8 février 2016 au matin vers 6h30, vous avez abandonné votre poste de travail en refusant de faire la ligne VL du circuit urbain (…). Vous m’avez harcelé de messages SMS pour savoir si vous pouviez passer sur une ligne en PL ces dernières semaines. A aucun moment je vous ai répondu favorablement car il n’en était pas question. Nous vous avons demandé de faire la ligne VL 420-03330 et vous avez préféré rentrer chez vous pour 'planter la ligne auprès de notre client que vous saviez très exigeant. A cause de votre négligence et autoritarisme, nous venons de revoir un avertissement de la part de notre client (…).

Les différentes fautes que vous avez commises constituent une faute grave, votre licenciement sans préavis prend effet immédiatement (…).'

Par requête du 7 novembre 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon d’une contestation de son licenciement et d’une demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée. M. X a demandé en conséquence, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, des dommages-intérêts pour rupture abusive, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et sur mise à pied, une indemnité de requalification, un rappel de salaire au titre de la mise à pied, une somme au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents et une indemnité pour travail dissimulé.

Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix le 28 septembre 2017.

Par jugement rendu le 20 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Saint-Etienne, statuant en formation de départage, a :

— fixé à la somme de 1 825,17 euros bruts le salaire mensuel moyen de M. C X,

— requalifié les contrats de travail à durée déterminée en date des 2 avril 2013, 2 mai 2013, 1er octobre 2013, 1er avril 2014 et 1er octobre 2014 en contrat de travail à durée indéterminée,

— condamné en conséquence, la SAS GTMV à verser à M. X la somme de 1 825,17 euros au titre de l’indemnité de requalification,

— dit que le licenciement pour faute grave notifié à M. X le 26 février 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné, en conséquence, la SAS GTMV à verser à M. X les sommes suivantes :

—  1.118,12 euros bruts à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire

injustifiée, outre 111,81 euros bruts au titre des congés payés afférents,

—  3.650,34 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 365,03 euros au titre des congés payés,

—  1.095,10 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  11.000euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  240,68 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre

le 1er et le 20 juillet 2015, outre 24,07 euros au titre des congés payés afférents,

— ordonné à la société GTMV de remettre au salarié les documents relatifs à la rupture du

contrat de travail et un bulletin de salaire rectifiés en conséquence de la présente décision,

— débouté M. X de ses autres demandes et du surplus de ses demandes,

— débouté la société GTMV de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles,

— condamné la société GTMV à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d’un mois,

— condamné la société GTMV à payer à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société GTMV au paiement des dépens.

La cour est saisie de l’appel interjeté le 18 avril 2018 par la société GTMV.

La société GTMV a fait notifier ses conclusions d’appel au greffe et à l’intimé le 12 juillet 2018. Elle demande à la cour de :

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Etienne du 20 mars 2018 en ce qu’il :

— requalifie les contrats de travail à durée déterminée en date des 2 avril 2013, 2 mai 2013, 1er octobre 2013, 1er avril 2014 et 1er octobre 2014 en contrat de travail à durée indéterminée,

— condamne en conséquence, la SAS GTMV à verser à M. X la somme de 1 825,17 euros au titre de l’indemnité de requalification,

— dit que le licenciement pour faute grave notifié à M. X le 26 février 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamne, en conséquence, la SAS GTMV à verser à M. X les sommes suivantes :

—  1.118,12 euros bruts à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire

injustifiée, outre 111,81 euros bruts au titre des congés payés afférents,

—  3.650,34 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 365,03 euros au titre des congés payés,

—  1.095,10 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  11.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  240,68 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre le 1er et le 20 juillet 2015, outre 24,07 euros au titre des congés payés afférents,

— ordonne à la société GTMV de remettre au salarié les documents relatifs à la rupture du contrat de travail et un bulletin de salaire rectifiés en conséquence de la présente décision,

— déboute la société GTMV de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles,

— condamne la société GTMV à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite d’un mois,

— condamne la société GTMV à payer à M. X la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

— dire que le recours aux contrats à durée déterminée était justifié,

— dire que le licenciement prononcé repose sur une faute grave,

— dire que M. X avait été rempli de ses droits en terme de salaire pour le mois de juillet 2015,

— débouter M. X de la totalité de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux dépens de l’instance distraits au profit de Maître Condemine, Avocat, sur son affirmation de droit.

M. X a fait notifier ses conclusions d’intimé au greffe et à l’appelant le 15 octobre 2018.

Par ordonnance du 8 novembre 2018, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. X, notifiées le 15 octobre 2018.

L’affaire a été clôturée par ordonnance du 8 octobre 2020.

MOTIFS

Compte tenu de la décision du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2018, les conclusions de M. X notifiées le 15 octobre 2018 et les pièces qui les sous-tendent, remises à la cour le jour de l’audience, sont écartées des débats.

- Sur la demande de requalification:

Il est constant que M. X a bénéficié de cinq contrats à durée déterminée avant de se voir proposer un contrat à durée indéterminée le 1er avril 2015, soit:

— un CDD du 02/04/2013 au 30/04/2013 pour surcroît d’activité,

— un CDD du 02/05/2013 au 30/09/2013 pour surcroît d’activité,

— un CDD du 01/10/2013 au 31/03/2014 en remplacement de M. Z, salarié absent,

— un CDD du 01/04/2014 au 30/09/2014 pour surcroît d’activité ,

— un CDD du 01/10/2014 au 31/03/2015 pour surcroît d’activité.

Pour justifier d’avoir eu recours à des contrats à durée déterminée, la société GTMV produit:

— trois arrêts de travail de M. Z : un premier arrêt dont la date est partiellement illisible mais allant jusqu’au 8 décembre 2013 ; un avis de prolongation du 3 décembre 2013 au 12 janvier 2014 et un avis de prolongation du 10 janvier 2014 au 13 avril 2014;

— un courriel de la société Neolog se référant à un bon de commande pour de nouvelles liaisons du 2 novembre 2012 au 30 avril 2013;

— un bon de commande de la société Neolog du 15 avril 2013 pour des liaisons multiples du 2 mai 2013 au 30 septembre 2013 inclus.

Les arrêts de travail de M. Z correspondant à la période couverte par le CDD du 01/10/2013 au 31/03/2014, le recours à ce CDD pour la période en cause apparaît justifié.

En revanche, en ce qui concerne les quatre autres CDD conclus au motif d’un surcroît d’activité, faute de pièces nouvelles, le conseil de prud’hommes qui a jugé que les éléments relatifs à la commande de Neolog étaient insuffisants pour démontrer un accroissement temporaire d’activité, et qui a constaté qu’aucun élément n’était versé s’agissant de l’accroissement d’activité pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, a fait une juste appréciation des faits.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée du 02/04/2013 au 30/04/2013, du 02/05/2013 au 30/09/2013, du 01/04/2014 au 30/09/2014 et du 01/10/2014 au 31/03/2015 pour surcroît d’activité, en ce qu’il a condamné la société GTMV à payer à M. X la somme de 1 825, 17 euros à titre d’indemnité de requalification et en ce qu’il a rejeté la demande portant sur une indemnité du même montant au titre du non respect de la procédure de licenciement, après avoir constaté que cette demande non détaillée ne reposait sur aucune pièce.

Sur le licenciement:

Il résulte des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié; aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part, d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l’espèce, la société GTMV a licencié M. X pour faute grave en invoquant, une mauvaise manipulation du chronotachygraphe le 26 décembre 2015, le défaut de port des chaussures de sécurité, de ne pas avoir retourné son dossier de mutuelle dans les délais impartis, ainsi qu’un abandon de poste à la date du 8 février 2016.

1°) sur la mauvaise manipulation du disque chronotachygraphe:

La société GTMV indique que M. X n’a jamais contesté la véracité de ce grief, invoquant une mauvaise manipulation, soit la sélection du mode 'travail’ entre 8h26 et 11h19, le 26 décembre 2015 ( et non 2016 comme mentionné par erreur dans la lettre de licenciement), alors que le salarié était en pause.

La société GTMV conclut que la qualification et l’expérience de M. X ne lui permettent pas de se prévaloir d’une simple erreur, et conteste l’affirmation du salarié selon laquelle il aurait avisé son supérieur.

En l’état des éléments du débat, la mauvaise manipulation du disque chronotachygraphe reprochée à M. X constitue un fait isolé, et la société GTMV n’établit pas la volonté du salarié de se soustraire à la réglementation sur les temps de conduite, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a retenu qu’il s’agissait d’une simple erreur de manipulation non constitutive d’une faute.

2°) sur le défaut de port des équipements de protection individuelle:

L’employeur fait valoir que le respect des règles de sécurité est la contre partie de l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur, de sorte que le non respect des dites règles par un salarié autorise et justifie un licenciement pour faute grave.

La société GTMV indique que M. X a fait preuve d’un comportement déloyal en refusant de porter ses chaussures de sécurité malgré l’engagement qu’il avait pris, en dépit des multiples rappels à l’ordre dont il a fait l’objet et d’une visite médicale au terme de laquelle aucune réserve n’a été formulée le concernant.

La société GTMV rejette la justification de M. X selon laquelle il aurait transmis à son employeur un certificat médical attestant de l’impossibilité de porter des chaussures de sécurité, en soulignant qu’à la date du licenciement, elle n’était toujours pas destinataire dudit certificat médical.

Le conseil de prud’hommes s’est appuyé sur un certificat médical du 4 février 2016 contre-indiquant le port des chaussures de sécurité pour M. X, et sur la connaissance que l’employeur avait de ce certificat à la date du licenciement.

Sur ce point, la lettre de licenciement est explicite: '… vous n’avez rien dit jusqu’au 6 février ou vous auriez fourni enfin un certificat médical vous interdisant le port '…(des EPI= chaussures de sécurité) .'

Il en résulte que la société GTMV est fondée à reprocher à M. X une justification tardive de son intolérance au port de chaussures de sécurité, mais que l’existence d’un certificat médical dans ce sens était connue par l’employeur deux jours avant la convocation du salarié à l’entretien préalable au licenciement, même s’il ne résulte pas des débats que M. X avait effectivement adressé le dit certificat à son employeur à cette date.

Dès lors, ce grief apparaît caractérisé, mais les circonstances et la justification, même tardive, du salarié sur le non port des équipements de sécurité, ne permettent pas de retenir une faute grave à l’encontre de M. X.

3°) sur le dossier de mutuelle:

La société GTMV expose que M. X était tenu de transmettre son dossier complet à l’employeur pour une adhésion au 1er janvier 2016 et qu’à défaut, elle pouvait être amenée à payer elle-même les frais de santé de son salarié.

La société GTMV indique que malgré de nombreuses relances, ce n’est que le 17 février 2016, jour de l’entretien préalable, que M. X a confirmé qu’il allait envoyer son dossier, caractérisant ainsi une attitude désinvolte et déloyale à l’égard de son employeur dès lors que la responsabilité de ce dernier pouvait être engagée en cas de difficulté concernant la prévoyance.

La cour constate que ce grief est étranger à la qualité du travail de M. X et à l’exécution de ses missions contractuelles et que la société GTMV ne démontre pas, une fois encore, une quelconque malveillance dans l’attitude de M. X, de sorte qu’en qualifiant ce grief de simple négligence, le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation des faits.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a écarté ce grief comme étant constitutif d’une faute grave.

4°) sur l’abandon de poste du 8 février 2016:

La société GTMV réfute l’arrêt de travail fourni par le salarié pour la journée du 8 février 2016 en soutenant que M. X s’est bien présenté à son poste de travail le jour en question, qu’il l’a quitté non pour une raison médicale, mais parce qu’il était mécontent de ne pas se voir exaucer dans son souhait d’être affecté à une ligne poids lourds et qu’il s’est, dans un second temps, fait prescrire un arrêt de travail pour tenter de se dédouaner de son comportement.

L’employeur s’appuie sur les témoignages de MM. A et B lesquels sont rédigés dans les termes suivants:

« Le 8 février 2016, Monsieur X C s’est présenté au travail pour prendre son poste qu’il a refusé de prendre car il devait partir sur la ligne VL du circuit Urbain de St Etienne. Il a abandonné son poste et est rentré chez lui en plantant la ligne de la poste.»

« Le 8 février 2016, Monsieur X C a effectué un abandon de poste : il s’est présenté au travail et il a refusé de prendre son poste car je lui ai demandé de prendre la liaison en VL du circuit urbain. »

Faute d’éléments nouveaux, et sauf à démontrer que l’arrêt de travail pour la journée du 8 févier 2016 aurait été obtenu de manière frauduleuse, le jugement déféré qui a jugé qu’une absence injustifiée ne pouvait être reprochée à un salarié justifiant d’un arrêt de travail pour la période concernée, doit être confirmé.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société GTMV n’établit pas que les faits imputés à M. X sont établis. Ils ne sauraient dès lors caractériser la faute grave justifiant le licenciement qui se trouve donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il s’ensuit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les indemnités de rupture:

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité légale de licenciement. La société GTMV ne remettant pas en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud’hommes a liquidé les droits de M. X, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à M. X les sommes suivantes:

* 3 650,34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 365,03 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 095,10 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

Sur les dommages et intérêts:

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. X ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

La société GTMV ne discutant pas les bases sur lesquelles le préjudice de M. X a été évalué, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée à payer au salarié la somme de 11 000 euros de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaires:

En l’absence de licenciement pour faute grave, la société GTMV est redevable des salaires dont elle a privé M. X durant la période de mise à pied conservatoire du 8 février 2016 à la réception de la lettre de licenciement, pour la somme de 1 118, 12 euros, outre les congés payés afférents. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage:

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de un mois d’indemnisation, conformément au jugement déféré qui sera confirmé de ce chef.

- Sur les heures supplémentaires:

Le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande de M. X portant sur le paiement de 20 heures supplémentaires effectuées du 1er au 20 juillet 2015, à hauteur de 240, 68 euros outre la somme de 24, 07 euros au titre des congés payés afférents.

La société GTMV se prévaut de la mensualisation du temps de travail en application des dispositions de l’article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983, applicables jusqu’au 1er janvier 2017, aux termes desquelles: ' En l’absence d’accord conclu dans le cadre des dispositions de l’article L. 212-8 du code du travail, la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, sans pouvoir dépasser trois mois, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’ils existent.'

La société GTMV soutient que M. X ayant pris ses congés à compter du 20 juillet 2015 et que son temps de travail étant décompté au mois et non à la semaine, il ne peut pas invoquer la réalisation d’heures supplémentaires au mois de juillet 2015.

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Si le décompte des heures supplémentaires s’effectue à partir de la durée légale hebdomadaire ou d’une durée équivalente, la société GTMV qui se prévaut des dispositions du décret du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d’application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, lesquelles autorisent dans certaines circonstances, le décompte des heures supplémentaires à partir de la durée mensuelle de travail, est fondée à invoquer cette modalité de calcul dès lors qu’en l’état des pièces versées aux débats, aucun élément ne permet de dire que les conditions d’application des dispositions de l’article 4 du décret sus-visé n’étaient pas réunies en juillet 2015 au sein de la société GTMV, ni que cette dernière aurait appliqué un décompte hebdomadaire.

Le jugement déféré qui a fait droit à la demande de M. X au motif que la société GTMV ne justifiait pas avoir dérogé au principe selon lequel la durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine, sera infirmé et M. X débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires.

- Sur les autres demandes:

Les demandes relatives au travail dissimulé, à l’exécution déloyale du contrat de travail, à la communication des disques chronotachygraphes n’étant pas soutenues en cause d’appel, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. X au titre du travail dissimulé, d’une part, de l’exécution déloyale du contrat de travail, d’autre part.

Il sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de communication des disques chronotachygraphes, et en ce qu’il a dit n’y avoir lieu d’assortir d’une astreinte la condamnation de l’employeur à remettre les documents de fin de contrat rectifiés.

- Sur les demandes accessoires:

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société GTMV les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. X une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société GTMV, succombant pour l’essentiel en son recours, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la société GTMV à payer à M. C X la somme de 240, 68 euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées entre le 1er et le 20 juillet 2015, outre la somme de 24,07 euros au titre des congés payés

afférents,

INFIRME le jugement déféré sur ce point,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de rappel de salaires formulée par M. C X au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er au 20 juillet 2015,

ORDONNE à la société GTMV de remettre à M. C X un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

ORDONNE d’office à la société GTMV le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. C X dans la limite de un mois d’indemnisation,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société GTMV aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 2 décembre 2020, n° 18/03011