Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 4 mai 2021, n° 19/06335
TCOM Lyon 3 septembre 2019
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CA Lyon
Infirmation partielle 4 mai 2021

Arguments

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  • Rejeté
    Responsabilité contractuelle de la société ARG CONSTRUCTION

    La cour a jugé que la réception sans réserve des travaux exonérait la société ARG CONSTRUCTION de toute responsabilité, et que le dommage était survenu dans le cadre d'un contrat distinct.

  • Rejeté
    Mobilisation des garanties de l'assureur

    La cour a confirmé que les garanties de l'assureur ne pouvaient pas être mobilisées pour des dommages survenus dans le cadre d'un marché distinct non couvert par l'assurance.

  • Rejeté
    Droit à indemnisation au titre de la liquidation judiciaire

    La cour a jugé que la responsabilité de la société ARG CONSTRUCTION n'étant pas engagée, la créance ne pouvait être reconnue.

  • Rejeté
    Frais irrépétibles

    La cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en raison de l'équité.

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 4 mai 2021, n° 19/06335
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/06335
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 2 septembre 2019, N° 2018j1009
Dispositif : Statue à nouveau en déboutant le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/06335 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MSU4

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 03 septembre 2019

RG : 2018j1009

ch n°

SASU TISSUS DES URSULES

C/

S.C.P. Y Z

Société MIC INSURANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 04 Mai 2021

APPELANTE :

S.A.S TISSUS DES URSULES, audit siège

[…]

Secteur B

[…]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me Bruno PERRACHON, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LIMITED, société de droit étranger dont le siège social est situé […], X, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, et représentée en France par la société LEADER UNDERWRITING, agent souscripteur, SARL enregistrée au RCS de Versailles, dont le siège est situé […]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

La SCP Y – Z, Mandataires Judiciaires, sis […], représentée par A B-C Z, ès-quaiités de Iiquidateur judiciaire de la société ARG CONSTRUCTION, SARL dontlie siege social était […], piacée en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Nice du 5 septembre 2019

Défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 05 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Février 2021

Date de mise à disposition : 04 Mai 2021

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Christine SAUNIER-RUELLAN, président

— Karen STELLA, conseiller

— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, Karen STELLA a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Réputé contradictoire à l’égard de la SCP Y – Z, la déclaration d’appel lui ayant été signifiée à personne habilitée, et contradictoires à l’égard des autres parties, celles-ci étant représentées. Rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Karen STELLA, conseiller, en application de l’article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La société S.A.S TISSUS DES URSULES commercialise des textiles par l’intermédiaire d’un réseau de magasins spécialisés. Elle a confié à la société ARG CONSTRUCTION la pose de carrelage dans son magasin de SAINT-PRIEST (69800), dans le cadre d’un marché global de 51.700 euros HT. Le chantier, qui a duré du 5 au 16 décembre 2016, a été achevé et l’ouvrage réceptíonné sans réserve par le maître d’ouvrage en décembre 2016.

L’installation ultérieure de l’éclairage a révélé que le carrelage était affecté d’une laitance. La société TISSUS DES URSULES a alors confié début 2017 le nettoyage du carrelage à la société SAMSIC qui a été réglée de sa prestation. Constatant que l’intervention de cette société s’était avérée inefficace, le maître de l’ouvrage a sollicité la SARL ARG CONSTRUCTION pour le même travail, laquelle est intervenue le 3 février 2017.

La société TISSUS DES URSULES a déclaré avoir alors constaté que les émanations et vapeurs dégagées par le produit utilisé par la société ARG CONSTRUCTION ont provoqué une décoloration de certains tissus qui ont dû être retirés de la vente. Des biens métalliques comme des 'illets de rideaux, des lames de ciseaux de couture ont également été retirés de la vente pour les mêmes raisons.

Par courrier recommandé avec A.R en date du 1er mars 2017, la société TISSUS DES URSULES a notifié son préjudice à la société ARG CONSTRUCTION.

Une expertise amiable, confiée au Cabinet TEXA, diligentée par GENERALI représentant les intérêts de la société TISSUS DES URSULES et par MIC INSURANCE, assureur en responsabilité de la société ARG CONSTRUCTION, a chiffré à 23.989,32 euros le montant du préjudice.

Après une mise en demeure du 28 avril 2018 restée vaine pour obtenir le paiement de cette somme, la société TISSUS DES URSULES a assigné, par acte d’huissier du 18 juin 2018 la société ARG CONSTRUCTION et la société MIC INSURANCE auparavant « MILLENNIUM », société de droit anglais, son assureur, pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil, L 224-3 du code des assurances, 46, 515, 696 et 700 du code de procédure civile aux fins d’obtenir’sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

• leur condamnation in solidum à lui payer la somme en principal de 23.989,32 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 avril 2018 avec capitalisation des intérêts à chaque date anniversaire de leur point de départ, sous déduction pour la seule societé MIC INSURANCE de sa franchise de 3.000 euros outre celle de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens d’instance.

La société LES TISSUS D’URSULES a soutenu en substance qu’en application de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle un engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement peut demander réparation de ses conséquences. Selon elle, la société ARG CONSTRUCTION a commis une faute lors de la réalisation des opérations de nettoyage et elle doit réparation du préjudice causé. La réception sans réserve de l’ouvrage est sans incidence sur sa demande car le dommage a été réalisé a posteriori lors du nettoyage du chantier après l’utilisation du produit utilisé pour supprimer la laitance constatée sur le carrelage. L’exclusion de garantie soutenue par MIC INSURANCE au titre du marché de nettoyage qui serait distinct du marché principal n’est pas opérante dans la mesure où toute entreprise de construction, quelque soit l’objet précis de son activité, est censée nettoyer le chantier qu’elle a fini et livré à son client.

La société MIC INSURANCE a conclu, à titre principal, au débouté de la société TISSUS DES URSULES de l’intégralité de ses demandes car les désordres du carrelage posé par la société ARG CONSTRUCTION étaient visibles à l’achèvement des travaux et à la réception. Ainsi, la société TISSUS DES URSULES a réceptíonné l’ouvrage de la société ARG CONSTRUCTION sans réserve. Sa responsabilité ne peut être recherchée ni sur le fondement de la garantie décennale, ni sur le fondement de sa responsabilité contractuelle en raison de l’effet de purge de la réception sans réserve. En conséquence, les garanties de MILLENIUM ne sont pas mobilisables.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la réception a mis fin au contrat d’entreprise confié par la société TISSUS DES URSULES à la société ARG CONSTRUCTION, que la société ARG CONSTRUCTION est intervenue pour le nettoyage des sols au titre d’un nouveau contrat d’entreprise, distinct du précédent, que la responsabilité de la société ARG CONSTRUCTION est recherchée pour le seul marché de nettoyage du sol qui lui a été confié par la société TISSUS DES URSULES, que les activités déclarées par la société ARG CONSTRUCTION à MIC INSURANCE ne garantissent pas l’activité de nettoyage des sols de l’entreprise. Ainsi, la garantie de MIC INSURANCE n’est pas mobilisable.

En outre, la garantie de responsabilité civile après réception/livraison de MIC INSURANCE ne garantit que les dommages aux tiers, qu’en qualité de cocontractant de la société ARG CONSTRUCTION, la société TISSUS DES URSULES ne peut pas prétendre au bénéfice de la garantie de responsabilité civile réception/livraison.

Enfin, s’agissant des préjudices, la garantie de MIC INSURANCE n’est pas mobilisable. La société TISSUS DES URSULES ne démontre ni I’existence, ni le montant de ses préjudices. A tout le moins, la franchise de MIC INSURANCE est applicable de sorte que la somme de 3.000 euros devra être déduite de toute éventuelle indemnisation. Elle a, en tout état de cause, demandé la condamnation de la société TISSUS DES URSULES à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.

La société ARG CONSTRUCTION, bien que régulièrement convoquée, n’a jamais comparu et, selon son assureur la société MIC INSURANCE, a estimé ne pas devoir se défendre.

Par jugement du 03 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a':

• Constaté que la société TISSUS DES URSULES a réceptionné sans réserve l’ouvrage de fourniture et de pose de carrelage réalisé par la société ARG CONSTRUCTION,

• Jugé en conséquence que la responsabilité de la société ARG CONSTRUCTION n’est engagée ni sur le fondement de la garantie décennale, ni sur celui de sa responsabilité contractuelle,

• Jugé que les garanties de la société MIC INSURANCE relatives au contrat de construction relevant de la police d’assurance n°1 6090067013 ne sont pas mobilisables,

• Débouté la société TISSUS DES URSULES de l’intégraIité de ses demandes,

• Rejeté comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties,

• Condamné la société TISSUS DES URSULES au paiement de la somme de 1.000 euros à la société MIC INSURANCE en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamné la société TISSUS DES URSULES aux entiers dépens de l’instance.

Le conseil de la société TISSUS DES URSULES a interjeté appel de ce jugement par déclaration électronique le 12 septembre 2019 en intimant la société MIC INSURANCE.

La SARL ARG CONTRUCTIONS a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 septembre 2019.

Elle a régularisé un second appel à l’encontre du liquidateur judiciaire de la SARL ARG CONSTRUCTION par déclaration électronique le 4 novembre 2019.

La déclaration d’appel a été signifiée à personne habilitée de la SCP Y Z, liquidateur judiciaire de la SARL ARG CONSTRUCTION par acte du 18 novembre 2019. Cet intimé n’a pas constitué avocat.

Les appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état le 16 septembre 2020.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire à l’égard de la SCP Y Z, liquidateur judiciaire représentant la SARL ARG CONSTRUCTION.

Suivant ses dernières conclusions d’appelante notifiées par voie électronique le 14 novembre 2019, la société TISSUS DES URSULES demande à la Cour de':

• Réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

• Dire et juger que la société ARG CONSTRUCTION engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis d’elle,

• Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ARG COSNTRUCTION à la somme de 23.989,32 euros,

• Dire et juger que la société MIC INSURANCE doit garantir son assurée, la société ARG CONSTRUCTION, sous déduction de sa seule franchise d’assurance,

• Condamner la société MIC INSURANCE à lui verser la somme en principal de 23.989,32 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 avril 2018 avec capitalisation des intérêts à chaque date d’anniversaire de leur point de départ, sous déduction pour la seule société MIC INSURANCE de sa franchise de 3.000 euros,

• La condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamner la même en tous les dépens d’instance.

Elle fait notamment valoir au soutien de son appel les éléments suivants':

• elle a confié à ARG CONSTRUCTION des travaux de pose de carrelage dans un magasin sis 35 chemin cie Genas – 69800 SAINT-PRIEST, selon marché d’un montant global de 51.700 euros HT lequel a été terminé à la fin de l’année 2016. ARG CONSTRUCTION lui avait communiqué une attestation d’assurance souscrite auprès de la compagnie MIC INSURANCE,

• début 2017, l’installation électrique du magasin a été terminée. Elle a, parallèlement, mis ses marchandises en rayon. L’éclairage a toutefois révélé que le carrelage était affecté par une laitance,

• elle a, dans un premier temps, fait appel à une société de nettoyage, la société SAMISIC, laquelle, après plusieurs essais, a indiqué ne pas trouver de solution de nettoyage,

• elle a payé la facture SAMSIC qui n’a pourtant pu enlever la laitance,

• elle s’est alors rapprochée dela Société ARG CONSTRUCTION, responsable de la laitance.

• le 3 février 2017, ARG CONSTRUCTION est intervenue pour procéder au nettoyage du carrelage en utilisant un produit spécifique. Le nettoyage a effectivement été efficace. En revanche, il est apparu que les émanations et vapeurs du produit de nettoyage ont provoqué une décoloration ponctuelle de tissus, dont certains ont même vu leur texture modifiée. Ces tissus ont dû être retirés de la vente tout comme des biens métalliques (pour l’essentiel des oeillets de rideaux, des lames de ciseaux, etc…) passant de brillant à mat,

• par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er mars 2017, elle lui a notifié son préjudice,

• une expertise amiable a été diligentée et trois réunions contradictoires ont eu lieu les 21 avril,

25 avril et 11 mai 2017 en présence du Cabinet TEXA (TGS), expert missionné par GENERALI, son assureur défense recours, et du Cabinet EQUAD, assureur de la compagnie MIC INSURANCE, assureur responsabilité de la société ARG CONSTRUCTION.

• il a été établi que la Société ARG CONSTRUCTION, afin de faciliter ses opérations de nettoyage, avait rajouté au produit de nettoyage dénommé « DECAP’SOLS GUARD ECOLOGIQUE » environ 20 % d’acide.

C’est cet acide qui a provoqué les émanations, cause des désordres.

Les experts ont contradictoirement chiffré le préjudice à la somme de 23.989,32 euros et un procès-verbal de constatations relatives aux causes, circonstances et à l’évaluation des dommages a été signé le 30 août 2017.

La société GENERALI, en sa qualité d’assureur de protection juridique, a vainement tenté d’obtenir de la société MIC INSURANCE le paiement de cette somme.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2018, son conseil a vainement mis en demeure la société ARG CONSTRUCTION et son assureur MIC INSURANCE, représentée par son agent souscripteur, la société LEADER UNDERWRITING, de procéder au règlement du sinistre.

L’appelante soutient que le tribunal a commis deux erreurs de droit.

Sur la responsabilité contractuelle du constructeur':

Conformément aux dispositions des articles 1217 et 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

ARG CONSTRUCTION a commis une faute dans le réalisation des opérations de nettoyage de son ouvrage et doit, dès lors, en assumer Ies conséquences. Les circonstances du sinistre ont été contradictoirement établies par les experts missionnés par les parties dont le cabinet EQUAD missionné par MILLENIUM. La faute, le lien de causaiité et le préjudice ont été ainsi établis.

La réception de l’ouvrage est sans incidence sur la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la société ARG CONSTRUCTION. Le dommage en cause ne relève pas de la responsabilité décennale ou biennale : aucun ouvrage ou équipement de l’ouvrage n’est compromis. Il importe donc peu qu’une réception ait eu lieu. Il n’y avait d’ailleurs pas de dommages lorsque la société ARG a terminé ses travaux de carrelage.

Le dommage a été réalisé lorsqu’elle a voulu nettoyer son chantier : le produit utilisé a bien nettoyé le carrelage mais ses émanations toxiques compte tenu du dosage trop fort ont porté atteinte à ses biens et marchandises qui se trouvaient à proximité. Il s’agit d’un cas de responsabilité contractuelle pour un dommage survenu après achèvement des travaux.

Aucune garantie légale propre au droit de la construction n’est mobilisable ainsi que le note justement MIC INSURANCE, seule demeure en conséquence la responsabilité contractuelle. Il importe peu que le nettoyage soit intervenu bien après la fin des travaux de carrelage et après même une tentative de nettoyage par une société SAMSIC.

Il est établi que le dommage a été provoqué par le produit que la société ARG CONSTRUCTION a cru devoir utiliser pour nettoyer son ouvrage.

La société ARG COSNTRUCTION étant en liquidation judiciaire depuis le 5 septembre 2019, elle a déclaré en son temps sa créance au passif de la liquidation.

Il est demandé à la Cour de fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 23.989,32 euros.

Sur la garantie de l’assureur :

a) Sur l’activité déclarée au titre d’un marché prétendument distinct

Seule est couverte l’activité déclarée. La compagnie MIC INSURANCE considère que le sinistre est né d’un second marché dit de nettoyage confié à son assurée ARG. Ce second marché ne serait en rien la continuité ou I’accessoire du premier marché de construction, l’objet de l’activité déclarée par la société ARG étant maçonnerie et béton armé, couverture, étanchéité de toitures, terrasses et plancher intérieur, revêtement de surface en materiaux durs, carrelage, chape et sol coulé, marbrerie funéraire.

Or, toute entreprise de construction, quel que soit l’objet précis de son activité est amenée à nettoyer le chantier qu’elle a terminé et livré à son client. Le fait que le nettoyage soit intervenu quelques semaines après son intervention initiale est sans incidence. Ce nettoyage n’est que la continuité du marché principal ; cela n’a d’ailleurs donné lieu à aucune facture et aucun paiement.

La société MIC confond la notion d’activité professionnelle déclarée et celle des modalités d’exercice de l’activité de carreleur qui a terminé son travail, le nettoie et reste bien dans le cadre de l’activité professionnelle déclarée, à savoir le carrelage.

b) Sur l’exclusion de garantie tirée de la qualité de tiers

La garantie ne couvre que les dommages aux tiers et non subis par les maîtres d’ouvrage. Or, elle est bien un tiers par rapport à la société ARG CONSTRUCTION et son assureur MIC INSURANCE.

L’article 2.33 des conditions générales de la police d’assurance MIC définit le tiers : « toute personne physique ou personne morale victime de dommages garantis autres que :

— Les personnes ayant qualité d’assurés ;

— Les souscripteurs ou toutes filiales ;

— Tout associé d’un assuré dans l’exercice d’une une activité professionnelle commune';

— Les préposés de l’assuré ».

Cela signifie qu’est tiers toute partie qui n’est pas |'assuré lui-même ou un associé de l’assuré ou un préposé de l’assuré ou, pour le cas d’assurance pour compte, le souscripteur (c’est-à-dire celui qui a souscrit la police d’assurance).

L’exclusion opposée est d’ailleurs absurde puisque le volet responsabilité civile après réception ou livraison prévoit que font partie intégrante de la garantie : « Les dommages aux existants ». Or, l’existant est forcément la propriété du maître d’ouvrage.

La Société MIC INSURANCE prétend que le préjudice n’est pas démontré.

Or, le cabinet EQUAD, expert missionné par cet assureur a signé le procés-verbal de constatation relative aux circonstances et l’évaluation des dommages qui a arrêté le chiffrage du préjudice à

23.989,32 euros.

Conformément aux dispositions de l’article 1998 du code civil, le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné.

La Société MIC INSURANCE, mandante, est tenue d’assumer les conséquences des actes accomplis par le mandataire qui l’a missionné. Ce chiffrage lui est pas opposable.

Il est exact que la franchise est opposable à la victime exerçant l’action directe à l’encontre de l’assureur du responsable justifiant la déduction de la somme de 3.000 euros devra du montant de la garantie.

Suivant les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2019, la compagnie MIC INSURANCE demande en application des articles 1217, 1231-1, articles 1792 et suivants du code civil et L.112-6 du code des assurances, à la Cour de :'

• Confirmer le jugement du 3 septembre 2019 du tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions,

• Condamner la société TISSUS DES URSULES à verser la somme de 7.000 euros à MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LIMITED au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamner la société TISSUS DES URSULES aux dépens.

Au soutien de ses demandes, elle soutient notamment que':

• L’ouvrage a été réceptionné sans réserve par TISSUS DES URSULES malgré le caractère apparent des désordres. La responsabilité d’ARG CONSTRUCTION ne peut être engagée pour son intervention de pose de carrelage (marché n°1), et en l’absence de responsabilité pour ce marché, les garanties de MILLENNIUM ne sont pas mobilisables.

• S’agissant du marché de nettoyage (marché n°2), il s’agit nécessairement d’un marché distinct de la prestation de pose de carrelage, et la responsabilité d’ARG CONSTRUCTION, qu’elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, n’aura pas d’incidence sur la mobilisation des garanties de MILLENNIUM dans la mesure où l’activité n’a pas été déclarée.

• Les travaux, la fourniture et pose de carrelage, ont été réalisés et payés par TISSUS DES URSULES qui a indéniablement manifesté sa volonté non-équivoque de réceptionner l’ouvrage (pièce adverse n° 5) puisqu’elle a soldé les factures d’ARG CONSTRUCTION et a pris possession des lieux par l’installation de son stock dans le magasin.

• Les désordres étaient apparents à la réception car touchant à l’aspect esthétique du carrelage. TISSUS DES URSULES, habituée aux opérations de rénovation de magasin se devait d’examiner le carrelage avec soin et émettre, le cas échéant, les réserves nécessaires.

En conséquence, sur la responsabilité D’ARG CONSTRUCTION et les garanties de MILLENNIUM au titre du marché n° 1, la réception sans réserve entraîne un effet de purge. L’ouvrage est reconnu comme ayant été exécuté conformément au marché.

La réception sans réserve exonère le constructeur de toute responsabilité ou de toute garantie, quelle qu’en soit la nature (décennale ou contractuelle), pour les vices de construction et défauts de conformité apparents qui n’ont pas fait l’objet de réserves à la réception. La réception tacite et sans réserve en présence de désordres apparents ne fait pas exception à cette règle.

Les garanties de MILLENNIUM ne sont par conséquent pas mobilisables pour les laitances sur le

carrelage.

Sur la prestation de nettoyage (marché n°2) :

La responsabilité d’ARG CONSTRUCTION n’est recherchée que pour la prestation de nettoyage, survenu après la réception.

Or le second marché de nettoyage n’est pas la continuité du 1er marché de pose du carrelage alors qu’il y a eu intervention d’une société tierce pour la même prestation entre-temps. En tout état de cause, que la responsabilité soit contractuelle ou délictuelle, les garanties de MILLENNIUM ne pourront être mobilisées en l’absence de déclaration de l’activité du deuxième marché.

Elle ne conteste pas le fait que le nettoyage en fin de chantier ne constitue pas une activité professionnelle en soit, mais la société TISSUS DES URSULES qualifie de simple nettoyage de fin de chantier une prestation qui n’a rien à voir. Il s’agissait en l’espèce d’une prestation de nettoyage à part entière devant être considérée comme un marché distinct. Le dommage a été réalisé lorsqu’elle a voulu nettoyer son chantier : le produit utilisé a bien nettoyé le carrelage mais ses émanations toxiques compte tenu du dosage trop fort ont atteint les biens et marchandises qui se trouvaient à proximité.

La réception de l’ouvrage met fin au contrat d’entreprise (Cass. 3 ème civ., 6 septembre 2018, n°17-21.155). Le contrat de pose de carrelage, marché n°1, était donc terminé et purgé de tout désordre, y compris ceux de laitance. Si la société TISSUS DES URSULES n’a formulé aucune remarque suite à ces travaux, c’est que le nettoyage de fin de chantier avait été réalisé par ARG CONSTRUCTION.

Elle a mandaté une société tierce une fois le 1er marché terminé': la société SAMSIC pour réaliser ce nettoyage : c’est donc bien qu’elle considérait qu’il s’agissait d’une nouvelle prestation puisque :

• Elle n’a pas cherché à contacter ARG CONSTRUCTION pour cette prestation, mais a mandaté une entreprise tierce, c’est qu’elle avait parfaitement conscience que cette prestation n’était pas dans la continuité du marché n° 1 ;

• Elle a conclu un contrat avec la société SAMSIC : elle a accepté son devis et payé la prestation c’est donc bien que le nettoyage en question est une prestation à part entière.

L’argument selon lequel la prestation de nettoyage de ARG CONSTRUCTION ne peut être un nouveau marché puisqu’il « n’a donné lieu à aucune facture et aucun paiement » ne saurait convaincre. De multiples raisons peuvent l’expliquer : oubli volontaire ou non devant les contestations émises sur la prestation. Le Liquidateur Judiciaire pourrait d’ailleurs en réclamer le paiement. Ce n’est pas non plus parce qu’une prestation n’est pas facturée qu’elle ne relève pas d’un contrat distinct et n’est pas autonome du 1er marché.

Le nettoyage n’est pas simplement intervenu « quelques semaines après » la pose du carrelage comme tente de le faire croire l’appelante, il a été envisagé comme une prestation à part entière ayant été donnée par contrat à une autre société.

Ce n’est que parce que le nettoyage de la SAMSIC a été inefficace qu’ARG CONSTRUCTION a été une nouvelle fois mandatée par TISSUS DES URSULES pour cette prestation.

Cependant TISSUS DES URSULES aurait pu mandater une entreprise tierce sans faire appel à nouveau à ARG CONSTRUCTION. Il s’agit bien d’un un nouveau marché, vendu en tant que prestation indépendante à part entière. En conclusion les prestations de pose de carrelage et de nettoyage spécialisé ne sauraient être considérées comme faisant partie d’un seul et même marché. Il

s’agit nécessairement de marchés distincts.

Sur l’activité non déclarée :

ARG CONSTRUCTION était assurée pour les activités déclarées de maçonnerie et béton armé, couverture, étanchéité de toitures, terrasses et plancher intérieur, revêtement de surface en materiaux durs, carrelage, chape et sol coulé, marbrerie funéraire.

Or, les désordres invoqués résultent uniquement des travaux de nettoyage comme l’indique TISSUS DES URSULES dans ses conclusions.

Cette activité n’a pas été déclarée à MILLENNIUM. Ainsi, ses garanties ne sauraient être mobilisées au titre des dommages causés.

* * *

Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 3 février 2021 à 9 heures.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 4 mai 2021.

MOTIFS

Sur la demande en paiement de la SAS TISSUS DES URSULES

Il est constant que le marché de pose et de fourniture de carrelage conclu entre la société TISSUS DES URSULES et ARG CONSTRUCTION a été payé en totalité pour un montant de 62.040 euros TTC en décembre 2016 alors que selon devis n° 015-10/2016 les 20 % restant devaient l’être à la réception.

Ce n’est que postérieurement que la société TISSUS DES URSULES, qui s’est aperçue de la présence d’une laitance sur le carrelage lors de la mise en service de l’installation électrique, a, sans en faire le moindre rapport ni grief à la société ARG CONSTRUCTION, fait appel à la société SAMSIC pour le nettoyage du carrelage à l’autolaveuse qui a établi une facture le 28 février 2017. Un contrat s’est donc noué avec une société tierce.

Il s’ensuit que l’attitude de la société TISSU DES URSULES qui a d’abord fait le choix de solliciter la prestation d’effacement de la laitance à une entreprise tierce et qui a payé l’intégralité de la prestation à son carreleur ARG CONSTRUCTION à la fin de son chantier sans lui faire le moindre reproche ni tenté de lui demander de reprendre son travail, s’est comporté comme un maître de l’ouvrage pleinement satisfait de la prestation initiale, nettoyage du chantier nécessairement inclus. Ainsi, la réception est réputée s’être faite sans réserve.

Il s’en déduit que la seconde intervention d’ARG CONSTRUCTION était une nouvelle prestation distincte de son premier contrat et non son complément ou son accessoire.

D’ailleurs, la réception sans réserve a eu pour effet de mettre fin au contrat de construction.

Ainsi, le présent litige ne concerne pas la réparation de dommages dans le cadre d’un contrat de construction, la société TISSUS DES URSULES ne sollicitant pas l’indemnisation du défaut de laitance, mais la réparation de dommages survenus postérieurement dans le cadre d’une nouvelle prestation de décapage du fait de l’utilisation d’un produit trop acide dont les émanations ont endommagé des biens et effets de la société TISSUS DES URSULES. Dès lors, la garantie des

constructeurs n’est pas en jeu. Le fait que la réception se soit faite sans réserve avec comme conséquence la purge des dommages apparents non réservés est sans incidence dans la solution du litige. Seule la responsabilité contractuelle de la société ARG CONSTRUCTION pour cette prestation particulière, dans le cadre d’un second contrat, est recherchée.

Selon l’article 1147 et suivants du code civil devenu 1231 et suivant, applicable dans cette nouvelle version le contrat s’étant conclu postérieurement au 1er octobre 2016, le contractant qui n’exécute pas ou qui exécute mal ses obligations engage sa responsabilité contractuelle, sauf cas de force majeure ou fortuit, à condition de prouver également un lien de causalité entre le manquement et le préjudice invoqué.

Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Selon l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, il appartient à la société TISSUS DES URSULES, d’établir une faute de la société ARG CONSTRUCTION, son préjudice dans son principe et dans son quantum, outre un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Toutefois, pour établir cette faute, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut, sans violer le principe général du contradictoire visé à l’article 16 du code de procédure civile, se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence des autres parties.

En matière de responsabilité contractuelle, la loi ne permet pas de se contenter, d’un point de vue probatoire, d’une expertise amiable, sollicitée par une partie, même contradictoire pour fonder une condamnation.

En l’espèce, l’unique preuve présentée à la Cour est un rapport d’expertise privée, sollicité par la société TISSUS DES URSULES et qui n’a été contradictoire qu’à l’égard de la société TISSUS DES URSULES et de la société d’assurance MIC INSURANCE.

Il ressort de ce rapport que les deux experts missionnés l’un pour la société TISSUS DES URSULES l’autre pour la société MIC INSURANCE, ont conclu à la responsabilité de la société ARG CONSTRUCTION mais que personne n’a comparu ni représenté la société ARG CONSTRUCTION. Cette société n’a ni conclu en première instance ni en appel. Il semble qu’elle n’ait jamais répondu aux courriers de la société TISSUS DES URSULES. Toutefois, il ne peut être déduit de ce silence et de son absence de réaction, l’aveu et la reconnaissance non-équivoque de sa faute.

Or, il n’est nul autre élément extérieur dans les pièces des parties de nature à corroborer les conclusions pourtant claires de l’expertise amiable du 30 août 2017.

Il s’ensuit que la société TISSUS DES URSULES n’établit pas de manière suffisante la faute contractuelle de la société ARG CONSTRUCTION.

Ainsi, la Cour ne peut que confirmer le jugement déféré mais par substitution de motifs sans avoir à examiner les moyens au soutien de la demande de condamnation de l’assureur de la société ARG CONSTRUCTION, la responsabilité de son assurée n’étant pas engagée.

Le moyen fondé sur le mandat de l’expert d’assurance n’est pas non plus opérant pour fonder la condamnation à paiement de la société MIC INSURANCE en ce que la faute même de l’assurée n’est

pas judiciairement établie et qu’il s’agit d’un dommage survenu dans un marché distinct qui n’était pas couvert par l’assureur, ainsi qu’il a été démontré plus haut.

En conséquence, la Cour déboute l’appelante de sa demande aux fins de fixation de sa créance au passif de la société ARG CONSTRUCTION.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante tant en première instance qu’en appel, la société TISSUS DES URSULES doit supporter les entiers dépens. La Cour confirme sa condamnation aux dépens de première instance et y ajoute ceux d’appel.

En revanche, l’équité conduit la Cour à infirmer sa condamnation au titre des frais irrépétibles au titre de la première instance et à dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile. En appel, en équité, la Cour déboute les parties de leurs demandes croisées au titre des frais irrépétibles.

La Cour déboute l’appelante de ses demandes au titre des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déboute la S.A.S TISSUS DES URSULES de ses entières demandes,

Confirme le jugement déféré par substitution de motifs sauf sur la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau sur l’article 700 du code de procédure civile en première instance :

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne la S.A.S TISSUS DES URSULES aux dépens d’appel,

Déboute la S.A.S TISSUS DES URSULES de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

Déboute la société MIC INSURANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ, Karen STELLA, CONSEILLER

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Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 4 mai 2021, n° 19/06335