Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 27 janvier 2022, n° 18/03282

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 27 janv. 2022, n° 18/03282
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/03282
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Cusset, 24 septembre 2017, N° 16/01106
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/03282


N° Portalis DBVX – V – B7C – LVZ5


Décision du tribunal de grande instance de CUSSET


Au fond du 25 septembre 2017


RG : 16/01106


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 27 Janvier 2022

APPELANT :

M. A-B X

né le […] à CLERMONT-FERRAND (PUY DE DOME)

[…]

[…]

représenté par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 713

et pour avocat plaidant Maître Alexandre BENAZDIA, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMEE :

SELARL CESIS

[…]

[…]

représentée par Maître A-H I, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1575

et pour avocat plaidant la SCP MADY-GILLET-BRIAND, avocat au barreau de POITIERS

* * * * * *


Date de clôture de l’instruction : 05 Février 2019


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Novembre 2021
Date de mise à disposition : 27 Janvier 2022


Audience tenue par Anne WYON, président, et Y Z, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier


A l’audience, Y Z a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :


- Anne WYON, président


- Y Z, conseiller


- Annick ISOLA, conseiller


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,


Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *


La société X a acquis par acte du 31 décembre 1997, deux chambres et un parking, dépendant d’un ensemble immobilier situé à Cergy Pontoise, loués dans le cadre d’une activité de gestion para-hôtelière, par un intermédiaire mandataire gestionnaire, avant que le mandat de gestion conclu, au dernier état avec la société Citea, ne soit rompu par le propriétaire, à effet du 31 novembre 2006.


La société X avait opté au plan fiscal pour le régime des sociétés de personnes de façon à ce que Monsieur A-B X, associé unique, puisse imputer les déficits de l’exercice sur son revenu fiscal.


Les biens ont été revendus par actes des 6 et 25 novembre 2008, avec une plus-value de 100'192 euros et la société X a été radiée le 19 octobre 2010.


À la suite d’un contrôle fiscal opéré en 2010, la direction des services fiscaux du Val-d’Oise a proposé le 16 mars 2010 une rectification, au motif que Monsieur X, associé unique de la société X, ne pouvait prétendre à l’exonération de la plus-value immobilière.


Le service des impôts a alors dégagé une imposition selon la procédure d’évaluation d’office et a réclamé le versement d’une somme de 61'788 euros le 12 novembre 2014 ; Monsieur X a procédé à une réclamation le 28 mai 2012 par l’intermédiaire de son avocat, la société Cesis, mais la direction des impôts a maintenu sa position le 28 janvier 2013, puis réclamé le 12 novembre 2014 à l’intéressé, le paiement de la somme de 61'788 euros.

Monsieur X a alors reproché à son conseil de ne pas avoir déféré la rectification devant le tribunal administratif et a saisi le tribunal de grande instance de Cusset d’une action en responsabilité à l’encontre de la société Cesis.
Par jugement rendu le 25 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Cusset a dit que la société Cesis a engagé sa responsabilité pour ne pas avoir déféré la notification de l’imposition des plus-values immobilières de Monsieur X devant le tribunal administratif et a condamné la défenderesse à payer à ce dernier les sommes de 5 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement et 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, disant n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.


Suivant déclaration du 8 février 2018, Monsieur X a formé appel de ce jugement devant la cour d’appel de Riom.


Par ordonnance rendue le 26 avril 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné au visa des articles 47 et 82 du code de procédure civile, le renvoi de l’affaire et des parties devant la cour d’appel de Lyon.


Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2018 par Monsieur X qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité civile professionnelle de la société C e s i s , d e m a n d a n t à l a c o u r à t i t r e p r i n c i p a l d e l a c o n d a m n e r , à l u i p a y e r , à t i t r e d e dommages-intérêts, à titre principal la somme de 61'788 euros ou à titre subsidiaire celle de 22'562 euros, avec intérêts de droit à compter de l’assignation introductive, outre une indemnité de procédure de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,


Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 septembre 2018 par la société Cesis qui demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Monsieur X de l’intégralité de ses demandes, limiter à titre subsidiaire le montant du préjudice né d’une perte de chance à un euro et en toute hypothèse, condamner l’appelant aux dépens distraits au profit de la SCP D E F G et au paiement d’une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


Vu l’ordonnance de clôture de la procédure en date du 5 février 2019.


Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS ET DECISION

Monsieur X soutient que la société Cesis a reconnu sa faute ayant consisté, après avoir géré les relations de son client avec le service des impôts, à omettre de saisir le juge administratif dans le délai de deux mois imparti pour ce faire ; il considère avoir ainsi perdu une chance de faire valoir ses droits en justice ; il ajoute que son conseil, avocat spécialiste en droit fiscal, qui considère aujourd’hui qu’il était un 'perdant d’avance', ne lui a jamais conseillé de transiger avec l’administration, le poussant au contraire dans une procédure précontentieuse.


Il conteste par ailleurs n’avoir eu aucune chance d’obtenir gain de cause devant le juge administratif, la jurisprudence produite par son adversaire étant combattue par celle qu’il produit lui-même et considère que la somme allouée par le premier juge ne l’indemnise pas du préjudice subi consistant dans le montant total du redressement appliqué, outre les intérêts et les frais, ou à titre subsidiaire, le montant des majorations et intérêts de retard retenus.


La société Cesis qui ne discute pas l’existence de la faute qu’elle a commise en ne saisissant pas la juridiction administrative, fait valoir que la seule perte de chance susceptible d’être invoquée par Monsieur X consiste dans l’existence de l’issue favorable qu’aurait pu obtenir ce dernier par la saisine du juge administratif ; elle considère que l’intéressé qui supporte la charge de la preuve ne démontre nullement ni qu’il aurait pu bénéficier d’une transaction avec l’administration ni que le résultat de son procès lui aurait été favorable.
Elle prétend au contraire apporter la preuve que tel n’aurait pas été le cas dans la mesure où ce dernier n’exploitait pas l’immeuble dont le mandat de gestion avait été résilié en vue d’une mise en vente et où le seuil de recette de 250 000 euros était largement dépassé ; elle considère qu’il appartenait à l’expert-comptable de Monsieur X de le prévenir des risques qu’il prenait en tentant d’obtenir par des déclarations inexactes, un régime fiscal avantageux, n’étant quant à elle intervenue qu’une fois la situation figée pour tenter de faire bénéficier l’intéressé d’une exonération sur la plus-value.


Elle ajoute encore que seule la preuve de la mise en location de l’immeuble postérieurement à la rupture du contrat de gestion, aurait pu être prise en considération par l’administration fiscale, aucun élément probant n’étant apporté en ce sens par l’intéressé.


Elle précise enfin que Monsieur X ne peut en tout état de cause réclamer des dommages-intérêts correspondant au principal de l’impôt auquel il ne pouvait échapper, y compris les pénalités de retard résultant de l’absence de déclaration dans les délais.


Sur ce :


Le conseil de Monsieur X, qui avait reçu mandat de ce dernier en ce sens, reconnaît avoir commis une faute ayant consisté dans le défaut de saisine du tribunal administratif et il précise que la faculté de contester l’assiette litigieuse de l’impôt s’est ainsi retrouvée atteinte par l’extinction du délai de réclamation.

Monsieur X reproche encore à conseil de ne pas l’avoir informé de son intérêt à entrer en voie de transaction avec l’administration, s’il considérait, comme il le soutient aujourd’hui, qu’il était impossible d’obtenir l’exonération des plus values d’imposition.


Il s’avère cependant que l’intéressé n’a saisi la société Cesis de son différend avec l’administration que courant mai 2012 alors même que le maintien par l’administration fiscale des rectifications proposées, date du 26 mai 2010, soit deux années auparavant ; aucune possibilité d’une transaction avec l’administration après avoir saisi la société Cesis n’est donc établie par l’intéressé et aucune faute ne peut donc être retenue de ce chef.


Il appartient à Monsieur X de démontrer que l’absence de saisine par son conseil de la juridiction administrative lui a fait perdre une chance d’obtenir une décision judiciaire favorable et il doit démontrer l’existence d’un préjudice qui sera évalué en fonction de la probabilité de survenance de la chance perdue, sans que celle-ci ne puisse jamais être égale à l’avantage qu’elle aurait procuré si elle s’était réalisée.


L’administration fiscale a exclu l’exonération de la plus-value réalisée lors de la cession des deux unités d’hébergement meublées et équipées dont était propriétaire Monsieur X dans l’ensemble immobilier situé à Cergy Pontoise, en application de l’article 151 septies du code général des impôts, au motif que la société X ne remplissait pas la condition d’exercice de l’activité à titre professionnel puisque le mandat de gestion para-hôtelière confié par Monsieur X, son gérant, à la société Citea, avait été dénoncé à effet du 31 décembre 2006 et que ce dernier n’avait accompli depuis aucun des actes caractérisant une exploitation directe personnelle et continue.


La réclamation déposée par la société Cesis pour le compte de Monsieur X le 28 mai 2012, demandait que les plus values de cession soient taxées selon le régime des plus-values des particuliers s’agissant de locaux d’habitation meublés faisant l’objet d’une location directe ou indirecte par un loueur en meublé non professionnel en application de l’article 151 septies VII du code général des impôts.


L’administration fiscale a indiqué le 28 janvier 2013, rejetant la réclamation de ce dernier, que l’activité de la société X a toujours été déclarée comme étant une activité para-hôtelière et non pas une activité de loueur en meublé ainsi que les mandats donnés au gestionnaire le précisaient et que l’intéressé avait toujours déclaré à l’impôt sur le revenu, des déficits industriels et commerciaux professionnels pouvant bénéficier de leur imputation sur l’ensemble du revenu global de ce dernier, même au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2007, après la dénonciation du mandat de gestion avec la société Citea ; elle a alors considéré que Monsieur X ne pouvait à la fois bénéficier de l’exonération prévue à l’article 151 septies I et II du code général des impôts réservée aux plus-values professionnelles et du régime des plus-values privées prévues à l’article 151 septies VII du même code réservée aux activités des loueurs en meublé non professionnels.

Monsieur X ne justifie nullement avoir exploité une activité de loueur en meublé non professionnel postérieurement à la dénonciation de son contrat de gestion avec la société Citea ; il ne produit en ce sens aucun contrat de bail en meublé ni de recherche de locataire alors même qu’aux termes de la lettre de résiliation du contrat de gestion du 16 novembre 2015, il motivait cette décision en indiquant 'J’ai l’intention de procéder à la vente de mes studios’ ; il n’avait donc aucune chance de succès devant la juridiction administrative, à prétendre que les démarches locatives qu’il avait entreprises en ce sens étaient restées vaines.


La société Cesis a développé une position contraire à l’administration les 4 mars et 1er juillet 2015, en visant notamment 'au surplus’ aux termes de ses courriers, le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant l’impôt et le principe d’égalité de traitement devant le service public, résultant des articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; elle a alors invoqué la situation de contribuables prétendument placés dans la même situation que celle de Monsieur X et pour lesquels l’administration fiscale était revenue sur sa position initiale en admettant que la plus-value sur cession des immeubles devait être soumise au régime des plus-values des particuliers.


Il s’avère cependant et contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, que le cas des contribuables Vigier n’était nullement identique à celui de Monsieur X dans la mesure où il est expressément reconnu par l’administration que ces derniers, après avoir résilié leur contrat de gestion para-hôtelière, ont justifié avoir mis les immeubles en location, tel n’étant nullement le cas en l’espèce.


Aucun élément du dossier de l’appelant ne permet donc de démontrer l’existence d’une perte de chance d’obtenir une décision favorable du juge administratif si celui-ci avait été saisi.


La demande d’indemnisation présentée par Monsieur X doit donc être rejetée infirmant en cela la décision du tribunal.


La cour observe, à titre surabondant, que la somme réclamée en l’espèce à titre principal par Monsieur X comprend le principal, les pénalités et les intérêts de retard et que celle qu’il réclame à titre subsidiaire, correspond aux seules pénalités et intérêts de retard.


Or, en matière fiscale, le préjudice ne peut découler du paiement auquel un contribuable est légalement tenu, que ce soit du principal, des pénalités ou des intérêts de retard et il ne pouvait donc être fait droit à la demande ainsi présentée à ces titres par l’intéressé.


L’équité commande l’octroi à la société Cesis d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à la charge de Monsieur X qui succombe et doit être débouté de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Cusset,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Déboute Monsieur X de l’intégralité de ses demandes,


Condamne Monsieur X aux dépens de première instance et d’appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de Maître A-H I.


Déboute Monsieur X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à la société Cesis une somme de 2 500 euros de ce chef.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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