Infirmation 4 mars 2022
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Sur la décision
| Référence : | CA Lyon, ch. soc. b, 4 mars 2022, n° 19/03567 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Lyon |
| Numéro(s) : | 19/03567 |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Lyon, 28 avril 2019, N° F15/04552 |
| Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
| Président : | Patricia GONZALEZ, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Cabinet(s) : | |
| Parties : | SAS ISOR |
Texte intégral
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/03567 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MMD2
M’X
C/
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 29 Avril 2019
RG : F 15/04552
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 04 MARS 2022
APPELANT :
A M’X
né le […] à […]
[…]
[…]
Représenté par Me Patrick PROTIERE de la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[…]
[…]
Représentée par Me Anne CHAURAND, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
D E, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistées pendant les débats de B C, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 Mars 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par D E, Présidente, et par B C, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
La société Isor exerce une activité d’entretien et de nettoyage de locaux.
M. A M’X a été embauché par la société Isor dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 23 octobre 2000, en qualité d’agent de propreté.
Au dernier état de la relation contractuelle il a occupé le poste de chef d’équipe à temps plein.
La convention collective nationale applicable est celle des entreprises de propreté.
M. M’X a été placé en arrêt de travail du mois de février 2014 au mois d’avril 2014, puis à nouveau à compter du 10 novembre 2014 jusqu’au 15 avril 2015.
Il a été placé en congés payés du 16 au 28 avril 2015.
Par courrier daté du 22 mai 2015, la société Isor a notifié à M. M’X son licenciement pour faute grave en raison de son absence depuis le 2 mai 2015, dans les termes suivants :
'En effet, le 2 mai 2015, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail et n’avez pas prévenu l’agence de votre absence. Cette absence imprévue a provoqué une désorganisation de la prestation du travail, en effet, il a été difficile de vous remplacer immédiatement et la prestation n’a pu être assurée dans les conditions prévues par le cahier des charges.
Suite à cette absence vous ne vous êtes pas représenté sur votre poste de travail.
Face à cette absence, nous vous avons adressé un courrier en date du 5 mai 2015, vous demandant de nous adresser un document permettant de justifier cette absence.
Ce courrier est resté sans réponse.
Votre comportement est inacceptable. Non seulement vous ne nous avez pas avertis de votre absence, mais cette dernière, s’est maintenue malgré nos courriers répétés vous enjoignant de justifier votre absence. Vous avez donc clairement maintenu de manière délibérée votre absence injustifiée malgré nos mises en demeure.
Votre comportement constitue une faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise.'
Le 3 juin 2015, un accord transactionnel a été conclu entre les parties.
La société Isor a ensuite réembauché M. M’X dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel d’un mois du 1er au 31 août 2015 pour motif d’accroissement temporaire d’activité.
Par requête en date du 10 décembre 2015, M. M’X a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de contester son licenciement du 22 mai 2015 et voir requalifier son contrat en date du 1er août 2015 en contrat de travail à durée indéterminée.
Par jugement rendu le 29 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
-dit et jugé infondée et injustifiée la demande de M. M’X relative à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée par voie de conséquence au licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
-débouté M. M’X de ses demandes indemnitaires à ce titre,
-dit et jugé infondée et injustifiée la demande de M. M’X relative à la nullité de la transaction et par voie de conséquence au licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
-débouté M. M’X de ses demandes indemnitaires à ce titre,
-débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
-condamné M. M’X aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration en date du 22 mai 2019, M. M’X a interjeté appel de ce jugement.
* * *
Aux termes de ses conclusions en date du 2 novembre 2021, M. A M’X demande à la cour de :
-infirmer la décision du Conseil de prud’hommes de Lyon du 29 avril 2019 et en conséquence, statuant de nouveau :
-dire et juger que le protocole transactionnel daté du 3 juin 2015 est nul pour vice du consentement et caractère dérisoire des concessions réciproques,
-dire et juger que le licenciement prononcé le 22 mai 2015 à son encontre ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,
-condamner en conséquence la société Isor à lui verser les sommes suivantes :
-23.100 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3.868,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 386,81 euros au titre des congés payés afférents,
-6.930,27 euros à titre d’indemnité de licenciement,
-1.126,58 euros au titre du salaire pendant le période du 2 au 23 mai 2015, outre 112,66 euros au titre des congés payés afférents, sommes desquelles il conviendra de soustraire la somme de 4.000 euros au titre de l’indemnité transactionnelle versée,
-requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 1er août 2015 à durée indéterminée,
-dire et juger que la rupture du contrat de travail conclu le 1er août 2015 s’analyse en conséquence en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,
-condamner en conséquence la société Isor à lui verser les sommes suivantes :
-449,41 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat,
-103,71 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 10,37 euros au titre des congés payés afférents,
-449,41 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
-900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-ordonner la communication de bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
-condamner la même à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la même aux entiers dépens de l’instance et d’appel.
* * *
Aux termes de ses conclusions en date du 22 novembre 2021, la société Isor demande à la cour de :
-dire et juger ce que de droit sur la recevabilité de l’appel,
-confirmer le jugement déféré et plus précisément,
Sur le licenciement,
- à titre principal,
-constater que la contestation du licenciement s’oppose à l’autorité de chose jugée attachée à la transaction du 3 juin 2015
-confirmer en conséquence le jugement dont appel et débouter M. M’X de ses demandes
subsidiairement,
-constater que la faute soutenant le licenciement de M. M’X est caractérisée dans sa gravité comme dans sa matérialité et que le licenciement intervenu est fondé sur une faute grave,
En conséquence,
-débouter M. M’X de ses demandes
à titre plus subsidiaire,
-constater que le licenciement intervenu est fondé sur une cause réelle et sérieuse
En conséquence,
-débouter M. M’X de ses demandes en contestation de licenciement et notamment de sa demande indemnitaire en l’absence de préjudice indemnisable justifié par M. M’X,
à titre infiniment subsidiaire sur le quantum des demandes,
-limiter les condamnations comme suit :
-indemnité compensatrice de préavis : 1.944.92 euros
-congés payés afférents : 194.49 euros
-dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5.637.36 euros
-indemnité légale de licenciement 3.432.77 euros
En tout état de cause, constater que la société Isor de ce qu’elle a déjà payé la somme de 4.000 euros nets à M. M’X à titre d’indemnité transactionnelle
sur la requlification du CDD en CDI,
à titre principal,
-constater que le recours au CDD pour surcroît d’activité est justifié,
-et débouter en conséquence M. M’X de ses demandes à ce titre,
subsidiairement,
-débouter M. M’X de sa demande d’indemnité légale de licenciement et de sa demande indemnitaire comme non fondées,
-modérer cette dernière à titre subsidiaire,
en tout état de cause
-dire et juger qu’il n’y a pas lieu à rappel de salaire sur la période du 2 au 23 mai 2015 et débouter M. M’X de toute demande à ce titre,
-infirmer le jugement sur les frais irrépétibles et condamner M. M’X à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et rejeter toute demande de M. M’X sur ce fondement, et y ajoutant la somme de 2.000 euros en cause d’appel, outre les entiers dépens distraits au profit de Maître Anne Chaurand, sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2021.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire, la cour précise que contrairement au jugement querellé, il est nécessaire d’examiner en premier lieu les conditions de la rupture du premier contrat de travail.
Sur la convention du 3 juin 2015
Il résulte des articles 2044 et 2052 du code civil dans leur version applicable à la cause, que la transaction est un contrat écrit par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion.
Toutefois, la validité d’une convention est conditionnée par le consentement de la partie qui s’oblige. Aux termes de l’article 1109 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, le consentement est valable s’il n’a pas été donné par erreur, extorqué par violence ou surpris par dol.
Elles exigent l’existence de concessions réciproques.
A l’appui de la contestation de la validité de la transaction, M. M’X fait valoir qu’il pas donné son consentement libre et éclairé et fait état :
-de troubles psychologiques altérants son consentement, dont la société était informée,
-de manoeuvres et de pressions exercées par la société Isor en raison de son état de santé,
-de l’absence de date certaine concernant la lettre de licenciement ou la transaction,
-de la défaillance de l’entreprise dans la démonstration du respect de la procédure de licenciement et de l’organisation de la visite médicale de reprise,
-du caractère dérisoire des concessions réciproques de la transaction.
La société Isor fait valoir en réplique que les demandes du salarié sont irrecevables car la contestation du licenciement a été définitivement réglée par la signature de la transaction en date du 3 juin 2015 et elle affirme que :
-le salarié a disposé de 12 jours afin de solliciter des conseils,
-il ne fait l’objet d’aucune mesure de protection judiciaire,
- il est défaillant dans la démonstration de l’absence de discernement, de la connaissance des éléments médicaux, et du caractère dérisoire des concessions de la transaction,
-l’obligation de s’assurer de la visite de reprise n’a pas pu être réalisée car le salarié n’a pas repris le travail.
Pour contester la validité de la transaction, M. M’Z se prévaut, tant des dispositions de l’article 414-1 du code civil selon lequel 'Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte'.
que des articles 1130 et 1131 du code civil.
En considération de la date des faits litigieux, sont cependant applicables les articles 1109 et 1110 anciens du code civil.
La cour rappelle que la seule exécution par le salarié de la transaction ne suffit pas à rendre celle-ci régulière.
Il résulte des pièces versées aux débats que :
- par courrier du 22 mai 2015, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, un accusé de réception du 23 mai 2015 étant produit,
- une transaction datée du 3 juin 2015 a été signée par les deux parties et une somme de 4.000 euros a été réglée au salarié. Cette transaction vise la lettre de licenciement du 22 mai 2015 de sorte qu’elle apparaît nécessairement postérieure au licenciement.
Par contre, la transaction vise expressément une convocation en date du 19 mai 2015 pour un entretien préalable, dont la société Isor n’a pu justifier.
Il n’est pas non plus démontré l’envoi d’un courrier au salarié le 5 mai 2015 pour lui demander de justifier de son absence, ni des courriers répétés et mises en demeure pourtant visés par la transaction litigieuse.
Il apparaît donc que la transaction mentionne des courriers qui n’ont jamais été envoyés au salarié et notamment la convocation à l’entretien préalable, rendant la procédure de licenciement irrégulière.
M. M’Z se prévaut par ailleurs d’une attestation du 7 octobre 2015 du Docteur Teston, psychiatre, laquelle certifie qu’il a été hospitalisé au Centre Hospitalier le Vinatier du 26 février 2015 (en fait 2014) au 10 avril 2014 ainsi que d’une autre attestation du même praticien du 10 février 2016, laquelle certifie que l’intéressé est un patient suivi régulièrement en consultation sur le CMP du fait d’un trouble psychiatrique pour lequel il prend régulièrement un traitement, que M. M’Z a été reçu en consultation le 11 mai 2015 et était à cette époque en difficultés à son domicile en raison d’une séparation compliquée avec son épouse et décrivait des difficultés sur son lieu de travail. Il verse enfin des arrêts de travail courant sur la période du 6 septembre 2014 au 15 avril 2015.
Ces éléments sont insuffisants pour caractériser l’existence d’un trouble mental au moment de la signature de l’acte.
Par contre, il n’est pas contestable que l’employeur connaissait la fragilité psychologique du salarié, étant destinataire des arrêts de travail en provenance du centre hospitalier du Vinatier, et donc de sa grande vulnérabilité.
Or, n’ayant pas diligenté la procédure régulière de licenciement, l’employeur n’a pas permis au salarié de prendre connaissance de la possibilité d’être assisté pendant la procédure et de connaître l’étendue de ses droits alors que sa fragilité psychologique ne le rendait pas apte à comprendre tous les enjeux du document qui lui était soumis et à prendre une décision éclairée et que l’employeur aurait dû au contraire veiller à son assistance.
La société a ainsi pu faire état dans la transaction de courriers qui lui étaient favorables comme régularisant notamment la procédure, mais qui n’ont en fait jamais été adressés au salarié.
En outre, il a été précisé dans la convention concernant le salarié 'après avoir sollicité tout avis qu’il estimerait utile auprès de conseils extérieurs', ce qui n’est pas exact puisque le salarié n’a justement pas été avisé de ce qu’il pouvait être assisté.
D’autre part, au regard de l’ancienneté du salarié équivalente à une quinzaine d’années, la somme de 4.000 euros à la charge de l’employeur apparaît particulièrement dérisoire au regard des montants pouvant être réclamés par le salarié.
Il apparaît évident que sans les manoeuvres de l’employeur, le salarié n’aurait pas contracté dans ces termes.
M. M’X rapporte en conséquence la preuve des manoeuvres dolosives de l’employeur ayant vicié son consentement et du caractère dérisoire des concessions de ce dernier, ce qui rend nulle la convention. L’employeur ne peut en conséquence s’en prévaloir.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le bien-fondé du licenciement
La convention étant annulée, il convient d’examiner si le licenciement était justifié, l’employeur soutenant que les faits allégués dans la lettre de licenciement sont avérés et constituent une faute grave.
Aux termes de l’article L. 1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L. 1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.
En outre, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail
Au soutien de la contestation de son licenciement M. M’X fait valoir que :
-la société est défaillante dans la démonstration de son absence ainsi que du respect de la procédure de licenciement,
-le réembauchage postérieurement au licenciement démontre que la caractère infondé de la faute grave.
La société Isor fait valoir en réplique :
- que le motif du licenciement était justifié par l’absence du salarié pendant plus de 20 jours sans en justifier et que la contestation des conditions de licenciement a été réglée par la signature de la transaction,
- que lors de son réembauchage la contestation de son licenciement avait été réglée et que le réembauchage du salarié ne s’est pas fait dans les mêmes conditions que l’embauche précédente.
La société Isor ne peut soutenir que le licenciement était justifié par une faute grave justifiant une rupture immédiate de la relation de travail alors qu’elle a réembauché ce salarié très peu de temps après, peu important que ce soit dans le cadre d’un contrat à durée déterminée et sur des tâches ponctuelles.
Ensuite, la société ne justifie d’aucune demande de prise de congés payés du 15 au 28 avril par le salarié après la fin de son arrêt maladie, bien que ceux-ci soient mentionnés sur le bulletin de paie, l’employeur se contentant d’affirmer qu’elle ne conserve pas de tels documents, ce qui accrédite la thèse du salarié selon laquelle il lui a été en fait demandé de ne plus se représenter.
Elle ne justifie pas plus d’avoir, alors qu’elle connaissait la date de fin de l’arrêt maladie, saisi le médecin du travail comme elle aurait dû le faire pour qu’il se positionne sur l’aptitude du salarié à reprendre son emploi.
La société ne justifie enfin d’aucun des courriers qu’elle prétend avoir adressés au salarié pour qu’il reprenne son travail.
Il est donc manifeste que la société Isor n’entendait plus conserver le salarié à son poste de travail dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, qu’elle a en conséquence enclenché la procédure de licenciement et fait signer un protocole transactionnel défavorable au salarié et de nature à couvrir les irrégularités commises par elle.
Il découle de ce qui précède que le licenciement est abusif. Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.
Sur les demandes indemnitaires pour licenciement abusif
Le salarié disposait d’une ancienneté supérieure à deux ans et la société employait lors de la rupture au moins 11 salariés.
Le salarié a en conséquence droit à des dommages intérêts, conformément à l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, à hauteur minimum de 6 mois de salaire.
M. M’X demande une indemnité correspondant à 12 mois de salaire, soit 23.210 euros en prenant pour base le salaire de base outre primes de 1.934,03 euros par mois (pièce 8).
La société Isor fait valoir en cause d’appel que le salaire de base s’élève en fait à 972,46 euros, ce qui découle de ses calculs. Mais ce montant ne se rapporte qu’à l’activité à temps partiel thérapeutique ayant pris fin le 15 avril 2015 et il convient de prendre pour référence le salaire réel.
Il est donc tenu compte du montant retenu par le salarié.
Compte tenu de l’ancienneté importante du salarié, il convient de fixer à 22.000 euros le montant des dommages intérêts dûs par l’employeur en indemnisation du licenciement abusif.
Il n’est pas contesté que le salaire de M. M’X n’a pas été payé sur la période allant du 2 au 23 mai 2015 alors qu’il aurait dû l’être ainsi que vu supra ; le salarié justifie ainsi de ses demandes à hauteur de 1.126,58 euros au titre des salaires outre les congés payés afférents pour 112,66 euros.
En l’absence de faute grave, le salarié a droit à l’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire soit 3.868,06 euros sur la base d’un temps complet) outre les congés payés afférents pour 386,81 euros.
Le salarié a également droit à l’indemnité de licenciement et fait valoir que l’indemnité conventionnelle est moins favorable que l’indemnité légale de sorte que l’indemnité légale a vocation à s’appliquer. Il doit être tenu compte du préavis dans le calcul de l’ancienneté de même qu’il doit être tenu compte du salaire de référence et non de celui du mi-temps thérapeutique. Ainsi, en application de l’article R 1234-2 du code du travail, il est bien dû un montant de 6.930,27 euros.
Il doit enfin être tenu compte du versement d’une somme de 4.000 euros au salarié au titre de la rupture du contrat de travail.
Sur la demande de requalification du contrat de travail du 1er août 2015
Le contrat à durée déterminée qui est un contrat d’exception est encadré par des dispositions strictes.
Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail dans sa version antérieure à loi du 6 août 2015, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas définis par la loi, notamment dans le cas d’un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.
Il résulte de l’article L. 1245-1 du code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, que tout contrat de travail conclu en méconnaissance de cette disposition est réputé à durée indéterminée. Il donne droit à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.
M. M’X fait valoir que la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée n’est pas démontré par l’employeur, qu’en outre, le chantier réalisé relève de l’activité normale de l’entreprise.
La société Isor fait valoir en réplique que le motif du contrat à durée déterminée était justifié par la remise en état du site Biomnis pour la période estivale, celle-ci ne nécessitant pas un recours à un emploi à temps complet car il ne s’agissait que d’un renfort des équipes en place.
Il résulte du contrat litigieux que M. M’X a été embauché pour le motif suivant 'accroissement temporaire d’activité découlant de remise en état' en qualité d’agent de propreté statut ouvrier classification ATQS 1A pour la période allant du 1er août au 31 août 2016, le contrat prenant automatiquement fin à l’arrivée du terme fixé. Il est précisé à l’article 4 'temps de travail', que la plage horaire de travail s’étend du lundi au vendredi de 16h à 18h 'chantier Biomnis'.
Contrairement à ce qu’a pu juger le conseil de prud’hommes, il n’appartient pas au salarié de rapporter la preuve qu’il remplaçait en fait un salarié absent, ce qui serait renverser la charge de la preuve, mais à l’employeur de rapporter la preuve du surcroît temporaire d’activité.
Or, la société Isor ne verse aux débats aucun justificatif d’un tel surcroît de travail, se contentant d’affirmer que la prestation en cause est réalisée en période estivale, soit lors de la fermeture du site, soit à la faveur de la diminution d’activité de l’entreprise d’accueil, et d’alléguer la mauvaise foi du salarié.
En conséquence, et faute par l’employeur de rapporter concrètement la preuve de l’accroissement temporaire d’activité, le jugement est infirmé et le contrat est dit à durée indéterminée.
Il en découle nécessairement que le contrat litigieux n’a pas pu cesser de plein droit à l’échéance prévue de sorte que la rupture est abusive, le salarié n’ayant pas bénéficié d’une rupture régulière du contrat à durée indéterminée.
Sur les conséquences de la requalification en contrat à durée indéterminée
L’employeur ne conteste que l’indemnité conventionnelle de licenciement. Toutefois, une telle indemnité n’est pas réclamée.
En conséquence, M. M’X a droit à l’indemnité de requalification soit la somme de 449,41 euros correspondant au salaire brut mensuel. Cette indemnité n’est pas discutée par l’employeur.
Il a également droit, du fait de la rupture abusive sans procédure de licenciement régulière, à l’indemnité compensatrice de préavis d’une semaine soit 103,71 euros (selon la convention collective) outre 10,37 euros pour les congés payés afférents.
Salarié depuis un mois, il a droit à l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement qui n’est pas supérieure à un mois de salaire. N’ayant fait l’objet d’aucune procédure de licenciement, il lui est accordé la somme de 449,41 euros.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, le préjudice du salarié sera indemnisé à hauteur de 500 euros équivalente à un mois de salaire.
Sur les documents de travail
Il convient d’ordonner la communication de bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi rectifiés, sans qu’il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte à ce stade, le défaut d’exécution n’étant pas supposé.
Sur les indemnités versées par Pôle emploi
Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3
et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés
de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son
licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »
En application de cette disposition, il convient d’ordonner le remboursement par la société Isor des indemnités chômage dans la limite de six mois ensuite du licenciement du 22 mai 2015.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société Isor qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens de première instance et d’appel et versera à son adversaire la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 29 avril 2019 dans toutes les dispositions querellées.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le protocole transactionnel daté du 3 juin 2015 est nul.
Dit que le licenciement de M. A M’X du 22 mai 2015 ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, condamne la société Isor à payer à M. A M’X, sous déduction de la somme de 4.000 euros déjà versée :
- la somme de 3.868,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 386,81 euros au titre des congés payés afférents,
- la somme de 6.930,27 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
- la somme de 22.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 1.126,58 euros à titre d’arriéré de salaire,
- la somme de 112,65 euros pour les congés payés afférents.
Requalifie le contrat à durée déterminée du 1er août 2015 en contrat à durée indéterminée.
Condamne en conséquence la société Isor à payer à M. A M’X :
- la somme de 449,41 euros à titre d’indemnité de requalification,
- la somme de 103,71 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 10,37 euros pour les congés payés afférents,
- la somme de 449,41 euros pour licenciement irrégulier,
- la somme de 500 euros pour licenciement abusif.
Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation concernant les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les autres sommes allouées.
Ordonne la communication par la société Isor des bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi rectifiés et dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte.
Ordonne le remboursement par la société Isor des indemnités chômage versées par les organismes intéressés à M. M’X à compter du licenciement du 22 mai 2015 dans la limite de six mois.
Condamne la société Isor aux dépens de première instance et d’appel et la condamne à payer à M. A M’X la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
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