Infirmation partielle 8 avril 2022
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Sur la décision
| Référence : | CA Lyon, ch. soc. b, 8 avr. 2022, n° 19/04116 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Lyon |
| Numéro(s) : | 19/04116 |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, 15 mai 2019, N° 17/00057 |
| Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
| Président : | Patricia GONZALEZ, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Parties : | SASU ADVENTURY |
Texte intégral
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/04116 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MNN2
X
C/
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE
du 16 Mai 2019
RG : 17/00057
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 08 AVRIL 2022
APPELANTE :
C X
née le […] à […]
[…]
[…]
Représentée par Me Philippe METIFIOT-FAVOULET, avocat au barreau de l’AIN
INTIMÉE :
[…]
[…]
représentée par Me Marie Christine REMINIAC, avocat au barreau de l’AIN
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
T U, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistées pendant les débats de R S, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Avril 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par T U, Présidente, et par R S, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
La société Adventury, dirigée par M. L-M A, exerce une activité de programmation informatique. Elle est régie par la convention collective nationale du SYNTEC.
Mme C X était salariée de la société Amyralis depuis septembre 2007, lorsque la société Adventury a été créée afin de reprendre une partie des activités d’Amyralis. Elle a signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec Adventury, à effet au 1er mai 2009, en qualité d’employée administrative, statut ETAM coefficient 220.
Mme X a été placée en arrêt de travail suite à une intervention chirurgicale en janvier 2014 et a repris ses fonctions le 6 novembre 2014. Entre temps, en mars 2014, le couple qu’elle formait avec M. L-M A s’est séparé.
Mme X a été à nouveau placée en arrêt de travail le 13 novembre 2014, et ce jusqu’au 9 janvier 2015, du 26 au 31 janvier 2015 et du 3 au 11 mars 2015.
Le 24 janvier 2015, la société Adventury a notifié un avertissement à Mme X, lui reprochant d’avoir refusé de participer la veille à une réunion indispensable à l’exécution de son travail.
Par courrier du 21 mai 2015, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 4 juin 2015. Cette convocation était assortie d’une mise à pied conservatoire.
Le même jour, Mme X s’est présentée à la brigade de gendarmerie de Coloz afin de déposer plainte contre M. L-M A pour des violences remontant au mois de juillet 2014 et harcèlement moral. Ladite plainte a fait l’objet d’un classement sans suite.
Par courrier recommandé du 12 juin 2015, la société Adventury a notifié à Mme X son licenciement pour faute grave, dans les termes suivants :
« Madame,
Nous faisons suite à votre entretien préalable du mardi 2 juin 2015, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement pour faute grave.
Les éléments que vous nous avez fournis lors de cet entretien ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Ainsi que nous vous l’avons exposé au cours de cet entretien, les motifs qui nous contraignant à prendre cette mesure sont les suivants :
Vous avez été embauchée au sein de notre société le 1er mai 2009 en qualité d'" Employée administrative ''.
Dans le cadre de vos obligations contractuelles, vous aviez notamment pour missions :
- La gestion du standard de la société;
- La gestion du courrier;
- L’enregistrement des factures dans le logiciel comptable ;
- L’envoi des fax;
Il convient à cet égard de préciser, comme le stipule d’ailleurs expressément votre contrat de travail, que cette liste ne serait être considérée comme exhaustive et que vos fonctions étaient naturellement susceptibles d’évoluer en cas de nécessité liée au bon fonctionnement de l’entreprise.
Or, nous avons constaté, depuis plusieurs mois, une grave dégradation de votre comportement entraînant d’importantes répercussions tant dans l’accomplissement de votre travail que sur l’ambiance au sein de l’équipe.
A cet égard, nous tenons à vous rappeler qu’au sein de notre société, structure de petite taille employant uniquement trois salariés, Madame D Y, E F, Monsieur G Z, H I et vous-même, nous avons toujours tout mis en 'uvre pour que les relations de travail se déroulent dans un climat apaise et convivial.
Néanmoins, votre comportement dans l’exécution de vos fonctions et à l’égard de vos collègues, de travail, du Président de la société et même des tiers à l’entreprise au cours des derniers mois est inadapté et inadmissible.
En effet, depuis le mois de janvier 2015, vous refusez d’exécuter les directives et de réaliser certaines tâches qui vous sont confiées par Monsieur L-M A, votre responsable hiérarchique et Président de la Société, au prétexte que celles-ci seraient trop complexes compte tenu de vos compétences professionnelles.
Or, ces tâches prétendument trop complexes et que vous refusez de réaliser consistent notamment à :
-sélectionner les meilleurs clients en termes de chiffre d’affaires et du nombre de commandes effectuées et établir leur profil (le type de bijoux qu’ils achètent, s’ils utilisent des codes promotionnels, etc…);
-relancer par téléphone et/ou e-mail parmi ces meilleurs clients ceux qui n’ont pas commandés depuis un certain temps afin de les inciter à passer une nouvelle commande.
A titre d’illustration, le 19 mai 2015, vous avez refusé de relancer les meilleurs clients sélectionnés en prétextant que vous n’étiez pas doté des compétences nécessaires. Néanmoins, dans le cadre de vos fonctions, vous appelez quotidiennement nos clients par téléphone (appels pour des compléments d’information des commandes, appels pour lever les doutes sur des commandes frauduleuses,…) et les semaines précédentes vous aviez, à plusieurs reprises, contacte des clients pour tester un questionnaire de satisfaction.
En outre, le 21 mai 2015, nous vous avions demandé de trier et de préparer les écrins des colis que les clients nous avaient retournés, afin que nous puissions les réexpéclier à nos fournisseurs, comme il est d’usage de le faire périodiquement. "Vous avez cependant délibérément refusé de trier les écrins que les clients nous avaient retournés durant les périodes de suspension de votre contrat de travail au cours desquelles vous étiez absente de la société.
Ainsi, vous ne pourrez que constater que les tâches qui vous sont attribuées entrent parfaitement dans votre domaine de compétences.
Néanmoins, malgré nos efforts, nous nous heurtons au refus systématique de votre part d’appliquer certaines des directives qui vous sont données par votre responsable hiérarchique ce qui entraîne un dysfonctionnement de notre entreprise dans la mesure où ces tâches doivent être réaliser par vos collègues de travail pour pallier à vos manquements alors qu’au surplus la situation économique de notre société est très fragile.
Nous avons également été contraints de constater, à plusieurs reprises, que votre comportement dans l’accomplissement de vos fonctions est tout à fait inadmissible et inadapté.
A ce titre, nous avons notamment relevé que :
- Vous passez un volume important. de votre temps de travail, que ce soit sur votre téléphone portable personnel ou votre ligne professionnel pour passer des appels personnels durant vos horaires de travail.
A titre d’exemple, le 13 mai 2015, vous avez passé la meilleure partie de vos heures de travail en communication téléphonique, sur votre téléphone portable, à titre personnel.
- Vous faites des coloriages durant vos horaires de travail, fait que vous revendiquez d’ailleurs auprès de vos collègues. A cet égard, le 8 avril 2015 vous avez notamment indiqué fièrement à Monsieur G Z réaliser des coloriages durant vos horaires de travail. Pire encore, le 13 avril 2015, et dans le seul but de provoquer Monsieur L-M A, Président de la société, vous vous êtes permis de lui montrer les coloriages que vous aviez réalisés au cours de la journée et durant vos heures de travail.
- Vous vous permettez de vous vernir les ongles durant vos horaires de travail, comme nous avons pu notamment le constater le 19 mai 2015 à 14h00.
- Vous espionnez les faits et gestes de chacun des membres de l’équipe, vous les prenez en photo et enregistrez leurs conversations.
- Vous ouvrez les courriers pourtant cachetés, de vos collaborateurs et de Monsieur L-M A, avant. de les porter à la poste ou des les transmettre à leur destinataires. A titre d’illustration, nous vous avons surpris, le 27 avril 2015, ouvrir discrètement un courrier déposé par Monsieur L M A dans la bannette destinée à l’envoi des correspondances, en lire le contenu, et refermer l’enveloppe avec du scotch.
Néanmoins, et malgré les multiples remarques de votre responsable hiérarchique, Monsieur L-M A, vous persistez délibérément dans votre comportement, ce qui est totalement inapproprié et inacceptable dans le cadre de vos fonctions.
Pire encore, vous adoptez un comportement intolérable à l’égard de vos collègues de travail, de Monsieur L M A et même vis-à-vis des tiers à l’entreprise, ce qui a pour conséquence de rendre l’ambiance de travail insupportable pour l’ensemble de l’équipe.
En effet, nous avons eu à faire face aux plaintes de Monsieur G Z à votre égard, compte tenu de l’ambiance pesante provoquée par votre attitude à son égard et vis-à-vis des membres de l’équipe.
A titre d’illustration, il a notamment été fait état des éléments suivants :
- Le 27 avril 2015, Monsieur L-M A avait prêté sa carte bancaire personnelle à Monsieur G Z pour qu’il puisse passer une commande urgente sur le site www.1001bijoux.fr afin qu’elle lui soit expédiée le jour même.
En passant dans le bureau de Monsieur G Z pour retirer des impressions, vous vous êtes alors aperçue que la carte bancaire de Monsieur L-M A était sur le bureau de G Z.
Vous avez alors pris Monsieur G Z à partie et fait un esclandre dans son bureau.
Vous vous êtes ensuite précipitée dans le bureau de L-M A et, sur un ton véhément, l’avez injustement accusé d’opérer une différence de traitement et de favoriser Monsieur G Z.
-Le mercredi 19 mai 2015, vous n’avez eu de cesse de regarder à travers la cloison vitrée de votre bureau ce que faisait Monsieur G Z, sans compter vos déplacements incessants à l’imprimante située également dans le bureau de Monsieur G Z, afin d’épier ce qu’il va avait sur son écran et sur son bureau.
-A plusieurs reprises, avez ouvertement dénigré Monsieur L-M A auprès de Monsieur G Z, le plaçant ainsi dans une situation inconfortable à l’égard du Président de la société.
A titre d’exemple, le 7 mai 2015, vous avez déclaré à Monsieur G Z que ce dernier n’était pas assez payé, que Monsieur L-M A était un manipulateur, qu’il critiquait les gens et ses employés.
Vous avez, ce même jour, ajouté que les difficultés économiques rencontrées par la société étaient dues à l’incompétence et à la mauvaise gestion de Monsieur L-M A.
-Régulièrement, vous vous énervez et haussez le ton à l’encontre de Monsieur L-M A dans le bureau de Monsieur G Z, ce qui l’oblige à interrompre les communications téléphoniques avec les clients de l’entreprise (par exemple le 21 avril 2015, le 30 avril 2015, ou le 21 mai 2015).
-Le 30 avril 2015, vous avez eu un comportement distant et dur avec Monsieur G Z, uniquement parce que vous étiez jalouse que ce dernier ait pris une pancarte publicitaire qui était affichée sur la porte d’entrée des bureaux de la société. Vous avez encore une fois prétendu qu’il s’agissait d’une " préférence ''.
-Monsieur G Z vous a notamment surprise en train de lire en détail les fiches de paie de l’ensemble de l’équipe avant de les communiquer à Monsieur L-M A, pour qu’il les transmette ensuite aux autres salariés, comme il était d’usage de la faire tous les mois. En date du 27 avril 2015, il vous a même vue ouvrir discrètement un courrier que Monsieur L-M A vous avait déposé pour le poster et en lire le contenu.
Votre comportement inapproprié et vos réactions disproportionnées placent Monsieur G Z dans une situation pesante et très inconfortable.
En outre, du fait de vos agissements, vous avez créé une atmosphère oppressante et stressante pour Monsieur G Z qui se sent épié quotidiennement dans ses moindres faits et gestes.
Ainsi, la situation actuelle résultant de votre comportement devient insupportable pour Monsieur G Z qui s’en est d’ailleurs plaint à plusieurs reprises à Monsieur L-M A.
En ce qui concerne votre attitude à l’encontre de Madame D Y.
Nous tenons, à titre liminaire, à vous rappeler que depuis le mois de janvier 2015, Madame D Y nous a, à plusieurs reprises, précisé être victime de remarques désobligeantes de votre part.
Vous prenez, en effet, régulièrement à parti Madame D Y et adoptez un comportement agressif à son égard, sans aucune raison.
- Pour illustration, le 10 avril 2015, vous avez volontairement tardé à prendre votre pause déjeuner et à quitter les locaux de la société, sachant pertinemment que Madame D Y était chargée de la fermeture des bureaux, et ce, dans le seul but de mettre cette dernière en retard;
- Le 14 avril 2015, vous avez cru voir Madame D Y ouvrir les volets de la Société à 7 heures 30. Vous lui avez donc injustement reproché d’être arrivée à 7h30 dans les locaux de la société, alors qu’en application des règles en vigueur au sein de la société, l’accès au bureau est uniquement autorisé, sauf accord de la Direction, durant les horaires de travail, à savoir :
- De 8h à 12 h00 et de 14h à 17h pour les salariés affectés au service F, comme tel est le cas de Madame D Y ,
- De 9h à 12 h30 et de 13h30 à 18h05 pour les autres salariés, soit pour vous et Monsieur G Z.
Néanmoins, il s’est avéré en réalité, que Monsieur L-M A avait lui même ouvert les volets et que Madame D Y n’était pas présente dans les locaux à cette heure et était, au contraire, arrivée pour 8 heures afin de prendre son poste de travail dans le respect des directives données par la Direction de la Société.
Ces comportements totalement déplacés et incompréhensibles à l’encontre de votre collègue de travail sont intolérables.
S’agissant ensuite de votre attitude vis-à-vis de Monsieur L M A, Président de la Société :
-Vous dérangez volontairement et de manière intempestive Monsieur L-M A pour des demandes inutiles et sans objet: vous sollicitez notamment Monsieur L-M A sur les remboursements des bijoux fortement rayés à réception, alors qu’il s’agit en réalité de procédures courantes et inhérentes à vos fonctions que vous effectuez depuis des, années et maîtrisez parfaitement; Dernier exemple en date, le 18 mai 2015, lorsque vous avez dérangé Monsieur L-M A afin de savoir si une commande était frauduleuse, alors que tous les indicateurs montraient l’inverse et que vous le saviez pertinemment.
- Vous réagissez à l’encontre de Monsieur L-M A de manière excessive et disproportionnée: Pour illustration, le 5 mai 2015, vous exigiez immédiatement une réponse de la part de Monsieur L-M A, sur les mentions, figurant sur votre fiche de paie alors que seul le cabinet comptable pouvait y répondre.
- Vous passez des appels téléphoniques en interne à Monsieur L-M A, sans aucun lien avec le travail ou pire encore pour tenir des propos injurieux à connotation sexuelle, comme tel fut notamment le cas le 20 avril 2015, lorsque vous lui avez demandé s’il « avait bien exposé à sa copine toutes ses pratiques sexuelles ».
- Le 7 mai 2015, vous avez souhaité interroger Monsieur L-M A sur des questions de Services après vente. Ce dernier étant indisponible à ce moment, vous a averti qu’il viendrait vous voir dans cinq minutes plus tard. Vous êtes alors repartie furieuse. Lorsque il arrivé dans votre bureau pour répondre à votre interrogation, quelques instants plus tard, vous avez refusé tout dialogue et l’avez menacé de " lui envoyer les flics ''.
Votre attitude et les propos que vous vous permettez de tenir à l’égard de Monsieur L-M A, Président de la Société, sont inacceptables et ne peuvent être tolérés au sein de notre société.
Pire encore, vous ne vous contentez pas d’avoir un comportement inadmissible à l’égard de vos collègues de travail de votre Président, vous faites également preuve d’une attitude intolérable vis-à-vis des tiers à l’entreprise, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des locaux de la société, dans l’exercice de vos fonctions :
- le 20 avril, vous avez agressé dans les locaux de l’entreprise la compagne de Monsieur L-M A en déclamant sur un ton injurieux : " On n’a pas été présenté, je suis C, l’ancienne copine de L M. Si vous voulez savoir des choses personnelles, n’hésitez pas à me demander
!.''
Vous avez ensuite suivi Monsieur L-M A, et sa compagne à l’extérieur des locaux de la société et avez tenu, à leur égard, des propos injurieux à connotation sexuelle, à savoir, que la compagne de L-M A était déjà cocue, et qu’elle n’était pas la seule à partager la chambre de ce dernier.
Le lendemain Monsieur L-M A a essayé de discuter avec vous pour restaurer le dialogue, vous avez néanmoins préféré abandonné votre poste de travail en partant dans la rue, sans en demander l’autorisation à Monsieur L-M A ou même l’en aviser.
Malgré l’ensemble de ces faits intolérables, nous avons pourtant tenté d’apaiser la situation, avant de prendre toute mesure extrême.
En effet, la Société, représentée par Monsieur L-M A, ainsi que vos collègues de travail ont tenté de prendre sur eux, dans la mesure du possible, en dépit de l’ambiance de travail qui, du fait de vos agissements, était devenue insupportable.
Néanmoins, vous avez persiste dans votre comportement.
Ainsi, le 21 mai 2015, vers 14 h 25, Madame D Y est sortie du bureau de Monsieur L-M A avec lequel elle venait de faire un point sur un dossier F. Elle s’est assise à son poste de travail situé en face de votre bureau. Madame D Y a alors remarqué que vous la regardiez froidement et d’un air menaçant.
Vous avez alors frappé contre la cloison vitrée séparant votre bureau de celui de Madame D Y et G Z, pour interpeller cette dernière.
Madame D Y a feint de ne pas entendre pour éviter le conflit qu’elle sentait imminent compte tenu de votre attitude qui semblait agressive.
En l’absence de réaction de Madame D Y, vous avez appelé Monsieur L-M A sur sa ligne directe pour lui demander pourquoi il montrait à Madame D Y des courriels que vous lui aviez envoyés. Monsieur L-M A vous a répondu qu’ils travaillaient sur un dossier en cours et qu’en aucun cas il ne lui avait montré vos courriels-ou parlé de- vous.
Vous avez alors téléphoné à Madame D Y et lui avez dit agressivement:
« Qu’est-ce que vous avez à me regarder comme ça, soit vous souriez, soit vous me lancez un regard méchant '!!"
Madame D Y ne comprenant pas la cause d’une telle agression vous a répondu: « Je souriais parce que je sortais du bureau de mon Président que j’apprécie, contrairement à vous »
Monsieur L-M A s’est alors rendu dans votre bureau pour tenter de vous calmer, voyant que, vous commenciez à devenir agressive au téléphone et à hausser le ton à l’encontre Madame D Y.
Monsieur L-M A vous a demandés de cesser Immédiatement vos agissements et de reprendre vos esprits.
Vous avez tenté de vous justifier auprès de Monsieur L-M A en prétextant que Madame D Y vous agressait.
Monsieur L-M A est sorti de votre bureau et vous l’avez suivi pour aller dans le bureau de Monsieur G Z et Madame D Y.
Vous vous êtes alors rapprochée très près de Madame D Y.
Monsieur L-M A a été une nouvelle fois contraint d’intervenir et vous a demandé de sortir du bureau de Monsieur G Z et de Madame D Y.
Vous avez déclamé sur un ton agressif : " Je le dis devant tout le monde… ''.
Madame D Y vous a interrompue et dit qu’il fallait que vous arrêtiez de vouloir prendre tout le monde à parti comme vous tentiez de le faire à de nombreuses reprises et depuis plusieurs semaines avec Madame D Y ou Monsieur G Z; elle a ajouté ensuite que vous vous plaigniez souvent et dénigriez Monsieur L-M A pendant de longues minutes auprès de Monsieur G Z et que cela devenait insupportable.
Vous avez nié ces faits et avez continué de vous exprimer avec véhémence.
Monsieur G Z, alors au téléphone avec une cliente, a été contraint de raccrocher brusquement sans pouvoir expliquer à cette dernière pourquoi il devait mettre un terme à leurs échanges, compte tenu du bruit engendré. Monsieur G Z était de ce fait extrêmement mal à l’aise et choqué de vos agissements.
Monsieur L-M A est enfin parvenu à vous faire sortir du bureau. Il est retourné alors dans son propre bureau.
Quelques instants plus tard, vous êtes revenue dans le bureau de Monsieur G Z et Madame D Y, et avez recommencé à vociférer notamment que vous alliez porter plainte contre Madame D Y, et ce, sans aucun motif à l’appui de vos propos. Monsieur L-M A a de nouveau essayé de vous faire sortir du bureau de Monsieur G Z et Madame D Y en s’interposant en vain.
Vous vous êtes approchée très près de Monsieur L-M A et lui avez crié dessus.
Vous avez ensuite poussé Monsieur L-M A en appuyant fortement sur son buste avec votre index.
Vous lui avez alors dit: " vas-y frappe moi ça ne sera pas la première fois et là il y a la caméra qui filme ''.
Monsieur L-M A a, encore une. fois, essayé de vous faire sortir du bureau de Monsieur G Z et de Madame D Y. Vous avez fini par accepter.
Vous avez alors pris votre sac à main et votre bouteille d’eau et abandonné votre poste de travail sans autorisation et sans en aviser qui que ce soit vers 14h35.
Vous êtes revenue au bureau vers 18h05 et avez récupérée rapidement des documents dans votre calepin professionnel. Vous êtes ensuite partie avant que Monsieur L-M A n’ait eu le temps de vous parier pour que vous puissiez vous expliquer sur les faits qui se sont déroulés ce même jour et sur ce comportement inacceptable à l’égard de Madame D Y.
Le lendemain, soit le 22 mai2015, et compte tenu des ces faits et de votre comportement inadmissible, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de vous convoquer à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement pour faute grave et de vous signifier immédiatement votre mise à .pied à titre conservatoire.
Lorsque Monsieur L-M A a tenté de vous remettre en main propre cette convocation, vous avez à nouveau eu un comportement inacceptable. vous avez froissé et caché la convocation dans votre soutien-gorge, puis vous êtes partie furieuse et de manière précipitée du bureau.
Il convient à cet égard de préciser que, compte tenu de votre refus de signer la lettre de convocation assortie d’une mise à pied à titre conservatoire, nous vous avons fait parvenir la copie par courrier recommandé le jour même.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que votre attitude depuis plusieurs mois perturbe le bon fonctionnement de notre entreprise et rend impossible la poursuite de nos relations contractuelles.
En effet, malgré les efforts consentis parla Direction de la Société ainsi que par chacun des membres de l’équipe pour apaiser la situation au cours des deux derniers mois et plus largement depuis votre retour d’arrêt maladie, le 6 novembre 2014, aucune amélioration ne s’est fait ressentir.
Ainsi, force est de constater que nous n’avez pas jugé utile de prendre en compte les remarques qui ont pu vous être faites quant à l’exécution de votre travail et à votre comportement au cours des dernières semaines.
Pire encore, de tels agissements sont de nature à perturber fortement l’équipe au sein de laquelle vous évoluez, qui ne peut plus supporter l’ambiance de travail induite par vos agissements répétés et inadmissibles.
En effet, en qualité d’employeur, nous sommes tenus d’une obligation de sécurités et de résultat à l’égard des nos salariés et dans ce cadre, il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre pour faire cesser une telle situation.
Dans ce contexte et compte tenu des faits graves qui vous sont reprochés, la rupture de votre contrat de travail prend effet immédiatement à la date d’envoi de la présente lettre de licenciement, soit le 12 juin 2015 sans préavis, ni indemnité.
Nous vous confirmons également, conformément à ce que nous avons convenu lors de l’entretien du 2 juin 2015, que vous devez libérer le logement de fonction mis à votre disposition durant l’exécution de votre contrat de travail, dont la société est locataire, situé au 4 Grande Rue à Artemare, à l’issue du délai de deux mois à compter de la date d’envoi de la présente, soit le 12 août 2015."
Dans le même courrier, la société a sommé Mme X de quitter le logement de fonction mis à sa disposition par la société dans les deux mois, soit avant le 12 août 2015.
Par requête reçue au greffe le 12 juin 2017, Mme X a saisi le conseil des prud’hommes de Belley aux fins de contester son licenciement et d’obtenir diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement rendu le 16 mai 2019, le conseil des prud’hommes de Belley a dit que le licenciement pour faute grave était justifié, a condamné la société Adventury à payer à Mme X 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sans exécution provisoire, a débouté Mme X du surplus de ses demandes et a condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 13 juin 2019, Mme X a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement pour faute grave était justifié.
Aux termes de ses conclusions déposées 10 septembre 2019, Mme X demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité du licenciement et statuant à nouveau, de :
-prononcer la nullité du licenciement en application de l’article 1152-2 et 3 du code du travail ;
-condamner la société à lui payer la somme de 3 450,86 euros bruts, outre 345,08 euros bruts de congés payés afférents ; (il n’est pas précisé à quel titre cette somme doit être versée)
-condamner la société à lui payer la somme de 1 199,92 euros bruts au titre de rappels de salaire afférents à la mise à pied à titre conservatoire, outre 119,99 euros brut de congés payés afférents ;
-condamner la société à lui payer la somme de 2 588,15 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
-condamner la société à lui payer la somme de 17 254,30 euros brut à titre d’indemnité pour nullité du licenciement ;
-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi ;
-condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
-condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées 10 décembre 2019, la société Adventury demande à la cour de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté Mme X du surplus de ses demandes, et notamment celles formées au titre d’un harcèlement moral, de la nullité du licenciement, d’une prétendue violation de l’obligation de sécurité de résultat par l’employeur, de l’indemnité de licenciement et de divers rappels de salaire ;
De réformer ce même jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme X les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi et 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, déboutée de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles et condamnée aux dépens de la première instance ;
Et statuant à nouveau, de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer les sommes suivantes :
-5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 3 000 euros au titre de l’instance d’appel ;
-condamner Mme X en tous les dépens, y compris les droits proportionnels dus à l’huissier de justice chargé de l’éventuelle exécution forcée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement moral et le préjudice moral
Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 1154-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
En cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme alors sa conviction.
Mme X soutient que ses conditions de travail se sont fortement dégradées à son retour d’arrêt de travail en octobre 2014, si bien qu’elle a été amenée à adopter des réactions pour se défendre. Elle affirme ainsi que son employeur lui a retiré les tâches principales qu’elle exerçait avant son arrêt de travail ainsi que ses responsabilités, qu’il lui a confié des tâches qu’elle n’était pas en mesure de réaliser, qu’il a supprimé ses outils de travail, notamment son bureau, son poste de travail, son téléphone, et qu’il lui retiré l’accès à certaines procédures, aux archives, à certains outils, et aux clés du coffre, qu’elle a subi des actions vexatoires et humiliantes de la part de son employeur devant ses collègues, qu’elle a été victime de pressions afin de lui reprendre l’appartement ainsi que le garage à des fins de stockage du matériel de l’entreprise.
Elle ajoute que ces actes répétés constitutifs de harcèlement moral, constatés par l’inspection du travail, ont conduit à la dégradation de son état de santé. Mme X produit un courrier que lui a adressé l’inspection du travail le 1er avril 2015 pour lui relater les diverses démarches effectuées suites à ses plaintes. L’administration y relève une différence de rémunération dont elle a demandé à l’employeur de justifier et elle écrit avoir sollicité la mise en place d’un décompte individuel de la durée du travail. (pièce 6)
Sur les allégations de harcèlement moral plus précisément, l’inspection du travail apporte indirectement divers éléments d’appréciation et demande à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser une situation qu’elle considère comme pouvant être qualifiée de harcèlement moral au vu de la jurisprudence, s’agissant de " priver le salarié de travail ; lui supprimer ses outils de travail, lui demander de réaliser des tâches qu’il n’est pas en mesure de faire, de le stigmatiser devant le collectif de travail et de réaliser des actions vexatoires, telles que lui retirer les clés et les codes de l’alarme à lui seul, en l’empêchant d’entrer dans les locaux alors qu’on l’a toléré jusque-là. "
Ainsi, ce document permet d’apprendre que l’employeur n’a pas contesté avoir attribué le bureau de Mme X à Mme Y et que le partage de ce local au retour de la première avait généré des tensions et que tout son matériel et ses logiciels informatiques ne lui avaient pas été restitués à son retour, du fait d’une nouvelle organisation informatique. L’employeur a également admis que certaines tâches, redistribuées en l’absence de la salariée, ne lui avaient pas été confiées à nouveau à son retour. Sur ce point, l’inspection du travail a noté que la fiche de poste communiquée par l’entreprise correspondait à la description que Mme Y avait fait de son activité à des clients alors que Mme X était revenue de son arrêt maladie.
Il apparait également à la lecture de ce courrier que Mme X ne disposait plus des clés ni des codes de l’alarme, si bien qu’elle ne pouvait entrer dans les locaux avant M. Z ou M. A et qu’elle ne pouvait en sortir après ses collègues. M. A a cependant justifié auprès de l’inspection du travail avoir pris cette décision suite à une intrusion de Mme X sur son lieu de travail pendant son arrêt de maladie, et au débranchement d’une caméra de sécurité. Il aurait ajouté par la suite avoir constaté qu’elle avait tenté de s’introduire sur son ordinateur.
Mme X apporte par ce seul courrier suffisamment d’éléments pour présumer qu’elle a bien été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.
La société réplique que la salariée a harcelé le dirigeant ainsi que ses collègues à son retour d’arrêt de travail en octobre 2014, en raison de sa séparation avec M. A, alors qu’elle aurait retrouvé son poste et ses missions, à l’exception de la saisie comptable, reprise par le dirigeant, ainsi que son bureau, après un déplacement dans la salle de réunion pour répondre à sa demande d’être installée dans un bureau à part à son retour. Concernant le logement, la société affirme que le bail produit est un faux et que Mme X a refusé à la société l’accès à des locaux partagés.
La société produit son courrier du 27 avril 2015, portant réponse à l’inspection du travail. Elle justifie notamment, en réponse aux interrogations de l’inspectrice sur les différences de rémunérations, avoir proposé à Mme X un avenant à son contrat de travail ayant pour objet de passer sa qualification de la position 1.3.1 à la position 2.2, son coefficient de 220 à 310 et sa rémunération de 1 522,97 euros bruts mensuels à 2 054, 57 euros bruts mensuels, ce que celle-ci aurait refusé. Elle expose également ne pas avoir pu mieux préparer le retour de sa salariée, ses arrêts de travail ayant été de relativement courte durée.
Sur la question du matériel et des logiciels informatiques disparus, elle explique avoir dû changer son disque dur, déjà défaillant avant sa maladie, et avoir formé Mme X progressivement aux nouveaux logiciels installés dans l’entreprise au cours de ses 12 mois d’absence. La société soutient en outre que les bureaux sont généralement occupés par deux collaborateurs et que Mme X a quasiment en permanence partagé celui de 4 salariés successivement, entre juin 2009 et janvier 2014.
L’employeur expose enfin que son chiffre d’affaires a beaucoup diminué entre août 2013 et août 2014, passant de 292 300 euros à 192 819 euros, ce qui pouvait expliquer que l’activité principale de Mme X, soit le « service clients », qui représentait 6 à 7 heures quotidiennement, s’en soit trouvée drastiquement réduite à 1 ou 2 heures par jour.
La société se prévaut d’une formation « comment réussir sa relation clients » suivie par Mme X en 2013 pour affirmer que son poste aurait dû évoluer vers des fonctions plus commerciales, ce que son attitude n’a pas en définitive permis.
Sur les tâches que Mme Y aurait conservées malgré le retour de Mme X, l’employeur s’inscrit en faux, et émet l’hypothèse, à laquelle il ne sera apparemment apportée aucune réponse, selon laquelle le descriptif fait par Mme Y à un client serait antérieur au retour de celle-ci.
La société précise enfin à l’inspection du travail avoir donné à sa salariée un jeu de clés ainsi que les codes de l’alarme, tout en rappelant les circonstances dans lesquelles elle avait été amenée à les lui retirer. (pièce 26)
Ces circonstances sont d’ailleurs partiellement confirmées par Mme X lors de son audition par la gendarmerie suite à son dépôt de plainte ; elle indique en effet aux gendarmes avoir « décidé de fouiller dans son portable personnel qui se trouvait au bureau », fin juin 2014, donc pendant son arrêt de travail, et avoir lu des SMS " (pièce 41).
M. Z a été entendu par les gendarmes lors de leur enquête. Il a précisé que depuis son arrivée dans la société, il avait toujours vu Mme X partager son bureau avec un autre salarié. Il a également dit qu’il donnait du travail à la salariée, par l’intermédiaire de M. A, mais qu’elle n’avait pas envie de le faire, tout comme elle avait refusé dans un premier temps de participer aux réunions, avant de s’y rendre, mais sans prendre de notes. Il disait en avoir assez de Mme X, qui notait les faits et gestes de tout le monde, prêchait le faux pour savoir le vrai et installait « un climat hostile et malsain au sein de la société » (pièce 41).
Pour Mme Y, également entendue par les gendarmes, Mme X avait un « super bureau » bien équipé, et en octobre, elle a demandé à être seule dans un bureau. Le dirigeant l’a alors installée dans la salle de réunion, puis elle est repartie dans le local précédant à sa demande.
Mme N O, qui a travaillé pour la société Adventury, a refusé une proposition de contrat de travail à durée indéterminée au motif qu’il lui était « difficile de travailler en présence de C » (pièce 35).
Même son ancienne amie, Mme P B, a attesté que Mme X avait surveillé régulièrement M. A après leur séparation, qu’elle lui avait avoué s’être introduite dans les locaux de la société et avoir débranché les caméras de surveillance afin de fouiller dans son téléphone en toute discrétion. Mme B dit même l’avoir vue explorer le contenu d’un sac poubelle issu des locaux de la société (pièce 40).
Il ressort d’un courriel daté du 2 février 2015 que M. A a alerté le médecin du travail sur l’attitude de sa salariée, qu’il qualifiait notamment de « démarche de harcèlement vis-à-vis de l’équipe. » (pièce 23)
Suite à l’avertissement du 24 janvier 2015, Mme X a adressé un courrier de contestation à son employeur, dans lequel elle reconnait avoir refusé de participer à la réunion, en raison de sa « fragilité psychologique du moment » (pièce 8). Elle déplore dans ce courrier d’avoir été « mise au placard », mais force est de constater que c’est bien elle qui a refusé de participer à cette réunion.
Les courriels communiqués par la société confirment que Mme X a bien été conviée à des réunions et associée au fonctionnement de la société, même si certaines tâches lui ont été retirées, y compris en mai 2015, et que le dirigeant a fait le nécessaire pour lui restituer son équipement informatique et des codes pour accéder aux comptes bancaires (pièce 43).
Enfin, la société apporte aux débats diverses pièces visant à démontrer que l’appartement occupé par Mme X constituait son logement de fonction et que le bail qu’elle a produit n’était qu’un faux.
Elle justifie en effet que la société Amiralys n’était pas propriétaire de l’immeuble et que celui-ci a en réalité été acheté par la SCI 2V le 11 mai 2009. L’avantage en nature est apparu sur les bulletins de salaire de l’intéressée à compter de mai 2009 seulement. D’ailleurs, l’office notarial censé avoir rédigé le bail s’en défend et dans un courriel du 27 avril 2015, Mme X elle-même évoque son logement de fonction, se plaignant à son employeur de ne plus avoir d’eau chaude (pièces 52-53-54-63).
Il apparait donc que l’employeur n’a en aucune manière créé ou fait perdurer une situation de harcèlement au détriment de la salariée et qu’il n’a commis aucune faute contractuelle de nature à lui causer un préjudice. Celle-ci a bien été associée au fonctionnement de la société à son retour de congé maladie ; les outils informatiques dont elle avait besoin ont été installés au fur et à mesure de ses demandes. Si certaines de ses tâches ont pu être réparties sur d’autres salariés et sur le dirigeant de la société, cela n’est pas constitutif d’un harcèlement, mais représente l’une des manifestations du pouvoir de direction de l’employeur.
Le jugement sera en conséquence réformé en ce qu’il a condamné la société Adventury à indemniser Mme X pour son préjudice moral, mais confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité.
Sur la nullité du licenciement
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Mme X ne conteste pas les faits visés par la lettre de licenciement, mais affirme que le comportement qui lui est reproché est une réaction au harcèlement de l’employeur, si bien que son licenciement n’est pas justifié.
Dans la mesure où l’existence de faits de harcèlement n’est pas établie, le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes fondées sur la nullité du licenciement.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
A l’appui d’une demande indemnitaire pour procédure abusive, la société fait valoir que la salariée a créé un scénario de harcèlement moral afin de nuire à M. L-M A, son ex-compagnon en instrumentalisant la justice et qu’elle a produit un faux bail d’habitation daté du 25 juillet 2008. Le caractère apocryphe du bail produit ressort en effet des pièces communiquées, ainsi qu’elles ont été analysées ci-dessus.
Cette pièce ne présentait cependant pas un intérêt majeur pour la solution du litige et Mme X n’a pas abusé de son droit à agir en justice.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Mme X sera condamnée aux dépens.
L’équité commande de la condamner à verser à la société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement du 16 mai 2019 du conseil de prud’hommes de Belley en ce qu’il a condamné la société Adventury à verser à madame C X la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et celle de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement en ce qu’il débouté madame C X de ses autres demandes et la société Adventury de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute madame C X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Condamne madame C X à verser à la société Adventury la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne madame C X aux dépens de première instance et d’appel ;
Le Greffier La Présidente
R S T U
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