Cour d'appel de Lyon, n° 14/07197

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, n° 14/07197
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 14/07197

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/07197

SA COMPAGNIE DE VICHY

C/

X

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION PARTIELLE D’UNE DÉCISION :

de la Cour d’Appel de RIOM DU 11/09/2012

RG 11/521

(S/jugt du CPH DE VICHY

du 14/02/2011

RG F 10/00135

Arret Cour de Cassation

du 15 Mai 2014

n° 931-F-D

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 11 MARS 2016

APPELANTE :

SA COMPAGNIE DE VICHY

XXX

XXX

représentée par le Président Directeur Général, Monsieur Z A

et

par Me Patrick PUSO, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE :

B X épouse Y

née le XXX

XXX

03300 CREUZIER-LE-NEUF

comparant en personne, assistée de Me Philippe BRUN, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Janvier 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Louis BERNAUD, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Mars 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SA Compagnie de Vichy exploite les thermes de Vichy ; elle emploie environ 300 salariés, certains à titre permanent et d’autres uniquement pour la durée de la saison thermale.

En application de la Convention collective du Thermalisme et afin de mieux adapter les effectifs aux variations saisonnières d’activité propres aux Etablissements Thermaux, un 'accord d’entreprise relatif au travail intermittent’ a été conclu le 17 juin 1993, à effet au 1er juin 1993 complété par un accord de RTT du 28 juin 1999.

Mme B X exerce les fonctions d’Auxiliaire au sein de la SA Compagnie de VICHY depuis le 1er septembre 1990, dans un premier temps par contrats saisonniers, puis, à compter du 24 avril 1995 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée intermittent modifié par avenant du 3 avril 2000.

Sollicitant avec soixante autres salariés le paiement de divers rappels de salaire, Mme B X a saisi le Conseil de prud’hommes de Vichy ; en cours de procédure, elle a également sollicité la requalification de son contrat de travail intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Par jugement du 14 février 2011, le Conseil de prud’hommes de Vichy a condamné la SA Compagnie de Vichy à lui payer différents rappels de congés de fractionnement, de 13e mois, de prime de vacance ainsi que 50 € net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive; il a également :

— requalifié le contrat de travail intermittent de Mme B X en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et condamné la SA Compagnie de Vichy à lui payer les sommes de:

'6000 € net à titre de dommages et intérêts,

'100 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes principales et reconventionnelles.

— condamné la SA Compagnie de Vichy aux dépens.

La SA Compagnie de Vichy a interjeté appel de ce jugement.

Statuant selon arrêt du 11 septembre 2012, la Cour d’appel de Riom a partiellement réformé cette décision en ses dispositions relatives aux diverses prétentions salariales de Mme B X, et a rejeté la demande de requalification de son contrat de travail ainsi que ses prétentions indemnitaires afférentes.

La SA Compagnie de Vichy a formé pourvoi à l’encontre de cet arrêt en ses dispositions relatives aux demandes salariales et, statuant selon arrêt du 15 mai 2014 (n°930 F-D), la Cour de cassation a partiellement cassé cette décision ,en ce qu’elle condamne l’employeur au paiement de rappels sur congés de mois de décembre, de rappels de 13e mois et d’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ; la Cour d’appel de ce siège, désignée comme Cour de renvoi n’a pas été saisie par l’une ou l’autre des parties ensuite de cette décision.

Mme B X et 56 autres salariés ont formé pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Riom en date du 11 septembre 2012, en ce qu’il a rejeté la demande de requalification de leur contrat de travail intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Par arrêt distinct (n° 931F-D) du 15 mai 2014, la Cour de cassation a cassé l’arrêt précité, mais seulement en ce qu’il a débouté les salariés de leur demande de requalification des contrats de travail intermittent en contrats à temps complet et de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Par déclaration enregistrée le 11 septembre 2014, Mme B X a saisi la Cour d’appel de ce siège pour voir requalifier son contrat de travail intermittent en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps complet et obtenir paiement de la somme de 112101 € à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir au soutien de son action :

— que l’accord d’entreprise conclu le 17 juin 1993 précise expressément que le travail intermittent est destiné à pourvoir des emplois permanents qui, 'par leur nature', comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées et qu’un avenant fixera la répartition indicative des horaires de travail conformément aux dispositions de l’article L 3123-33 du code du travail,

— que le protocole d’accord du 28 juin 1999 pour l’aménagement de la RTT des établissements thermaux prévoit également que l’aménagement du temps de travail de 0 à 35 h doit se faire sur la base d’un avenant contractuel fixant la programmation des horaires pendant le travail,

— que pourtant son contrat de travail ne prévoit l’alternance que d’une période travaillée et d’une période non travaillée, contrairement à l’exigence de la loi et de l’accord d’entreprise d’une pluralité de période de travail et de non travail, et qu’il ne mentionne ni les périodes travaillées, ni les périodes non travaillée, ni même la répartition des horaires de travail durant les périodes travaillées, ce qui impose d’être à la disposition permanente de son employeur,

— qu’elle peut donc légitimement prétendre à l’indemnisation du préjudice qui lui a été occasionné depuis son embauche en CTI, outre le non paiement de la prime de 13e mois réservée jusqu’en 2010 aux seuls salariés à temps complet.

La SA Compagnie de Vichy demande à la Cour de la recevoir en son appel incident, de dire que la relation de travail s’inscrit dans le cadre d’une relation de travail intermittent et, par voie de conséquence :

— de réformer le jugement déféré,

— de débouter Mme B X de sa demande tendant à voir requalifier la relation de travail en une relation à temps complet et de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre,

— de la débouter également de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— de la condamner au paiement de la somme de 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Elle observe à titre liminaire que le Conseil de prud’hommes de Vichy devait, après avoir constaté que les demandeurs n’effectuaient pas une prestation de travail à temps complet, non pas requalifier la relation de travail en temps partiel annualisé et entrer en voie de condamnation en ce sens, puisqu’il n’était pas saisi d’une telle demande, mais les débouter purement et simplement.

Elle soutient par ailleurs en réplique à l’argumentation adverse:

— que le travail intermittent est codifié aux articles L 3123-31 et suivants du code du travail lesquels disposent que sur la base d’un accord collectif, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir des emplois permanents qui, par nature, comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées mais qu’aucun de ces textes ne mentionne une durée de période minimale de travail et de période minimale d’inactivité,

— que l’absence de définition des périodes travaillées entraîne de droit la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, mais, en revanche, qu’en cas de non respect des dispositions de l’article L3123-33 du même code, concernant les mentions du contrat de travail intermittent, relatives à la durée annuelle du travail, la Cour de cassation estime que la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet n’est pas de droit et que s’agissant d’une présomption simple, l’employeur peut rapporter la preuve de la durée minimale convenue et de ce que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quel horaire, de sorte qu’il n’était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition,

— que les contrats intermittents, objets du présent litige, répondent aux conditions légales instaurées par les textes précités puisqu’ils prévoient expressément que la période de travail est fixée pendant la période d’ouverture des Thermes, de courant février à courant décembre, que le planning d’activité sur 10 mois est adressé à chaque salarié en début d’année, ainsi qu’au Comité d’entreprise, et que les horaires de travail sont communiqués au plus tard le jeudi précédant,

— que les salariés concernés ne peuvent, dans ces conditions, considérer qu’ils étaient, depuis leur embauche, à la disposition de leur employeur sur la base d’un temps complet d’une durée annuelle de 1608 heures, alors que les Thermes sont fermés au cours des mois de janvier, février et décembre,

— qu’enfin, un accord a été négocié et conclu avec le Syndicat CFTC le 30 juin 2015, visant à remplacer l’intermittence par une organisation de travail à temps partiel sur l’année, mais que les syndicats FO et CGT ont refusé de le signer, en raison du contentieux en cours, visant à remplacer l’intermittence par une organisation de travail à temps partiel sur l’année,

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon les dispositions de l’article L 3123-31 du code du travail, 'dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées'.

Il résulte de ce texte qu’en l’absence de définition de ces périodes dans le contrat de travail, ce dernier doit être requalifié de plein droit en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps plein.

Le contrat à durée indéterminée intermittent signé par les parties le 24 avril 1995 est rédigé comme suit :

' … Le présent contrat est qualifié de contrat intermittent, dans le cadre de l’accord d’entreprise du 17 juin 1993, avec une durée annuelle minimale de travail de 1014 heures.

……

Pendant vos périodes d’activité, qui se situeront entre le 15 février et le 15 décembre de chaque année, vous devrez vous conformer à l’horaire de travail qui vous sera précisé sachant qu’il sera fait en sorte que le total d’heures travaillées dans l’année atteigne au moins le total énoncé ci-dessus..'.

L’avenant en date du 3 avril 2000, portant la durée minimale de travail de Mme B X à 1188 heures précise pareillement que ces périodes d’activité 'seront réparties pendant la période d’ouverture des Thermes, (généralement de courant février à courant décembre).

Ces dispositions contractuelles ne comportent pas de définition et de détermination précise dans le temps des périodes travaillées et non travaillées. La simple mention selon laquelle les périodes d’activité seront réparties pendant la période d’ouverture des thermes, située approximativement entre février et décembre, est en effet trop imprécise pour répondre aux exigences du texte précité et plaçait la salariée dans l’obligation de se tenir constamment à disposition de son employeur, ce d’autant que la durée de cette ouverture pouvait elle même fluctuer d’une année sur l’autre en fonction de l’importance de la clientèle, ainsi que cela a été rappelé lors de l’audience.

Il en résulte, par application du texte précité, que ce contrat de travail intermittent doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, ainsi que le demande Mme B X ; le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce sens.

Mme B X est en outre parfaitement recevable en sa demande d’indemnisation du préjudice qu’elle a subi du fait de la défaillance de son employeur ; elle n’est pas fondée, en revanche, à réclamer à ce titre paiement, depuis la signature de son CTI, d’une somme correspondant à la différence entre ses heures contractuelles et une durée annuelle de travail évaluée à1608 heures, sauf à détourner par le biais d’une demande à caractère indemnitaire, les règles de la prescription en matière salariale.

La Cour dispose, en l’état des éléments qui lui sont soumis, et compte tenu de l’ancienneté de Mme B X ainsi que de son niveau de qualification, d’éléments suffisants d’information pour évaluer son préjudice, en ce compris celui lié à la privation de la prime de 13e mois qui n’est pas discutée par la SA Compagnie de Vichy, à la somme de 22000 €.

Il serait contraire à l’équité de laisser Mme B X supporter l’entière charge de ses frais irrépétibles.

La SA Compagnie de Vichy, qui succombe dans la procédure, sera justement condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Vu l’arrêt rendu le 15 mai 2014 par la Cour de cassation,

Réforme le jugement rendu 14 février 2011 par le Conseil de prud’hommes de Vichy en ce qu’il a requalifié le contrat de travail intermittent de Mme B X en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et lui a alloué la somme de 6000 € à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Requalifie le contrat de travail intermittent de Mme B X en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

Condamne la SA Compagnie de Vichy à verser à Mme B X la somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts,

La condamne à verser à Mme B X une somme de 300 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD

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