Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 10 juillet 2020, n° 17/02715
CPH Metz 30 août 2017
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CA Metz
Infirmation partielle 10 juillet 2020

Arguments

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  • Accepté
    Absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

    La cour a estimé que, bien que des faits reprochés soient établis, ils ne justifiaient pas un licenciement, qui était disproportionné par rapport à la gravité des faits.

  • Accepté
    Droit au remboursement des indemnités de chômage

    La cour a ordonné à l'employeur de rembourser les indemnités de chômage versées à M. W E F, conformément à l'article L. 1235-4 du Code du travail.

  • Accepté
    Frais exposés en cause d'appel

    La cour a jugé équitable d'allouer une somme pour couvrir les frais exposés par le salarié en cause d'appel.

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 10 juil. 2020, n° 17/02715
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 17/02715
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Metz, 29 août 2017, N° 17/00021
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 20/00306

10 juillet 2020

---------------------

N° RG 17/02715 -

N° Portalis DBVS-V-B7B-ESJU

-------------------------

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

30 août 2017

[…]

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Dix juillet deux mille vingt

APPELANTE :

ASSOCIATION POUR L’ACCOMPAGNEMENT, LE MIEUX-ETRE ET LE LOGEMENT DES ISOLES

[…]

[…]

Représentée par Me Angelo LAURICELLA, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

M. W E F

[…]

[…]

Représenté par Me Patricia AUBRY, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

Mme Anne-AE WOLF, Présidente de Chambre

Mme Véronique LE BERRE, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

L’affaire appelée le 01 avril 2020 a été mise en délibéré à la date du 10 juillet 2020 conformément aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, avec l’acceptation des conseils des parties.

ARRÊT :

Contradictoire

Signé par Madame Anne-AE WOLF, Présidente de Chambre, et par Madame Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. W E F a été embauché par contrat à durée indéterminée en date du 1er mai 2006, mais avec reprise d’ancienneté au 15 février 2006, par l’Association pour l’Accompagnent, le Mieux Etre et le Logement des Isolés, dite AMLI, en qualité de médiateur-veilleur, au coefficient EE des personnels de surveillance et d’entretien ménager des immeubles de la convention collective nationale des personnels des SA et Fondations d’HLM.

M. E F a été nommé gestionnaire d’établissement, catégorie agent de maîtrise, à compter du 1er octobre 2011. Son dernier salaire mensuel moyen était de 2110,29 euros bruts, primes incluses.

M. E F a fait l’objet le 18 janvier 2016 d’une mise à pied disciplinaire d’un jour pour non respect de son obligation de loyauté, suite à la plainte d’une résidente du site de Rosselange pour harcèlement.

Le salarié a été convoqué le 24 août 2016 à un entretien préalable fixé au 2 septembre 2016 et licencié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 septembre 2016 pour cause réelle et sérieuse également pour manquement à son obligation de loyauté pour avoir crié sur des enfants et avoir fait sortir brusquement un de ces enfants d’un local à poussettes.

M. E F a saisi le 10 janvier 2017 le conseil de prud’hommes de Metz pour contester ce licenciement et demander que l’AMLI soit condamnée, outre aux dépens de l’instance, à lui payer les sommes de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 6 octobre 2017, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement de M. E F sans cause réelle et sérieuse et a fait droit à ses demandes pour les montants de 17000 euros au titre des dommages et intérêts et 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sans ordonner l’exécution provisoire.

L’Association AMLI a interjeté appel par voie du RPVA le 6 octobre 2017 et, par ses conclusions en date du 5 janvier 2018, elle demande l’infirmation de ce jugement et que M. E F soit débouté de l’intégralité de ses demandes et condamné aux dépens d’appel et à lui payer une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir qu’elle a pour objet l’hébergement et l’accompagnement de personnes en difficultés et gère des foyers et hébergements sociaux, que la capacité de dialogue et de

communication de ses agents est essentielle dans ce cadre'; que M. E F gérait l’établissement situé rue Périgot à Metz accueillant notamment des demandeurs d’asile en provenance d’Albanie, qu’à compter de la fin 2015 son comportement s’est dégradé et a fait l’objet de plusieurs plaintes de résidents'; qu’il a été sanctionné une première fois d’une mise à pied, puis licencié pour avoir poussé violemment un enfant, dont la mère s’est plainte auprès de l’assistante sociale, qui atteste ainsi qu’une collègue avoir vu des marques sur l’épaule de cet enfant'; que la matérialité des faits est donc établie et que rien n’excuse que M. E F se soit emporté de la sorte.

Par ses dernières conclusions en date du 28 novembre 2018, M. W E F forme un appel incident pour demander à nouveau les montants réclamés en première instance, en soutenant en substance qu’il avait affaire à un public de demandeurs d’asile particulièrement exigeant, voire agressif, mais accomplissait ses tâches avec implication et respect'; que le jour des faits il n’a fait que rappeler aux enfants qu’il était interdit de jouer dans le local à poussettes et ne s’est pas montré violent'; que la sanction qui a précédé son licenciement ne concernait pas des faits similaires et qu’il produit de nombreux témoignages attestant de sa grande conscience professionnelle'; qu’enfin il a subi un préjudice important puisqu’il n’avait pas retrouvé d’emploi à fin 2018 malgré de nombreuses démarches dont il justifie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2019.

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement de M. E F, qui fixe les limites du litige, expose que':

«'Par la présente, nous faisons suite à notre entretien du 2 septembre 2016 et pour lequel vous avez choisi de venir seul. A cette occasion, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons et qui nous ont conduits à envisager à votre égard une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Ces faits sont les suivants':

Vous occupez le poste de Gestionnaire d’Etablissement depuis le 1er mai 2006. A ce titre, et conformément à votre contrat de travail et à votre fiche de poste, vous veillez notamment à la sécurité des personnes et des biens ainsi qu’au bon fonctionnement technique de l’établissement. Vous êtes également l’interlocuteur privilégié des résidents.

Le 6 juillet 2016 vers 12h00 un groupe d’enfants jouait devant la porte d’entrée du bâtiment'«'Périgot'» dont vous avez la charge, avec un pull roulé en boule, que les enfants s’amusaient à se lancer.

Lors de ce jeu, le pull a atterri dans le local à poussettes et Y G, un des enfants résident dans l’immeuble, est entré pour le récupérer. Pour s’amuser, certains des enfants auraient empêché le garçon de sortir.

Vous êtes alors arrivé sur place et vous auriez crié sur ces enfants, vous avez ouvert la porte du local à poussettes. C’est dans ce contexte que vous auriez pris l’enfant résident présent dans le local à poussettes par l’épaule droite pour le faire sortir du local en le poussant fortement.

C’est pourquoi, l’enfant de la résidente s’est plaint de la situation auprès de sa mère, également résidente du foyer. Cette dernière s’est alors rapprochée de Mme B I, travailleur social présente dans le foyer, laquelle a constaté une marque rouge sur l’épaule droite ainsi qu’un tee

shirt abimé.

Lors de l’entretien préalable qui s’est déroulé le 2 septembre dernier, vous avez reconnu partiellement les faits à savoir que vous vous étiez effectivement rendu dans le local à poussettes mais qu’en revanche, vous aviez seulement «'sorti'» les enfants du local en restant calme et poli.

Or, force est de constater que vous n’étiez pas calme comme vous le prétendez puisque le système de vidéosurveillance présent sur le site et dont vous avez connaissance, ne laisse pas apparaître une attitude calme mais quelque peu énervée et accompagnée de gestes, contredisant ainsi vos déclarations.

Par ailleurs, plusieurs témoignages viennent également contredire vos affirmations.

Nous vous rappelons qu’au sein de l’Association AMLI notre activité répond à une mission d’intérêt général et a pour objectif d’aider un public adultes et enfants en difficulté et particulilèrement vulnérable, notamment dans ce foyer de migrants en attente de régularisation.

Votre comportement agressif et inapproprié envers des résidents a des conséquences aussi bien en terme de sécurité sur une population fragile mais également sur notre image dans le cadre de notre activité contrôlée et réglementée. De plus, votre attitude constitue un manquement à votre obligation de loyauté et aux obligations professionnelles inhérentes à votre contrat de travail, notamment de votre fiche de mission, ainsi qu’au règlement intérieur de l’entreprise.

Nous rappelons que, par le passé, vous avez déjà été sanctionné pour des faits similaires, concernant un comportement inadéquat avec l’une de nos résidentes (cf.mise à pied disciplinaire du 18 janvier 2016) et nous vous avions précisé à cette occasion que nous ne tolérions aucun autre manquement envers l’un de nos résidents.

En conséquence, compte tenu des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. (…)'»

La Cour rappelle que la preuve du caractère réel et sérieux ou non des motifs du licenciement est l’oeuvre commune des parties, le juge devant former sa conviction au vu des éléments fournis par chaque partie, mais l’employeur ayant néanmoins l’obligation d’alléguer les faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

En l’espèce, l’Association AMLI produit, pour justifier des faits reprochés dans la lettre de licenciement':

— une attestation de témoin de Mme B AC I, travailleur social, datée du 5 août 2016, qui rapporte que «'le 6 /07/2016 vers 13h45, Mme X accompagnée de son fils Y âgé de 12 ans sont venus au bureau. Mme était passablement énervée et m’a informée que Z avait frappé son fils.

Elle me montre l’épaule de son fils où apparaissent des traces de doigts.

L’enfant qui s’exprime en français m’explique que Z l’a tenu violemment par l’épaule pour le faire sortir du local à vélos qui venait d’être installé.

J’ai prévenu immédiatement Mme A.'»

— Une attestation de Mme A J, chef d’établissement, datée du même jour, qui expose entre autres qu’elle a été informée par Mme B, travailleur social, que Mme X, une hébergée, était venue se plaindre auprès d’elle du comportement de M. E F, «'qui aurait attrapé par

l’épaule son fils, Y X, laissant une marque'», qu’elle s’est rendue sur le site de la rue Périgot pour rencontrer l’intéressée et son fils qui a «'indiqué que vers 12 h il jouait avec d’autres enfants devant la porte d’entrée du bâtiment avec un pull roulé en boule, le pull avait atterri dans le local à poussettes dans lequel il serait entré pour le récupérer. Des enfants auraient empêché Y de sortir en bloquant la porte. M. E F serait arrivé, aurait crié, ouvert la porte et aurait pris Y par l’épaule droite (se serait trouvé face à lui) pour le sortir du local en le poussant fortement'».

Mme A précise que «'Mme B et moi même constatons une marque rouge à l’épaule droite, avec trace de griffure'» et qu’elle a visionné avec sa collègue les caméras de surveillance dont aucune ne donne sur le local à poussettes, qu’elles ont vu les enfants jouer et se diriger vers ce local, M. E F sortant du bâtiment et se dirigeant au même endroit, puis les enfants revenant dans le champs de la caméra suivi par Z «'qui fait des gestes'», ajoutant que «'quelques minutes plus tard, nous avons vu Y tirer sur son t-shirt, montrant son épaule droite à plusieurs reprises aux enfants autour de lui.'»

Mme A indique encore qu’elle a signalé les faits à sa hierarchie et reçu M. E F en entretien, qui a nié avoir touché Y.

L’appelante produit aussi la mise à pied disciplinaire notifiée au salarié le 18 janvier 2016 qui reproche essentiellement à M. E F d’avoir importuné une résidente du site de Rosselange, chez qui il s’est rendu sous prétexte de vérifier un changement de mobilier, avant de lui déclarer qu’il la trouvait belle et de lui proposer de boire un café, proposition qu’il a renouvelée à une autre occasion, lorsqu’il l’a recroisée avec son compagnon, qui a menacé de porter plainte pour harcèlement, la lettre précisant qu’à chacun de ses passages à Rosselange cette personne se réfugiait chez une amie pour l’éviter et qu’à plusieurs reprises lorsqu’il l’avait croisée en ville il lui avait reproché son absence alors qu’il passait systématiquement la voir, l’intéressée et deux de ses amies s’étant aussi plaintes de l''«'humour plein de sous entendus'» dont M. E F faisait preuve à leur égard.

L’Association AMLI verse enfin aux débats une attestation de Mme K L, responsable territorial qui évoque d’autres faits, mais qui ne sont pas en rapport avec la procédure, à l’exception des «'faits préoccupants et sous entendus gênants'» dont lui a fait part une dame de Rosselange et qu’elle a remontés à sa hiérarchie, correspondant très certainement à l’attitude sanctionnée par la mise à pied.

La Cour constate qu’il n’y a pas eu de témoin direct des faits reprochés à M. E F, Mme B et Mme A ne faisant que rapporter au conditionnel ce que l’enfant et sa mère leur ont expliqué, elles mêmes ayant seulement vu, sur visionnage de la vidéosurveillance, le salarié faire des gestes, non précisés, en présence des enfants, et constaté une marque rouge sur l’épaule du jeune Y, en forme de doigts selon Mme B, avec trace de griffure selon Mme A, ce qui confirme néanmoins la version de l’enfant selon laquelle M. E F l’a poussé fortement par l’épaule pour le faire sortir du local à poussettes.

La matérialité des faits est donc établie au moins pour partie, puisque Mme B n’évoque pas de tee-shirt abimé et que les deux témoins ne parlent pas d’une attitude énervée de M. E F sur la vidéosurvaillance.

Par contre, l’association AMLI ne produit ni la fiche de poste, ni le règlement intérieur, qui permettraient d’apprécier l’étendue des missions et obligations du salarié et donc la violation d’obligations professionnelles spécifiques, autres que celle de l’obligation générale de loyauté à laquelle se réfère la lettre de licenciement.

M. E F produit pour sa part, outre divers documents concernant des actions menées par lui au sein de la résidence (nettoyage des communs, organisation d’un goûter des résidents…)':

— un mail qu’il a adressé entre autres à Mme A et Mme B le 5 juillet 2016 pour rendre compte d’une réunion du même jour avec les résidents au cours de laquelle il a été rappelé aux familles d’être vigilantes et de surveiller les enfants à l’intérieur et l’extérieur du bâtiment, de ne pas les laisser salir la structure et les lieux communs et, s’agissant du local à poussettes, ouvert à partir de ce jour, que «'ce n’est pas un local de jeu pour enfants'»';

— un mail qu’il a adressé à M. M C, directeur général de l’Association, le 2 septembre 2016, après l’entretien préalable, dans lequel il conteste avoir manqué de respect ou violenté un enfant, n’étant «'agressif ni verbalement, ni physiquement avec eux'» et se présente comme ferme et intransigeant pour le respect du règlement intérieur de la part des résidents, mais respectueux et comme s’investissant pleinement dans sa mission';

— la lettre adressée à M. C le 4 octobre 2016 dans laquelle il conteste les faits et le caractère réel et sérieux de son licenciement';

— un courrier de M. AD-AE D, délégué syndical CFDT, qui rapporte avoir été informé que Mme B était en colère pour avoir été citée par le DG à l’appui du licenciement de M. E F, que Mme B avait fait un courrier à ce directeur pour lui faire part de son mécontentement, qu’il l’avait lui même contactée et qu’elle lui avait expliqué être mal et ne plus dormir la nuit, car elle n’avait fait qu’informer sa responsable de la visite de la mère, qui ne souhaitait pas porter plainte, et de l’enfant qui avait une «'légère marque'» sur l’épaule, mais dont le tee-shirt n’était pas abimé, ajoutant qu’elle n’avait à aucun moment souhaité le licenciement de son collègue';

— un témoignage de Mme B qui confirme qu’elle s’est confiée à M. D, qui l’a appelée par téléphone mais n’a aucunement fait pression sur elle pour obtenir une attestation en faveur de M. E F';

— plusieurs attestations de collègues ou connaissances vantant son professionnalisme et son bon relationnel, notamment': M. N O, gestionnaire technique, qui évoque son sérieux et le fait qu’il était apprécié de tous les résidents, M. P Q, qui le décrit aussi comme très respectueux avec ses collègues et les usagers, pas insolent, ni agressif, M. R S, gardien d’immeuble, qui parle d’un comportement serviable, poli et respectueux avec tous, malgré le fait que M. E F n’a pas été formé pour les sites d’hébergement d’urgence et demandeurs d’asile, Mme AE-AF AG, qui a travaillé avec l’intimé après 2010, qui évoque de même une attitude serviable et à l’écoute des résidents et des collègues, ou encore Mme T U, travailleur social à l’AMLI depuis 2014, qui explique que M. E F a toujours fait preuve de respect et de politesse.

Au vu des éléments respectifs produits par les parties, la Cour relève, alors qu’il n’est pas contesté par les parties que l’association a affaire à un public difficile et que les conditions de travail de ses agents ne sont donc pas aisées, que M. E F a apparemment donné satisfaction dans ses missions durant près de dix ans, son seul antécédent disciplinaire ayant consisté dans une mise à pied d’un jour pour s’être montré à plusieurs reprises trop insistant envers une résidente qui n’a pas apprécié d’être l’objet de son attention, une sanction que l’intimé n’a pas contestée, ni d’ailleurs les faits qui en ont été à l’origine.

A cet égard, l’unique fait du 6 juillet 2016 qui a conduit à son licenciement est de nature très différente et, comparativement, ne paraît pas d’une gravité supérieure.

En effet, même si le jeune Y a gardé une marque du geste sans doute un peu trop brusque employé par M. E F pour le faire sortir du local à poussettes, ce dernier était dans son rôle, qui est aux termes de son contrat de travail ' à défaut pour la Cour de connaître la fiche de mission du salarié ou le règlement intérieur de la résidence – notamment la surveillance des lieux et le règlement des incidents, lorsqu’il est intervenu pour rappeler aux enfants l’interdiction de jouer dans ou près de

ce local et il n’est aucunement établi par un témoignage direct qu’il E fait volontairement usage pour ce faire d’une violence injustifiée et excessive, étant observé que faire preuve de fermeté et d’autorité, ce qui peut expliquer ses gesticulations, pour se faire obéir par des enfants excités par le jeu, qui aux dires d’Y avaient bloqué la porte pour l’empêcher de sortir, d’où la situation particulière dans laquelle se trouvait cet enfant, ne caractérise pas un fait suffisamment sérieux pour justifier une sanction aussi sévère que la rupture du contrat de travail.

La sanction est surtout disproportionnée en comparaison de la mise à pied antérieure qui portait sur un comportement de M. E F excédant le cadre de ses missions et pour lequel il y avait eu une plainte de la victime et de deux de ses amies, alors que la mère du jeune Y n’a fait que signaler ce que lui avait rapporté son fils, sans vouloir porter plainte.

La Cour estime en définitive que, si le licenciement de M. E F repose sur une cause réelle, au moins pour partie, celle-ci ne peut’pour autant être qualifiée de sérieuse et que ce licenciement constitue surtout une sanction excessive au regard du seul geste établi, sans rapport avec les faits qui avaient donné lieu à la sanction antérieure, qui ne peut donc être considérée comme un précédent.

Dès lors le jugement entrepris sera confirmé pour avoir dit le licenciement de M. E V sans cause réelle et sérieuse.

S’agissant de l’évaluation du préjudice subi par le salarié, qui peut prétendre à au moins six mois de salaire en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement, il est constaté que M. E F produit de nombreux documents attestant de sa recherche active d’un emploi, néanmoins toujours vaine au mois d’octobre 2018, de concours qu’il a passés et de formations dont il a demandé la prise en charge, ainsi que des allocations chômage versées par Pôle Emploi et d’un suivi médical pour dépression.

En considération de ces éléments, de l’ancienneté du salarié (10 ans) et de son âge au moment du licenciement (40 ans), la Cour fixe les dommages et intérêts alloués à l’intimé au montant de 22 000 euros, représentant un peu plus de 10 mois de salaire, le jugement entrepris étant amendé pour retenir ce montant.

En application de l’article L. 1235-4 du même code, il sera aussi ordonné à l’Association AMLI de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. E F depuis son licenciement et jusqu’au jugement, dans la limite de six mois de ces indemnités.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association AMLI, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

Il est équitable par ailleurs d’allouer à M. E F une somme de 1 500 euros pour les frais autres que les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à M. W E F';

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne l’Association pour l’Accompagnement, le Mieux Etre et le Logement des Isolés ' AMLI, à payer à M. W E F la somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';

Ordonne à l’Association pour l’Accompagnement, le Mieux Etre et le Logement des Isolés ' AMLI en application de l’article L. 1235-4 du code du travail de rembourser à Pôle Emploi Grand Est les indemnités de chômage versées à M. W E F dans la limite de six mois de ces indemnités';

Condamne l’Association pour l’Accompagnement, le Mieux Etre et le Logement des Isolés ' AMLI aux dépens d’appel et à payer à M. W E F la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La Greffière La Présidente

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