Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 25 octobre 2017, n° 14/00775

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

AV/RB

4e B chambre sociale ARRÊT DU 25 Octobre 2017

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/00775

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 DECEMBRE 2013 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG12/00140

APPELANTE :

Me C-D E (B C D) – Mandataire liquidateur de SARL CIMA

[…]

[…]

Représentant : Me SWILLER de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur Y X

[…]

[…]

[…]

R e p r é s e n t a n t : M e V i n c e n t L E C R O I S E Y , a v o c a t a u b a r r e a u d e MONTPELLIER(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/009120 du 02/07/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

AGS CGEA-TOULOUSE

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me SWILLER de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 SEPTEMBRE 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Florence FERRANET, conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Z A

ARRÊT :

— Contradictoire.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mademoiselle Audrey VALERO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 5 juin 2011 à effet jusqu’au 22 septembre 2011 à temps partiel (43,33 heures par mois) souscrit pour faire face à un accroissement temporaire d’activité, M. Y X a été engagé par la société (SARL) Compagnie Inter Méditerranéenne des Affaires dite CIMA exploitant une épicerie située dans le quartier de la gare à MONTPELLIER sous l’enseigne MEDINE en qualité de vendeur niveau 1, échelon 1 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire pour un salaire mensuel brut de 389,97 €.

Suivant avenant du 23 septembre 2011, «le contrat de travail conclu entre les parties le 5 juin 2011 est renouvelé pour une durée déterminée de 3 mois prenant effet le 23 septembre 2011 et s’achevant le 31 décembre 2011'», document précisant que «cette prolongation sera faite aux conditions prévues pour le contrat initial'».

Le 26 janvier 2012, M. X, qui s’estime créancier d’un rappel de salaire à compter du 5 juin 2011 et souhaite obtenir la requalification de la relation contractuelle, saisit le conseil de prud’hommes de MONTPELLIER.

Le 31 décembre 2013, le conseil de prud’hommes de MONTPELLIER, section commerce, en formation de départage, sur audience de conciliation du 14 mars 2012, partage de voix du 13 février 2013 et audience de plaidoiries du 31 décembre 2013, requalifie le contrat de travail en contrat à durée indéterminée, rejette la demande d’indemnité de travail dissimulé et condamne la société CIMA, outre aux dépens, à payer à M. X les sommes de :

* 3795 € bruts de rappel de salaires pour les mois de juin à septembre 2011 et 379,50 € bruts de congés payés y afférents ;

* 3041 € bruts de rappel de salaires pour les mois d’octobre à décembre 2011et 304,10 € bruts de congés payés y afférents ;

* 1 254 € nets d’indemnité de requalification ;

* 300 € nets de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

* 1500 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1254 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 200 € nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du versement tardif des salaires ;

* 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 31 janvier 2014, l’employeur interjette appel.

Le 12 décembre 2014, la société CIMA est placée en redressement judiciaire puis, le 30 janvier 2015, en liquidation judiciaire avec désignation de M. E C-D en qualité de liquidateur.

M. C-D en qualité de liquidateur et l’AGS CGEA de Toulouse demandent à la Cour de confirmer sur l’indemnité de travail dissimulé et d’infirmer pour le surplus en déboutant M. X de toutes ses demandes ;

M. X, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, sollicite la fixation de sa créance aux sommes de :

* 3 795 € de rappel de salaire pour les mois de juin à septembre 2011 et 380 € d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 3 041 € de rappel de salaire pour les mois d’octobre à décembre 2011 et 304 € d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 7 527 € d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

* 1 254 € d’indemnité de requalification ;

* 1 254 € dommages et intérêts pour non-respect de la procédure ;

* 1 254 € d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 3 762 € de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ;

* 500 € de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires ;

* 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions notifiées par les parties, auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats du 5 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) sur l’existence d’une relation contractuelle à compter du 19 mai 2011

Ni la photocopie d’une page de messagerie Facebook attestant de la seule transmission au 17 mai 2011 des coordonnées téléphoniques d’un certain Hakim, «'gérant de l’alimentation'», ni les attestations de commerçants voisins et clients précisant avoir vu M. X travailler à l’épicerie pendant l’été 2011, ni les photographies d’un calendrier, ni l’enveloppe de règlement du salaire de septembre avec inscription manuscrite du chiffre 1020,29 ne permettent de caractériser l’existence d’une relation contractuelle ayant débuté le 19 mai 2011, soit antérieurement à la signature du contrat de travail à durée déterminée à effet du 5 juin 2011 au 22 septembre 2011.

2) sur la requalification de la relation de travail

Il résulte des dispositions des articles, L.1242-1, L.1242-2, L.1242-7, L.1242-12, L.1242-13, et L.1245-1 que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par la loi et notamment pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.

L’accroissement temporaire d’activité correspond à une augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise. Cette situation recouvre les augmentations accidentelles ou cycliques de la charge de travail que l’entreprise ne peut pas absorber avec ses effectifs habituels. Si ce surcroît n’est pas nécessairement exceptionnel, il doit être néanmoins inhabituel et précisément limité dans le temps.

Selon les dispositions de l’article L.1245-1 du code du travail, lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée a été conclu en dehors des situations autorisées par la loi ou en violation des interdictions légales, il est réputé à durée indéterminée.

En l’espèce, la seule attestation du responsable de la société d’expertise comptable AMP CONSEILS MONTPELLIER affirmant qu’au vu des documents comptables qui lui ont été apportés le chiffre d’affaire a nettement augmenté à partir de juin 2011 ne permet pas, à défaut d’autres éléments, d’établir la réalité d’un accroissement temporaire d’activité.

Par conséquent, il convient de confirmer la décision déféré en ce qu’elle a requalifié le contrat à durée déterminée du 5 juin 2011 en contrat à durée indéterminée.

Lorsque le juge fait droit à une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il doit d’office condamner l’employeur à verser à l’intéressé une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Ainsi, au regard du salaire brut moyen du salarié, la décision entreprise qui a accordé au salarié la somme de 1 254 € à titre d’indemnité de requalification sera donc confirmée.

3) sur le rappel de salaires du 5 juin au 28 septembre 2011

S’il résulte de l’article L.3171-4 que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l’espèce, il est produit par le salarié un décompte précis et détaillé (cf page 4/10 des conclusions) couvrant la période de juin à septembre 2011 mentionnant une durée mensuelle de travail supérieure à celle indiquée au sein de son contrat de travail (43,33H).

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Dans la mesure où le décompte du salarié est complété par un calendrier de l’épicerie portant mention des jours de travail ainsi que plusieurs témoignages de clients de l’épicerie desquels il résulte que M. X travaillait en alternance un jour sur deux avec son collègue, de 10h à 19h, pendant l’été 2011 et que l’employeur ne produit aucun planning, ni aucun autre élément sur les horaires, la décision en ce qu’elle retient un rappel de salaire de 3 795 € pour les mois de juin à septembre 2011 en ce compris les heures de travail supplémentaires sera confirmée.

4) sur le rappel de salaires du 29 septembre au 31 décembre 2011

Vu les dispositions de l’article L.3123-13 du code du travail ;

Le courrier du 28 octobre 2011 réceptionné par l’employeur le 8 novembre 2011 («le 28 septembre dernier vous m’avez fait des remarques humiliantes, injurieuses et insultantes sur le lieu de travail devant les clients alors que j’ai toujours travaillé sérieusement. Depuis ce jour, vous m’avez refusé de reprendre mon travail en me menaçant gravement si vous me croisez à nouveau») conforté par la déclaration de main courante effectuée auprès de la police nationale, commissariat secteur centre, de MONTPELLIER le 28 octobre 2011, caractérisent que pour la période du 29 septembre au 14 novembre 2011, le salarié se maintient à la disposition de l’employeur qui refuse de lui fournir du travail.

Pour la période postérieure du 15 novembre au 31 décembre 2011 et sur la base d’un temps de travail moyen sur les 18 semaines antérieures (du 5 juin au 28 septembre 2011) de 31,50 heures par semaine, l’employeur doit être condamné au paiement des salaires correspondant à cet horaire, déduction faite des salaires versés au titre des heures de travail effectivement réalisées au cours de cette période.

En conséquence, la décision en ce qu’elle retient un rappel de salaire de 3 041 € pour cette période doit être confirmée.

5) sur la demande de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires

L’affirmation sans offre de preuve ni preuve par le salarié de ce que le retard dans le paiement des salaires lui a causé préjudice ne caractérise pas l’existence d’un préjudice subi à raison du manquement de l’employeur à son obligation.

Dès lors cette demande, par infirmation de la décision déférée, doit être rejetée.

6) sur le travail dissimulé

Selon l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait soit de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire à l’obligation d’établir un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L’article L.8223-1 dudit code dispose que le salarié, auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, au regard de l’importance du volume horaire accompli par l’intimé non rémunéré et non majoré de manière systématique pendant plusieurs mois, l’élément intentionnel est caractérisé.

En conséquence, au regard du salaire brut moyen du salarié, en ce compris les heures complémentaires, s’élevant à hauteur de 1254 €, l’indemnité de travail dissimulé correspondant à six mois de salaire sera fixée, par infirmation de la décision déférée, à la somme de 7524 €.

7) sur la rupture du contrat de travail

Du fait de la requalification ci-dessus opérée, il est mis fin à la relation contractuelle à durée indéterminée le 31 décembre 2011 par remise des documents sociaux sans procédure de licenciement et ainsi le licenciement est irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

8) sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu de l’âge du salarié (25 ans au moment des faits), de son ancienneté (6 mois), de sa rémunération mensuelle fixée à hauteur de 1254 euros bruts et de l’absence de justificatifs sur sa situation ultérieure, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 500 euros.

L’irrégularité née de l’absence de toute procédure de licenciement donc de l’assistance du conseiller salarié sera réparé par l’allocation d’une somme de 100 euros.

En application des dispositions conventionnelles (salarié avec plus de 1 mois de présence continue et moins de 2 ans d’ancienneté ininterrompue dans l’entreprise), le salarié est fondé à obtenir la somme de 1254 euros correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis (1 mois) dont il a été injustement privé lors de la rupture de son contrat.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 31 décembre 2013 du conseil de prud’hommes de MONTPELLIER, section commerce, en formation de départage, en ce qu’il requalifie le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et condamne la société CIMA, outre aux dépens de première instance, à payer à M. X les sommes de 3795 € bruts de rappel de salaires pour les mois de juin à septembre 2011, 379,50 € brut de congés payés y afférents, 3041 € bruts de rappel de salaires pour les mois d’octobre à décembre 2011, 304,10 € brut de congés payés y afférents, 1 254 € net d’indemnité de requalification et 1254 € brut d’indemnité compensatrice de préavis ;

Pour le surplus infirme ;

Statuant des chefs infirmés ;

En présence de M. E C-D, en sa qualité de liquidateur la société CIMA, fixe la créance de M. X au passif de cette dernière aux sommes de :

—  7 527 € d’indemnité de travail dissimulé ;

—  100 € d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

—  500 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires ;

Y ajoutant ;

Déboute le salarié de sa demande de reconnaissance de l’existence d’une relation contractuelle de travail à compter du 19 mai 2011 ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit la présente décision opposable à l’AGS qui interviendra dans les limites de sa garantie ;

Laisse les dépens d’appel à la charge de la liquidation judiciaire ;

Ordonne sans astreinte la délivrance des documents sociaux conformes aux prévisions du présent arrêt ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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