Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 11 septembre 2019, n° 15/03899

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 4e a ch. soc., 11 sept. 2019, n° 15/03899
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 15/03899
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 9 avril 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

BA/MD

Grosse + copie

délivrées le

à

4e A chambre sociale

ARRÊT DU 11 Septembre 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/03899 – N° Portalis DBVK-V-B67-MCKV

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 AVRIL 2015 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF 14/00183

APPELANTE :

SARL ORTHOVET venant aux droits de Y J

[…]

[…]

Représentant : Me ERRERA substituant Me Camille DE BAILLEUL de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame K X

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me Eve BEYNE substituant Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 MAI 2019, en audience publique, M. M N, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du même code, devant la Cour composée de :

M. M N, Président de chambre

M. Jacques FOURNIE, Conseiller

Mme Martine DARIES, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ALARCON

ARRÊT :

— Contradictoire;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. M N, Président de chambre, et par Madame Brigitte ALARCON, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 01 avril 2013, Madame K X était embauchée par le Docteur J Y, Vétérinaire, au sein de sa clinique, par contrat de travail à durée déterminée et à t e m p s c o m p l e t , p o u r u n e d u r é e m i n i m a l e d e 4 s e m a i n e s , e n t a n t qu’auxiliaire-vétérinaire, échelon 3 selon la Convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires du 5 juillet 1995.

A compter du 07 mai 2013, elle était engagée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Elle était placée en arrêt de travail du 23 juillet au 03 août 2013 ( ayant subi une intervention chirurgicale) puis elle prenait un congé sans solde du 05 au 18 août 2013 avant d’être de nouveau en arrêt de travail du 19 août au 27 août 2013 ( pour des complications post-opératoires).

Le 04 octobre 2013 elle était placée en arrêt pour maladie.

A l’issue de la visite de reprise du 13 novembre 2013, le médecin du travail la déclarait inapte au poste et à tout poste dans l’entreprise en une seule visite.

Le 29 novembre 2013, lors d’une seconde visite, l’inaptitude au poste et à tout poste dans l’entreprise était confirmée, la salariée restant apte sur une autre structure.

Par courrier recommandé du même jour, l’employeur informait Madame X de l’impossibilité de reclassement.

Par courrier recommandé du 10 décembre 2013, elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 23 décembre 2013.

Par courrier du 28 décembre 2013, l’employeur lui notifiait son licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude physique.

Contestant la légitimité de son licenciement, Madame K X saisissait le conseil de prud’hommes de Montpellier, lequel par jugement en date du 10 avril 2015:

— Jugeait que les agissements de l’employeur, Monsieur J Y constituent des faits de harcèlement moral et une exécution déloyale du contrat de travail.

— Jugeait que le licenciement de Madame K X est nul.

— Condamnait Monsieur J Y à payer à Madame K X en réparation des préjudices subis les sommes suivantes :

—  5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination et exécution déloyale du contrat de travail,

-1.524,00 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  152,40 euros au titre des congés payés sur l’indemnité de préavis,

—  9.144,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

— Déboutait Madame K X de ses demandes:

. à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait des circonstances vexatoires du licenciement,

. de rappels de congés payés.

— Soumettait les condamnations aux intérêts légaux,

— Ordonnait l’exécution provisoire de la décision.

— Condamnait Monsieur J Y à payer à Madame K X la somme de 950,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Le déboutait de sa demande faite à ce titre,

— Le condamnait aux entiers dépens de l’instance.

Monsieur Y O appel de ce jugement.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Au soutien de son appel, la Sarl Orthovet venant aux droits de Monsieur Y conteste les griefs allégués par Madame X au titre du harcèlement moral comme étant non établis de même que toute discrimination en raison de son état de santé. L’employeur affirme avoir respecté son obligation de sécurité, exécuté loyalement le contrat de travail et procédé à une recherche sérieuse de reclassement.

Il conclut que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et s’oppose à toute demande indemnitaire de la salariée au titre de la rupture de même que celle au titre des congés payés.

La sarl Orthovet venant aux droits de Monsieur Y demande par conséquent à la Cour de :

— Confirmer l’absence de harcèlement moral et ou de discrimination, d’en tirer toutes les conséquences sur le licenciement qui ne peut être déclaré comme nul.

— Juger que le licenciement de Madame K X pour inaptitude est parfaitement fondé

— Juger que le Docteur J Y a parfaitement rempli son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

— Juger que le Docteur J Y a parfaitement respecté son obligation de sécurité de résultat en matière de santé de sa salariée et que Madame X n’a subi aucune discrimination et/ ou exécution déloyale de son contrat de travail,

En conséquence,

Débouter Madame K X de l’intégralité de ses demandes :

La Condamner à la somme de 1.800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

En réplique, Madame X allègue que les relations avec Monsieur Y son employeur se sont dégradées à compter de juillet 2013 et qu’elle a subi de la part de celui-ci des agissements répétés constitutifs d’un harcèlement moral et d’une discrimination en raison de son état de santé ayant gravement porté atteinte à sa santé physique et morale. Elle réclame des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Si la Cour ne retenait pas la qualification de harcèlement moral et de discrimination, Madame X sollicite que soit constatée l’absence d’exécution de bonne foi du contrat de travail par Monsieur Y ayant abusé de son pouvoir de direction en application de l’article L 1222-1 du code du travail et pour laquelle elle réclame indemnisation.

L’intimée demande en premier lieu que soit prononcée la nullité du licenciement pour harcèlement ayant eu des conséquences sur son état de santé et subsidiairement qu’il soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse pour absence de recherche réelle et sérieuse de reclassement.

Madame K X demande à la Cour de :

Confirmer le jugement,

Y ajoutant, faire droit à la demande de rappel de congés payés,

Et en conséquence,

Condamner la sarl Orthovet à lui payer les sommes de :

5 000 euros de dommages intérêts pour harcèlement moral et discrimination et à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail,

1 524 euros à titre d’indemnité de préavis,

152,40 euros au titre des congés payés afférents.

9 144 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,

409, 00 euros à titre de rappel de congés payés,

Condamner la sarl Orthovet à lui payer la somme complémentaire de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens

Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions respectives des parties, la Cour se réfère aux écritures des parties auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l’audience de plaidoirie.

SUR CE :

Il sera constaté que Madame X ne réitère pas de demande de dommages et intérêts pour préjudice subi pour caractère vexatoire du licenciement.

Elle allègue de mêmes griefs sous trois qualifications différentes.

Sur le harcèlement moral, la discrimination et l’exécution déloyale du contrat de travail:

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail ( dans sa version applicable à la date du litige), aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération,…… d’affectation, de qualification, de classification, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe,………….de son état de santé ou de son handicap.

Madame X expose qu’à compter du 02 juillet 2013 à la suite d’un entretien au cours duquel elle a évoqué avec Monsieur Y les problèmes de santé dont elle avait souffert en 2012, celui-ci s’était adressé à elle avec mépris et agressivité, un ton hautain et désobligeant et était entré en contact avec son ancien employeur pour solliciter des informations sur

son état de santé antérieur.

L’intimée soutient que l’employeur:

— a modifié ses horaires unilatéralement et par là même ses fonctions pour la cantonner à des tâches de qualification inférieure telles que le secrétariat, la vente de produits vétérinaires, l’hygiène et la maintenance des locaux) de telle sorte qu’elle ne pouvait prétendre à une VAE envisagée dans le cadre de l’exercice de ses fonctions,

— l’a agressée violemment le 30 septembre 2013 pour insatisfaction de la mauvaise organisation mise en place,

— l’informait le 30 octobre 2013 avoir égaré son arrêt maladie du 04 octobre et ne pouvoir rédiger l’attestation de salaires nécessaire à la perception des indemnités journalières qui ne sera établie que le 13 décembre 2013,

— ne transmettait qu’en janvier 2014 à l’AG2R les éléments nécessaires à la prise en considération de ses absences maladie pour l’évaluation de ses droits à complément de salaire.

Pour corroborer ses griefs, Madame X s’appuie sur:

— la lettre de modification du planning du 28-08-2013 confirmant un mail du 26-08-2013': «'pour les nécessités du service et un fonctionnement optimal de la clinique, les plannings des 3 infirmières en poste ont été modifiés il y a quelques jours'»,

— un nouveau courrier du 28-09-2013 de modification': «'nous vous confirmons un petit aménagement de votre temps de travail au sein du planning existant, nous vous demandons de tenir vos horaires fournis ce jour et notamment à ne pas atteindre les 06 heures de travail par demi-journée'»,

— une attestation de Madame Z, sa collègue de travail auxiliaire spécialisée vétérinaire': «'le docteur Y m’a indiqué lors du premier semestre 2013 que la clinique vétérinaire serait fermée 2 semaines au mois d’août 2013 pour les congés annuels , par conséquent tout le personnel sera en congé du 05 au 18-08-2013, puis il nous a informé que finalement la clinique resterait ouverte avec les docteurs A et Malric pendant cette période mais que les congés du personnel étaient inchangés’Lors de ma reprise de travail le lundi 19 août à 09 heures j’ai été informée par le docteur A que Madame X s’était présentée le matin même à 08 heures comme prévu. Le docteur A m’a alors indiqué l’avoir renvoyée chez elle au vu de la présence ce jour de sa remplaçante lors de ses congés d’été et de son état de santé.

Le 24 septembre 2013 Madame X et moi-même avons eu un entretien collectif avec M. P Q comptable , puis chacune a eu un entretien individuel , il s’agissait d’un audit social d’après M. Y qui nous en avait informé à l’avance.

Madame X a été embauchée, d’après M. Y, pour travailler en binôme avec moi suite au licenciement pour inaptitude de Madame B, de ce fait Madae X travaillait en simultané avec moi et participait donc à la préparation et l’assistance chirurgicale. Suite à son arrêt de travail, ses horaires (et donc les miens) ont été modifiés. Madame X ne travaillaient plus les matinées et faisait toutes les fermetures ainsi que les tâches ménagères liées. Nous faisions toutes le ménage avec les plannings précédents. Après ce changement le ménage du soir n’était effectué que par Madame X.

Je me souviens que Madame X m’a informée courant septembre 2013 que le DR Y lui a indiqué oralement qu’il souhaitait proposer à Madame X une rupture conventionnelle et que celle-ci devait la recevoir par recommandé dans les jours suivants'».

— une attestation de Madame R E du 01-03-2014 vétérinaire, attestant : 'avoir travaillé avec Madame X dès son arrivée à la clinique le 02-08-2013 jusqu’à son départ le 17-09-2013, que son planning a été modifié dès son retour d’arrêt-maladie le 23-08-2013, elle est passée d’un planning alterné avec ses collègues en rotation sur des matinées et des journées complètes, à un planning basé uniquement sur les après-midi et les samedis; par conséquent le planning de ses collègues s’en est trouvé obligatoirement modifié, Madame X n’a plus eu l’occasion de participer à l’assistanat aux chirurgies, ses fonctions se sont limitées à l’assistanat vétérinaire, au secrétariat, à l’hygiène et l’aseptie des locaux'.

Elle atteste également que le «'docteur Y lui a fait part de sa prise de contact avec l’ancien employeur de Madame X avec laquelle il a évoqué un précédent arrêt maladie, n’ayant aucun rapport avec les faits actuels et ayant suscité chez le docteur Y une inquiétude sur l’avenir de Madame X au sein de la structure'».

— le certificat médical établi le 22-10-2013 par le médecin du travail faisant état 'd’une souffrance au travail depuis plusieurs mois’ et envisageait 'un arrêt de travail au terme duquel une inaptitude au poste sera probablement établie'.

Les griefs d’agression verbale, notamment en date du 30 septembre 2013, de ton hautain et méprisant ne sont établis par aucun élément et seront donc écartés.

De même ne seront pas retenus ceux tenant à la tardiveté de l’établissement de l’attestation de salaire et de la transmission à l’AG2R, l’employeur par lettre du 30-10-2013 rappelant à Madame X qu’il était, malgré ses demandes répétées, d’une part toujours dans l’attente de ses relevés d’indemnités journalières de la sécurité sociale versées pour les mois de juillet et août 2013 ne permettant pas de régulariser le complément de salaire et d’autre part de la copie de l’arrêt maladie du 04-10-2013 égaré qu’il avait réclamée par mail il y avait plusieurs jours afin de rédiger l’attestation de salaire. En effet la salariée ne démontre aucune intention «'malicieuse'» sur ces points de la part du docteur Y envers elle.

Les autres éléments (la modification des horaires de travail et des fonctions ' la demande de renseignement au précédent employeur sur l’état de santé ' le certificat du médecin du travail ) pris en leur ensemble laissent présumer une situation de harcèlement moral.

Il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’appelant répond que les plannings ont toujours subi des modifications, avant, pendant et après le passage de Madame X à la clinique tenant compte de la vie des salariés et des besoins de l’entreprise.

Il explique que':

— le changement de planning à l’issue de l’été 2013 visait à s’adapter notamment à l’état de santé précaire de l’intimée (qui avait été victime de malaises au cours des actes de chirurgie) et à accéder à la demande de Madame C, salariée depuis 2011, ayant demandé à ne plus travailler le samedi matin pour raison familiale,

— les matinées chirurgicales lourdes imposent une tâche de ménage soutenue entre 12H et 14H30 incombant aux 2 auxiliaires en poste le matin, le dernier nettoyage des locaux de fin de journée et allégé revenant à l’auxiliaire en poste l’après-midi.

— cette modification ne constitue qu’un changement des conditions de travail de Madame X qui avait une faible ancienneté dans l’entreprise ( 5 mois dont 2 mois d’arrêt maladie).

Il produit diverses pièces à l’appui de sa contestation.

En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut modifier unilatéralement les conditions de travail dès lors qu’il n’y a pas de modification substantielle du contrat de travail.

Madame X a été engagée comme auxiliaire vétérinaire échelon 3 de la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires du 05 juin 1995, dont les tâches comportent le nettoyage et l’entretien des locaux, l’accueil et le secrétariat, la vente des produits vétérinaires sans prescription, l’hygiène, la sécurité et l’aide à la contention, l’assistance technique du praticien, l’aide à la consultation, aux soins, aux examens et à la chirurgie, la préparation du matériel médical et chirurgical.

Madame X présentait des problèmes de santé antérieurement à son engagement à la clinique du docteur Y tel qu’elle reconnaît les avoir évoqués lors de l’entretien du 02 juillet 2013 avec ce dernier et pendant l’exécution de son contrat de travail tel qu’il ressort des arrêts maladie mais aussi de l’attestation de Madame S A, vétérinaire intervenante à la clinique à diverses reprises, écrivant:

«'avoir eu l’occasion de travailler avec Madame X et avoir fait part d’une faiblesse physique de celle-ci qui avait des difficultés à exercer un travail nécessitant une force manuelle et était démotivée à faire les tâches demandées. A la fin du mois d’août 2013, alors que je remplaçais le docteur Y, j’ai proposé à Madame X de rentrer chez elle un matin, de consulter un médecin au plus vite au vu de son teint pâle, de ses tremblements et du syndrome fébrile dont elle m’avait fait part. Il m’a alors semblé qu’elle était inapte au travail. Elle m’a alors confié qu’elle avait de gros problèmes de santé qui allaient probablement la mener vers un arrêt de travail. Elle m’a ensuite assuré que sa démotivation et sa faiblesse n’étaient en aucun cas due à l’une des salariées ni au docteur Y avec qui elle avait de très bonnes relations. Enfin je souhaiterais insister sur le fait que Madame X m’a semblé en grande détresse psychologique comme «'au bout du rouleau'» pour des raisons qu’elle n’a pas élucidé et qu’elle aurait eu besoin d’aide'».

Ce «'renvoi’à domicile» par le docteur A en lien avec les difficultés de santé sont corroborées par les termes de l’attestation produite par l’intimée rédigée par Madame D.

Comme l’indique le vétérinaire, l’organisation des conditions de travail dépend de diverses contraintes liées aux salariés en poste, à la clientèle et aux exigences médicales.

La modification de planning pour «'les nécessités du service et un fonctionnement optimal de la clinique'» n’a pas affecté Madame X seule mais concernait également les 3 infirmières en poste (et notamment Madame Z qui n’émet aucun grief à cette modification), ce qui n’est pas contesté.

Il ne peut être reproché au vu des attestations ci-dessus à l’employeur d’avoir tenu compte a minima de l’état de santé de sa salariée pour un temps et dont les compétences ne sont pas remises en cause, celui-ci étant tenu d’une obligation de sécurité envers elle.

La modification des horaires de travail n’a pas entraîné une disqualification des fonctions de Madame X emportant une modification essentielle du contrat de travail, toutes les salariées assurant des tâches d’entretien et l’employeur rappelant dans son courrier du 16-09-2013 qu’elle 'pratiquait largement des préparations chirurgicales de patients sur ses horaires de travail et que pour ces tâches, elle intervenait plus comme seconde aide auprès de l’infirmière principale'.

Madame X ne rapporte pas la preuve de la contractualisation d’une formation spécifique ou de validation des acquis devant s’effectuer sur la durée, alors même qu’elle n’a été en poste que du 02 avril 2013 au 22 juillet 2013 et du 28 août au 03 octobre 2013.

Par ailleurs l’employeur dénonce toute volonté de harcèlement ou de discrimination face aux dires de Madame E sur un échange avec un précédent employeur sur l’état de santé de Madame X, opposant qu’elle ne pouvait attester qu’il avait pris contact pour parler de précédents arrêts maladie qu’il ne pouvait connaître avant d’appeler le confrère de manière générale le cas échéant au sujet de cette dernière.

Il sera rappelé que Madame X avait elle-même fait part de son état de santé le 02 juillet 2013 et que Madame E qui avait peu de contact avec le docteur Y comme elle le souligne dans une attestation du 12-05-2014 en faveur de ce dernier ( 'mes horaires et ceux du docteur Y ne concordaient que très rarement'»), ne précise pas dans le témoignage rédigé pour Madame X, la date de cet échange ni que

l’employeur aurait été dans une intention de lui nuire en indiquant que cela avait suscité une inquiétude sur l’avenir de la salariée dans l’entreprise.

Il sera ajouté que le certificat du médecin du travail du 22 octobre 2013, s’il mentionne «'une souffrance au travail depuis plusieurs mois'» et donc un ressenti sur le plan psychologique, ne démontre pas l’existence d’une faute imputable à l’employeur en lien avec la dégradation de l’état de santé de Madame X déjà fragilisé avant son engagement et qui a subi des arrêts-maladie sans relation avec son emploi.

Aussi les éléments sus-développés n’apparaissent pas constitutifs d’agissements répétés de harcèlement moral ni même de discrimination en raison de l’état de santé de la salariée ou d’exécution déloyale du contrat de travail.

Les demandes de dommages et intérêts à ces titres et de nullité du licenciement et indemnités afférentes seront rejetées.

Sur le licenciement pour inaptitude’et le reclassement':

La lettre de licenciement du 28 décembre 2013 est ainsi libellée':

«' Notre entretien du 23 décembre 2013 n’ayant pas permis de trouver une solution alternative, nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement et ce, pour les motifs suivants:

Votre inaptitude à votre emploi d’Assistante Vétérinaire dans l’entreprise constatée par Madame le médecin du travail en date du 29 Novembre 2013, confirmant son avis d’inaptitude du 13 novembre 2013, dans le cadre de la procédure d’urgence de l’article R 4624-31 du code du travail et l’absence de toute possibilité de reclassement au sein de la clinique.

Comme nous vous l’expliquions aux termes de notre courrier du 8 Décembre 2013 et après avoir sollicité Madame le médecin du Travail par courrier recommandé du 13 Novembre 2013, nous avons cependant recherché les possibilités de reclassement éventuelles au niveau de la clinique.

Nous invitions notamment Madame le médecin du travail à nous faire part d’éventuelles possibilités de reclassement par le biais notamment d’un aménagement de votre poste et/ ou de vos horaires de travail.

Nous l’informions aux termes de cette même correspondance que nous interrogions concomitamment des confrères et notamment les Docteurs Lamure, Deruaz, Leroy, Morer, Cabail, […], Leplat, Titinger afin de connaître les éventuelles vacances de postes au sein de leurs structures.

Par courrier LRAR du 18.11.2013, Madame le Docteur F, nous confirmait votre inaptitude à tous postes dans l’entreprise et nous précisait que «Compte tenu du dossier médical, elle n’avait pas d’autre préconisation à formuler que celle mentionnée sur la fiche datée du 13.11.2013».

Nous avons poursuivi nos recherches mais ces dernières se sont à ce jour révélées vaines tant en raison des prescriptions très restrictives édictées par Madame le médecin du travail qu’en raison de la structure même de notre entreprise et de son organisation et notamment de notre toute petite taille.

Nos confrères nous ont à ce jour apporté aucune réponse mais nous ne manquerions pas de revenir vers vous si l’un d’entre eux était en mesure de vous proposer un poste compatible avec les prescriptions de Madame le médecin du travail.

Ce constat nous conduit donc à procéder à votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée sans qu’aucun reclassement ne soit possible, y compris par mutation, transformation, adaptation de poste ou aménagement de vos horaires de travail.

Compte tenu de votre inaptitude, et de l’impossibilité dans laquelle vous vous trouvez d’accomplir un préavis, la rupture de votre contrat prend effet dès présentation de cette lettre, conformément aux dispositions de l’article L. 1226-4, alinéa 3 du Code du travail'».

Selon les dispositions de l’article L1226-2 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ».

L’avis du médecin du travail concluant à l’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise fût- il pour danger immédiat ne dispense pas l’employeur de rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l’entreprise et le cas échéant, à l’intérieur du groupe auquel appartient l’entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et de proposer ensuite au salarié quelle que soit la position prise par lui tous les emplois disponibles appropriés à ses capacités, au besoin après mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.

En outre, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser.

Madame X allègue que le docteur Y ne lui a fait part d’aucune proposition de reclassement, n’ayant pas envisagé d’aménagement de poste ou de réduction du temps de travail.

Par courrier du 29 novembre 2013, le docteur Y informait Madame X que la procédure de licenciement devait être mise en oeuvre pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L’employeur doit prendre en compte les propositions du médecin du travail, au besoin en les sollicitant.

Le médecin du travail avait dès le 13 novembre 2013 conclu à une «'inaptitude au poste- une connaissance du poste et des conditions de travail en date du 05-11-2013 – un danger immédiat en cas de reprise et à une inaptitude à tout poste de l’entreprise et une aptitude dans une autre structure'».

L’employeur rappelle qu’il a sollicité dès cette date par lettre recommandée et télécopie les recommandations du docteur F médecin

du travail notamment sur un éventuel aménagement de poste ou des horaires

de travail auprès du médecin du travail qui lui a répondu par courrier du 18 novembre 2013 ne pas avoir, compte tenu du dossier médical, d’autres préconisations à formuler.

L’avis restrictif du 13 novembre 2013 était maintenu par un nouveau certificat en termes identiques du 29 novembre 2013, excluant de fait un aménagement du poste existant même en terme d’horaires dans l’entreprise.

L’appelant communique un extrait du registre du personnel de la clinique portant mention d’un contrat à durée déterminée d’un assistant vétérinaire échelon 5 ( donc d’une qualification supérieure à celle de l’intimée) du 25-02-2014 au 22-07-2014, soit postérieurement au départ de Madame X qui avait retrouvé un emploi d’assistante vétérinaire dès le 13-01-2014 tel qu’il ressort d’une attestation d’emploi du docteur H à Balaruc Les Bains.

Il ajoute avoir engagé deux infirmières vétérinaires en contrat de travail à durée indéterminée et produit plusieurs courriers de demandes de reclassement adressés à des confrères dès le 21 novembre 2013, alors qu’il n’en avait pas l’obligation et les réponses négatives.

Aussi l’employeur a procédé au regard de l’avis restrictif du médecin du travail et de sa structure unique à des recherches sérieuses de reclassement. Le licenciement est fondé.

Les demandes indemnitaires au titre d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sont rejetées.

Sur la demande au titre de rappel de congés payés':

Madame X fait valoir qu’elle avait acquis 19 jours de congés payés non pris à la date de la rupture du contrat et qu’elle aurait dû percevoir la somme de 1114,16 euros et non 705.06 euros, un jour de congé représentant 58.64 euros.

L’appelant y oppose le mode de calcul rappelé par le comptable ( selon mail du 13-10-2014 versé à la procédure), devant se faire selon la période de référence en tenant compte de la rémunération propre à cette période. Il est précisé que l’intimée avait acquis 17,5 jours de congés et avait pris un jour de congé le 29 novembre 2013 se déduisant de la période N-1 correspondant à 4 jours de congés. Elle a perçu la somme de 705.06 euros soit 238.15 euros pour 4.5 j de congés pour la période du 02-04-2013 au 31-05-2013 et 466,65 euros pour 17.5 jours pour la période du 01-06-2013 au 30-12-2013.

Elle a été remplie de ses droits comme l’a prononcé le conseil de prud’hommes.

Sur les demandes annexes:

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile .

Madame X sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, par arrêt rendu contradictoirement et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré du conseil des prud’hommes de Montpellier du 10 avril en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages et intérêts de Madame K X pour rappel de congés payés,

Constate que Madame K T a abandonné sa prétention au titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire de licenciement,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Déboute Madame K X de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, de la discrimination et de l’exécution déloyale du contrat de travail,

Dit que le licenciement de Madame K X pour inaptitude est fondé,

Déboute Madame K X de ses demandes au titre d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame K X aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

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Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 11 septembre 2019, n° 15/03899