Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 28 octobre 2020, n° 16/00159

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 28 oct. 2020, n° 16/00159
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/00159
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 5 septembre 2016, N° 15/03382
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PC/IM

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 28 OCTOBRE 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00159 – N° Portalis

DBVK-V-B7A-M27A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 SEPTEMBRE 2016

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 15/03382

APPELANTE :

SA DALKIA

[…]

[…]

Représentée par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur Z Y

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me Pascale DELL’OVA de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL’OVA, BERTRAND, AUSSEDAT , SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 21 Janvier 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 SEPTEMBRE 2020,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. Z Y était embauché par la SA Dalkia spécialisée dans les services énergétiques le 5 avril 1994 par contrat à durée indéterminée en qualité d’agent technique moyennant un salaire brut s’élevant en dernier lieu à la somme de 2 458,64 €.

A compter du 1er janvier 2014, il était affecté sur:

— le site de torréfaction du café groupe Mondelez situé à Lavérune,

— le site de la station d’épuration de Lattes,

Par lettre du 29 décembre 2014, il faisait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de trois jours pour les faits suivants:

— oubli d’ouverture d’une vanne d’eau alimentant le système d’extinction des torréfacteurs de l’usine de Mondelez et début d’incendie affectant cet équipement;

— oubli de fermeture d’une vanne de gaz avec débitmètre biogaz sur la cogénération Maéra -non respect des consignes de sécurité élémentaires consistant à l’absence de consignation électrique lors de l’intervention sur un équipement

— manque d’efficacité dans les actions de maintenance et de dépannage au quotidien sur le site de Mondelez.

Par courrier du 14 janvier 2015, il contestait cette mise à pied.

Par lettre du 5 février 2015, il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement lequel lui était notifié par lettre du 24 février 2015 en ces termes :

'(…/…) Nous vous rappelons ci dessous les motifs exposés lors de l’entretien:

A la reprise du travail le 16 janvier 2015, suite à une période de mise à pied de trois jours, vous êtes intervenu sur le site de Mondelez. Suite à une opération de dégivrage d’un équipement nommé 'Crystal A’ dont vous étiez chargé et qui était planifiée avec l’industriel, le client a constaté un écoulement d’eau important sur des moulins à café. Cette fuite provenait du tuyau d’eau chaude utilisé par Dalika pour les opérations de dégivrage des caissons cristal A et B. Suite à cette constatation, vous avez eu des échanges oraux tendus avec M. X de la société Mondelez puis avez quitté le site. Vous avez laissé un message sur les téléphones portables de votre chef de secteur et de votre chef d’unité d’exploitation et l’après midi même avait été mis en congé maladie par votre médecin traitant. Votre hiérarchie n’a pas pu par la suite vous joindre.

Vous n’avez pas reconnu les faits lors de l’entretien arguant que les accusations de notre client étaient mensongères, en dépit des arguments apportés par le client au travers de sa lettre de réclamation.

Par ailleurs, compte tenu des différents incidents survenus sur ce site auparavant, notre client Mondelez nous a signifié qu’il refuse désormais que vous interveniez sur son site de production.

Compte tenu de votre absence, nous n’avons pu rencontrer le client afin de résoudre les problèmes consécutifs à cet incident afin de confronter nos points de vue.

Par ailleurs, nous vous informons que Dalika devra supporter le coût du préjudice engendré par cet écoulement d’eau, consécutif à votre nouveau manquement.

Enfin, ces nouveaux faits portent gravement atteinte à Dalika et pour la bonne préservation de ses intérêts auprès de ce client industriel historique, à la veille d’une négociation contractuelle.

Compte tenu de ce qui précède et eu égard à la sanction disciplinaire dont vous avez fait l’objet précédemment pour des faits similaires, nous n’avons d’autre solution que de prononcer à votre égard votre licenciement pour cause réelle et sérieuse (…/…)

'.

Contestant tant sa mise à pied que son licenciement, le salarié saisissait le conseil de prud’hommes de Montpellier lequel par jugement du 6 septembre 2016 annulait la mise à pied disciplinaire, disait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait l’employeur à lui payer les sommes suivantes:

-284,54 € à titre de rappel de salaire au titre de l’annulation de la mise à pied disciplinaire outre la somme de 28,45 € pour les congés payés y afférents,

-51 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-750 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et à délivrer au salarié une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 10 € par jour et par document.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel en date du 30 septembre 2016, l’employeur relevait appel de cette décision.

Moyens et prétentions des parties

Par conclusions régulièrement notifiées, la SA Dalkia demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de débouter M. Y de toutes ses demandes et de lui octroyer la somme de 4 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir, en substance, que la mise à pied disciplinaire est justifiée par le non respect des procédures et consignes inhérentes à la fonction du salarié, que le licenciement n’est pas justifié par une insuffisance professionnelle mais par un comportement fautif de l’intimé qui s’est abstenu de respecter les règles de sécurité.

Quant au caractère évasif de la lettre de licenciement, elle le conteste et indique que le salarié avait été avisé lors de l’entretien préalable des faits qui lui étaient reprochés.

Par conclusions régulièrement notifiées, M. Z Y sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné l’employeur à lui payer la somme de 284,54 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied disciplinaire outre la somme de 28,45 € pour les congés payés y afférents et sa réformation pour le surplus.

Il sollicite que la société soit condamnée à lui payer les sommes suivantes:

-59 007,46 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2 558,64 € à titre de dommages et intérêts au titre de l’annulation de la mise à pied disciplinaire,

-2 500 € au titre de ses frais de procédure,

et à lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes.

Il fait valoir essentiellement que l’insuffisance professionnelle ne peut donner lieu à sanction disciplinaire, que les faits qui lui sont reprochés au titre de la mise à pied disciplinaire sont soit des oublis soit un manque d’efficacité et n’ont donc pas un caractère fautif, qu’en toute hypothèse, les griefs sont infondés.

Pour le licenciement, il affirme que les motifs de la lettre de licenciement sont imprécis. Il ajoute qu’ils ne sont pas établis, qu’en effet, la fuite d’eau au troisième étage est survenue sans qu’une intervention de sa part soit programmée et alors qu’il intervenait sur l’armoire électrique située au rez-de-chaussée.

Il ajoute qu’en 21 ans de service, il a toujours fait l’objet d’évaluations élogieuses et que la sanction est manifestement disproportionnée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Surla mise à pied disciplinaire

1)sur l’oubli d’ouverture d’une vanne d’eau alimentant le système d’extinction des torréfacteurs de l’usine de Mondelez et début d’incendie affectant cet équipement:

Le salarié, pour expliquer cette omission qu’il ne conteste pas, ne peut se retrancher derrière une prétendue insuffisance professionnelle alors même que comme il le rappelle lui même il avait 21 ans d’ancienneté et avait fait par le passé d’évaluations élogieuses.

Cet oubli d’une opération élémentaire telle que fermer une vanne d’eau relève d’une négligence fautive.

2)sur l’oubli de fermeture d’une vanne de gaz avec débitmètre biogaz sur la cogénération Maéra

Alors qu’il était affecté à la maintenance de l’installation de cogénération de la station d’épuration de Lattes, il est reproché au salarié de ne pas avoir refermé la vanne de purge du circuit avant le redémarrage de l’installation ce qui a entraîné une déperdition importante de gaz.

M. Y ne conteste pas être intervenu sur l’installation mais prétend qu’il était absent lors de la remise en route de l’installation et n’est donc pas à l’origine de l’erreur survenue. Cependant il n’étaye cette affirmation par aucun élément (attestations, emploi du temps) et seule son intervention peut expliquer l’absence de fermeture de la vanne de purge.

Ce grief est donc fondé.

3)sur le non respect des consignes de sécurité élémentaires consistant à l’absence de consignation électrique lors de l’intervention sur un équipement :

L’employeur reproche au salarié de ne pas avoir respecté la procédure de consignation électrique lors de son intervention sur une installation en omettant d’installer les panneaux et étiquettes indiquant qu’une intervention est en cours et qu’il ne faut pas remettre le courant.

Le salarié ne conteste pas ce fait mais estime qu’en prévenant la salle des commandes de son intervention et en actionnant les différents disjoncteurs, il a rempli ses obligations.

Il a donc, délibérément, et alors qu’il avait bénéficié d’une formation, omis de respecter le protocole de sécurité instauré par l’employeur commettant de ce fait une faute.

4)sur le manque d’efficacité dans les actions de maintenance et de dépannage au quotidien sur le site de Mondelez :

L’intimé affirme que ce grief constitue une insuffisance professionnelle qui ne peut donner lieu à sanction disciplinaire et doit à lui seul justifier l’annulation de la sanction disciplinaire.

Toutefois, la mauvaise exécution de la prestation de travail ne résulte pas nécessairement d’une insuffisance professionnelle mais peut aussi découler d’une négligence ou désinvolture fautive.

En l’espèce, comme cela a été rappelé ci dessus, le salarié avait 21 ans d’ancienneté , avait bénéficié d’évaluations élogieuses et de formations. Le seul fait que le client de Mondelez soit considéré comme particulièrement difficile ne peut expliquer la multiplication des erreurs commises par M. Y, lesquelles ne peuvent s’expliquer là encore que par un relâchement dans l’exécution de sa prestation de travail.

En conséquence, la mise à pied disciplinaire est justifiée et le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail est tenu d’énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement.

Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif.

En l’espèce, le salarié affirme que la lettre de licenciement est imprécise et ne lui permet pas de savoir avec précision ce qui lui est reproché.

Force est de constater qu’à la lecture de la lettre de licenciement, les faits reprochés au salarié ne sont pas explicites.

En effet, il est seulement fait état d’une fuite d’eau intervenue alors que le salarié avait travaillé sur le site sans que cette fuite d’eau ne lui soit reprochée expressément.

Le fait que lors de l’entretien préalable, l’employeur ait expliqué au salarié qu’il lui reprochait d’avoir oublié de fermer une vanne ne peut suppléer cette carence.

En conséquence la lettre de licenciement n’étant pas motivée de manière précise, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié, âgé de 44 ans, avait une ancienneté de 21 années et percevait un salaire de 2 458,64 € au moment de son licenciement. Il n’a toujours pas retrouvé d’emploi. La cour est en mesure d’évaluer son préjudice à la somme de 25 000 €.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d’ordonner la remise du certificat de travail, du solde de tout compte et d el’attestation Pôle Emploi sous astreinte de 15 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision et ce, pour une durée de deux mois.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande d’allouer à l’intimé la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montpellier en date du 6 septembre 2016 en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit la mise à pied fondé;,

Condamne la Sa Dalkia à payer à M Z Y la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Ordonne à la SA Dalkia de remettre à M. Z Y son certificat de travail, son solde de tout compte et son attestation Pôle Emploi sous astreinte de 15 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision et ce, pour une durée de deux mois.

Condamne la SA Dalkia à payer à M. Z Y la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA Dalkia aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 28 octobre 2020, n° 16/00159