Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 28 janvier 2020, n° 17/03335

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 28 janv. 2020, n° 17/03335
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 17/03335
Décision précédente : Tribunal de commerce de Narbonne, 22 mai 2017, N° 14/005571
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale (anciennement dénommée 2 e chambre)

ARRET DU 28 JANVIER 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/03335 – N° Portalis DBVK-V-B7B-NGQU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 MAI 2017

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE

N° RG 14/005571

APPELANTE :

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D’AZUR

[…]

[…]

Représentée par Me François LAFONT de la SCP LAFONT, CARILLO, CHAIGNEAU, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur X E DE A

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et assisté de Me CROIZIER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

Monsieur C Z

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et assisté de Me CROIZIER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

SAS SM ENTREPRISE aux droits de laquelle vient la SAS SOGEA SUD BATIMENT, immatriculée au RCS sous le n° 421 340 084 représentée par son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[…]

[…]

Représentée par Me Philippe GIRARD de la SELARL LYSIS AVOCATS, avocat au barreau de NARBONNE

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 20 Novembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 DECEMBRE 2019,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Madame Anne-Claire BOURDON, conseiller

Madame Marianne ROCHETTE, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

— contradictoire.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

Immatriculée le 25 octobre 2010 au registre du commerce et des sociétés de Narbonne, la SARL Charpente languedocienne, ayant pour activité la charpente, couverture, ossature bois et bardage, était titulaire d’un compte courant n° 08005623093 ouvert dans les livres de la caisse d’épargne Côte d’Azur ; une convention cadre de cession de créances professionnelles avait également été conclue, le 10 février 2012, entre la société Charpente languedocienne et la banque.

C Z et X E de A, cogérants de la société Charpente

languedocienne, s’étaient rendus cautions solidaires, par actes sous seing privé du 11 février 2013, des engagements de la société dans la limite de la somme de 98 000 euros, chacun, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 10 ans.

Par jugement du 29 octobre 2013, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Charpente languedocienne ; la caisse d’épargne Côte d’Azur a alors déclaré entre les mains du mandataire judiciaire, M. Y, une somme de 53 964,30 euros, montant d’un billet à ordre escompté au crédit du compte courant, et une somme de 402 923,45 euros, montant des cessions de créances professionnelles suivant bordereaux « Dailly ».

La créance de la banque a été admise au passif chirographaire de la société Charpente languedocienne pour la somme de 402 923,45 euros au titre des cessions de créances « Dailly » sauf à diminuer.

Le redressement judiciaire de la société Charpente languedocienne a été converti en liquidation judiciaire le 1er avril 2014 ; la caisse d’épargne Côte d’Azur a été amenée à effectuer, le 23 mai 2014, une déclaration de créance rectificative entre les mains de M. Y, désignée comme liquidateur, à hauteur des sommes de 58 358,18 euros au titre du solde débiteur du compte courant et 214 870,03 euros au titre des cessions de créances « Dailly » impayées.

Après mises en demeure adressées à MM. Z et E de A, en leur qualité de cautions solidaires, la caisse d’épargne Côte d’Azur les a fait assigner, par exploit du 12 novembre 2014, devant le tribunal de commerce de Narbonne en paiement de la somme de 58 421,60 euros outre intérêts au titre du solde débiteur du compte courant ; en cours d’instance, la banque a réclamé, en outre, aux cautions le paiement de la somme de 13 693,24 euros correspondant au montant d’une créance, objet d’une cession « Dailly », sur une société SM entreprise, restée impayée, et, par exploit du 19 novembre 2015, a fait assigner cette société en paiement de ladite somme.

Après jonction des instances connexes, le tribunal a, par jugement du 23 mai 2017 :

— prononcé la nullité de l’engagement de caution de M. Z pour défaut des conditions de l’article L. 341-2 du code de la consommation,

— prononcé la nullité de l’engagement de caution de M. E de A pour cause d’erreur,

— condamné la caisse d’épargne Côte d’Azur à rembourser à la société SM Entreprise la somme de 7340,44 euros en répétition de l’indu,

— condamné la caisse d’épargne Côte d’Azur à payer la somme de 500 euros à chaque défendeur au titre l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a retenu que l’engagement de caution de M. Z, dont la mention manuscrite prévue par l’article L. 341-2 du code de la consommation avait été apposée après la signature de celui-ci, n’était pas valable, que le cautionnement de M. E de A avait été donné en considération de l’existence d’un autre cofidéjusseur, ce qui, du fait de la nullité du cautionnement de M. Z, rendait son propre cautionnement nul pour cause d’erreur, et que la société SM Entreprise, laquelle avait réglé directement à la caisse d’épargne une somme de 21 033,68 euros par virement, n’était redevable d’aucune somme à la banque et était fondée à lui réclamer, en répétition de l’indu, la somme de 7340,44 euros (21 033,68 euros – 7340,44 euros).

La caisse d’épargne Côte d’Azur a régulièrement relevé appel, le 15 juin 2017, de ce jugement.

En l’état de ses dernières conclusions, déposées le 5 avril 2019 via le RPVA, elle demande à la cour, au visa notamment des articles L. 341-2 et L. 341-4 du code de la consommation, de réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, par conséquent, de condamner solidairement :

— M. Z et M. E de A à lui payer la somme de 58 386,19 euros, outre intérêts courus au taux légal depuis le 2 octobre 2014 jusqu’à parfait paiement avec anatocisme annuel, en désignant au besoin, avant dire droit, tel expert qu’il plaira avec pour mission de déterminer le solde débiteur exact des comptes de la société Charpente languedocienne en faveur de la banque,

— M. Z, M. E de A et la SAS SM Entreprise à lui payer la somme de 13 693,24 euros, outre intérêts courus au taux légal depuis le 9 juillet 2014, date de la mise en demeure, avec anatocisme annuel,

— M. Z, M. E de A et la société SM Entreprise à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 5000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Z, M. E de A, dans les conclusions qu’ils ont déposées par le RPVA le 18 novembre 2019, sollicitent de voir :

— faire application des dispositions de l’article 1315 du code civil et dire que la caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur ne rapporte pas la preuve des créances dont elle réclame le paiement,

— faire application des dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation et prononcer la nullité de l’engagement de caution de M. Z,

— en conséquence, dire qu’en application de la jurisprudence de la Cour de cassation permettant aux cofidéjusseurs de se prévaloir de l’annulation de l’engagement des autres cautions, le contrat de cautionnement signé par M. E de A sera de même annulé pour erreur,

— faire application des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation et dire que la caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement de M. E de A,

— en conséquence, débouter la caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à verser à chacun de la somme de 5000 euros en sus des sommes déjà allouées à ce titre en première instance.

De son côté, la SAS Sogéa Sud Bâtiment, venant aux droits de la SAS SM Entreprise, aux termes de ses conclusions déposées le 18 mars 2019 par le RPVA, demande la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner la caisse d’épargne à lui payer la somme de 7340,45 euros représentant le trop versé par la société SM entreprise en exécution de la cession de créance intervenue, de dire que les intérêts courront à compter du paiement du 15 avril 2014 ou, à défaut, à compter du jugement, de dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil et de condamner la caisse d’épargne au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 novembre 2019.

MOTIFS de la DECISION :

1-le montant des sommes dues à la banque :

Conformément aux dispositions de la convention-cadre de cession des créances professionnelles en date du 10 février 2012, liant les parties, la caisse d’épargne Côte d’Azur avait la faculté de porter les opérations réalisées au titre des cessions de créances par bordereaux « Dailly » au compte courant de la société Charpente languedocienne ou à un compte distinct, ne constituant qu’un chapitre du compte courant ; la société Charpente languedocienne disposait ainsi, dans les livres de la banque, d’un compte courant n° 08005623093, outre un compte dit « d’escompte » des créances cédées par bordereaux Dailly n° 08004072511 et un compte dit « de règlement » de ces mêmes créances n° 08004072410.

Il résulte des relevés du compte courant n° 08005623093, produits aux débats, que celui-ci présentait un solde débiteur de 27 281,14 euros à la date du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Charpente languedocienne qui a été porté au crédit du compte à la date du 3 avril 2014, considérée comme étant celle de la clôture du compte, et que postérieurement, diverses opérations ont été enregistrées au crédit ou au débit du compte courant au titre de cessions de créances par bordereaux « Dailly » antérieures au prononcé de la liquidation judiciaire et de règlements correspondant aux créance cédées, qui se sont traduites, sur la période du 11 avril 2014 au 9 juillet 2014, par un solde débiteur de 31 105,25 euros, porté au crédit du compte à cette date du 9 juillet 2014 suite à la mise en contentieux ; la créance de la banque au titre du solde du compte courant est donc bien de : 27 281,14 euros + 31 105,25 euros = 58 386,39 euros.

S’agissant du compte dit « d’escompte » des créances cédées par bordereaux « Dailly », distinctes de celles portées directement sur le compte courant, le solde débiteur, passé au crédit du compte n° 08004072511 suite à la mise en contentieux, s’élève à la somme de 23 635,13 euros à la date du 10 juin 2015 (et non 23 653,14 euros) et la caisse d’épargne prétend que la somme restant due à ce titre, déduction faite des versements faits par les débiteurs cédés à déduire pour 9941,89 euros, est donc de 13 693,24 euros, qui correspond à une facture « Dailly » impayée (n° 215) par la société SM Entreprise, objet d’une cession de créance notifiée à celle-ci le 25 mars 2014.

Cette somme est contestée notamment par la société Sogéa Sud Bâtiment, venant aux droits de la société SM Entreprise, qui fait notamment valoir que sur la base de la notification d’une cession de créance, lui ayant été faite pour une somme de 17 337,04 euros, elle a réglé à la caisse d’épargne, par virement bancaire du 8 avril 2014, la somme de 21 033,68 euros, montant du décompte général et définitif des travaux établis par son sous-traitant, la société Charpente languedocienne, au titre du chantier de l’EHPAD Vinca ; elle en déduit que la banque lui est redevable de la somme de 7340,45 euros (21 033,69 euros ' 13 693,24 euros) trop versée.

Le règlement de 21 033,68 euros effectué par la société SM Entreprise figure bien, à la date du 15 avril 2014, au crédit du compte dit « de règlement » des créances « Dailly » n° 08004072410 ; il s’avère cependant que deux cessions de créances par bordereaux « Dailly » ont été notifiées par la caisse d’épargne à la société SM Entreprise, la première d’un montant de 17 337,04 euros (n° 264), le 29 octobre 2013, la seconde d’un montant de 13 693,24 euros (n° 215), le 25 mars 2014, figurant dans la liste des cessions jointe à la déclaration de créance du 23 mai 2014 adressée à M. Y, que le décompte général et définitif des travaux, que produit la société SM Entreprise, est en date du 30 octobre 2013 et ne tient pas compte de l’ensemble des situations à déduire (totalisant alors la somme de 244 317,10 euros hors-taxes) et qu’il est communiqué, par la caisse d’épargne une situation n° 14 arrêtée le 7 mars 2014 à la somme de 13 693,24 euros faisant apparaître la totalité des situations à déduire (259 575,90 euros hors-taxes).

Sur cette situation n° 14 établie le 7 mars 2014 par la société SM Entreprise figure, en déduction, le montant de la situation n° 13 de 15 258,80 euros hors-taxes, soit 18 249,52 euros TTC, et qui

correspond, déduction faite de la retenue de garantie de 5 % égale à 912,48 euros, à la somme de 17 337,04 euros, qui est précisément le montant de la cession de créance notifiée le 29 octobre 2013 à la société SM Entreprise ; cette société, à laquelle avaient été notifiées successivement, les 29 octobre 2013 et 25 mars 2014, deux cessions de créances totalisant 31 030,28 euros (17 337,04 euros + 13 693,24 euros), n’a réglé, le 15 avril 2014, qu’une somme de 21 033,68 euros et reste donc redevable de la différence, soit la somme de 9996,60 euros (31 020,28 euros ' 21 033,68 euros).

2-la nullité de l’engagement de caution de M. Z :

M. Z prétend que son engagement de caution est nul au motif que la mention manuscrite, qu’il a apposée sur l’acte du 11 février 2013, telle que prévue par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction alors applicable, ne précède pas sa signature, mais figure au-dessus de la mention.

Pour autant, la mention manuscrite, rédigée sur 14 lignes, se trouve, en l’occurrence, apposée en page 4 de l’acte et en bas de page, sachant que la page 5 comporte seulement le texte, dactylographié, de la mention, que la caution devait recopier à la page précédente ; M. Z, par manque de place, n’a pu apposer sa signature après avoir écrit, de sa main, la mention par laquelle il s’engageait à payer les sommes dues à la banque en cas de défaillance du débiteur et en renonçant au bénéfice de discussion et ce, malgré une écriture resserrée dans les dernières lignes ; la signature de l’intéressé figure ainsi entre la première et la troisième ligne du texte (« En me portant caution de la SARL Charpente languedocienne, dans la limite de la somme de 98 000 euros quatre-vingt-dix-huit mille euros couvrant le paiement du principal »'), à un endroit où l’espacement entre les lignes laissait au scripteur la place disponible pour apposer celle-ci ; au regard des conditions matérielles de rédaction de la mention manuscrite, M. Z n’a, en effet, pas pu apposer sa signature dans l’espace restant en bas de page et l’a donc apposée, après avoir écrit la mention, au début du texte de celle-ci, dans un interligne, sans qu’il puisse en être ainsi déduit que le sens ou la portée de son engagement ait été altéré ; il convient dès lors de considérer, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, que son cautionnement n’est pas nul.

3-la nullité de l’engagement de caution de M. E de A :

Dès lors que l’engagement de caution de M. Z est jugé valable, M. E de A ne peut invoquer la nullité de son propre engagement en ce qu’il aurait été souscrit en considération de celui de son cofidéjusseur ; en toute hypothèse, aucun élément ne permet d’établir que le cautionnement de celui-ci aurait été un motif déterminant de son propre engagement, dans le cadre de ses relations contractuelles avec la banque.

4- le caractère disproportionné de l’engagement de caution de M. E de A :

L’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, dispose qu’un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; à cet égard, il est de principe que la disproportion doit être appréciée au jour de la signature de l’acte au regard de tous les biens et revenus existant à cette date et de l’endettement global de la caution, que la banque est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies et n’est pas tenue de les vérifier, en l’absence d’anomalies apparentes, et que la charge de la preuve de la disproportion manifeste au jour de la souscription de l’engagement incombe à la caution.

Dans le cas présent, une fiche patrimoniale, que communique la caisse d’épargne, rédigée par M. E de A fait état de biens mobiliers à hauteur de 60 000 euros (le montant de sa participation dans une société Charpente azuréenne et le montant de son compte courant d’associé) et

d’un revenu mensuel de 3000 euros, hors tout patrimoine immobilier, mais cette fiche patrimoniale est datée du 19 janvier 2011, soit deux ans avant la souscription du cautionnement litigieux ; il résulte cependant de l’avis d’impôt 2014 sur les revenus de l’année 2013 que cette année-là, M. E de A a déclaré un revenu de 40 000 euros qui, comme il indique lui-même, était lié à son activité au sein de la société Charpente languedocienne.

Lorsqu’il s’est engagé comme caution, le 11 février 2013, M. E de A n’était plus propriétaire des 2000 parts sociales de la SARL GMW holding, associée unique de la SAS Charpente azuréenne, qu’il avait cédées à la société au prix de 41 838 euros en vertu d’une assemblée générale extraordinaire tenue le 7 juin 2011, sachant que la société Charpente azuréenne a ensuite fait l’objet d’une dissolution anticipée sans liquidation, courant 2015, avec transmission universelle de son patrimoine à la société GWH holding, devenue la société Charpente azuréenne ; il n’apporte en revanche aucun élément quant au nombre et à la valeur des parts sociales détenues dans la société Charpente languedocienne ou l’existence d’une créance en compte-courant sur cette société.

Par ailleurs, il détenait dans une société civile immobilière des A, en l’état de statuts mis à jour le 19 mai 2012, trois des 2565 parts sociales en pleine propriété, et 2559 parts sociales en nue-propriété, mais en indivision avec sa s’ur, ladite SCI étant propriétaire de divers biens immobiliers (des locaux commerciaux et un appartement) situés 25, cours Mirabeau à Narbonne ; s’il communique le courrier d’un agent d’affaires (la société Immo et Commerces du Sud), auquel il s’est adressé en vue de la cession de ses parts sociales, estimant ne pouvoir mener à bien la cession envisagée en raison de la détention de parts en nue-propriété et en indivision, il n’en demeure pas moins que les droits sociaux, qu’il détenait dans une SCI familiale lors de la souscription du cautionnement, étaient valorisables et cessibles, l’intéressé ayant toujours la faculté de se retirer de la société et de percevoir la valeur de ses droits ; la caisse d’épargne, qui verse aux débats une fiche de renseignements immobiliers émanant du service de la publicité foncière de Narbonne, indique également que l’intéressé est nu-propriétaire, en indivision avec sa s’ur, de divers biens immobiliers, correspondant à diverses pièces d’un château situé à Ouveillan (Aude), la fiche de renseignements faisant état d’une donation par Mme B de F-G intervenue le 19 mai 2012 ; M. E de A est particulièrement discret sur l’existence de ce patrimoine immobilier, dont il ne fournit aucune indication, notamment quant à sa valeur.

Certes, lorsqu’il a cautionné à hauteur de 98 000 euros les engagements de la société Charpente couverture, M. E de A était engagé par deux autres cautionnements en date du 29 janvier 2009 couvrant les dettes de la société Charpente azuréenne et de la société GMW holding, l’un de 65 000 euros, l’autre de 138 000 euros, cautionnements au bénéfice de la caisse d’épargne Côte d’Azur ; pour autant, abstraction faite de son revenu annuel de 40 000 euros, il ne fournit aucune indication, ni justification, quant à la valeur de sa participation dans la société Charpente languedocienne, ni sur l’estimation de son patrimoine immobilier indivis constitué de parts sociales dans une SCI familiale et de divers biens immobiliers en nue-propriété, permettant de démontrer que son engagement de caution à hauteur de 98 000 euros du 11 février 2013, s’ajoutant à des cautionnements déjà consentis pour 203 000 euros, était, lorsqu’il a été souscrit, manifestement disproportionné à ses biens et revenus au sens de l’article L. 341-4 susvisé.

Il résulte de ce qui précède que MM. Z et E de A doivent être condamnés solidairement à payer à la caisse d’épargne Côte d’Azur, dans la limite de leurs engagements de caution, la somme de 58 386,19 euros au titre du solde débiteur du compte courant n° 08005623093, avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2014, date de l’assignation valant mise en demeure, et que les mêmes doivent être condamnés, solidairement avec la société Sogéa Sud Bâtiment, venant aux droits de la société SM Entreprise, dans la limite de leurs engagements de caution, à payer à la caisse d’épargne la somme de 9996,60 euros restant due sur deux cessions de créances par bordereaux « Dailly » notifiées le 29 octobre 2013 et le 25 mars 2014, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 19 novembre 2015, sachant qu’en application de l’article L. 313-24, alinéa 2, du code monétaire et financier, le signataire de l’acte de cession ou de

nantissement est, sauf convention contraire, garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement.

Il convient également de dire que les intérêts des sommes dues ayant plus d’un an d’ancienneté seront eux-mêmes productifs d’intérêts conformément aux dispositions d’ordre public de l’article 1154 (ancien) du code civil, devenu l’article 1343-2.

5- la demande de la caisse d’épargne en paiement de dommages et intérêts :

Il n’est pas établi en quoi le défaut de paiement par MM. Z et E de A, ainsi que par la société SM Entreprise, des sommes dues à la caisse d’épargne procèdent d’un abus de droit caractérisé de leur part, de nature à ouvrir droit au profit de cette dernière à des dommages et intérêts ; la demande présentée de ce chef ne peut dès lors qu’être rejeté en l’état.

6- Les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, MM. Z et E de A, ainsi que la société Sogéa Sud Bâtiment, venant aux droits de la société SM Entreprise, doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel, et à payer à la caisse d’épargne Côte d’Azur la somme de 3000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dus exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Narbonne en date du 23 mai 2017 et statuant à nouveau,

Déboute MM. Z et E de A de leurs demandes tendant à l’annulation de leurs engagements de caution,

Déboute M. E de A de sa demande d’inopposabilité à la caisse d’épargne Côte d’Azur de son engagement de caution, dont il n’établit pas le caractère manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, à ses biens et revenus,

Condamne C Z et X E de A à payer solidairement à la caisse d’épargne Côte d’Azur, dans la limite de leurs engagements de caution, la somme de 58 386,19 euros au titre du solde débiteur du compte courant n° 08005623093, avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2014,

Condamne solidairement MM. Z et E de A, dans la limite de leurs engagements de caution, ainsi que la société Sogéa Sud Bâtiment, venant aux droits de la société SM Entreprise, à payer à la caisse d’épargne Côte d’Azur la somme de 9996,60 euros restant due sur deux cessions de créances par bordereaux « Dailly » notifiées le 29 octobre 2013 et le 25 mars 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015,

Dit que les intérêts des sommes dues ayant plus d’un an d’ancienneté seront eux-mêmes productifs d’intérêts,

Déboute la caisse d’épargne de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamne MM. Z et E de A, ainsi que la société Sogéa Sud Bâtiment, venant aux droits de la société SM Entreprise, in solidum entre eux, aux dépens de première instance et d’appel, et à payer à la caisse d’épargne Côte d’Azur la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,

Le greffier Le président

JLP

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Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 28 janvier 2020, n° 17/03335