Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 17 février 2021, n° 17/00272

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 17 févr. 2021, n° 17/00272
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 17/00272
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rodez, 18 janvier 2017, N° F16/00024
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MB/MF

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 17 FEVRIER 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/00272 – N° Portalis

DBVK-V-B7B-NBRK

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 JANVIER 2017 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE RODEZ – N° RG F16/00024

APPELANTE :

Mademoiselle F Y

[…]

12130 ST-GENIEZ D’OLT

représentée par Monsieur X, défenseur syndical mandaté par l’UD-CGT de l’Aveyron (mandat du 12 avril 2017) et en vertu d’un pouvoir de Mme Y en date du 16 novembre 2020)

INTIMEES :

SAS CASSAIL – ITM LAISSAC

[…]

[…]

Représentée par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me OGEZ, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame G C (précédemment dirigeante de la Société CASSAIL)

Lieu-dit Arsaguet

12850 SAINTE-RADEGONDE

R e p r é s e n t é e p a r M e P h i l i p p e S E N M A R T I N d e l a S E L A R L CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER,

substitué par Me JAMMES, avocate au barreau de l’AVEYRON

Ordonnance de Clôture du 23 Novembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 DECEMBRE 2020,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

— contradictoire .

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

Mme F Y a été embauchée le 8 septembre 2008 en qualité d’employée de bureau Niveau II Echelon A de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire par la société Cassail exploitant un commerce à l’enseigne Ecomarché puis Intermarché à Laissac et ce, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le 1er janvier 2011, un avenant a modifié la durée hebdomadaire de travail de la salariée pour la porter de 35 à 39 heures. Un autre avenant en date du 1er novembre 2012 l’a ramenée à 35 heures par semaine.

La salariée a été élue déléguée du personnel le 4 juillet 2014.

Le 21 octobre 2014, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Rodez pour demander le paiement d’un rappel de salaire pour des temps de pause d’octobre 2009 à avril 2012, pour des heures supplémentaires de septembre 2013 à octobre 2014 et pour des jours fériés ainsi que d’une prime de 13e mois et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation du statut protecteur.

Le 27 octobre 2014, la société Cassail a été rachetée par M. Z et Mme A à Mme G C, qui dirigeait précédemment la société et qui est intervenue volontairement à l’instance prud’homale en son nom personnel.

Le 1er juin 2015, Mme Y a pris acte de la rupture de son contrat de travail et elle a alors complété ses demandes initiales.

La cour statue sur son appel principal et l’appel incident de l’employeur contre le jugement du 19 janvier 2017 qui a :

— condamné la société Cassail prise en la personne de Madame G C, précédemment dirigante sociale et intervenante volontaire, à payer à Mme Y les sommes de :

—  661,50 € au titre des temps de pause,

—  66,15 € au titre des congés payés afférents,

— débouté Mme F Y du surplus de ses demandes,

— débouté la société Cassail prise en la personne de son représentant légal en exercice M. Z, de sa demande de paiement de préavis (2 mois),

— condamné la salariée à payer à l’employeur la somme de 50 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens.

Vu les dernières conclusions, transmises au greffe le 18 novembre 2020, par la salariée appelante qui demande à la cour de :

— condamner l’employeur à lui payer la somme globale brute de 11.219,25 € se répartissant somme suit :

—  2.482,16 € à titre de rappel de temps de pause,

—  248,22 € à titre de congés payés,

—  2.986,12 € à titre de rappel de 13è mois,

—  298,61 € à titre de congés payés,

—  142,61 € à titre de rappel de jours fériés,

—  14,26 € à titre de congés payés,

—  3.950,80 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  395,08 € à titre de congés payés,

et la somme nette de 105.699,49 € se répartissant comme suit :

—  20.000 € au titre de l’article L.1222-1 du code du travail,

—  59.262 € à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

—  23.704,85 € à titre d’indemnité liée au caractere illicite du licenciement,

—  2.732,64 € à titre d’indemnité de licenciement.

— ordonner l’exécution provisoire de la décision,

— ordonner la remise de tous les tickets d’ouverture et de fermeture de caisse et les relevés récapitulatifs quotidiens de caisse depuis novembre 2014 jusqu’au 31 mai 2015, l’attestation Pôle emploi, tous les bulletins de salaire mis à jour, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

— faire application de l’article 40 du code de procédure pénale relativement au délit de subornation de témoins commis par l’employeur,

— condamner l’employeur à lui payer la somme de 150 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais qu’elle a engagés pour la premiere instance.

— réformerez donc le jugement qui l’a condamnée à payer à l’employeur la somme de 50 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’employeur à lui payer la somme de 250 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais qu’elle a engagés pour sa défense en appel,

Vu les dernières conclusions, transmises par le RPVA le 29 juillet 2020 par la société Cassail, aux fins de voir :

In limine litis,

— déclarer irrecevables les conclusions de Mme Y et, en conséquence, déclarer caduque sa déclaration d’appel,

— déclarer irrecevable la demande formulée sur le fondement de la subornation de témoins,

A titre principal,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société à verser à Mme Y la somme de 661,50 € bruts au titre de rappel de salaire pour temps de pause, outre 66,15 € de congés payés afférents, et en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de la société au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme Y de ses plus amples demandes,

— juger l’absence de subornation de témoins et déclarer inopérante la demande de saisine du Procureur de la République sur le fondement de l’article 434-15 du code pénal,

— dire que la prise d’acte doit produire les effets d’une démission,

A titre infiniment subsidiaire,

— limiter le montant de la condamnation au titre des temps de pause à 661,50 € bruts au titre de rappel de salaire pour temps de pause, outre 66,15 € de congés payés y

afférents,

A titre reconventionnel,

— condamner la salariée à lui verser les deux mois de préavis non effectués, soit la somme de 3.646,82 €, outre une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu les conclusions transmises le 8 juin 2017 pour le compte de Mme C, ancienne dirigeante de la société Cassail, et tendant à ce que :

— il lui soit donné acte de son argumentation au soutien de la thèse de la société Cassail et au rejet de l’ensemble des demandes formées en cause d’appel par la salariée,

— il soit constaté qu’il n’est pas démontré de la part de la société un manquement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail sur la période antérieure au 27 octobre 2014, ni un préjudice causé à la salariée, ni de graves manquements imputables à la société et de nature à justifier l’initiative de la salariée de prendre acte de rupture de son contrat de très nombreux mois après le 27 octobre 2014,

— la salariée soit condamnée aux entiers dépens – dont distraction au profit de la SELARL d’avocats postulants avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile – et à 1.500 € en application de l’article 700 du même code,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2020,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 17 février 2021 par mise à disposition au greffe.

SUR CE :

Sur les demandes présentées in limine litis par l’employeur:

La société Cassail reprend dans ses dernières conclusions une demande dont elle avait saisi le conseiller de la mise en état, à savoir de voir déclarer irrecevables les conclusions de Mme Y et, en conséquence, déclarer caduque sa déclaration d’appel.

La cour constate cependant que, par une ordonnance rendue le 12 octobre 2017 rappelant qu’elle pouvait être déférée dans un délai de quinze jours, le conseiller de la mise en état a statué sur cette demande et déclaré recevables les conclusions déposées par Mme Y au greffe le 18 avril 2017 et signifiées aux intimés le 12 avril 2017 ainsi que l’appel interjeté par la salariée le 24 février 2017.

Or, conformément à l’article 914 du code de procédure civile, cette ordonnance a autorité de la chose jugée. Cette décision ne peut donc pas être remise en cause dans le cadre de la présente procédure au fond.

S’agissant de la demande formulée au titre de la subornation de témoins, la cour constate qu’elle n’est formellement saisie, par Mme Y, que d’une demande d’application de l’article 40 du code de procédure pénale. Or, conformément au 1er

alinéa de ce texte, Mme Y peut parfaitement saisir elle-même le procureur de la République d’une plainte pour les faits de subornation de témoins dont elle se déclare victime tandis que, bien qu’autorité constituée au sens de l’alinéa 2, la cour n’a pas acquis la connaissance du délit évoqué par l’appelante au vu des attestations dont elle fait état, du fait que ces attestations manquent de précisions quant à la date et aux circonstances des faits.

Le jugement qui a rejeté cette demande déjà présentée en première instance sera donc confirmé au fond, sans pour autant que la cour ne relève de cause d’irrecevabilité.

Sur les temps de pause:

Le conseil de prud’hommes de Montpellier a accueilli partiellement la demande de Mme Y en condamnant la société Cassail – prise en la personne de Mme C, précédemment dirigante sociale – à lui payer la somme de 661,50 € outre les congés payés afférents au visa des articles L.3121-2, L.3121-33 et L.3245-1 du code du travail ainsi que de l’article 5.4 de la convention collective applicable dont les termes sont rappelés dans le jugement, et aux motifs que :

— si l’employeur soutient qu’auparavant, le paiement relatif aux temps de pause était compris dans la mensualisation, il résultait des dispositions précitées de la convention collective que le temps de pause devait figurer sur une ligne distincte sur le bulletin de paie,

— cela avait d’ailleurs été le cas à partir du mois de mai 2012,

— Mme Y ayant saisi le conseil 1e 21 octobre 2014 et la prescription étant triennale, il y avait lieu de faire droit à la demande pour la période du 21 octobre 2011 au mois d’avril 2012 inclus et à l’encontre de la société prise en la personne de sa dirigeante de l’époque.

Dans le cadre de son appel, indépendamment de la question de la prescription partielle de la demande de rappel de salaire, la société Cassail fait à nouveau valoir qu’entre octobre 2009 et mai 2012, le contrat de travail prévoyait 35 heures de travail hebdomadaire (et non 35 heures de travail effectif), dont 33,25 heures de travail effectif, que les 1,75 heures restantes étaient du temps de pause rémunéré, si bien que, contrairement à ce qu’elle allègue, Mme Y avait donc bien perçu les salaires qui lui étaient dus, temps de pause rémunéré inclus. L’employeur ajoute que la salariée avait toujours signé ses heures de travail sans la moindre contestation, et sans jamais fait savoir qu’elle avait une quelconque revendication sur ce sujet, et qu’à compter du mois de mais 2012, les bulletins de salaire avaient été régularisés puisqu’ils comportaient effectivement une ligne spécifique pour le temps de pause. En sa qualité d’intervenante volontaire accessoire, l’ancienne dirigeante de la société Cassail – Mme C – conclut dans le même sens.

Force est cependant de constater que ni le contrat de travail, ni les bulletins de paie de la salariée jusqu’au mois de mai 2012 ni aucune autre pièce produite par l’employeur ou l’ancienne dirigeante de la société – tels les plannings – ne font état de temps de pause.

C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes de Rodez a accueilli la demande de Mme Y sur le principe, en excluant la période postérieure au mois de mai 2012. Il importe peu en effet que la salariée n’ait émis la moindre demande à ce sujet pendant le cours de l’exécution de son contrat de travail car on ne peut lui objecter

qu’elle aurait, ce faisant, renoncé à ses droits.

La cour rappelle cependant qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il s’en infère que lorsque – comme en l’espèce – la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 21 octobre 2014, la prescription de trois ans issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 est applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi sans que la durée totale de prescription ne puisse excéder cinq ans, si bien que les demandes portant sur des créances nées postérieurement au 21 octobre 2009 ne sont pas prescrites.

Le jugement sera donc confirmé sur le principe de la condamnation de l’employeur au titre d’un rappel de salaire pour les temps de pause, mais réformé sur le montant, la société Cassail devant être condamnée à la somme de 2.482,16 € justement réclamée, outre les congés payés afférents, pour la période d’octobre 2009 à avril 2012.

Par ailleurs, et contrairement à ce qu’a décidé le conseil de prud’hommes de Rodez, il n’y a pas lieu de condamner la société Cassail 'prise en la personne de Mme G C', qui n’en est plus dirigeante depuis le rachat intervenu le 27 octobre 2014, peu important les accords et clauses de garantie susceptibles d’unir les associés successifs qui ne sont pas opposables aux tiers et qui ne relèvent pas de la compétence de la juridiction prud’homale.

Sur la prime de 13e mois :

Mme Y a été déboutée de sa demande à ce titre par le conseil de prud’hommes qui a rappelé les dispositions des articles 3.7 et 3.7.3 de la convention collective et considéré que la salariée faisait une fausse application du premier tandis que le paiement de la prime figurait bien sur ses bulletins de salaire.

Force est de constater qu’elle produit un décompte dans lequel elle ne fait pas figurer le montant des primes qui lui ont effectivement été versées tandis qu’elle ne justifie pas de l’accomplissement d’heures supplémentaires habituelles qui étaient seules susceptibles d’être prises en compte.

En conséquence le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les jours fériés :

Mme Y réitère en cause d’appel la demande de paiement d’une somme de 142,61 € – outre les congés payés afférents – rejetée en première instance après que le conseil de prud’hommes ait constaté qu’elle ne justifiait pas du bien fondé de sa demande et que l’employeur démontrait au contraire qu’elle avait été entièrement remplie de ses droits.

La salariée appelante soutient que si les heures supplémentaires travaillées lui ont bien été payées, la majoration pour heures supplémentaires réalisées un jour férié ne l’avaient pas été.

La société Cassail et Mme C objectent cependant à juste titre que les heures supplémentaires se déterminent sur la base de la semaine et que Mme Y ne démontre pas avoir effectué des heures supplémentaires les semaines comportant un

jour férié.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point également.

Sur le changement de fonctions:

Mme Y reprend sa demande d’octroi d’une somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail et méconnaissance par la société Cassail des dispositions de l’article L.1222-1 du code du travail en faisant valoir qu’elle avait été embauchée sur un poste d’employée de bureau mais qu’entre janvier 2012 et octobre 2014 elle avait été mutée d’autorité sur divers postes de travail dans le magasin (mise en rayon, caisse, essence, etc.) d’une plus grande pénibilité physique, à un moment où elle devenait mère de famille ce qui ajoutait à la difficulté.

Force est cependant de constater que – comme le font valoir la société Cassail et Mme C – la salariée avait accepté de travailler à différents postes de travail au sein du magasin car elle souhaitait devenir responsable de magasin et elle avait d’ailleurs suivi diverses formations dans ce but au cours de la période concernée.

La salariée qui en fait d’ailleurs l’aveu dans ses conclusions n’est donc pas fondée à reprocher à l’employeur une modification unilatérale ou une exécution déloyale de son contrat de travail en janvier 2012.

Le jugement sera confirmé sur le rejet de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail :

Le contrat de travail conclu sans détermination de durée peut cesser à l’initiative d’une partie contractante ou d’un commun accord entre elles. Lorsque le salarié prend l’initiative de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au juge de vérifier si les faits invoqués par le salarié sont établis et, dans l’affirmative, s’ils caractérisent un manquement suffisamment grave de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.

Dans les deux cas, la prise d’acte provoque immédiatement la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, Mme Y rappelle qu’elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par une lettre du 30 mai 2015 qui était ainsi motivée :

'Employée dans votre établissement depuis le 8 septembre 2008 en qualité d’employée de bureau, je travaille en réalité, à raison de 4 heures par jour en qualité de caissière ou de metteuse en rayon depuis le mois de janvier en dépit de mes protestations.

De la même manière, et parce que je travaille à la caisse, plusieurs fois par semaine, j’effectue 15 minutes au moins de travail en plus de mon horaire normal, pour satisfaire aux procédures de clôture de la caisse et des opérations de la journée. Ce supplément de travail ne donne lieu à aucune rémunération supplémentaire.

Enfin, je veux revenir sur la journée du 29 avril à l5h15, où Mme A m’a fait des reproches sur mon travail. Alors que je me justifiais, celle ci m’a répété deux fois de « fermer ma gueule ». ll lui est aussi arrivé de dire plusieurs fois à moi et à ceux qui ont engagé une action prud 'homale qu 'elle nous en voulait "à mort'. Et depuis, ce n’est que harcelement de sa part. En ma qualité de déléguée du personnel, j’ai même eu droit à un régime particulier de la part de Mme A.

Je considère que vous avez donc créé les conditions de la rupture de mon contrat de travail de votre fait et à votre tort exclusif

'.

Dans le cadre de son appel, la salariée reprend les griefs formulés dans cette lettre pour justifier que la rupture est imputable à l’employeur.

Il convient d’écarter d’emblée le grief relatif au changement de fonctions imposé unilatéralement à la salariée : non seulement il n’est pas établi mais, de surcroît, la polyvalence des tâches accomplies n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant de nombreux mois, voire plusieurs années, de sorte que la prise d’acte ne pouvait reposer sur ce motif. La salariée fait état de ce que Mme C lui avait laissé croire qu’elle serait nommée manager du magasin à terme, mais elle ne produit aucun élément de preuve à ce sujet.

S’agissant du supplément de temps de travail lors de son affectation en caisse, la cour observe que la salariée procède par voie d’affirmation et n’a d’ailleurs pas demandé la condamnation de la société Cassail à lui payer un rappel de salaire au titre de ces heures supplémentaires.

Quant au harcèlement attribué à Mme A, la cour observe que Mme Y admet ne pouvoir rapporter la preuve de l’altercation du 29 avril 2015 qui s’est 'déroulée sans témoin' selon ses écritures.

Elle s’appuie par ailleurs sur l’attestation de Mme D qui ne rapporte aucun élément matériel précis et concordant susceptible de caractériser un agissement de harcèlement moral de la part de Mme A à son encontre, ce témoin faisant état de réprimandes à l’encontre du frère de la salariée.

Quant à l’attestation de Mme E, celle-ci ressemble à une forme de 'réquisitoire' contre les directions successives de la société Cassail mais elle ne fournit aucun élément matériel précis et vérifiable d’agissement susceptible de caractériser un harcèlement moral à une période contemporaine de la prise d’acte.

Aucun autre élément n’étant produit à ce sujet, la cour confirmera le jugement qui a rejeté la demande de voir faire peser la responsabilité de la rupture sur la société Cassail et toutes les demandes subséquentes au titre d’un licenciement nul et de la violation du statut protecteur.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Lorsque la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission, le salarié est redevable de l’indemnité compensatrice résultant de l’application de l’article L.1237-1 du code du travail, sauf si la rupture est intervenue pendant une période de suspension du contrat de travail, si le salarié se trouve dans l’incapacité d’accomplir son préavis du fait de la maladie notamment ou si l’employeur l’en a dispensé de façon non équivoque.

En l’espèce, la société Cassail a formé appel incident du jugement en ce qu’il avait rejeté sa demande reconventionnelle à ce titre.

Elle invoque à juste titre les règles applicables en cas de démission du salarié et réclame de nouveau la condamnation de Mme Y à lui payer une somme de 3.646,82 € correspondant à deux mois de salaire.

Le conseil de prud’hommes de Rodez ne pouvait rejeter cette demande au motif que l’employeur ne justifiait d’aucun préjudice suite au départ de la salarié et il y convient au contraire d’y faire droit au vu également des dispositions du contrat de travail qui fait référence au délai congé des articles L.1237-1 et L.1234-1 du code du travail en cas de rupture à l’initiative de l’une ou l’autre des parties.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef au bénéfice de la société Cassail.

Sur les autres demandes :

Le jugement qui a partiellement accueilli les demandes de Mme Y sera également infirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et à payer à la société Cassail une somme de 50 € au titre des frais irrépétibles.

La cour décide de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel et dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Rejette les fins de non recevoir soulevées in limine litis par la société Cassail ;

Confirme le jugement rendu le 19 janvier 2017 par le conseil des prud’hommes de Rodez sauf sur :

— le montant des sommes dues à Mme Y au titre des temps de pause,

— la condamnation de la société Cassail 'prise en la personne de Madame G C, précédemment dirigeante sociale (…)' à ce titre,

— le rejet de la demande d’indemnité de préavis de démission présentée à titre reconventionnel par la société Cassail,

— la charge des dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société Cassail à payer à Mme Y les sommes suivantes :

—  2.482,16 € à titre de rappel de salaire pour les temps de pause entre octobre 2009 et avril 2012,

—  248,21 € au titre des congés payés afférents ;

Condamne Mme Y à payer à société Cassail la somme de 3.646,82 € à titre d’indemnité de préavis de démission suite à sa prise d’acte de la rupture en date du 1er juin 2015 ;

Déboute les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 17 février 2021, n° 17/00272