Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 21 février 2022, n° 19/05424

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  • Consorts·
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  • Règlement intérieur·
  • Allergie·
  • Résiliation du bail·
  • Utilisation

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 21 FEVRIER 2022


Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/05424 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OI5W


Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 JUILLET 2019

TRIBUNAL D’INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 11-18-1026

APPELANTE :

Madame C E F Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]


Représentée par Me Séverine LE BIGOT de la SCP SCP RUDELLE, LE BIGOT, SCOLLO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/012232 du 28/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMES :

Monsieur Z X

né le […] à ROUBAIX

de nationalité Française

[…]
Représenté par Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

assisté de Me Jacques RICHER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame B X

née le […] à BEZIERS

de nationalité Française

[…]

[…]


Représentée par Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS

assisté de Me Jacques RICHER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant


Ordonnance de clôture du 20 Décembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 JANVIER 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller, chargé du rapport.


Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :


- Contradictoire.


- prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;


- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

* * *

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES


Le 20 mars 2006, B X et Z X ont donné à bail via leur mandataire H J à C Y et D Y une maison à usage d’habitation.


Suite à l’utilisation par les locataires d’un barbecue troublant le voisinage à plusieurs reprises, les consorts X ont mis en demeure les époux Y de retirer le barbecue par LRAR du 22 mai 2018, sans succès.


Le 7 juin 2018, les époux X ont assigné les consorts Y aux fins notamment de voir prononcer la résiliation du bail et l’expulsion des locataire.

Le jugement rendu le 5 juillet 2019 par le tribunal d’instance de Béziers énonce dans son dispositif :

• Ordonne à C Y et D Y de procéder à l’enlèvement de leur barbecue dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement. Prononce à défaut la résiliation du bail.•

• Dit que dans pareille hypothèse, les consorts X pourront faire procéder à l’expulsion des époux Y.

• Condamne dans ce cas C Y et D Y à acquitter jusqu’à leur départ effectif des lieux une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer.

• Condamne C Y et D Y à payer aux consorts X la somme de 800 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens. Ordonne l’exécution provisoire.•


Le jugement expose que l’article 10 du règlement de copropriété, auquel le bail fait référence, proscrit l’utilisation d’un barbecue dans les jardins privatifs.


Il relève que les locataires n’ont pas déféré à la mise en demeure adressée le 22 mai 2018 les sommant d’enlever leur barbecue. L’argument des défendeurs selon lequel les allergies alimentaires de leur fille nécessitent de diversifier les modes de cuisson en élaborant des recettes à cuire sur le barbecue ne permet pas d’expliquer pourquoi le barbecue serait l’unique mode de cuisson des aliments destinés à leur fille.


Le jugement constate que les locataires ne jouissent pas paisiblement des lieux loués et qu’il convient de faire droit aux demandes des bailleurs, contraints de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par leurs locataires tout en accordant un délai à ces derniers pour régulariser la situation.

C Y a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 30 juillet 2019.

C Y et D Y se sont séparés et ce dernier a quitté le domicile.


La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 décembre 2021.
Les dernières écritures pour C Y ont été déposées le 17 octobre 2019.


Les dernières écritures pour les consorts X ont été déposées le 5 décembre 2019.

Le dispositif des écritures pour C Y énonce :


Déclarer C Y recevable en son appel et y faire droit.• Infirmer le jugement rendu le 5 juillet 2019.•

• Débouter les époux X de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

• Condamner B X et Z X solidairement à verser la somme de 1 500 € à titre d’indemnité par application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Condamner B X et Z X aux entiers dépens.•


C Y soutient que le contenu du règlement de copropriété n’est pas démontré puisque l’extrait versé aux débats ne comprend qu’une page et qu’en tout état de cause ni le bail ni ses annexes ne mentionnent l’interdiction d’utiliser un barbecue. Elle ajoute que les bailleurs ne démontrent pas lui avoir notifié ce règlement de copropriété afin de le lui rendre opposable.


C Y soutient qu’elle a fixé son barbecue car il s’agit du mode de cuisson le plus adapté pour les repas de sa fille atteinte d’autisme et d’allergies alimentaires. Elle avance avoir prévenu le syndic et ne plus avoir été inquiété par ce dernier à compter du 15 janvier 2011, les barbecues mobiles étant désormais tolérés. Elle fait valoir qu’elle a conservé un barbecue fixe pour des raisons de sécurité. Elle estime qu’elle est victime de l’acharnement de certains de ses voisins notamment l’un d’eux condamné pour tapage nocturne suite à une plainte qu’elle avait déposée. Plusieurs voisins attestent des intentions malveillantes du voisinage à son égard.


La locataire soutient que la clause résolutoire du bail ne vise pas les manquements éventuels du locataire au règlement de copropriété ni le défaut de jouissance paisible et qu’en outre les bailleurs ne pouvaient faire valoir aucun motif légitime et sérieux pour lui donner congé. C’est pour cela, selon elle, que les bailleurs ont demandé la résolution judiciaire du bail pour refus d’enlever le barbecue litigieux.


Elle estime que le juge n’a ainsi pas justifié sa décision au regard de l’article 1217 du Code civil puisqu’il faut que les époux X démontrent l’existence d’un manquement contractuel portant sur une obligation essentielle du contrat, ce qui n’est pas le cas puisqu’il n’est pas démontré que le règlement lui ait été notifié, ainsi que l’existence d’un préjudice en lien direct avec ce manquement, ce qui n’est pas le cas puisque aucune plainte ou constat d’huissier n’a été versé aux débats.

Le dispositif des écritures pour les époux X énonce :

• Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a ordonné aux consorts Y de procéder à l’enlèvement du barbecue dans le délai de quatre mois. Ordonner l’expulsion si besoin.•

• Condamner les consorts Y au paiement d’une indemnité d’occupation équivalente au titre du loyer courant à compter de la date du jugement jusqu’à complète libération des lieux ainsi qu’à leur payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les consorts X soutiennent que le règlement de copropriété prévoit bien l’interdiction de réaliser un barbecue fixe dans un jardin sans l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. Ils versent aux débats le règlement intérieur et l’acte de vente de l’immeuble qui prévoient expressément cette interdiction. Ils ajoutent que le premier juge a parfaitement relevé que ni les bailleurs ni la copropriété ne doit pâtir du régime alimentaire particulier de la fille des consorts Y. Rien ne justifie l’utilisation d’un barbecue prohibé par les normes de la copropriété. Les époux Y ont refusé de procéder à la dépose du barbecue malgré les mises en demeure effectuées, il y a donc bien manquement à l’obligation de jouir paisiblement des lieux prévus à l’article 1728 du Code civil ainsi que non respect du règlement de copropriété.


Les bailleurs précisent que le préjudice subi est constitué par le manque de sécurité imposé à tous le voisinage.

MOTIFS


Sur la résiliation du bail pour défaut de jouissance paisible :


Il résulte des dispositions des articles 1728 du Code Civil et de l’article 7 de la Loi du 06/07/1989 que le locataire doit jouir de la chose louée en bon père de famille impliquant une jouissance paisible.


Cette obligation de jouissance paisible impose en particulier au locataire de jouir des locaux dans le respect des obligations qui lui sont imparties par le bail, le règlement de copropriété ou le règlement intérieur de l’immeuble et sans créer aux co-locataires ou à des tiers des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage.


En l’espèce les époux Y se voient reprocher d’avoir installé dans le jardin un barbecue fixe et de l’utiliser alors qu’une telle installation et une telle utilisation sont prescrites par le règlement de copropriété et le règlement intérieur.


Il ressort des pièces produites au débat que le contrat de bail en date du 20 mars 2006 dispose en son chapitre sur les conditions de jouissance article 2.3.1 en particulier que le preneur devra jouir des locaux en bon père de famille et ne rien faire qui par son fait celui de sa famille ou des gens à son service puisse nuire à la tranquillité de l’immeuble et des autres occupants et que plus généralement il devra respecter le règlement de jouissance ou le règlement de copropriété de l’immeuble ainsi que toutes les décisions prises par le syndicat des copropriétaires pour autant où elle lui auront été notifiées.


Par ailleurs le règlement de copropriété prévoit expressément qu’il est formellement interdit de réaliser dans les jardins privatifs aucun grill, barbecue ou installation similaire fixe ni d’en utiliser même mobiles sauf autorisation expresse de l’assemblée générale des copropriétaires statuant à la majorité requise.


Il s’avère que le règlement intérieur a quelque peu assoupli cette interdiction en tolérant les barbecues mobiles à roulettes.


La locataire appelante ne conteste pas avoir édifié une barbecue fixe mais soutient comme en première instance d’une part ne pas s’être vue notifier le règlement de copropriété et d’autre part que la réalisation et l’utilisation d’une barbecue fixe se sont imposées en raison d’allergies alimentaires de sa fille nécessitant d’élaborer des recettes au feu de bois sur un barbecue fixe, un barbecue mobile pouvant s’avérer dangereux.


Si les bailleurs ne justifient pas de la notification du règlement de copropriété à leurs locataires au moment de la signature du bail ils justifient d’avoir adressé le 22 mai 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception aux époux Y par l’intermédiaire de leur conseil une mise en demeure d’avoir à procéder à l’enlèvement du barbecue installé en infraction au règlement de copropriété, mise en demeure qui n’a pas été suivie d’effet.


Cette mise en demeure de procéder à l’enlèvement de barbecue fixe a été réitérée cette fois-ci par l’agence H I J gestionnaire du bien et syndic de copropriété par un courrier en date du 7 octobre 2010 produit par les consorts Y eux-même, le gestionnaire les informant également que l’utilisation de barbecues mobiles était tolérée.


Dans un nouveau courrier en date du 25 octobre 2010 également produit par les consorts Y H I J a pris en compte les explications des locataires mais a maintenu sa demande d’enlèvement du barbecue fixe, demande encore renouvelée par courrier du 7 décembre 2010 à laquelle a été annexé le règlement de copropriété puis par courrier du 22 décembre 2010.


C’est à juste titre que le premier juge a considéré que loin de remettre en cause le régime alimentaire particulier de la fille des époux Y et la qualité de la prise en charge de cette enfant par ses parents cela ne pouvait justifier de contrevenir au règlement de copropriété, au règlement intérieur et donc aux obligations contractuelles des locataires qui se sont engagés à respecter les règles de l’immeuble dans lequel se situe le bien loué.


La cour ajoute que le fait que plusieurs voisins attestent soit de ce que le barbecue fixe des époux Y ne leur occasionne pas de nuisance soit de l’existence d’un conflit entre les époux Y et d’autres voisins à l’origine du présent litige est sans incidence sur le fait qu’il ne peut être contesté que l’appelante en toute connaissance de cause et de façon réitérée ne respecte pas les règles contractuelles de jouissance des lieux.


Au vu de ces éléments c’est à juste titre que le tribunal d’instance a considéré que le manquement par le preneur à son obligation de jouissance paisible justifiait la résiliation du bail, en accordant toutefois aux preneurs un délai de quatre mois à compter de sa décision pour procéder à la dépose du barbecue.


Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a ordonné à C Y et D Y de procéder à l’enlèvement de leur barbecue dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, prononcé à défaut la résiliation du bail et dit que dans pareille hypothèse, les consorts X pourront faire procéder à l’expulsion des époux Y.


Sur les demande accessoires :


Le jugement dont appel sera également confirmé en ses dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.


En outre C Y succombant en son appel sera condamnée au paiement de la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu’aux dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS :


La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe;


Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d’instance de Béziers le 5 juillet 2019;


Y ajoutant ,


Condamne C Y à payer à B X et Z X la somme de 1 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne C Y aux dépens de la procédure d’appel.

Le greffier, Le président, 1. K L M N

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