Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 24 avril 2009, n° 07/00293

  • Sport·
  • Démission·
  • Harcèlement moral·
  • Attestation·
  • Salarié·
  • Travail·
  • Discrimination raciale·
  • Magasin·
  • Sociétés·
  • Poste

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc., 24 avr. 2009, n° 07/00293
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 07/00293
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 18 janvier 2007, N° 938/02006

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 24 AVRIL 2009

R.G : 07/00293

Conseil de Prud’hommes de NANCY

938/2006

19 janvier 2007

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANT :

Monsieur U Q R

XXX

XXX

Comparant en personne

Assisté de Maître Manuel CONREAU (Avocat au Barreau de SAINT DIE DES VOSGES)

INTIMÉE :

S.A.S. GO SPORT FRANCE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

XXX

XXX

Représentée par Maître Florence GOUMARD substituant Maître Marie-Laure DE BUHREN (Avocats au Barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Madame SCHMEITZKY, Président de Chambre

Siégeant en Conseiller rapporteur

Greffier : Madame X (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 27 février 2009 tenue par Madame SCHMEITZKY, Président, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Madame SCHMEITZKY, Président, Madame Y et Madame AB-AC, Conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 24 avril 2009 ;

A l’audience du 24 avril 2009, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur U Q R, né le XXX, a été engagé à compter du 16 juillet 2003 par la société Go Sport France en qualité de vendeur débutant.

Il était affecté au rayon de vente des chaussures.

Il s’est vu notifier un avertissement par lettre du 15 février 2005 pour altercation l’ayant opposé le 3 janvier précédent à un agent de sécurité.

Le 27 avril 2005, l’intéressé a présenté sa démission.

Il a été placé à plusieurs reprises en arrêt de travail en 2004 ainsi qu’en 2005, notamment du 26 au 28 avril, puis du 5 au 31 mai 2005 pour état dépressif.

Son salaire mensuel s’élevait en dernier lieu à 1 183,40 €.

La relation de travail était régie par la convention collective de commerce des articles de sport et équipements et loisirs.

La société employait plus de onze salariés.

Soutenant avoir été contraint de donner sa démission en raison de faits de harcèlement moral et de discrimination exercés à son encontre par la société Go Sport France, Monsieur Q R a saisi le 8 décembre 2005 le Conseil de Prud’hommes de Nancy de demandes aux fins d’indemnité de préavis, d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discriminations raciales.

Il a été débouté de l’intégralité de ses demandes par jugement du 19 janvier 2007.

L’intéressé a régulièrement interjeté appel ; il conclut à l’infirmation du jugement et au maintien de ses demandes initiales, sollicitant :

—  1 238 € à titre d’indemnité de préavis,

—  123,80 € à titre de congés payés afférents,

—  1 238 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

—  12 380 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  35 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice causé par le harcèlement moral et les discriminations raciales,

—  1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur Q R réclame la remise, sous astreinte de 20 € par jour de retard, d’un certificat de travail et d’une attestation pour l’Assedic rectifiés.

La société Go Sport France conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l’intégralité des demandes de Monsieur Q R à l’encontre duquel elle sollicite 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier le 27 février 2009, dont elles ont maintenu les termes lors de l’audience.

MOTIVATION

— Sur le harcèlement moral

Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur Q R reproche successivement à la société Go Sport France l’isolement qui lui était imposé, la surveillance incessante de ses supérieurs hiérarchiques, les fausses accusations portées à son encontre, l’attribution de tâches dégradantes ne correspondant pas à ses fonctions et notamment le fait de se voir cantonner en réserve dans un local non chauffé ou dehors au déchargement des livraisons avec l’interdiction de porter des vêtements chauds, toutes assertions démenties par la société Go Sport France qui invoque au contraire le comportement agressif du salarié à l’égard de ses collègues qu’il n’aurait pas hésité à intimider pour établir des attestations en sa faveur.

Monsieur Q R verse au soutien de son action diverses attestations de collègues faisant état de sa mise à l’écart et des pressions subies par sa hiérarchie aux fins de l’isoler.

Dans leurs écrits, Mesdemoiselles Heimferte et Berkani, respectivement intérimaire et stagiaire, relatent l’isolement imposé par la hiérarchie à Monsieur Q R auquel il était interdit de s’adresser. Il est à relever que ces attestations sont dactylographiées et munies de la seule signature de leur auteur.

Dans son attestation, Monsieur Z, stagiaire, relate également la mise à l’écart de Monsieur Q R et la pression subie par sa hiérarchie aux fins de lui attribuer des tâches peu corectes. (sic). Cette attestation est cependant de portée probante limitée en ce qu’elle est rédigée d’une encre distincte de la signature de son auteur et dépourvue de toute pièce d’identité.

Dans son attestation, Monsieur A fait état d’injures raciales de la part de sa responsable en ces termes sale bougnoule ; il mentionne également le placement du salarié dans un local de réception non chauffé et les pressions subies par Monsieur Q R aux fins de le faire craquer mentalement. Il est à relever que la signature de Monsieur A diffère des termes en script du corps de l’attestation.

Dans son attestation datée du 2 février 2005, Mademoiselle B, collègue de travail de Monsieur Q R, dénonce les pressions et menaces exercées sur elle par la responsable du secteur chaussures, et supérieur hiérarchique de Monsieur Q R, S T aux fins d’écrire des choses fausses sur lui.

Dans deux attestations, dont l’une dactylographiée, Madame C, vendeuse de la société Go Sport France, dénonce les pressions subies par les supérieurs hiérarchiques de Monsieur Q R, Monsieur D et Madame E, aux fins de témoigner sur l’incident ayant opposé Monsieur Q R et Monsieur F auquel elle n’avait pas assisté et fait état de la volonté de Madame E de ne pas confier de travail à Monsieur Q R dont elle contestait les compétences.

L’intéressé verse également les attestations de son entourage, soit de ses deux s’urs Nora et AD Q R, la première mentionnant le caractère arrogant de la responsable de secteur adopté à l’égard de Monsieur Q R en sa présence, la seconde décrivant l’état d’angoisse subi par son frère avant de rejoindre chaque matin son poste. Dans son attestation, Monsieur G confirme avoir conduit le salarié sur son poste de travail souvent en pleurs et en état de stress élevé.

Monsieur Q R produit l’examen clinique et psychiatrique réalisé le 30 juin 2004 à la demande du médecin du travail par le docteur H selon lequel : les éléments de l’examen clinique permettent d’objectiver et de retenir la notion d’un harcèlement moral d’origine professionnelle caractérisé. Il ajoute qu’une déclaration de maladie à caractère professionnel serait à préconiser, précisant cependant que le salarié ne souhaitait pas être déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise aux motifs que la situation d’inaptitude ou de licenciement aurait une résonance péjorative pour lui.

Sont enfin produites les attestations de Messieurs I et J, directeurs de magasin et anciens employeurs de Monsieur Q R dont ils vantent les qualités professionnelles et relationnelles.

L’ensemble de ces éléments étant de nature à faire présumer un harcèlement moral, il revient à la société Go Sport France d’établir que ces faits ne caractérisent pas pour autant une situation de harcèlement.

La société Go Sport France verse l’attestation de Mademoiselle B en date du 4 février 2005, soit postérieure de deux jours à celle délivrée en faveur de Monsieur Q R, relatant de façon très circonstanciée sur plus de deux pages les pressions et man’uvres d’intimidation exercées sur elle par Monsieur Q R à compter du 1er février 2005, date de reprise de son stage, l’ayant enjointe à diverses reprises d’établir une attestation en sa faveur sur un modèle écrit et faisant état de ses performances en ceinture noire.

Sont de même fournies les attestations de Messieurs K et F et de Mesdames L et E, déniant le fait que Monsieur Q R aurait fait l’objet d’injures ou de paroles discriminatoires, Monsieur F et Madame E, certes responsables hiérarchiques du salarié, faisant état de leurs origines et religion communes.

Alors que Monsieur Q R se plaint d’avoir été relégué en réserve à s’occuper le plus souvent de la réception des marchandises, les attestations de sa propre s’ur relatant l’incident en surface de vente, outre celle de Madame M, cliente mécontente des prestations du vendeur prénomé U (sic) le 19 novembre 2004, démentent de telles affirmations. Il en est de même des propos contenus dans son écrit par Madame N, collègue du rayon chaussures de Monsieur Q R, critiquant sa prise en charge des clients et le non- respect de son planning, la forçant à exécuter son travail à sa place, l’auteur de l’attestation ajoutant que le salarié disparaissait assez régulièrement dans le magasin.

Dans son attestation, Monsieur K, responsable de rayon, souligne l’attitude peu professionnelle de Monsieur Q R refusant d’exécuter à trois reprises les missions qu’il lui avait confiées et s’adressant à un livreur en ces termes : vous pouvez jeter les vélos, j’en ai rien à péter je suis l’arabe de service.

Le fait qu’il ait été constamment relégué à la réception est également contredit par l’attestation détaillée de Monsieur F lors de l’incident survenu le 3 janvier 2005 à la suite duquel Monsieur Q R a reçu un avertissement et indiquant avoir surpris Monsieur Q R dans le magasin en conversation avec d’autres personnes qui l’auraient insulté, Monsieur Q R se vantant d’être champion de karaté et de le frapper. Monsieur F fait état de l’intervention de la responsable, Madame O, leur enjoignant de se séparer et de regagner leur poste, ce que lui-même a accepté de faire, à la différence de Monsieur Q R refusant de se retirer et poursuivant ses menaces.

Outre le fait qu’il n’ait pas été affecté en permanence à la réception, comme il le soutient, la société Go Sport France verse au dossier l’attestation de Madame P, directrice du magasin, selon laquelle la réception du magasin est équipée depuis l’ouverture de la surface en avril 2001 de deux systèmes de chauffage « aérothèmes », réfutant ainsi l’affirmation du salarié selon laquelle il devait travailler dans le froid en réserve.

Ainsi que le relève à juste titre la société Go Sport France, il est surprenant que, postérieurement à l’avis du médecin expert délivré le 16 août 2004 et jusqu’à sa démission, Monsieur Q R n’ait saisi ni l’Inspecteur du travail, ni les représentants du personnel des faits de harcèlement moral exercés à son encontre et qu’en dépit des troubles décrits et du stress ressenti par le salarié, il ait été déclaré apte à la reprise de son poste le 16 août 2004 par le médecin du travail sans la moindre référence à une situation de harcèlement moral.

Il en résulte que bien que présumés existants, les faits dénoncés par Monsieur Q R sont contredits par les pièces versées par l’employeur de sorte qu’il ne saurait être fait droit à la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discriminations raciales du salarié.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

— Sur la démission

La lettre de démission de Monsieur Q R datée du 27 avril 2005 est ainsi libellée :

'Par la présente, je soussigné U V, vous informe de ma volonté de démission du poste de Vendeur chaussure que j’occupe depuis le 16 juillet 2004 au 27 avril 2005 inclus

Comme prévu, je n’effectue pas de préavi.

Je souhaite que mon solde de tout compte me soit versé à mon domicile.

Veuillez agréer, Madame l’expression de mes sentiments les meilleurs.' (Sic).

La démission ne se présume pas et il appartient au juge de vérifier si, au moment où elle est donnée, la démission résulte d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque du salarié de mettre fin au contrat de travail, Monsieur Q R invoquant la contrainte morale générée par le harcèlement moral l’ayant conduit à donner sa démission.

C’est à juste titre, et par des motifs pertinents que la Cour adopte, que les premiers juges ont débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes d’indemnités de rupture y compris l’indemnité pour non-respect de la procédure dès lors que la lettre de démission était rédigée en termes non équivoques sans évoquer de difficultés rencontrés dans l’exécution de son contrat de travail, observation étant faite du délai de plus de huit mois écoulé entre le certificat médical délivré le 16 août 2004 par le médecin expert et la lettre de démission du 27 avril 2005, puis entre la lettre de démission et la saisine le 8 décembre 2005 du Conseil de Prud’hommes aux fins de remettre en cause les conditions de la rupture des relations de travail.

Le jugement sera donc confirmé.

— Sur le rappel de salaire

Monsieur Q R sollicite à hauteur d’appel dans le corps de ses conclusions, sans le réitérer dans le dispositif, la condamnation de la société Go Sport France à lui verser la somme de 1 567,90 € à titre de perte de salaire durant ses arrêts maladie motivé par un état anxio-dépressif réactionnel généré par le comportement de son employeur.

Au vu de ce qui vient d’être énoncé, il ne saurait être fait droit à cette demande, les pertes de salaire représentant les jours de carence n’ayant pas à être pris en charge par l’employeur à défaut d’agissements de harcèlement moral, étant au surplus relevé que pour partie les jours d’arrêt maladie dont il est sollicité la prise en charge sont postérieurs à la prise d’effet de démission de Monsieur Q R dès le 27 avril 2005.

— Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile en les circonstances de la cause.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ;

Ajoutant,

DÉBOUTE Monsieur U Q R de sa demande de rappel de salaire ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Monsieur Q R aux entiers dépens.

Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame SCHMEITZKY, Président, et par Madame X, Greffier Placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Minute en sept pages

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 24 avril 2009, n° 07/00293