Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 2 décembre 2020, n° 20/00937

  • Tierce opposition·
  • Sociétés·
  • Conflit social·
  • Protocole d'accord·
  • Cession·
  • Intérêt à agir·
  • Action·
  • Procédure·
  • Risque·
  • Procédure civile

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 5e ch., 2 déc. 2020, n° 20/00937
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 20/00937
Décision précédente : Cour d'appel de Nancy, 14 janvier 2020, N° 19/01732
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT N° /20 DU 02 DECEMBRE 2020

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/00937 – N° Portalis DBVR-V-B7E-ESLT

Décision déférée à la Cour : arrêt de la Cour d’Appel de NANCY, R.G. n° 19/01732, en date du 15 janvier 2020,

DEMANDEUR A LA TIERCE OPPOSITION :

SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE (SDMI), Prise en la personne de ses représentants légaux, pour ce domiciliés […] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d’Epinal sous le numéro 443 555 685

représentée par Me Olivier GIRARDOT de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

[…] :

Monsieur Z Y

demeurant […]

représenté par Me Olivier GIRARDOT de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

Monsieur B X

demeurant […]

représenté par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

Avocat plaidant : Me André EHRMANN, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Octobre 2020, en audience publique devant la Cour composée de :

Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, qui a fait le rapport,

Claude SOIN, Conseiller,

Jean-Louis FIRON, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, Madame Emilie ABAD, lors des débats ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2020, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

signé par Mme Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de la chambre et par Mme Emilie ABAD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Selon acte sous seing privé en date du 11 juillet 2018, MM. X et Y ont conclu un accord portant sur la cession des actions constituant le capital de la SAS Société de décontamination et de maintenance industrielle (SDMI) détenues par M. Z Y, son épouse Mme D Y et leur fils, M. E F. Cet accord prévoyait la cession immédiate de 599 des 600 actions détenues par M. Z Y, ce dernier se portant fort de la cession immédiate et sur première demande des 150 actions détenues par son épouse et son fils, pour un prix total de 50'000 euros, la cession de l’unique action conservée par lui devant intervenir au 1er janvier 2021 au prix de 66,66 euros.

M. X, après avoir vainement demandé à M. Y d’exécuter son engagement, lui a fait délivrer une sommation de faire le 4 octobre 2018.

Par acte d’huissier en date du 22 novembre 2018, M. X a fait assigner M. Y devant le président du tribunal de commerce d’Épinal, statuant en référé, aux fins d’obtenir l’exécution du protocole d’accord.

Par ordonnance du 6 juin 2019, le juge des référés s’est déclaré compétent pour connaître du litige, et a':

— dit la demande de M. X recevable et bien fondée en partie,

— ordonné à M. Y de céder à M. X 599 des 600 actions qu’il détient dans la société SDMI, en exécution du protocole d’accord signé le 11 juillet 2018,

— ordonné à M. Y de remettre à M. X les ordres de mouvements des actions cédées,

— dit qu’il n’y pas lieu d’ordonner l’astreinte de la décision.

— débouté M. Y de l’ensemble de ses demandes,

— condamné M. Y à payer M. X la somme de 1'500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance.

M. Y a interjeté appel de cette ordonnance, par déclaration électronique transmise au greffe le 14 juin 2019, aux fins d’infirmation, en ce qu’elle a':

— déclaré le tribunal de commerce d’Épinal compétent pour connaître du litige,

— dit la demande de M. X recevable et bien fondée en partie,

— ordonné à M. Y de céder à M. X 599 des 600 actions qu’il détient dans la société SDMI, en exécution du protocole d’accord signé le 11 juillet 2018,

— ordonné à M. Y de remettre à M. X les ordres de mouvements des actions cédées,

— débouté M. Y de l’ensemble de ses demandes,

— condamné M. Y à payer M. X la somme de 1'500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance.

Par ordonnance du 25 juillet 2019, le délégué du premier président a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance formée par M. Y.

Par arrêt du 15 janvier 2020, la cour de céans a':

— confirmé l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce d’Épinal en date du 6 juin 2019 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

— déclaré irrecevable en tant que portée devant la cour statuant avec les pouvoirs du juge des référés la demande tendant à voir prononcer la nullité du protocole d’accord,

— débouté M. Y de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. Y aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. X une indemnité de procédure d’un montant de 1'500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par assignations des 26 et 28 mai 2020, respectivement signifiées à M. Y, à personne et à M. X, à domicile, la société SDMI a formé une tierce opposition à l’encontre de l’arrêt du 15 janvier 2020.

Par conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2020, elle demande à la cour, au visa des articles 582, 585, 586 et 590 du code de procédure civile et 1137 du code civil, de :

— constater que l’arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la cour d’appel de Nancy porte directement préjudice à la société SDMI, tiers opposant ;

— déclarer la société SDMI, tiers opposant, recevable et bien fondée en sa demande ;

— ordonner en conséquence la rétractation de l’arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la cour d’appel de Nancy en ce qu’il :

« CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce d’Epinal en

date du 6 juin 2019 en toutes ses dispositions »

— condamner Monsieur X au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SDMI soutient qu’elle est recevable à former tierce opposition contre l’arrêt, qui lui a été signifié par M. X, dans la mesure où elle n’était pas partie au litige en première instance et a un intérêt à agir en ce que la cession, si elle se réalisait, aboutirait à une prise de contrôle totale et sans limite de ce dernier qui lui causerait un préjudice considérable et irréversible et l’exposerait à un risque à la fois social, pénal et commercial.

À cet égard, elle fait valoir que, lorsque les salariés de la société ont été informés de la signature du protocole de cession ils ont immédiatement manifesté leur désaccord et porté à la connaissance de M. Y des faits particulièrement graves concernant les agissements de M. X, qui s’ils avaient été connus du cédant, l’auraient conduit à ne pas signer le compromis de vente. La société considère ainsi que M. Y a été victime d’un dol et qu’elle a donc incontestablement un intérêt légitime à former tierce opposition pour obtenir le rejet des prétentions de M. X qui au surplus n’a pas versé le prix convenu et dont la solvabilité n’est pas démontrée.

Elle fait valoir qu’il existe un risque avéré de conflit social pouvant mettre en cause la pérennité de la société, onze salariés ayant en effet indiqué ne pas ne souhaiter travailler pour M. X.

En outre, un litige pénal oppose la société SDMI à M. X qui ne peut dans ces conditions raisonnablement devenir son unique dirigeant.

Elle ajoute enfin que M. X a créé, le 20 février 2019, une société Commex exerçant une activité concurrente à celle de la société SDMI, dont il est le dirigeant, ce qui entraînerait une violation de l’obligation de loyauté dont est tenu tout dirigeant social à l’égard de la société qu’il dirige conformément aux articles L. 227-8 et L. 225-251 du code de commerce.

La société SDMI considère qu’à défaut de rétractation de l’arrêt, c’est son existence même qui est menacée.

Par conclusions transmises par voie électronique le 7 octobre 2020, M. X demande à la cour, au visa des articles 32, 582 et suivants, 590 du code de procédure civile, de :

— dire et juger la tierce opposition formée par la société SDMI irrecevable et en tous cas mal fondée ;

En conséquence,

— débouter la société SDMI de toutes ses fins, moyens et prétentions ;

— la condamner outre les frais et dépens y compris de première instance, au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soulève l’irrecevabilité de la tierce opposition de la société SDMI pour défaut de qualité à agir, celle-ci ne rapportant pas la preuve d’une fraude à ses droits par des moyens qui lui soient propres n’ayant jamais été invoqués devant la cour.

Il soutient que les arguments développés par la société SDMI, représentée par M. Y, avaient déjà été développés par ce dernier devant la cour et écartés qu’il s’agisse du risque de conflit social, de la plainte pénale ou de la constitution d’une société concurrente, de sorte qu’il ne s’agit ni de moyens nouveaux ni de moyens personnels à la société que celle-ci aurait pu présenter si elle avait été partie à l’instance de référé.

L’intimé soulève ensuite l’irrecevabilité de la tierce opposition de la société SDMI pour défaut d’intérêt à agir. Il soutient qu’à travers la société dont il est le président M. Y fait une utilisation abusive et dilatoire des dispositions des articles 582 et suivants du code de procédure civile pour se soustraire à ses obligations en refusant d’exécuter le protocole d’accord qu’il a signé, alors que la part du prix exigible est consignée.

Il soutient que le préjudice caractérisant l’intérêt à agir doit être certain ce qui n’est pas le cas. Il considère que la société opère une confusion entre la personne morale et la personne physique, de son dirigeant, la première ne pouvant ainsi se prévaloir d’un dol dont aurait prétendument été victime le second, en tant qu’associé majoritaire et cédant, ce dol prétendu reposant au surplus sur des informations mensongères. Il relève que la plainte pénale, qui repose sur des faits connus de M. Y antérieurement à la signature du protocole d’accord, a été déposée par la société SDMI un mois après l’ordonnance querellée et n’est pas justifiée.

Il conteste que le changement d’associé majoritaire ou de président puisse causer un quelconque préjudice à la société, observant que le protocole d’accord prévoyait que M. Y resterait en fonction jusqu’au 31 décembre 2020, date à laquelle il envisageait de prendre sa retraite et qu’il n’est pas certain que M. X se désigne lui-même au poste de président.

S’agissant du risque de conflit social, il soutient que le changement d’actionnaire majoritaire n’a aucun impact sur les contrats de travail en cours et que sa notoriété et ses compétences dans le secteur du désamiantage sont au contraire de nature à contribuer à la pérennité et au développement de la société par l’obtention de nouveaux marchés. Il déduit du tout que la société SDMI ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice né et avéré susceptible de caractériser son intérêt à agir.

Il réfute enfin l’argument tiré de la concurrence déloyale les textes et la jurisprudence visés n’étant pas applicables en l’espèce, ajoutant qu’il n’a pas créé la société Commex et qu’il n’en est devenu l’associé qu’après avoir été informé par M. Y de son refus d’exécuter le protocole d’accord et les décisions de justice exécutoires de plein droit.

MOTIFS

L’article 583 du code de procédure civile énonce qu’est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

Il n’est pas contesté que la société SDMI a la qualité de tiers au litige ayant opposé son dirigeant, M. Y, en sa qualité de cédant des actions qu’il détient dans le capital de la société, à M. X, cessionnaire, et qu’elle n’a été ni partie ni représentée à la procédure de référé, de sorte qu’en application de l’alinéa 1er de ce texte elle a qualité à agir.

La condition prévue à l’alinéa 2 tenant à la démonstration d’une fraude ou à l’invocation de moyens propres n’est en effet exigée que lorsque la tierce opposition est formée par un créancier ou un ayant cause d’une partie, qui sont considérés comme ayant été représentés.

Il appartient à la société SDMI de justifier d’un intérêt légitime, actuel, direct et personnel à former tierce opposition. La finalité de cette voie de recours extraordinaire étant de lui rendre inopposable la décision qu’elle critique, elle doit démontrer l’existence d’un préjudice, fût-il futur voire même éventuel, découlant de cette décision.

En l’occurrence, il n’est pas contestable que suite à la cession par M. Y de la quasi-totalité des actions qu’il détient dans le capital de la société SDMI, M. X G associé majoritaire prendra nécessairement le contrôle de la société. Si ce changement d’actionnaire majoritaire n’a aucun effet sur les contrats de travail liant les salariés à la société SDMI, il n’en demeure pas moins que l’opposition manifestée par onze d’entre eux à cette cession et le refus de travailler avec M. X exprimé par certains, font peser sur la société un risque de conflit social d’ores et déjà avéré.

Il résulte par ailleurs des statuts de la société Commex ayant son siège à Sarreguemines que, contrairement à ce que prétend M. X, il a bien participé à la création de cette société, le 20 février 2019, avec MM. H I et J K. M. X exerçant les fonctions de directeur général de la société Commex, qui a la même activité que celle de la société SDMI, et possédant 48 % de son capital, il existe un risque économique réel pour la société SDMI dont les perspectives de développement sont susceptibles d’être freinées, les deux sociétés se trouvant en effet en situation de concurrence sur un même bassin d’activité économique.

Le moyen tiré de l’existence d’une plainte pénale n’apparaît par contre pas fondé cette plainte ayant en effet été déposée par M. Y, après la décision du président du tribunal de commerce, et reposant sur le paiement, postérieurement à la signature du protocole de cession, d’une facture manifestement indue dont il ne pouvait ignorer le caractère non fondé.

Si le préjudice de la société SDMI découlant de l’exécution de la convention de cession ordonnée par le premier juge et confirmée par la cour est certes, à ce stade, purement éventuel, les risques de conflit social ou sur le plan économique sont par contre d’ores et déjà avérés, de sorte que l’opposante justifie ainsi suffisamment de son intérêt à agir.

La société SDMI sera donc déclarée recevable en sa tierce opposition.

Au fond, l’effet dévolutif de la tierce opposition est défini à l’article 582, alinéa 2, du code de procédure civile qui dispose qu'elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

Force est de constater que la société SDMI se borne à solliciter la rétractation de l’arrêt en ce qu’il confirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce d’Epinal en date du 6 juin 2019 en toutes ses dispositions, sans toutefois saisir la cour d’aucune demande précise de réformation de l’ordonnance querellée, ni développer aucun moyen de droit ou de fait pour critiquer la décision au fond.

Les moyens soulevés ne tendent en effet qu’à caractériser son intérêt à agir, dont la démonstration ne suffit pas, à elle seule, à rendre contestable l’exécution d’un engagement contractuel librement consenti auquel les parties ont conféré force exécutoire immédiate, dont la nullité n’a pas été poursuivie au fond et qui, au surplus, a été exécuté par M. X qui justifie de la consignation en compte Carpa la partie du prix immédiatement exigible.

La tierce opposition ne peut dès lors qu’être rejetée.

La société SDMI, qui succombe, supportera la charge des dépens de l’instance ainsi que d’une indemnité de procédure de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande de ce chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE la tierce opposition formée par la société SDMI recevable mais mal fondée ;

REJETTE la tierce opposition de la société SDMI ;

DEBOUTE la société SDMI de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS SDMI aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à payer à M. B X une indemnité de procédure d’un montant de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Emilie ABAD, Greffier auquel la minute de la décision a été

remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Minute en huit pages.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 2 décembre 2020, n° 20/00937