Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 28 octobre 2021, n° 21/00826
TPBR Épinal 5 mars 2021
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CA Nancy
Infirmation partielle 28 octobre 2021
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CASS
Rejet 15 juin 2023

Arguments

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  • Rejeté
    Non-paiement des fermages

    La cour a estimé que Madame X avait tacitement accepté la cession du bail et que le non-paiement des fermages ne justifiait pas la résiliation.

  • Rejeté
    Cession illicite du bail

    La cour a jugé que la cession était valide et que l'expulsion n'était pas justifiée.

  • Accepté
    Obligation de paiement des fermages

    La cour a confirmé que Y-D B devait payer les fermages jusqu'à la libération des parcelles.

  • Rejeté
    Frais de justice

    La cour a rejeté cette demande, considérant que Madame B était la partie perdante.

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 2e ch., 28 oct. 2021, n° 21/00826
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 21/00826
Décision précédente : Tribunal paritaire des baux ruraux d'Épinal, 4 mars 2021, N° 51-18-15
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /21 DU 28 OCTOBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/00826 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EXZN

Décision déférée à la Cour :

jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d’Epinal, R.G. n° 51-18-15, en date du 05 mars 2021,

APPELANTE :

Madame D E épouse X

née le […] à […], demeurant […]

Représentée par Me Vanessa KEYSER de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Y-D B née Z

né le […] à […], demeurant […]

représentée par Mme Angéline SYSSAU, déléguée syndicale régulièrement munie d’un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 7 Octobre 2021, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN Président de chambre, qui a fait le rapport,

Madame Nathalie ABEL, Conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au

greffe le 28 Octobre 2021, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 28 Octobre 2021, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


Exposé du litige :

Suivant bail verbal, F G a donné en location à M. H B, à compter du 11 novembre 1991, deux parcelles agricoles situées à :

— Pallegney, cadastrée […], d’une superficie de […],

— Vaxoncourt, cadastrée […], d’une superficie de 72a 40ca.

F G est décédé en 2002 et, à l’issue des opérations de dévolution successorale, en 2011, Mme D E épouse X est devenue propriétaire des deux parcelles précitées.

Ces parcelles ont été exploitées à compter du 2005 par Mme Y-D B, épouse de M. H B, puis à compter de 2008 par le GAEC de la Côte Chatel (dont Mme B est cogérante avec son fils, M. C B).

Par lettre recommandée datée du 23 mars 2018, reçue au greffe le 25 avril 2018, Mme B a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Epinal afin d’être autorisée à céder son bail à son fils M. C B.

Les parties ont été convoquées en audience de conciliation, mais aucun accord n’a pu être trouvé entre elles. L’affaire a donc été renvoyée en audience de jugement.

Mme B a demandé au tribunal de déclarer licite la cession de bail dont elle a bénéficié le 1er janvier 2005 de la part de son mari et d’autoriser la cession du bail dont elle est titulaire au profit de son fils, M. C B.

Mme X a demandé au tribunal paritaire de débouter Mme B de sa demande de cession du bail au profit de son fils, de déclarer illicite la cession de bail entre M. H B et Mme B (à tout le moins la cession de bail entre cette dernière et son fils C), de résilier le bail dont se prévaut Mme B, d’ordonner l’expulsion de cette dernière et sa condamnation à lui payer une indemnité égale aux fermages légalement exigibles.

Par jugement rendu le 5 mars 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux d’Epinal a autorisé Mme B à céder son bail au profit de M. C B et il a condamné Mme X à payer à Mme B la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, déboutant les parties du surplus de leurs demandes.

Le tribunal paritaire a considéré que M. H B avait valablement cédé son bail à son épouse, Mme B, en 2005, que Mme X ne pouvait se prévaloir d’aucune circonstance justifiant la résiliation du bail, que Mme X ne pouvait pas non plus se prévaloir de manquements du preneur de nature à faire obstacle à la cession du bail et que M. C B remplissait les conditions pour être cessionnaire du bail.

Ce jugement a été notifié le 8 mars 2021 à Mme X, laquelle en a interjeté appel par déclaration au greffe de la cour en date du 31 mars 2021.

Lors de l’audience du 7 octobre 2021, Mme X, reprenant oralement ses conclusions écrites, a demandé à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

— de débouter Mme B de la demande de cession du bail dont elle se prévaut à son fils, M. C B,

— de dire illicite la cession de bail entre M. H B et son épouse, à tout le moins entre cette dernière et son fils, M. C B,

— de prononcer la résiliation du bail verbal dont Mme B se prévaut et la libération des deux parcelles dans les 15 jours sous peine d’astreinte,

— d’ordonner l’expulsion de Mme B et de tout occupant de son chef,

— de condamner Mme B à lui payer une somme équivalente au montant du fermage légalement exigible, jusqu’à libération des lieux,

— de débouter Mme B de toutes demandes,

— de condamner Mme B à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.

A l’appui de son appel, Mme X expose que la cession de bail ne peut être accordée qu’au preneur qui a scrupuleusement rempli toutes ses obligations de locataire, ce qui n’est pas le cas de Mme B pour les raisons suivantes :

— la cession de bail dont Mme B prétend avoir bénéficié en 2005 n’a jamais été autorisée,

— les fermages échus de 2005 à 2011 n’ont jamais été payés,

— Mme B a constitué avec son fils en 2008 le GAEC de la Côte Chatel, mais elle n’a pas informé son bailleur de la mise à disposition des parcelles au profit de ce GAEC,

— Mme B a d’ores et déjà cédé son bail à son fils C, puisqu’elle est âgée de 70 ans et est en retraite depuis le 31 décembre 2018 (elle n’a plus la qualité d’exploitante et c’est la raison pour laquelle le GAEC de la Côte Chatel a été transformé en EARL).

Mme X ajoute que le bail doit être résilié aux motifs que la cession de bail dont Mme B se prévaut de la part de son mari, M. H B, n’a jamais été agréée par le bailleur, que Mme B a déjà cédé son bail à son fils C puisqu’elle est en retraite depuis le 31 décembre 2018, que même si elle a été autorisée temporairement à poursuivre son activité le 22 juillet 2019, il y a bien eu cession illicite entre le 31 décembre 2018 et le 22 juillet 2019.

Lors de l’audience du 7 octobre 2021, Mme B, reprenant oralement ses conclusions écrites,

a demandé à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Mme X à lui payer la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle fait valoir notamment :

— que Mme X ne peut alléguer des manquements qui auraient été commis avant qu’elle ne devienne propriétaire des parcelle, elle ne peut donc alléguer une prétendue cession illicite en 2005 alors qu’elle n’est devenue propriétaire des parcelles qu’en 2011,

— qu’en outre, l’autorisation de cession peut être tacite, ce qui est le cas en l’espèce, puisque Mme X l’a mise en demeure de payer les fermages en 2013, puis a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour obtenir résiliation du bail 'accordé à Mme B', et a reconnu au cours d’une autre instance qu’elle avait bien la qualité de preneur,

— que concernant les fermages dus pour la période courant de 2005 à 2011 (correspondant à la période pendant laquelle les parcelles étaient dans l’indivision successorale de F G), elle a adressé des chèques chaque année au notaire chargé de la succession ; que Mme X ne peut toutefois se prévaloir que des fermages échus à compter de 2011 seulement, année au cours de laquelle elle est devenue propriétaire ; qu’enfin, elle a bien payé les fermages de 2011 et 2012 mais ces paiements ont été refusés par Mme X,

— que l’absence de notification au bailleur de la mise à disposition des terres au profit d’un GAEC ne constitue ni une cause de résiliation ni une justification d’un refus de cession du bail par le preneur,

— qu’elle a effectivement fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2018, mais elle était toujours en activité en avril 2018 lors de la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux,

— qu’elle a a été autorisée temporairement à poursuivre son activité le 22 juillet 2019 et a donc continué à exploiter personnellement les parcelles en litige, de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir illicitement cédé son bail à son fils avant même que le tribunal paritaire des baux ruraux ne l’y autorise expressément,

— que son fils C offre toutes les garanties voulues pour assurer une bonne exploitation du fonds.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation du bail

L’article L411-35 du code rural et de la pêche maritime dispose que toute cession de bail est en principe interdite, sauf si elle est consentie , avec l’agrément du bailleur, au profit notamment du conjoint.

L’agrément nécessaire du bailleur peut résulter des circonstances ou de son comportement, même postérieurs à la cession.

En l’espèce, Mme X a adressé à Mme B, le 5 juin 2013, un courrier recommandé libellé en ces termes :

'Pour ce qui vous concerne, vous êtes titulaire d’un bail à fermage sur les parcelles […] à Pallegney de 3ha 07a 20ca et […] à Vaxoncourt de 70a, soit un total de 3ha 77a 20ca depuis le 1/01/2005. Soit un fermage sur la période 2005 à 2012 de 2 390,51 euros, dont les échéances demeurent toujours impayées. En conséquence, je vous somme d’avoir, dans le délai de trois mois, de payer la somme de 2 390,51 euros en un seul règlement. Si vous ne vous acquittez pas de votre dette dans le délai fixé ci-dessus, je pourrais demander la résiliation de votre bail en vertu des dispositions suivantes de l’article L411-31 du code rural…' .

Puis, par requête du 22 octobre 2013, Mme X a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux afin de voir résilier le bail de Mme B sur les deux parcelles précitées en précisant : 'Je saisis le tribunal paritaire des baux ruraux afin qu’il prononce la résiliation du bail rural en date du 31-12-1991 accordé par M. G F sur les parcelles […] à Mme B D'.

Il résulte très clairement du courrier du 5 juin 2013 et des termes de la requête du 22 octobre 2013, que Mme X avait une parfaite connaissance du bail grevant les parcelles […] et 28, qu’elle considérait comme acquis que ce bail avait commencé à courir fin 1991 et que Mme B en était la titulaire depuis 2005 : que l’agrément tacite de Mme X à la cession du bail au profit de Mme B en 2005 est ainsi démontrée.

Par ailleurs, le départ à la retraite du preneur ne met pas fin au bail. Mme X n’est donc pas fondée à invoquer le fait que Mme B ait bénéficié de ses droits à la retraite le 31 décembre 2018 pour solliciter de ce seul fait la résiliation du bail, d’autant plus que Mme B a sollicité et obtenu, le 22 juillet 2019, une autorisation temporaire de poursuite d’activité. Mme X ne démontre pas davantage qu’entre le 31 décembre 2018 et le 22 juillet 2019, Mme B aurait cessé de participer de façon effective à l’exploitation des terres louées (le fait qu’elle ait sollicité et obtenu une autorisation administrative pour poursuivre l’exploitation fait présumer au contraire qu’elle a bien poursuivi l’exploitation effective des parcelles).

Mme X soutient encore que Mme B aurait cédé le bail litigieux à son fils avant même que le tribunal paritaire ne l’y autorise et en veut pour preuve que c’est M. C B qui a été son interlocuteur pour le règlement du fermage de 2019. Mais pour apprécier si les conditions de résiliation du bail sont remplies, seuls doivent être pris en compte les événements qui se sont déroulés antérieurement à l’introduction de l’instance (soit le 24 avril 2018), de sorte que tous les développements de Mme X concernant l’absence d’exploitation personnelle de la part de Mme B à compter du 1er janvier 2019 ne sont pas susceptibles de motiver utilement sa demande de résiliation de bail.

Par conséquent, Mme X sera déboutée de sa demande de résiliation de bail et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la cession du bail au profit de M. C B

L’ article L 411-35 alinéa 1er du code rural pose comme principe l’interdiction faite au preneur de céder son bail rural, mais autorise cette cession avec l’agrément du bailleur au profit d’un descendant ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipé. .A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le juge, lequel doit s’attacher à apprécier l’éventuel préjudice aux intérêts légitimes du bailleur. Ces intérêts doivent être appréciés au regard, d’une part, de la bonne foi du cédant et, d’autre part, de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations nées du contrat. Le preneur de bonne foi est celui qui s’est constamment acquitté de ses obligations.

En l’espèce, Mme X reproche à Mme B de ne pas avoir payé les fermages pendant la période qui a couru de 2005 à 2011. En réponse à ce grief, Mme B se borne à produire le reçu délivré par Me Cunrath, notaire chargé de la succession de F G, qui porte sur le fermage de la seule année 2008.

Mme B, à qui il appartient de prouver le paiement des fermages de 2005 à 2011, n’apporte pas cette preuve hormis pour le fermage de l’année 2008.

Il n’est donc nullement démontré que Mme B se soit constamment acquittée de ses obligations de locataire en réglant les fermages dus pour chaque année.

Dès lors, c’est légitimement que Mme X s’oppose à la cession de bail sollicitée par Mme B au profit de son fils M. C B.

Par conséquent, Mme B sera déboutée de sa demande de cession de son bail et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Mme B reconnaît elle-même qu’elle n’est plus exploitante agricole et que depuis le 6 mars 2021, suite à la décision du tribunal paritaire, elle a cédé son bail à son fils et que ce dernier a mis les parcelles à la disposition de l’EARL de Côte Chatel. Il y a donc lieu d’ordonner à Mme B et à tout occupant de son chef (notamment son fils C B ou l’EARL de la Côte Chatel) de libérer les deux parcelles, Mme B restant tenue du paiement des fermages jusqu’à la libération effective des parcelles. En revanche, rien ne laissant présager une résistance de Mme B ou de M. C B à l’exécution de cet arrêt, la mesure d’expulsion sous peine d’astreinte n’a pas à être prononcée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme B, qui est la partie perdante, supportera les dépens de première instance et d’appel et elle sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles (le jugement sera infirmé à cet égard). En outre, il est équitable qu’elle soit condamnée à payer à Mme X la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE l’appel recevable,

CONFIRME le jugement déféré uniquement en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de résiliation du bail,

INFIRME Le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

DEBOUTE Mme B de sa demande de cession de bail au profit de son fils, M. C B,

ORDONNE à Mme B et à tout occupant de son chef de libérer les parcelles agricoles situées à :

— Pallegney, cadastrée […], d’une superficie de […],

— Vaxoncourt, cadastrée […], d’une superficie de 72a 40ca,

DIT que Mme B est tenue du paiement des fermages afférents à ces deux parcelles jusqu’à leur libération totale,

DIT n’y avoir lieu d’ordonner une quelconque expulsion,

DEBOUTE Mme B de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme B à payer à Mme X la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme B aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en six pages.

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code rural
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