Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 10 février 2022, n° 21/00454
CPH Épinal 11 décembre 2020
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CA Nancy
Infirmation partielle 10 février 2022
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CASS
Désistement 1 septembre 2022

Arguments

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  • Rejeté
    Discrimination fondée sur l'état de santé

    La cour a estimé que la seule concomitance entre le licenciement et l'arrêt maladie ne suffit pas à prouver une discrimination.

  • Rejeté
    Absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

    La cour a jugé que les motifs avancés par l'employeur étaient fondés et justifiaient le licenciement pour faute grave.

  • Accepté
    Obligation de remise des documents de fin de contrat

    La cour a confirmé que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de fournir ces documents.

  • Accepté
    Droit aux indemnités de prévoyance

    La cour a jugé que l'employeur devait verser les indemnités de prévoyance au salarié.

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc.-2e sect, 10 févr. 2022, n° 21/00454
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 21/00454
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Épinal, 10 décembre 2020, N° 19/00097
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° /2022

PH

DU 10 FEVRIER 2022

N° RG 21/00454 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EXAB


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL

[…]

11 décembre 2020

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

S.A. TIPHA prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[…]

[…]


Représentée par Me Laurence ANTRIG substitué par Me LE ROY DE LA CHOHINIERE de la SCP LE ROY DE LA CHOHINIERE – ANTRIG, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur C X

[…]

[…]


Représenté par Me Benjamin JOLLY, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :


Lors des débats et du délibéré,


Président : WEISSMANN Raphaël,


Conseillers : STANEK Stéphane,


D E,


Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :


En audience publique du 16 Décembre 2021 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 10 Février 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;


Le 10 Février 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. C X a été engagé par la société TIPHA, exploitant un magasin sous l’enseigne INTERMARCHE, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2010, en qualité de boucher.


Il a été placé en arrêt de travail à compter du 7 février 2019.


Les parties avaient fixé un entretien préalable à rupture conventionnelle le 22 février 2019, auquel le salarié n’a pu assister.


Par courrier du 28 février 2019, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 mars 2019, auquel il n’a pas assisté.


Par courrier du 14 mars 2019, il a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant son comportement à l’encontre de ses collègues et l’ambiance délétère qu’il instaurait.


Par requête du 29 mai 2019, M. C X a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal aux fins de voir dire son licenciement nul, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse, et obtenir, en conséquence, diverses indemnités, outre un rappel d’indemnité de prévoyance.


Vu le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 11 décembre 2020, lequel a :


- dit que le licenciement prononcé le 14 mars 2019 à l’encontre de M. C X par la société TIPHA est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- fixé le salaire de référence de M. C X à 2 346.19 euros bruts,


- condamné la société TIPHA à verser à M. C X les sommes suivantes :


- 756,59 euros à titre de rappel d’indemnités de prévoyance,


- 4 985,65 euros nets d’indemnité de licenciement,


- 4 692,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,


- 469,24 euros au titre des congés payés sur préavis,


- 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,


- ordonné la remise du bulletin de salaire du mois de février 2019 et des documents de fin de contrat rectifiés de M. C X,


- ordonné en application de l’article L. 1235-4 du code du travail remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou parties indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage en l’espèce 3 mois,


- dit que le présent jugement sera transmis à Pôle emploi,


- rappelé qu’en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l’article R. 1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 2 346,19 euros brut,


- débouté la société TIPHA de l’ensemble de ses demandes,


- condamné la société TIPHA aux dépens de l’instance,


Vu l’appel formé par la société TIPHA le 19 février 2021,


Vu l’article 455 du code de procédure civile,


Vu les conclusions de la société TIPHA déposées sur le RPVA le 17 mai 2021 et celles de M. C X déposées sur le RPVA le 5 juillet 2021,


Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er décembre 2021,


La société TIPHA demande :


- d’infirmer le jugement du 11 décembre 2020 en ce qu’il a :


- dit que le licenciement prononcé le 14 mars 2019 à l’encontre de M. C X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- fixé le salaire de référence de M. C X à 2 346.19 euros bruts,


- l’a condamnée à verser à M. C X les sommes suivantes :


- 756,59 euros à titre de rappel d’indemnités de prévoyance,


- 4.985,65 euros nets d’indemnité de licenciement,


- 4.692,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,


- 469,24 euros au titre des congés payés sur préavis,


- 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,


- ordonné la remise du bulletin de salaire du mois de février 2019 et des documents de fin de contrat rectifiés de M. C X,


- ordonné en application de l’article L. 1235-4 du code du travail remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou parties indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage en l’espèce 3 mois,


- dit que le présent jugement sera transmis à Pôle emploi,
- l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,


- l’a condamnée aux dépens de l’instance,


- de confirmer le jugement du 11 décembre 2020 en ce qu’il a débouté M. C X de sa demande de requalification en licenciement nul,


Statuant à nouveau,


- de dire que le licenciement repose sur une faute grave,


- de dire qu’il n’y a pas lieu à requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement nul,


- de débouter M. C X de l’ensemble de ses fins et prétentions,


- de le condamner à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

*

M. C X demande :


- de confirmer le jugement du 11 décembre 2020 en ce qu’il a fixé le salaire de référence à 2 346,19 euros bruts, en ce qu’il a ordonné la remise par la société TIPHA du salaire de février 2019 et des documents de fin de contrat rectifiés, et en ce qu’il a condamné la société TIPHA à lui verser :


- 756,59 euros à titre de rappel d’indemnités de prévoyance,


- 4.985,65 euros nets d’indemnité de licenciement,


- 4.692,38 euros d’indemnité au titre du préavis,


- 469,24 euros d’indemnité au titre des congés payés afférents,


- 1 000 euros au titre de l’art. 700 du code de procédure civile de 1ère instance,


Pour le surplus,


A titre principal,


- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement nul et en ce qu’il a limité les dommages et intérêts à 10 000 euros nets,


- de requalifier son licenciement en licenciement nul,


- de condamner la société TIPHA à lui verser 30.000 euros nets d’indemnité pour licenciement nul,


A titre subsidiaire,


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité les dommages et intérêts à 10.000 euros nets,
- de condamner la société TIPHA à lui verser 18.769,44 euros nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


Y ajoutant,


- de condamner la société TIPHA à lui payer 3.000 euros au titre de l’art. 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,


- de la débouter de l’ensemble de ses demandes et la condamner aux dépens.


L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 16 décembre 2021, et la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 10 février 2022.

SUR CE, LA COUR


Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qui ont été déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 17 mai 2021 et s’agissant du salarié le 5 juillet 2021.

Sur le licenciement pour faute grave :


L’article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.


La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.


La faute grave privative du préavis prévu à l’article L 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.


La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur.


Il convient de s’en référer aux énoncés de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige quant aux motifs énoncés, motifs qui doivent être analysés peu importe qu’ils aient été débattus lors de l’entretien préalable au licenciement. Ainsi le courrier en question énonce :

« (') Nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis, ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs suivants :

Au début du mois de février 2019, nous avons été alertés par plusieurs de vos collègues au sujet de votre comportement insultant à leur égard.

Nous avons alors décidé de mener plusieurs entretiens pour connaître la teneur de ces propos.

Nous avons alors appris, le 5 février 2019, que vous aviez un comportement intolérable vis-à-vis de plusieurs de vos collègues de travail.

En effet, vous n’hésitez pas à interpeller une de vos collègues au milieu du magasin en l’appelant 'le quintal' du fait de sa corpulence.

Vous tenez régulièrement des propos déplacés sur le physique de vos collaborateurs, allant même jusqu’à dire à une de vos collègues plus âgée que les vieux sentent 'la pisse' et des insultes sur la forme de son nez.

Pire encore, vous appelez régulièrement un de vos collègues masculin 'la fille' ou 'tête de Pédé'. Votre comportement est inadmissible, nous ne pouvons tolérer que des propos insultant et discriminant soit tenus envers vos collègues de travail, qui souffrent de la situation, créant incontestablement un préjudice moral pour les salariés qui se sentent humiliés.

Nous vous rappelons que vous êtes tenus d’une obligation de courtoisie et de respect, aussi bien envers les clients du magasin que vos collègues de travail.

En outre, nous avons également appris que vous alimentiez les peurs et les tensions entre certains salariés.

Vous avez notamment répandu une rumeur laissant penser qu’une de vos collègues était surveillée par la Direction car celle-ci 'avait des vues' sur le patron, tout en mettant en cause une autre de vos collègues d’avoir répandu cette rumeur.

Ceci est totalement faux et de nature à créer une ambiance délétère au sein du point de vente.

Ces manquements sont constitutifs d’une faute grave, rendant impossible votre maintien dans la Société, et justifient la rupture immédiate de votre contrat de travail. ».


Par courrier recommandé daté du 25 mars 2021, M. X a formé une « contestation et demande de précision sur le licenciement » comme prévu à l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 15 décembre 2017. Aucune précision complémentaire n’a été apportée par l’employeur dans le délai prévu par la loi.

1) les délais de la procédure de licenciement


Le salarié considère que l’employeur a tardé à introduire la procédure de licenciement puisqu’informé des griefs le 5 février 2019 il a attendu le 28 février 2019 pour convoquer M. X à un entretien préalable.


La société TIPHA indique pour sa part qu’un projet de rupture conventionnelle a été envisagé, mais que le délai écoulé entre la révélation des fautes relevées et le licenciement n’est pas excessif.


A titre liminaire, il convient de préciser que la mise en 'uvre d’un projet de rupture conventionnelle n’est pas exclusive, sous réserve de la prescription des griefs disciplinaires invoqués, de l’engagement par l’employeur d’un licenciement pour faute. La procédure de rupture conventionnelle n’emporte en effet pas renonciation par l’employeur à son pouvoir disciplinaire.


Il appert de constater que suite aux révélations invoquées par l’employeur le 5 février 2019, il est fait état d’un entretien « informel » le 7 février 2019 qui a donné lieu à un projet d’entretien le 22 février 2019 (pièce n°4) ; la procédure n’a pas abouti et le 28 février la société TIPHA a convoqué M. X aux fins d’entretien préalable au licenciement. Il est admis que durant cette période M. X était en arrêt de travail pour maladie et donc absent de l’entreprise. Le seul délai fixé par la loi résulte de l’article L. 1332-4 qui impose à l’employeur d’engager une procédure dans le délai de deux mois suivant la date à laquelle il a eu connaissance du fait fautif. Ces considérations ne permettent pas de retenir qu’un délai excessif se serait écoulé jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement, sur la base de faits qui n’étaient alors pas prescrits.


S’agissant des motifs de licenciement relevés par l’employeur, ils ont trait d’une part aux propos insultants, vexatoires et discriminants reprochés, et d’autre part aux rumeurs propagées.

2) la faute grave :


- sur le grief lié au comportement de Monsieur C X vis-à-vis des autres salariés :
La société TIPHA considère que le licenciement pour faute grave est régulier, en ce qu’il se fonde notamment sur le comportement insultant et dénigrant du salarié à l’égard de ses collègues et l’ambiance délétère qu’il a conduit à instaurer dans l’entreprise. Elle considère que les propos tenus et rapportés à l’employeur sont humiliants et discriminatoires et constituent un manquement à l’obligation professionnelle de loyauté et de courtoisie et qu’elle était tenue d’engager une procédure disciplinaire contre leur auteur pour préserver la sécurité et la santé des autres salariés.

M. C X estime pour sa part que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque les griefs relevés sont imprécis, mal situés dans le temps et qu’ils ne sont pas démontrés. Il conteste avoir tenu les propos qui lui sont imputés. Dans son courrier de contestation, M. X parle de « faire un peu d’humour entre collègues » et conteste toute forme d’insulte à l’égard de quiconque.


Sur ce point, est produite (pièce n°5 de l’employeur) une attestation de Mme G H qui indique avoir été appelée « le quintal » par M. X, en raison de son surpoids, ce pendant quelques mois. Mme I Y (pièce n°6) atteste pour sa part avoir été invectivée sur son physique (« gros nez, nez de boxeur ») ainsi que sur son âge (« les vieux nous sentons la pisse »), ce de façon régulière. J Z (pièce n°7) est cité par Mme Y et confirme dans une attestation avoir « pendant plusieurs mois » entendu « à plusieurs reprises » qu’il avait un « grand nez », et « il me surnomme de temps en temps la fille et tête de PD pendant le travail ». Enfin M. K L atteste (pièce n°8) avoir assisté « régulièrement » à des insultes de la part de M. X envers Mme Y et M. Z, selon les termes déjà cités par ces derniers.


Les accusations portées contre M. X, si elles ne comportent certes pas la date précise à laquelle les propos auraient été tenus, revêtent toutefois un caractère suffisamment précis pour être matériellement vérifiables, s’agissant des termes employés, de leur destinataire et/ou témoin, ainsi que de leur répétition, et pour permettre un débat, sans qu’il ait été nécessaire dans la lettre de licenciement d’identifier le(s) destinataire(s) des propos litigieux.


Sur le fond, les insultes et invectives dont il s’agit revêtent à n’en point douter un caractère vexatoire pour leurs destinataires, et pour certains un caractère discriminant quant à l’âge, à l’orientation sexuelle ou au physique des salariés de la société. Il ne peut, au regard de la gravité des termes employés, être argué qu’il s’agissait d’un trait d’humour, lequel n’a quoiqu’il en soit pas été partagé par les autres salariés.


Il en résulte que ce grief est fondé.


- Sur le grief de mise en en circulation de fausses rumeurs


La société TIPHA reproche en outre à M. X d’avoir fait circuler des rumeurs infondées.

M. X admet pour sa part avoir informé Mme A de rumeurs circulant à son propos, mais affirme qu’il tenait ces éléments d’une autre salariée ; il ne les a répétées dans le seul but d’avertir l’intéressée de la surveillance dont elle pouvait faire l’objet.


Sur ce point Mme M A atteste (pièce n°9 de l’employeur) qu’en date du 23 janvier 2019, elle a été informée par M. X qu’elle était sous la surveillance de la direction. Elle atteste avoir ensuite été informée de ce que c’était M. X qui avait fait circuler cette rumeur, selon laquelle elle « courai[t] après [son] patron », qu’elle a vécu comme une « atteinte à [son] intégrité morale ».

Mme N B atteste pour sa part qu'« il [l']a mise en cause [l']accusant de colporter des bruits » au sujet des avances qu’aurait faites « notre collègue » à « notre patron », ce qui l’a mise dans une situation grave vis-à-vis de ses autres collègues.


Il est exact que Mme B ne conteste pas dans son attestation avoir été à l’origine des propos rapportés, propos que M. X ne conteste pas pour sa part avoir fait connaître à Mme A. Il n’est nullement rapporté qu’une telle « surveillance » a pu être effectivement mise en 'uvre par l’employeur à l’égard de Mme A, pour des motifs d’ordre privé qui plus est.


Le caractère précis des accusations n’est pas en cause et l’attestation de Mme A donne date certaine à leur révélation. Sur le fond, le fait de mettre en cause une salariée pour des supposées avances sentimentales à l’égard de sa hiérarchie, mais aussi de mettre en cause l’employeur pour avoir engagé une surveillance indue à l’endroit d’une salariée pour un motif d’ordre privé, constitue, quelle que soit l’origine de la rumeur, une faute de nature à entraîner le licenciement.

*


Au total, il y a lieu de considérer que les motifs relevés dans la lettre de licenciement, s’agissant des insultes aux autres salariés et des rumeurs colportées, constituent une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement du salarié et le dispenser de préavis.


Il conviendra donc d’infirmer le jugement entrepris et de dire que le licenciement pour faute est fondé. Partant, les indemnités allouées au titre du licenciement seront infirmées. Seul le montant du salaire de référence tel que fixé par les premiers juges, dont les deux parties demandent l’homologation, sera confirmé.

Sur la nullité du licenciement :


Conformément aux dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail, la nullité du licenciement peut être invoquée notamment en cas de discrimination, en particulier en matière de rémunération ou de formation, fondée sur un critère tenant à sa personne, notamment à ses activités syndicales, à son âge, à son état de santé, son handicap, à son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, à sa religion, à ses convictions, à son orientation sexuelle ou son sexe.


L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.


En l’espèce, le salarié fait valoir que « L’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, sa motivation insuffisante, et sa concomitance avec l’arrêt de travail, laissent présumer une rupture motivée par l’état de santé. »


Le salarié produit une attestation de paiement d’indemnités journalières de laquelle il ressort qu’il a été placé en arrêt maladie non professionnelle le 7 février 2019 (pièce n° 3).


La seule concomitance du licenciement pour faute grave, alors qu’aucun abandon de poste n’est reproché au salarié, et son arrêt maladie, ne permet pas de laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus.


En conséquence la demande nullité du licenciement en raison d’une discrimination fondée sur l’état de santé sera rejetée.

Monsieur C X fait aussi valoir que « L’employeur a également violé la liberté d’expression de M. X en lui reprochant d’avoir informé la principale intéressée d’une surveillance illicite, sans que sa bonne foi ne soit en cause ».


L’employeur reproche au salarié d’avoir propagé une fausse rumeur en disant publiquement qu’une des salariés de l’entreprise ferait l’objet d’une surveillance par la direction « car celle-ci 'avait des vues’ sur le patron ».


Ces propos ont un caractère injurieux envers une salariée de l’entreprise et envers l’employeur que n’autorisent pas la liberté d’expression dont bénéficie Monsieur C X.

Sur la remise du bulletin de paie de février 2019 et les documents de fin de contrat

M. X indique ne pas avoir reçu son bulletin de salaire de février 2019.


La SA TIPHA ne conclut pas sur ce point.


Au titre des dispositions des articles L. 3243-1 et L. 3243-2 du code du travail, l’employeur est tenu de fournir un bulletin de paie à toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leurs rémunérations, la forme, ou la validité de leur contrat.


La société TIPHA ne justifie pas avoir fourni de bulletin de paie pour février 2019 comme elle en avait l’obligation. Il conviendra de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la remise du bulletin de salaire du mois de février 2019.


S’agissant des « documents de fin de contrat rectifiés », M. X ne motive pas sa demande ni ne précise de quels documents il s’agit. La SA TIPHA n’évoque pas davantage ce point, sauf à produire l’attestation Pôle Emploi datée du 18 novembre 2019 en pièce n° 12. Faute de moyen nouveau soutenu par les parties le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la remise par l’employeur des documents de fin de contrat rectifiés de M. C X.

Sur les rappels d’indemnités de prévoyance :

M. X expose qu’il est recevable à bénéficier d’une somme de 1.556,10 euros au titre des indemnités journalières qui auraient dû lui être versé, considérant qu’il a perçu 37,05 euros par jour de la part de la sécurité sociale sur la période du 7 février au 14 mars 2019, moins trois jours de carence, soit 1.333,80 euros. Il réclame donc 50% du salaire perçu outre les trois jours de carence, déduction faite des 799,51 euros déjà payés par l’employeur, soit 799,51 euros. Il précise n’avoir pas reçu son bulletin de salaire pour le mois de février 2019.


La société TIPHA fait seulement valoir que par le versement de la somme de 799,51 euros, elle a rempli M. X de ses droits au titre des indemnités journalières et ne reste redevable d’aucune somme ; elle produit un bulletin de paie rectificatif pour le mois de février 2019 (pièce n°12).


La société TIPHA ne produit pas de pièces démontrant qu’elle a effectivement versé le salaire dû à Monsieur C X pour la période du 7 février au 14 mars 2019, la production d’un bulletin de paie rectificatif étant insuffisant à cet égard.


Elle devra donc verser au salarié la somme de 756,59 euros, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :


La SA TIPHA sollicite l’infirmation du jugement sur la question des frais irrépétibles et la condamnation de M. X à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers frais et dépens de l’instance.

M. X demande que la SA TIPHA soit condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d’appel, outre les dépens.

M. X succombant il devra s’acquitter des dépens et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.


Il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en date du 11 décembre 2020 en ce qu’il a débouté M. C X de ses demandes au titre de la nullité du licenciement ;

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en date du 11 décembre 2020 en ce qu’il a ordonné la communication par la SA TIPHA du bulletin de paie de M. C X pour février 2019 ainsi que celle des documents de fin de contrat ;

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en date du 11 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la SA TIPHA à verser à M. C X la somme de 756,59euros (sept cent cinquante six euros et cinquante neuf centimes)au titre des indemnités de prévoyance ;

INFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en date du 11 décembre 2020 en ce qu’il a dit le licenciement de M. C X sans cause réelle et sérieuse ;

INFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en date du 11 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la SA TIPHA à verser à M. C X une somme de 1.000 euros (mille euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de M. C X pour faute grave est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE M. C X de ses demandes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes du chef de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. C X aux dépens.


Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE


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Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 10 février 2022, n° 21/00454