Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 29 mai 2018, n° 16/04858

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 29 mai 2018, n° 16/04858
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 16/04858
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 1er octobre 2015, N° 11/572
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 16/04858

RA/ID/CM

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NÎMES

02 octobre 2015

Section: EN

RG:11/572

X

C/

SA AVDEF

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 29 MAI 2018

APPELANT :

Monsieur A-B X

[…]

[…]

représenté par Me Hubert RAJON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Magali CHATELAIN, avocat au barreau de NÎMES

INTIMÉE :

SA AVDEF

[…]

[…]

représentée par Me Jérémy CREPIN de la SCP MARCE ANDRIEU MAQUENNE CARAMEL CREPIN, avocat au barreau de NÎMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Roger ARATA, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Président

Monsieur Roger ARATA, Conseiller

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffier, lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffier lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

À l’audience publique du 07 Mars 2018, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Mai 2018, prorogé à celle de ce jour.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Guénaël LE GALLO, Président, publiquement, le 29 Mai 2018, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur X a été embauché au sein de la Société AVDEF par contrat de travail à durée indéterminée le 28 septembre 2008 en qualité de pilote de ligne.

Initialement affecté sur appareil de type «'Beech 90/200'», il a exercé par la suite les fonctions de Commandant de bord sur «'Jet Stream 41'», après validation de la formation correspondante.

A raison d’un différend sur l’étendue des fonctions du salarié, la société le convoquait par courrier du 4 janvier 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 14 janvier suivant et le licenciait pour faute grave le 21 janvier 2011.

Le 23 mai 2011, Monsieur X saisissait le Conseil de Prud’hommes de Nîmes en contestation de son licenciement.

Par jugement du 2 octobre 2015, cette juridiction déboutait le salarié de ses demandes, le condamnait à régler à l’employeur la somme de 12'018 € correspondant au reliquat de la clause de dédit-formation, outre 700 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 7 décembre 2015, le salarié formait appel de cette décision.

Par ordonnance du 14 juin 2016, l’affaire initialement inscrite sous le n° 15/5443 était radiée du rôle de la cour. Sur demande de l’appelant et suivant dépôt de ses écritures et pièces, l’affaire était réinscrite au rôle le 23 novembre 2016, sous le n° 16/4858.

' Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l’audience, l’appelant demande à la cour de :

' INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de NÎMES le 02 Octobre 2015 ;

En conséquence,

' DIRE ET JUGER que le licenciement prononcé pour motif personnel à l’encontre de Monsieur A-B X est dépourvu de cause réelle et sérieuse';

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 52.500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 2.250 € à titre d’indemnité légale de licenciement;

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 11.250 € à titre de préavis outre 1.125 € à titre de rappels de congés payés sur préavis';

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 15.000 € en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 11.250 € au titre de la brusque rupture;

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 100.000 € au titre du préjudice subi';

' CONDAMNER la société AVDEF à verser à Monsieur A-B X la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

' DÉBOUTER la société AVDEF de sa demande reconventionnelle;

' CONDAMNER la société AVDEF aux entiers dépens.

Il fait valoir essentiellement que':

— Son refus d’exercer les fonctions «'au sol'», que lui impose l’employeur, est légitimé par l’absence de disposition contractuelle l’y obligeant.

— En revanche, aucune disposition contractuelle ne prévoyant expressément qu’il est tenu d’exercer ses fonctions uniquement sur «'Jet Stream 41'», l’employeur ne peut valablement lui refuser d’exercer des missions sur «'Beech 90/200'», conformément à ses demandes.

' Reprenant oralement ses écritures déposées à l’audience, l’intimée présente les demandes suivantes :

' CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 02 octobre 2015 ;

' JUGER que le licenciement de Monsieur X pour faute grave est justifié ;

' DÉBOUTER Monsieur X de l’ensemble de ses demandes ;

' CONDAMNER Monsieur X au paiement de 12 018 € correspondant au reliquat de la clause de dédit-formation ;

' CONDAMNER Monsieur X au paiement de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique principalement que':

Les manquements commis par le salarié sont constitutifs d’une faute grave et résultent d’une part, de son refus de poursuivre les tâches «'au sol'» qui lui ont été attribuées sur la base de notes internes à l’entreprise et d’autre part, par ses demandes tendant à bénéficier des avantages financiers que procurent les missions réalisées sur «'Beech 90/200'», alors que son salaire a été revu à la hausse depuis qu’il exerce les fonctions de Commandant de bord sur «'Jet Stream 41'». L’employeur lui réclame par conséquent le remboursement d’une partie des frais de sa formation.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRÊT

' sur la cause du licenciement

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à’qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L.1222-1 du code du travail prévoyant que': «'Le contrat de travail est exécuté de bonne foi'», définit en premier lieu l’obligation de loyauté réciproque qui fonde la relation entre les parties au contrat de travail. Cette obligation figure également à l’alinéa 3 de l’article 1110 du Code civil (art. 1134 applicable en la cause).

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend immédiatement impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.

Convoqué par lettre du 4 janvier 2011 à un entretien préalable fixé au 14 janvier 2011, Monsieur X a été licencié pour faute grave par lettre du 21 janvier 2011, ainsi motivée :

«'Monsieur, Suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 14/01/2011, et en dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave, celle-ci reposant sur les motifs suivants': Comme vous le savez, vous avez été embauché le 29 septembre 2008 en qualité de Pilote de ligne, Commandant de bord sur Beech 90 et 200. Votre contrat de travail prévoyait également l’engagement de notre société de financer une formation vous permettant d’acquérir une qualification sur le Jetstream 41 afin de vous affecter sur le poste de Commandant de bord sur ce type d’avion, cette modification de votre contrat de travail s’accompagne d’une augmentation de salaire de 10.000 euros bruts annuels. Nous avons alors financé votre formation pour un coût total de 25.082 euros, celle-ci ayant préalablement donné lieu à la signature d’une clause de dédit-formation. En application de votre contrat de travail, dès l’obtention de la qualification visée, vos changements de qualification et de rémunération on été effectifs. Alors que la qualification de Commandant de bord sur Jetstream 41 ne vous a posé aucune difficulté pendant près de deux ans, nous avons été surpris du contenu de votre courriel du 15 octobre 2012 par lequel vous nous avez reproché de ne plus voler sur Beech mais exclusivement sur Jetstream 41. Vous avez alors affirmé que votre contrat de travail était rompu tout en continuant à assurer les vols sur lesquels vous étiez affecté. Dans le même temps et à titre de chantage, vous nous avez indiqué mettre un terme unilatéral à vos fonctions d’Adjoint DOC et d’Adjoint RDFE, alors que ces tâches vous avaient été personnellement confiées et que vous les assuriez jusqu’à cette date. Croyant à un saut d’humeur passager de votre part, nous vous avons rappelé par courrier du 28 octobre 2010 les termes de votre contrat de travail relatifs à votre qualification de commandant de bord sur Jetstream 41 et demandé de reprendre vos fonctions d’Adjoint DOC et Adjoint RDFE. Par courrier du 2 novembre 2010, vous avez purement et simplement exigé votre réintégration sur le secteur Beech assortissant le tout d’une menace d’action prud’homale pour harcèlement moral. Nous vous avons alors une nouvelle fois rappelé par courrier du 10 Novembre 2010 que suite à l’acquisition de la qualification consécutive à la formation que nous vous avions financée, vous étiez Commandant de bord sur Jetstream 41. Nous vous avons également mis en demeure de reprendre vos fonctions d’Adjoint DOC et d’Adjoint RDFE. Nos

demandes sont restées sans effet et sans réponse … Par courrier du 10 décembre 2010, nous vous avons adressé une dernière mise en demeure. A la suite de celle-ci, le 15 décembre vous avez eu un entretien avec Mme Y au cours duquel vous avez fait part d’une possibilité de reprise de vos fonctions sous certaines conditions : soit la réintégration de l’activité TPP, soit une compensation financière due à la non-perception des primes de vol liées à cette activité. Il vous alors été rappelé que vous étiez désormais Commandant de bord sur Jetstream 41 et qu’il n’y avait pas lieu de vous affecter sur Beech ou de vous accorder les primes de vol sur Beech si vous ne voliez pas sur ce type d’avion. Malgré la patience dont nous avons fait preuve, nous constatons votre refus, en pleine connaissance de cause, de réintégrer vos fonctions dans leur intégralité depuis plus de trois mois. Vous avez reconnu les faits au cours de l’entretien tentant de les expliquer par des difficultés d’ordre personnel et par votre personnalité « un peu excessive ». Nous ne pouvons plus aujourd’hui accepter de telles insubordinations, votre qualité de cadre constituant une circonstance aggravante. Votre licenciement prend donc effet immédiatement. Par ailleurs, nous vous rappelons que votre contrat de travail comporte une clause de dédit-formation que nous entendons appliquer. Ce qui vous laisse redevable envers la société d’un montant de 12.018€ (douze mille dix-huit euros.) Enfin, nous vous informons que votre solde de droits acquis au titre DIF s’élève à 40 heures. La somme correspondant à ces droits, soit 366 euros pourra être utilisée conformément aux dispositions de l’article L.6323-18 du Code du travail. Nous tenons à votre disposition le solde de votre compte, votre certificat de travail et l’attestation destinée à Pôle Emploi'».

L’employeur fait essentiellement grief au salarié de ses demandes tendant à se voir confier des missions sur appareil «'Beech'» alors que jusque là, il pilotait sur «'Jet Stream 41'», ainsi que de son refus d’exercer certaines fonctions au sol.

Pour preuve de ces griefs et comme seules pièces contractuelles opposables, l’employeur communique :

Le contrat de travail établi entre les parties le 28 septembre 2008, stipulant notamment':

— Article 2 / Fonctions / Classification': «'Le salarié est employé en qualité de Pilote de Ligne d’avions dans les fonctions de Commandant de bord sur Beech 200 et 90 et sera inscrit aux registres A de la catégorie Transport public et Travail Aérien conformément au Code de l’Aviation Civile (*) appliqué par la Société pour son personnel navigant'»';

— Article 3 / Rémunération': «'En contrepartie de l’exécution du travail tel que défini à l’article 12 (Temps de travail / repos) du présent contrat, M. A B X percevra une rémunération de base annuelle brute de 45'000 € payable sur 12 mois, soit 3750 €. En parallèle, M. A B X suivra une formation pour une qualification de type sur JetStream 41 qui fera l’objet d’une clause de dédit formation notifiée par un avenant au contrat initial. Après l’obtention de celle-ci, M. A B X sera nommé au poste de Commandant de Bord sur JT 41'; La rémunération annuelle brute correspondante à ce poste est de 55'000 € versée sur 12 mois, soit 4583 € par mois'»';

— Article 7': «'Pendant la durée du contrat le salarié s’engage à respecter les instructions qui pourront lui être données par la Société, et s’oblige à se conformer à la discipline intérieure, telle qu’elle est définie dans le règlement intérieur'».

— Article 12': «'Compte tenu de la complexité et de la diversité des règles afférentes au temps de travail des personnels navigants, le salarié applique, en outre du code de l’aviation civile, les règles définies dans la procédure «'Conditions de Travail PNT'» (P'# OA-CT) en vigueur au sein du département des Opérations de la Société'».

(*) Les dispositions du Code de l’Aviation Civile relatives aux «'Commandant de Bord et Equipage'», énoncées aux articles L 422-1 à L 422-6, et notamment l’article L 422-5 sur lequel s’appuie l’employeur : «' I – la durée annuelle du temps de service des salariés qui exercent l’une des fonctions énumérées à l’article L 421-1 ne peut excéder 2000 heures, dans lesquelles le temps de vol est limité à 900 heures. Pour l’application du présent article : le temps de service comprend au moins la somme du temps de vol, des temps consacrés aux activités connexes au vol et de certaines fractions, déterminées par décret pris en consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées, du temps pendant lequel le salarié est présent sur le site de travail est susceptible à tout moment d’être appelé pour accomplir un vol ou une tâche relevant de son contrat de travail''»

L’avenant «'Clause de Dédit Formation'» du 28 octobre 2008, stipulant notamment':

• I ' Détail de la Formation': «'Intitulé de la formation': Qualification de Type sur JetStream 41 ' Objectif': Assurer les fonctions de CDB sur JetStream 41 pour honorer le contrat EPV ' Marine Nationale'»';

• II ' Coût de la Formation': «'Le coût total de la formation et des frais annexes s’élèvent à 25'082 €. Ce coût est intégralement pris en charge par la Société, il dépasse largement l’obligation légale de participation au financement de la formation professionnelle'».

• III ' Conditions': «' De ce fait et en contrepartie des frais exposés ci-dessus, M. A B X s’engage': – à rembourser intégralement les frais engagés (frais d’inscription, achat de matériel..) en cas d’abandon en cours de stage'; – à rester au service de AVdef pendant une durée minimum de 4 ans à compter de la fin de la formation, soit jusqu’en décembre 2012. Tout départ volontaire de la Société, tout licenciement pour faute grave intervenant avant cette date emportera, pour vous, obligation de rembourser des frais de formation engagée par AVdef selon le système de dégressivité suivant et une fois la formation terminée : 1/48 par mois sera décrémenté du montant global de la formation soit 25'082 €'».

' sur le grief tiré du refus du salarié d’exercer des fonctions «'au sol'»

L’employeur justifie du refus du salarié d’accomplir des tâches «'au sol'» qu’il avait pourtant exercées jusque là, ce que ne conteste pas ce dernier arguant utilement que dès lors que les dites tâches n’étaient pas contractualisées, il n’était pas tenu de les exécuter.

Il résulte en effet de l’analyse des pièces contractuelles ci-dessus que les seules fonctions et tâches dont le salarié est débiteur à l’égard de l’employeur se limitent aux fonctions de Commandant de bord, telles que définies par le contrat de travail au visa des dispositions du code de l’aviation civile, textes qui ne prévoient manifestement aucune des fonctions «'au sol'» dont l’employeur fait grief au salarié de l’inexécution, lequel au demeurant fait valablement observer que les heures de service «'au sol'» sont consacrées à la préparation des vols, soit en réalité du temps de travail effectif avant et

après chaque vol.

Il convient de se référer à ce sujet à l’article L 422-5 du code de l’aviation civile reproduit ci-dessus, lequel dispose in fine': «'' le salarié est présent sur le site de travail et susceptible à tout moment d’être appelé pour accomplir un vol ou une tâche relevant de son contrat de travail'», confirmant ainsi qu’aucune autre tâche spécifique que celle y mentionnée n’est rendue obligatoire au salarié dans les périodes où il est simplement présent et en attente de mission sur son lieu de travail.

Dans ces conditions, dans la mesure où il n’a pas été convenu de manière expresse que Monsieur X était en charge de tâches annexes ou complémentaires à celles définies aux termes des dispositions contractuelles en vigueur entre les parties, le refus exprimé par Monsieur X d’accomplir des tâches qu’il exerçaient jusque là hors champ contractuel ne saurait par conséquent être qualifié de manquement à ses obligations contractuelles.

Les courriers dont fait état l’employeur dans le lettre de licenciement ne font nullement la démonstration d’un quelconque manquement du salarié, tant s’agissant de son refus d’exécuter des taches au sol qu’à l’égard de toute autre obligation contractuelle.

Les différentes attestations et notes internes que produit l’employeur, dans le but de démontrer que l’ensemble du personnel navigant s’acquittait de diverses tâches ou fonctions «'au sol'», ne sauraient être contractuellement opposables au salarié et ne permettent pas davantage de considérer que ce dernier, en refusant d’accomplir des tâches hors champ contractuel, aurait commis un quelconque manquement à ses obligations découlant du contrat le liant à l’employeur.

Il convient par conséquent de considérer que le grief n’est pas fondé.

' sur le grief tiré des demandes du salarié aux fins de changement d’appareil et de mission

Il est objectivé qu’à partir du moment où Monsieur X a débuté ses missions sur «'Jet Stream 41'», il a informé l’employeur à plusieurs reprises qu’il entendait poursuivre ses missions sur «'Beech 90/200'», expliquant très justement que rien dans le contrat ne prévoyait une affectation exclusive sur «'Jet Stream 41'».

En l’espèce, l’employeur ne démontre d’aucune façon que le salarié aurait refusé une quelconque mission de vol sur l’un ou l’autre des appareils qu’il était habilité à piloter.

Il ne résulte pas des correspondances susmentionnées, dont fait état l’employeur dans le lettre de licenciement, un quelconque refus du salarié d’exécuter les missions de vol qui lui ont été confiées.

En l’état de simples demandes du salarié aux fins d’effectuer tel type de mission relevant indiscutablement de ses compétences et fonctions, l’employeur est à ce sujet défaillant dans la démonstration d’un quelconque manquement imputable au salarié. Un rappel à ses obligations a notamment été adressé à l’employeur à ce sujet, par l’inspection du travail, par courrier officiel en date du 19 octobre 2010 (pièce 6).

Il convient par conséquent de considérer que le grief n’est pas fondé.

En conséquence, la preuve du caractère fautif des griefs invoqués par l’employeur n’étant rapportée et pas davantage un quelconque manquement opposable au salarié, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié pour faute grave.

' sur la réparation

* sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur X Z deux ans et 4 mois d’ancienneté au sein de l’entreprise employant au moins onze salariés et était âgé de 42 ans lors de son licenciement. Il indique avoir subi une importante perte financière, mais ne communique aucun élément sur sa situation professionnelle actuelle ni celle immédiatement consécutive à la rupture.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et eu égard à l’ensemble des éléments de la cause, une seule indemnité de 25 000 €, équivalente à au moins six mois de salaire, sera accordée au salarié sur le fondement de l’article 1235-3 du code du travail et destinée à compenser l’ensemble des conséquences financières et morales du licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de cette demande.

* sur les indemnités de rupture

Les indemnités de rupture étant justifiées en leur principe et non discutées en leur montant, seront accordées conformément aux demandes du salarié':

—  2.250 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  11.250 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  1.125 € à titre de rappels de congés payés sur préavis.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit débouté le salarié de ces demandes.

* sur les préjudices distincts

Monsieur X invoque distinctement divers préjudices résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail, de son éviction immédiate qu’il a vécue comme une mesure brutale, ainsi que de son licenciement injustifié.

Lorsque les circonstances de la rupture occasionnent un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, le salarié est fondé à en demander l’indemnisation sur le fondement de l’article 1382 du code civil dans ses dispositions applicables en la cause, à charge pour lui cependant d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, Monsieur X ne fait nullement la démonstration de conditions brutales ou vexatoires ayant accompagné son licenciement, ni d’un quelconque préjudice afférent.

En outre, au vu des éléments de la cause, l’exécution déloyale du contrat de travail du fait de l’employeur n’est pas établie, étant observé d’une part, qu’aucune exclusivité sur la nature des missions de vol ou sur le type d’appareil n’était prévue par contrat et que d’autre part, le salarié ayant un temps volontairement accepté d’exécuter des taches au sol, les demandes de l’employeur à ce sujet tendant à les voir se poursuivre sont exemptes de tout caractère déloyal.

Il convient donc de considérer que l’indemnité de licenciement allouée supra étant destinée à compenser l’ensemble des conséquences financières et morales du licenciement et que dans la mesure où le salarié ne fait pas précisément et sérieusement la démonstration des préjudices distincts allégués, le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ces chefs de demandes.

' sur la demande reconventionnelle au titre de la clause de dédit-formation

La rupture n’étant pas imputable au salarié, la dite clause ne lui est par conséquent pas opposable.

La présente demande est rejetée et le jugement, l’ayant condamné à tort au paiement de la somme de 12'048 €, sera infirmé de ce chef.

' sur la remise d’un bulletin de paie et des documents de fin de contrat conformes

L’employeur devra remettre au salarié un bulletin de paie, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de sa notification.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement, mais seulement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes au titre de préjudices distincts,

L’infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau de chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Société AVDEF à payer à Monsieur X les sommes de':

' 25 000 € sur le fondement de l’article 1235-3 du code du travail,

' 2 250 € à titre d’indemnité de licenciement,

' 11 250 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

' 1 125 € à titre de rappels de congés payés sur préavis.

Déboute la Société AVDEF de sa demande au titre de la clause de dédit-formation,

Dit que l’employeur devra remettre au salarié un bulletin de paie, ainsi que les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de sa notification,

Condamne la Société AVDEF à payer à Monsieur X la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et en cause d’appel,

La condamne aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur LE GALLO, Président et par Madame OLLMANN, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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