Infirmation 14 mai 2024
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Sur la décision
| Référence : | CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 14 mai 2024, n° 21/03760 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Nîmes |
| Numéro(s) : | 21/03760 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes d'Orange, 7 septembre 2021, N° F20/00047 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 16 décembre 2024 |
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Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03760 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IG3H
EM/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE
08 septembre 2021
RG :F 20/00047
S.A.S. ETABLISSEMENTS [NG]
C/
[N]
Grosse délivrée le 14 MAI 2024 à :
— Me GENOYER
— Me ADJEDJ
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 MAI 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 08 Septembre 2021, N°F 20/00047
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 Février 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mai 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S. ETABLISSEMENTS [NG]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Marc GENOYER de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
Madame [U] [N]
née le 14 Octobre 1965 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Didier ADJEDJ de la SELASU AD CONSEIL AVOCAT, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Octobre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [U] [N] a été embauchée par la Sas [NG] Conditionnement en qualité de manoeuvre emballage, suivant contrat à durée déterminée du 02 mai 2001 lequel a fait l’objet d’un renouvellement, puis dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2001.
Suite à la dissolution de la Sarl [NG] Conditionnement, le contrat de travail de Mme [U] [N] a été repris par la Sas Établissement [NG] avec une ancienneté au 1er juin 2008.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [U] [N] était chef d’équipe, statut ouvrier, coefficient 140 de la convention collective nationale des abattoirs ateliers de découpe.
Le 28 mai 2019, la Sas Établissement [NG] a convoqué Mme [U] [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 25 juin 2019, et lui a notifié une mise à pied conservatoire.
A compter du 28 mai 2019, Mme [U] [N] était en arrêt de travail pour maladie.
Le 04 juin 2019, une nouvelle convocation a été adressée à Mme [U] [N] pour un entretien prévu le 14 juin 2019. Le 11 juin 2019, Mme [U] [N] a sollicité le report de cet entretien.
Par lettre du 04 juillet 2019, Mme [U] [N] a été licenciée pour faute grave :
« … Je suis au regret de vous informer que les justifications que vous avez présentées ne sont pas de nature à modifier mon appréciation sur les faits d’une particulière gravité qui vous sont personnellement imputables.
Je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave au regard des faits ci-après, lesquels ne permettent pas votre maintien dans l’entreprise, y compris pendant la période de préavis.
Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, à l’envoi de la présente, sans indemnité ni préavis.
Depuis le départ de votre responsable d’atelier Mme [O] [DS] en date du 31 décembre 2018, vous prenez des libertés critiquables dans la gestion du personnel en votre qualité de Chef d’Equipe ; libertés dont les salariés ont fini par se plaindre.
C’est ainsi que courant mai 2019, Madame [L] [A] [D], responsable administratif de la Société, a été alertée par plusieurs salariés dont vous êtes la Chef d’Equipe de plaintes relatives à la méthode de management qualifiée de « désastreuse ».
Mme [A] [D] a, dans le cadre d’une enquête diligentée, sollicité des précisions écrites auprès des personnes concernées de laquelle il ressort :
— Un management abusif accompagné d’un comportement vexatoire et humiliant à l’égard de certains salariés,
— Vous parlez mal aux salariés en employant des expressions vulgaires allant même jusqu’à des insultes, pour certaines, quotidiennes envers [MM] [I] [T] [D] et [I] [IC] [CY]. A titre d’exemple, et sans que cela ne constitue une liste exhaustive des propos déplacés qui nous ont été relatés, vous avez employé les expressions suivantes à leur égard : «ferme ta gueule », « bouge ton cul », « grosse tâche », « travail d’arabe », « travail de merde
», « ton diplôme tu l’as eu par ta chatte », « sale pute ». Vous vous adressez aux salariés en criant ou en les ignorant totalement. Ces propos déplacés ayant eu un impact sur la santé psychique des salariés victimes de tels agissements. En effet, par exemple, le 20 mai 2019, Mme [CY] [I] [IC] s’en est ouverte et a pu attester de ce qu’elle pleurait souvent en venant travailler la boule au ventre à cause du mauvais traitement dont elle est victime de votre part. Il en va de même pour Mme [T] [D] [MM] qui nous a indiqué que sa santé était en jeu et qu’elle se sentait mal en travaillant avec vous.
— Certains salariés victimes de vos débordements ont attesté, en pleurs, de tels traitements, sollicitant un changement de service. D’autres ont menacé de démissionner si vous restiez en poste.
— Plusieurs salariés ont déploré votre comportement à l’égard d’autres chefs d’équipes.
Par ailleurs, vous traitez les commandes du lendemain avant d’avoir terminé celles de la journée. Or, pour des raisons économiques, organisationnelles et logistiques, vous savez pertinemment qu’avant de traiter une telle commande, il est impératif de parachever celles en cours…
En outre, non seulement vous ne tenez pas compte des instructions données par la Direction mais en plus toute personne refusant un ordre inapproprié se voit maltraitée…
Par ailleurs, certains collègues ont dénoncé les vols dont ils ont été victimes de votre part (gâteaux volés dans le vestiaire, déodorant.). Des vols de marchandises dont vous avez été l’auteur aussi ont été dénoncés.
Enfin, vous ne respectez pas les règles d’hygiène et de sécurité : poste de travail sale (présence de sang), mouchoirs usés sur votre poste de compostage, fiches de traçabilité jamais à jour (rarement remplies), emballages cartons dans l’atelier de découpe alors que cela est strictement interdit.
De plus, depuis votre mise à pied conservatoire, vous avez appelé certains de vos collègues sur leur téléphone personnel en les menaçant de régler vos comptes…'.
Contestant le bien fondé de cette mesure, Mme [U] [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange par requête reçue le 20 avril 2020, pour qu’il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et pour condamner la Sas Établissement [NG] à lui payer diverses sommes à caractère indemnitaire et à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires.
Par jugement du 08 septembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Orange a :
— dit que le licenciement de Mme [U] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
— prononcé l’annulation de la mise à pied conservatoire,
— condamné la Sas Établissement [NG] à verser Mme [U] [N], les sommes suivantes :
* 19 162,08 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3 194,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 319,42 euros à titre de congés y afférents,
* 7 586,23 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 1 969,74 euros à titre de rappel de salaire de la mise à pied conservatoire,
* 196,97 euros à titre de congés y afférents,
— dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation,
— condamné la Sas Établissement [NG] à verser à Mme [U] [N] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
— rappelé que la condamnation de l’employeur au paiement des sommes visées par les articles R1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l’article R1454-28,
— débouté Mme [U] [N] du surplus de ses demandes,
— débouté la Sas Établissement [NG] de ses demandes reconventionnelles,
— condamné la Sas Établissement [NG] aux entiers dépens de l’instance.
Par acte du 15 octobre 2021, la Sas Établissement [NG] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Mme [U] [N] n’ayant pas constitué avocat dans le mois de l’avis d’appel, la Sas Établissement [NG] a été invitée, par avis du 03 janvier 2022, à présenter ses observations écrites dans le délai de 7 jours sur la caducité de l’appel soulevée d’office encourue en application des articles 902 et 911-1 du code de procédure civile en l’absence de signification de la déclaration d’appel dans le délai d’un mois suivant l’avis donné par le greffe.
Suivant ordonnance du 11 février 2022, le conseiller de la mise en état a dit n’y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d’appel.
Par conclusions du 31 avril 2022, la Sas Établissement [NG] a saisi le conseiller de la mise en état afin de voir déclarer irrecevables les conclusions d’intimée et condamner Mme [U] [N] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance du 17 juin 2022, laquelle a été déférée à la cour, le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non recevoir présentée par la Sas Établissement [NG], a condamné la Sas Établissement [NG] à payer à Mme [U] [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et a condamné la Sas Établissement [NG] aux éventuels dépens de l’incident.
Suivant arrêt en date du 23 mai 2023, la chambre sociale de la présente cour d’appel a :
— infirmé l’ordonnance déférée,
— statuant à nouveau, dit que le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée par l’appelante,
— rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Sas Établissements [NG] et dit que les conclusions d’intimée de Mme [N] sont recevables,
— condamné la société Sas Établissements [NG] à payer à Mme [N] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la société Sas Établissements [NG] aux dépens d’appel.
Par conclusions du 29 juillet 2022, Mme [U] [N] a saisi le conseiller de la mise en état afin de voir prononcer l’irrecevabilité de la déclaration d’appel régularisée par la société Établissements [NG] le 15 octobre 2021.
Suivant ordonnance du 08 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel formé le 15 octobre 2021 et a dit cet appel recevable.
Par ordonnance du 23 mai 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 10 octobre 2023 à 16 heures. L’affaire a été fixée à l’audience du 07 novembre 2023 puis déplacée à l’audience du 27 février 2024 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions du 08 juin 2022, la Sas Établissement [NG] demande à la cour de :
— infirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit que le licenciement de Mme [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
* prononcé l’annulation de la mise à pied conservatoire ;
* l’a condamné à verser à Mme [U] [N] les sommes suivantes:
° 19.162,08 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 3.194,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
° 319,42 euros à titre de congé y afférents ;
° 7.586,23 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
° 1.969,74 euros à titre de rappel de salaire de la mise à pied conservatoire ;
° 196,97 euros à titre de congé y afférents.
* dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation ;
* l’a condamné à verser à Mme [U] [N] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;
* rappelé que la condamnation de l’employeur au paiement des sommes visées par les articles R.1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l’article R.1454-28 ;
* l’a débouté de ses demandes reconventionnelles ;
* l’a condamné aux entiers dépens.
— le confirmer en ce qu’il a débouté Mme [N] de ses demandes au titre du travail dissimulé et des heures supplémentaires.
Statuant à nouveau :
— juger que le licenciement pour faute grave notifié le 4 juillet 2019 à Mme [N] est régulier et bien fondé ;
— débouter Mme [N] de l’intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
— réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts accordés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
— condamner Mme [N] à lui payer la somme de 5.000 euros pour la procédure de première d’instance et d’appel par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile – la condamner aux entiers dépens.
La Sas Établissement [NG] soutient que :
Sur le licenciement :
— les manquements graves reprochés à Mme [N] sont établis et justifient le licenciement pour faute grave dont Mme [N] a fait l’objet ; le management de Mme [N] était abusif, vexatoire et humiliant à l’égard des collègues de travail ; la salariée tenait des propos mensongers, vulgaires et insultants, ne respectait pas les consignes, ne respectait pas les règles d’hygiène ; Mme [N] a également manqué à son obligation de loyauté pendant la mise à pied en adoptant un comportement similaire à celui qui lui avait été reproché, à l’égard de plusieurs salariés ; elle verse aux débats de nombreuses attestations de salariés, collègues de travail de Mme [N], qui dénoncent son comportement ; les propos déplacés de Mme [N] ont eu des répercussions sur l’état de santé de certains salariés, alors qu’étant tenue à une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés, elle se devait de prendre des mesures pour préserver leur santé ; Mme [N] traitait les commandes du lendemain avant d’avoir terminé celle de la journée, faisait venir les membres de son équipe pour terminer les commandes de la veille qu’elle n’avait pas terminées, en leur faisant croire que c’était une demande de la direction ; elle ne respectait pas les règles en matière d’étiquettes de produits, ni les règles d’hygiène ; elle a en outre volé des objets et de la nourriture appartenant à d’autres salariés, ces manquements étant établis par de nombreux comptes-rendus d’audition qu’elle verse aux débats ; Mme [N] a enfin manqué à son obligation de loyauté depuis sa mise à pied conservatoire en menaçant certains de ses collègues sur leur téléphone personnel,
— les arguments présentés en défense par Mme [N] sont inopérants ; si le dossier disciplinaire de Mme [N] est vierge c’est parce qu’elle n’avait pas connaissance de ses agissements ; ce n’est que suite au départ de Mme [O], sa responsable, que le comportement de Mme [N] s’est détérioré ; l’enquête qu’elle a diligentée a établi que les faits dont Mme [N] étaient l’auteur empêchaient son maintien dans l’entreprise ; la gratification exceptionnelle que Mme [U] [N] a perçue en mars 2019 l’a été par tous les salariés, avant que l’enquête ne soit diligentée ; la promotion professionnelle que la salariée évoque est antérieure à la découverte des faits ; l’argument de la salariée selon lequel elle serait amie avec tous ses collègues sur Facebook est dépourvu de toute pertinence ; le licenciement de Mme [N] étant justifié, Mme [U] [N] doit donc être déboutée de ses demandes indemnitaires, d’autant plus qu’elle ne justifie d’aucun préjudice,
— sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé : Mme [N] ne démontre pas avoir réalisé des heures supplémentaires, elle ne verse aucun décompte d’heures qu’elle aurait réalisées et qui n’auraient pas été rémunérées ; les bulletins de salaire démontrent au contraire que toutes les heures supplémentaires lui ont été réglées ; Mme [N] ne démontre pas qu’elle s’est rendue coupable de travail dissimulé.
En l’état de ses dernières écritures du 17 mai 2022, contenant appel incident, Mme [U] [N] demande à la cour de :
— confirmer le jugement rendu le 8 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il a considéré le licenciement notifié le 4 juillet 2019 comme étant un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, prononcé l’annulation de la mise à pied à titre conservatoire en date du 28 mai 2019, condamné l’employeur à verser des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis, l’indemnité conventionnelle de licenciement, le rappel de salaire lié à l’annulation de la mesure de mise à pied
— infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour travail dissimulé et de remise des bulletins de salaire et documents sociaux rectifiés et conformes
En conséquence, et statuant à nouveau :
— dire et juger le licenciement notifié à la salariée le 4 juillet 2019 comme ne reposant ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
— prononcer l’annulation de la mesure de mise à pied à titre conservatoire notifiée à la salariée le 28 mai 2019,
— condamner la société Établissement [NG] à lui verser la somme de :
* 19 165,08 à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* 3 194,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 319,42 euros à titre de congés payés sur préavis
* 7 586,23 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
* la somme de 1.969,74 euros à titre de rappel de salaire lié à l’annulation de la mesure de mise à pied à titre conservatoire, congés payés en sus soit la somme de 196,97 euros,
* 8000 euros à parfaire à titre de rappel de salaire lié aux heures supplémentaires effectuées par la salariée du 1er janvier 2018 au 28 mai 2019, outre la somme de 800 euros à parfaire à titre de congés payés y afférents,
* 9 582,54 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
— ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés et conformes du 1er janvier 2018 au 28 mai 2019 mentionnant les heures supplémentaires accomplies par la salariée et le rappel de salaire lié à l’annulation de la mise à pied conservatoire, et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard et par document,
— ordonner la remise des documents sociaux rectifiés et conformes mentionnant le motif de rupture du contrat de travail et les conséquences notamment financières
— condamner la société Établissement [NG] aux intérêts au taux légal, et ce à compter de la présente demande en justice
— condamner la société Établissement [NG] aux dépens, ainsi qu’à la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [U] [N] fait valoir que :
Sur la rupture du contrat de travail :
— son licenciement ne repose sur aucune faute grave ; elle a toujours donné entière satisfaction à son employeur eu égard à ses prestations de travail ; elle ne s’est jamais vue notifier la moindre sanction disciplinaire en 18 ans d’ancienneté ; deux mois avant son licenciement, elle a bénéficié d’une gratification exceptionnelle ; la société Établissement [NG] ne justifie pas de la réalité des griefs qu’elle lui reproche ni de l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de la maintenir parmi son effectif ; le conseil de prud’hommes a retenu, à juste titre, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; la société se fonde exclusivement sur des dires rapportés par d’autres salariés de l’entreprise aux fins de la licencier ; les salariés se plaignant de son comportement font état de propos flous et vagues ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas précis, ni détaillés, ni datés et circonstanciés ; elle verse aux débats des attestations de salariés démontrant qu’elle n’a jamais eu un mauvais comportement à l’égard de ses collègues de travail ; de façon brutale et inattendue, elle s’est vue confrontée à une modification radicale du comportement de son employeur à son égard ; elle a souffert de ses agissements et a dû être en arrêt maladie en raison de la dégradation de sa santé psychique ; elle justifie d’un préjudice financier et moral ; son licenciement pour faute grave étant injustifié, il s’ensuit que la mesure de mise à pied conservatoire est infondée et doit donc être annulée,
Sur les heures supplémentaires :
— elle a accompli des heures supplémentaires du 1er janvier 2018 au 28 mai 2019 qui ne lui ont pas été rémunérées ; l’employeur ne rapporte aucun élément de nature à démontrer l’absence d’heures supplémentaires et ses bulletins de salaire ne démontrent pas la rémunération effective d’heures supplémentaires ; l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
L’article L1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La cause du licenciement doit reposer sur une cause réelle qui doit être objective, à savoir reposer sur des faits ou des griefs suffisamment précis pour être matériellement vérifiables . Il n’est pas nécessaire que le grief énoncé par l’employeur soit d’une grande précision s’il est assez explicite
pour pouvoir être précisé et discuté.
S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
La faute grave libère l’employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s’ils ne sont exigibles que postérieurement.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l’entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d’éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l’employeur.
En l’espèce, la Sas [NG] Conditionnement reproche à Mme [U] [N] d’avoir adopté un comportement inadapté à l’égard d’autres salariés et notamment d’une autre chef d’équipe, d’avoir tenu des propos mensongers, insultants voire vulgaires, d’avoir choisi un management abusif, vexatoire et humiliant, de ne pas avoir respecté certaines consignes de la société, d’avoir commis des vols au détriment de plusieurs salariés, de ne pas avoir respecté les règles d’hygiène et d’avoir menacé certains salariés après avoir fait l’objet d’une mise à pied conservatoire.
Pour justifier la légitimité du licenciement pour faute qu’elle a prononcé à l’encontre de Mme [U] [N], la Sas [NG] Conditionnement produit aux débats :
— plusieurs comptes rendus d’auditions établis le 27/05/2019 par Mme [L] [A] [D], responsable administratif qui a été alertée par plusieurs salariés qui se sopnt plaint des méthodes de commandement de Mme [U] [N] ; les comptes rendus sont datés et signés par les salariés entendus :
* Mme [S] [XB] : elle évoque’des faits inquiétants’ ; elle a entendu Mme [U] [N] 'mal parler à certaines personnes', le 'dernier en date [HI] [F] en gros’ 'tu fais ce que je te dis, t’as pas à poser de questions’ ; à son arrivée dans le service, comme elle n’osait pas répondre, Mme [U] [N] la 'traitait’ de 'pauvre tâche’ ; samedi matin 25/05/2019, elle a dit à sa chef d’équipe de faire des commandes de départ de mardi alors que les commandes du jours 'étaient loin d’être terminées', elle a commencé sa phrase par 'monsieur [NG] m’ a dit…' alors que ce n’était pas vrai ; les feuilles de commande ne sont pas faites ou à moitié ; quand salariés arrivent, ils ne savent pas quel travail ils doivent effectuer ; les étiquettes Auchan ne sont pas comptées de sorte qu’ils perdent du temps à 's’échanger les rouleaux’ ; elle ajoute : 'elle essaie de trop nuire à ma chef d’équipe Mme [XV] [P]; elle change d’humeur au cours de la journée',
* Mme [HI] [F] : Mme [U] [N] s’est adressée une fois à elle en lui disant 'travaille et ferme ta gueule’ en réponse à une question de sa part sur le travail qu’elle devait effectuer et ajoute 'ce jour là j’ai su me défendre et depuis, pas de problème’ ; elle indique que Mme [U] [N] est lunatique,
* Mme [H] [Z] : Mme [U] [N] 'parle mal avec beaucoup de personnes comme [MM], [X]'. Elle a des expressions vulgaires comme 'ferme ta gueule’ 'bouge ton cul’ ; elle a demandé à changer d’équipe car elle ne la 'supportait’ plus, elle pleurait souvent et avait 'la boule au ventre’ ; elle la 'traitait’ de 'grosse tâche’ ; Mme [U] [N] est 'méchante avec [XV]', sa chef d’équipe ; Mme [U] [N] est lunatique, tantôt agréable, tantôt odieuse ; avant l’installation de caméras, Mme [U] [N] 'volait tous les soirs', notamment ses gâteaux dans son vestiaire ; elle ajoute que Mme [U] [N] est une 'très mauvaise chef. Elle ne sait pas s’organiser. Elle est très brouillon…' ;
* Mme [OU] [G] : Mme [U] [N] proférait des 'insultes quotidiennes envers [MM] et [I] [IC]. Elle s’adresse à elles en criant ou en les ignorant totalement ; elle 'profite de [MM] car elle est faible’ ; elle l’a insultée à plusieurs reprises 'sale pute', 'ferme ta gueule’ ; elle a constaté des dysfonctionnements dans les commandes : 'des étiquettes décollées des barquettes déjà faites pour les repasser pour d’autres clients'; Mme [U] [N] ne veille pas à ravitailler les chaînes en étiquettes et barquettes ; elle 'envoie balader les personnes qui en font la demande'; Mme [U] [N] est lunatique,
* Mme [V] [CY] : Mme [U] [N] est 'très méchante', elle a tenu des 'propos très vulgaires’ ; elle a dit à certaines salariées 'ton diplôme tu l’a eu par ta chatte'; elle l’a insultée 'travail de merde', 'travail d’arabe’ ; 'plusieurs choses ont disparu de’ son 'vestiaire’ , elle ne peut pas accuser Mme [U] [N] mais un jour , Mme [U] [N] a ouvert son sac et elle a vu 'son déodorant à l’intérieur’ , depuis l’installation de caméras, Mme [U] [N] ne vole plus ; concernant le travail, elle 'gaspille des étiquettes et des barquettes’ ; Mme [U] [N] est une 'très mauvaise chef, elle parle méchant..elle ment beaucoup’ ; 'elle fait venir des gens pour 2 heures comme samedi matin 25/05 en disant '[E] a dit que…' 'alors que ce n’était pas vrai',
* Mme [K] [IW] : Mme [U] [N] a mal parlé à [HI] , lorsqu’elle lui a demandé le détail des commandes, elle a répondu 'de quoi tu te mêles, ça ne te regarde pas’ ; Mme [U] [N] n’est pas ordonnée, elle ne montre pas l’exemple 'elle ne nettoie pas les cuisses qu’elle ne présente pas bien…', elle a fait venir avec elle samedi 25/05 pour 2 heures de travail alors que personne n’était au courant; les commandes auraient dû être finies vendredi soir ; elle est lunatique ;
— plusieurs attestations par :
* M. [MM] [I] [T] [D], manoeuvre emballage : salariée au sein de la Sas [NG] Conditionnement depuis le 27/09/2016 ; Mme [U] [N] lui fait faire 'des choses qui ne sont pas correctes pour le travail comme jeter des étiquettes, jeter des barquettes, ne pas mettre certains morceaux’ ; elle lui faisait 'toujours’ des reproches et l’a insultée 't’as gueule c’est moi le chef..tu te prends pour qui..;' ; elle s’est sentie humiliée ; jusqu’à son départ, elle n’a pas arrêté de lui donner des ordres 'en criant’ ; 'je n’attends pas de compliments, ni de reconnaissance mais simplement qu’on me laisse tranquille',
* Mme [XV] [P], chef d’équipe : elle travaille pour le compte de la Sas [NG] Conditionnement depuis le 1er février 2005 comme manoeuvre emballage barquettes puis chef d’équipe depuis janvier 2019 ; elle dénonce de la part de Mme [U] [N] un’sabotage, manque de collaboration et organisation du travail’ ; à plusieurs reprises, elle n’a pas transmis la 'continuité du travail à effectuer ou alors il était erroné’ ; un samedi matin, Mme [U] [N] lui a dit que 'M [NG] t’a dit de faire une promotion départ mardi’ et après avoir vérifié il est apparu que cela était faux ; elle a été témoin d’un abus de pouvoir sur les employés ; un samedi, elle a fait venir travailler 3 employés à 6h du matin pour 2h de travail uniquement alors qu’il n’y avait pas besoin d’effectifs supplémentaires ; elle a été témoin du non respect des règles d’hygiène et de sécurité à plusieurs reprises : poste de travail sale, mouchoir usé sur son poste de compostage, fiche de traçabilité jamais à jour et rarement remplie, emballage carton dans atelier découpe ;
* Mme [S] [XB] : Mme [U] [N] lui a téléphoné vers le 12 juin pour lui demander un témoignage en sa faveur 'comme quoi elle ne m’a jamais manqué de respect’ mais 'ce n’est pas vrai, car elle m’a déjà manqué de respect en me donnant un ordre avec un ton agressif',
— un certificat de travail concernant M. [OP] [M] qui mentionne qu’il a travaillé pour le compte de la Sas Ribot Conditionnement du 09/05/2017 au 31/12/2018 comme manoeuvre ; le salarié a été absent du 13/10/2018 au 31/12/2018 comme en atteste la production des bulletins de paie de cette période,
— un certificat de travail concernant Mme [R] [B] qui mentionne qu’elle a travaillé pour le compte de la Sas [NG] Conditionnement du 17/05/2016 au 16/11/2016 comme manoeuvre.
Mme [U] [N] conteste le bien fondé de son licenciement et soutient qu’il ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ; elle produit aux débats à l’appui de ses prétentions :
— trois attestations établies par :
* M. [OP] [M], sans profession : Mme [U] [N] a toujours été correcte avec lui et tout le personnel de la société Ribot et n’a jamais harcelé personne,
* M. [Y] [C], manoeuvre expédition : a travaillé au même poste que celui occupé par Mme [U] [N], n’a noté aucun incident au sein de son équipe ; les contacts avec Mme [U] [N] 's’arrêtaient à 15 mns par jour’ et correspondaient à un complément de commande, une confirmation sur les départs de promotion en cours, ou une anomalie d’étiquetage ; 'cela se passait toujours sereinement et professionellement dans l’intérêt du bon fonctionnement des objectifs à réaliser',
* Mme [R] [B] : elle n’a jamais vu Mme [U] [N] harceler ou outre passer ses fonctions à l’époque où elle travaillait du 17 mai 2016 au 16 novembre 2016 lorsqu’elle était adjoint de la chef d’équipe,
* M. [W] [J], hydraulicien ( attestation difficilement lisible): Mme [U] [N] a été une 'bosseuse', elle n’a pas ménagé ses efforts, elle n’a jamais été méchante,
— une capture d’écran du site Facebook.com datée du 18/06/2019 sur laquelle apparaissent plusieurs noms en qualité d’amis, notamment celui de Mme [IC] [CY] qui compte 218 'amis'.
Sur le grief relatif au management abusif, vexatoire et humiliant :
Si les éléments produits par la Sas [NG] Conditionnement ne permettent pas de dater les propos proférés par Mme [U] [N], il n’en demeure pas moins que la datation des faits invoqués dans la lettre de licenciement n’est pas nécessaire et que le grief tiré du fait d’avoir proféré des insultes à plusieurs salariés est suffisamment précis et matériellement vérifiable. La lettre de licenciement litigieuse répond donc à l’exigence légale de motivation concernant ce premier grief.
Les nombreux comptes rendus d’audition de salariés et les attestations que la Sas [NG] Conditionnement a produits aux débats sont convergents sur le fait que Mme [U] [N] était lunatique et a tenu à l’égard de certains d’entre eux des propos insultants voire vulgaires, qui ont été repris, pour l’essentiel, dans la lettre de licenciement. Les propos ainsi dénoncés par certains salariés établissent suffisamment que Mme [U] [N] s’est adressée à eux de façon désobligeante : 'pauvre tâche', 'bouge ton cul', 'sale pute', 'tu fais ce que je te dis', 't’as pas à poser de questions', 'travaille et ferme ta gueule', 'ton diplôme tu l’a eu par ta chatte','travail de merde', 'travail d’arabe', 'ferme ta gueule', 'ta gueule c’est moi le chef..tu te prends pour qui.', et qu’elle criait souvent quand elle leur adressait la parole.
Ces propos traduisent un management autoritaire, méprisant, vexatoire et manifestement abusif, dans le sens où ils sont de nature à exposer les salariés à des risques psycho sociaux par le stress et le mal être qu’ils ont générés.
Sur ce point, il convient de relever que certains salariés se sont confiés sur leur mal être face au comportement autoritaire et brutal de Mme [U] [N] : Mme [Z] indique qu’elle pleurait souvent, qu’elle travaillait 'la boule au ventre’ et précise avoir demandé à changer d’équipe car elle ne 'supportait’ plus Mme [U] [N] ; M. [MM] [I] [T] [D] indique s’être sentie 'humiliée’ et se sentir 'mal quand’ elle 'travaille avec’ Mme [U] [N], précisant que sa 'santé est en jeu'.
Par contre, le grief tiré du caractère mensonger des propos tenus par Mme [U] [N] n’est pas suffisamment établi par les seuls éléments produits par la Sas [NG] Conditionnement.
Enfin, les trois attestations produites par Mme [U] [N] ne permettent pas de remettre en cause sérieusement la portée des auditions et attestations produites par l’employeur dans la mesure où les témoins n’étaient pas en mesure d’attester pour la période pendant laquelle les griefs invoqués à Mme [U] [N] se seraient produits, soit en 2019, juste après le départ de Mme [DS] [O] : M [LT] [M] a été en absence prolongée à compter du 13 octobre 2018, Mme [R] [B] n’a travaillé avec Mme [U] [N] qu’au cours de l’année 2016, M. [Y] [C] reconnaît avoir eu des contacts professionnels limités avec Mme [U] [N].
Sur le grief relatif au non respect des consignes :
S’il ressort des comptes rendus d’auditions de Mme [K] [IW] [YO] et de Mme [S] [XB], que Mme [U] [N] rencontrait des difficultés dans l’organisation de son service et dans la gestion de son équipe, il n’en demeure pas moins que l’employeur ne démontre pas que l’anticipation de commandes était contraire aux consignes que Mme [U] [N] aurait reçues à ce sujet.
Par ailleurs, si plusieurs salariés indiquent avoir travaillé deux heures le samedi 25 mai 2019, les affirmations de Mme [XV] [P] selon lesquelles l’ordre donné par Mme [U] [N] à ces salariés n’était pas justifié et qu’il n’y avait pas besoin d’effectifs supplémentaires ce jour là, ne sont corroborées par aucun autre élément objectif.
Par contre, de nombreux salariés dénoncent des dysfonctionnements dans l’organisation du travail de Mme [U] [N], notamment le non-respect des règles en matière d’étiquettes de produits, comme exemple : décollement d’étiquettes des barquettes déjà faites pour les 'repasser pour d’autres clients', négligences dans le ravitaillement des chaînes en étiquettes et barquettes.
Mme [U] [N] ne produit aucun élément de nature à remettre en cause ce grief.
Sur le grief relatif au non respect des règles d’hygiène :
Force est de constater que plusieurs salariés ont dénoncé, de façon précise, le non-respect par Mme [U] [N] de certaines règles d’hygiène : Mme [XV] [P] indique que le poste de travail de Mme [U] [N] était sale ; elle avait constaté la présence d’un 'mouchoir usé’ sur son poste de compostage, et d’emballages carton dans l’atelier découpe ; Mme [A] [D] a déclaré que Mme [U] [N] ne nettoyait pas les 'cuisses'.
Ces attestations qui sont convergentes sur ce point, sont suffisamment probantes pour établir ce grief contre lequel Mme [U] [N] n’oppose aucune pièce et argument convaincant.
Sur le vol de marchandises :
Plusieurs salariés attestent avoir aperçu des objets leur appartenant entre les mains de Mme [U] [N] : Mme [H] [Z] a constaté la disparition de gâteaux dans son vestiaire 'tous les soirs’ et fait un lien entre cette disparition et Mme [U] [N] en évoquant un mal de ventre ressenti par cette dernière peu de temps après avoir constaté le vol de gateaux dans lesquels elle avait intégré des substances toxiques ; Mme [V] [CY] a découvert dans le sac de Mme [U] [N] un déodorant lui appartenant qui avait disparu de son vestiaire.
Ces seuls éléments ne sont pas de nature à imputer de façon certaine ces vols à Mme [U] [N].
Sur le manquement à l’obligation de loyauté depuis sa mise à pied :
La seule attestation de Mme [XB] est manifestement insuffisante pour établir ce grief dans la mesure où cette dernière n’évoque pas de pressions ou menaces exercées par Mme [U] [N] pour obtenir une attestation en sa faveur ; la salariée fait simplement mention d’un contact téléphonique avec Mme [U] [N] qu’elle situe vers le 12 juin 2019.
Il résulte du bulletin de salaire de Mme [U] [N] édité par la Sas [NG] Conditionnement pour le mois de mars 2019, que la salariée a perçu une 'gratification exceptionnelle’ d’un montant de 767,34 euros qui a été versée avant qu’une enquête interne ne soit diligentée au sein de la Sas [NG] Conditionnement concernant le comportement de Mme [U] [N] dénoncé par plusieurs salariés auprès de Mme [L] [A] [D] le 21 mai 2019, ce que Mme [U] [N] ne conteste pas sérieusement. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la salariée, le versement de cette 'gratification’ n’est pas en contradiction avec les faits qui sont reprochés.
De même, s’il n’est pas contesté que Mme [U] [N] a connu une promotion professionnelle en 2017, celle-ci est survenue antérieurement aux faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement.
Enfin, Mme [U] [N] établit avoir été en contact sur le réseau Facebook avec Mme [IC] [CY], qui est la seule salariée parmi ceux qui ont dénoncé son comportement dans le cadre de leur audition ou de leur attestation.
Il résulte des éléments qui précèdent qu’en définitive, sont établis en totalité ou partiellement les griefs relatifs :
— à un management brutal et vexatoire qui constitue à lui seul une faute grave compte tenu du nombre de salariés visés, de la nature des propos tenus alors qu’un chef d’équipe se doit de montrer l’exemple aux salariés qui travaillent sous ses ordres,
— au non-respect des consignes,
— au non-respect des règles d’hygiène
Ces faits sont suffisamment pertinents pour justifier le licenciement pour faute de Mme [U] [N], rendant la poursuite de la relation contractuelle impossible, peu importe l’ancienneté acquise de Mme [U] [N] au sein de la société et le fait qu’elle n’ait pas fait l’objet de sanction disciplinaire avant son licenciement.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et le travail dissimulé :
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précisées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.
En cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit être mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale.
En l’espèce, Mme [U] [N] soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires entre le 1er janvier 2018 et le 28 mai 2019, et ajoute qu’elle commençait ses journées de travail dès 6h pour se terminer 'tard', après avoir rappelé qu’elle avait été embauchée sur la base de 151,67 heures mensuelles.
Or, force est de constater que Mme [U] [N] ne produit aucun élément en dehors des bulletins de salaire sur lesquels apparaissent le paiement d’heures supplémentaires, de nature à
justifier les horaires effectivement réalisés, comme par exemple, un tableau récapitulatif pour la période concernée, la salariée se contentant d’affirmer de façon imprécise qu’elle terminait ses journées de travail 'tard', tandis que l’employeur de son côté affirme que toutes les heures supplémentaires ont été rémunérées.
Mme [U] [N] étant déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, sa demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé n’est pas fondée, la salariée ne produisant aucun élément de nature à caractériser cette infraction.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces deux points.
Sur la demande de communication des documents rectifiés de rupture du contrat de travail:
Dans la mesure où la cour ne fait pas droit aux prétentions de Mme [U] [N] au titre du rappel de salaires pour heures supplémentaires et au titre de l’annulation de la mise à pied conservatoire, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de communication de documents rectifiés de la rupture du contrat de travail.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu le 08 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Orange ce qu’il a débouté Mme [U] [N] de sa demande relative au rappel de salaire pour heures supplémentaires et au titre du travail dissimulé,
Juge que le licenciement pour faute notifié le 04 juillet 2019 par la Sas [NG] Conditionnement à l’encontre de Mme [U] [N] est justifié,
Déboute Mme [U] [N] de l’intégralité de ses prétentions,
Dit n’y avoir lieu à application au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [U] [N] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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