Cour d'appel d'Orléans, 24 mars 2011, n° 10/00598

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

XXX

SCP LAVAL-LUEGER

Me BORDIER

24/03/2011

ARRÊT du : 24 MARS 2011

N° :

N° RG : 10/00598

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 22 Janvier 2010

APPELANTE :

La SOCIETE M. H.C.S. VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE CHAMPAGNE RUINART

XXX

XXX

représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour

ayant pour avocat Me Jean-Luc VITOUX, du barreau de REIMS

D’UNE PART

INTIMÉS :

SA AUCHAN FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Jean-Louis GUIN, du barreau de PARIS

SAS SELLFAST

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Maître Y

pris en sa qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaireDE LA SAS SELLFAST

XXX

XXX

Maître Emmanuel X

pris en qualité de mandataire judiciaire au Redressement Judiciaire de la SAS SELLFAST

XXX

XXX

DEFAILLANTS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL EN DATE DU 23 Février 2010

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 février.2011

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 10 Février 2011, à 14 heures, devant Monsieur RAFFEJEAUD, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre qui en a rendu compte à la collégialité,

Monsieur Alain GARNIER, Conseiller,

Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier :

Madame Sylvie CHEVREAU, lors des débats,

Madame Anne-Chantal PELLÉ, lors du prononcé,

Prononcé le 24 MARS 2011 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

La société Champagne Ruinart a fait constater, le 10 avril 2008, par huissier de justice que l’hypermarché Auchan de Vineuil (Loir-et-Cher) commercialisait et possédait en stock des bouteilles de champagne de marque Ruinart dont les contre – étiquettes avaient été découpées dans l’angle inférieur droit sous le code barre, à l’endroit où figurait normalement le numéro de lot, et ce en violation des dispositions du Règlement n° 178/2002 du 28 janvier 2002 et des articles R. 122 – 9 – 7, R. 112 – 27 et R. 112 – 28 du code de la consommation.

Après avoir été autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Blois à faire placer sous scellés les 24 bouteilles litigieuses, la société Champagne Ruinart a saisi le tribunal de commerce de Blois d’une demande aux fins de destruction des bouteilles, paiement de dommages et intérêts, affichage et publication du jugement.

La société Auchan France a appelé en garantie son fournisseur, la société Sellfast, en suite de quoi, les procédures ayant été jointes, le tribunal a rendu le jugement suivant :

— Prononce l’interdiction par la société Auchan France de vendre les 24 bouteilles de champagne Ruinart mises sous scellés par Me Morreton – Casas les 10 et 11 avril 2008 et afin de s’assurer de cette interdiction ordonne la destruction desdites bouteilles ;

— Vu l’article 1382 du code civil, déboute la société Champagne Ruinart de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— Condamne la société Champagne Ruinart à payer à la société Auchan la somme de 2000 €

sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la société Champagne Ruinart à payer la somme de 2000 € à la société Sellfast en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la société Champagne Ruinart aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 93,29 euros ainsi qu’aux coûts des frais d’huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire.

Pour débouter la société Champagne Ruinart de l’essentiel de ses demandes, les premiers juges ont considéré que la preuve d’une faute de la société Auchan n’était pas rapportée, dès lors que la société Champagne Ruinart ne démontrait pas que l’altération des contre – étiquettes fût le fait des agissements coupables de salariés de la société Auchan ; que s’il pouvait, peut-être, être reproché à celle-ci, ainsi qu’à son fournisseur, un manquement à une obligation de contrôle ou de vigilance, cette faute n’était pas à l’origine des préjudices invoqués par la société Champagne Ruinart ; qu’ainsi, cette dernière n’avait subi aucun préjudice d’image, dès lors que le code altéré se trouvait à un endroit très précis que le client ne visualisait jamais lorsqu’il effectuait ses achats ; que, par ailleurs, les investissements prétendument détournés n’étaient pas financièrement justifiés et surtout n’avaient pas pu être affectés par le simple fait que la contre – étiquette de cinq bouteilles vendues avait été altérée.

La société MHCS, venue aux droits de la société Champagne Ruinart, a régulièrement interjeté appel de cette décision le 23 février 2010.

Elle a fait valoir que, dès lors que la société Auchan avait sciemment mis en vente des bouteilles de champagne qui ne répondaient pas aux exigences légales, elle avait commis une faute, peu important de savoir qui avait procédé au découpage des contre – étiquettes.

Considérant alors, que cette faute lui avait causé un préjudice lié à l’atteinte à l’intégrité de son produit et à son image de marque, ainsi qu’à l’atteinte portée à la procédure de traçabilité qu’elle avait mise en oeuvre, elle a sollicité le paiement d’une somme de 167'250 € à titre de dommages et intérêts, l’affichage du présent arrêt dans les locaux des hypermarchés Auchan de France, la parution de l’arrêt dans trois journaux nationaux aux frais de la société Auchan France, ainsi que le paiement d’une somme de 15'000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle a conclu, en revanche, à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle avait prononcé l’interdiction de vente des bouteilles et ordonné leur destruction.

La société Auchan France a contesté toute faute de sa part, ainsi que le préjudice allégué.

Elle a conclu à la confirmation du jugement entrepris et a sollicité une somme de 10'000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, elle a demandé la garantie de son fournisseur, la société Sellfast, et, en conséquence, la fixation de sa créance au passif du redressement judiciaire de cette dernière.

La société Sellfast, Me Y , ès qualités d’administrateur judiciaire, et Me X, ès qualités de mandataire judiciaire, ont été cités, les 20 et 26 mai 2010, par actes délivrés à la première en l’étude de l’huissier de justice, au second à sa personne, au troisième à domicile.

Ils n’ont pas comparu ; le présent arrêt sera donc rendu par défaut.

SUR CE,

Sur la faute de la société Auchan France :

Attendu que pour respecter la réglementation en vigueur, telle qu’elle résulte des dispositions des articles 17 et 18 du Règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002, des articles R. 112 – 9 – 7, R. 112 – 27, R. 112 – 28 du code de la consommation et 7 du décret n° 91 – 187 du 19 février 1991, la société Champagne Ruinart avait mis en place une procédure de marquage laser de ses bouteilles afin d’identifier les lots de fabrication auxquels elles appartenaient ;

Que, selon procès-verbal dressé les 10 et 11 avril 2008 par Me Morreton Casas, huissier de justice associé à Blois, il a été constaté que l’hypermarché Auchan de Vineuil détenait et offrait à la vente 24 bouteilles de champagne Ruinart , dont les contre – étiquettes sur lesquelles figurait le numéro de lot avaient été grattées ou découpées au cutter, de sorte que le numéro de lot avait disparu ;

Attendu que, selon l’article 17 du Règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002, les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions ;

Que, selon l’article 7 du décret n° 91 – 187 du 19 février 1991, avant leur mise sur le marché, les denrées alimentaires préemballées doivent comporter, sur leur préemballage ou sur une étiquette liée à celui-ci, une indication permettant d’identifier le lot de fabrication auquel elles appartiennent ;

Que, dès lors que la société Auchan France détenait et offrait à la vente des bouteilles de champagne dont les contre – étiquettes étaient altérées, interdisant ainsi d’identifier le lot de fabrication, elle n’a à l’évidence pas satisfait à ses obligations, et il importe dès lors peu de savoir qui est l’auteur des altérations ;

Que la société Auchan France soutient vainement qu’il ne lui était pas possible de constater les altérations, aux motifs que les auteurs des faits avaient opéré de façon discrète et qu’il ne lui était pas possible de procéder à un examen de chacun des centaines de milliers de produits mis en vente chaque jour dans ses magasins, faisant ainsi l’aveu de ce qu’elle ne respectait pas ses obligations ;

Que, dans le cas présent, de toute manière, la non – conformité des bouteilles litigieuses aurait dû d’autant moins échapper à la vigilance de la société Auchan France que la livraison qu’elle avait reçue ne porter que sur un lot de trente bouteilles et que l’altération des contre – étiquettes n’était pas la seule anomalie, l’huissier de justice ayant encore constaté que certaines bouteilles étaient dépourvues de capsules dites ' congé’ ou CRD ;

Que la faute de la société Auchan France est donc patente ;

Sur le préjudice et le lien de causalité :

Attendu que le seul fait de vendre un produit de luxe présentant un vice quelconque porte nécessairement atteinte à l’intégrité du produit et, par ricochet, à l’image de la société qui le fabrique ;

Que, s’agissant en l’espèce d’un champagne haut de gamme, dont le consommateur est en droit de s’attendre à ce qu’il soit en tout point irréprochable, il est manifeste que l’altération des contre – étiquettes porte atteinte, et à l’intégrité du produit, et à l’image de marque de la société Champagne Ruinart ;

Que surtout, la suppression du numéro de lot est susceptible d’entraîner des conséquences graves pour le consommateur comme pour le producteur ou fabricant, dans la mesure où elle interdit à celui-ci de procéder au rappel de produits qui s’avéreraient défectueux ou dangereux;

Qu’ainsi, la société Champagne Ruinart a indiscutablement subi un préjudice, mais que celui-ci apparaît toutefois modéré, dans la mesure où seules cinq bouteilles ont été vendues et où aucune plainte de consommateur n’a été enregistrée ;

Que le préjudice subi sera indemnisé par le versement d’une somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts ;

Que les mesures de publicité sollicitées n’apparaissent pas opportunes en l’espèce et ne seront pas ordonnées ;

Attendu que la société Auchan France qui succombe, paiera une somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens ;

Sur l’appel en garantie :

Attendu que faute d’apporter la preuve de ce que les altérations sur les bouteilles avaient été pratiquées avant qu’elle n’en prît livraison, la société Auchan France ne peut qu’être déboutée de son appel en garantie, étant ajouté qu’au surplus, il s’agissait de vices apparents à la livraison ;

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a prononcé l’interdiction à la vente et la destruction des bouteilles litigieuses ;

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la société Auchan France à payer à la société MHCS, venue aux droits de la société Champagne Ruinart, une somme de 10'000 € ( dix mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

DIT n’y avoir lieu à affichage et publication du présent arrêt ;

DÉBOUTE la société Auchan France de son appel en garantie ;

LA CONDAMNE à payer à la société MHCS une somme de 5000 € ( cinq mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel, et accorde à Me Bordier, avoué, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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