Cour d'appel d'Orléans, 4 juin 2015, n° 13/03693

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, 4 juin 2015, n° 13/03693
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 13/03693
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Orléans, 4 novembre 2013

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD’HOMMES

GROSSES le 04 JUIN 2015 à

la SELARL CASADEI-JUNG

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

EXPEDITIONS le 04 JUIN 2015 à

SAS SCOOP COMMUNICATION

N I

ARRÊT du : 04 JUIN 2015

N° : – 15 N° RG : 13/03693

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de prud’hommes – Formation de départage d’ORLEANS en date du 05 Novembre 2013 – Section : ENCADREMENT

ENTRE

APPELANTE :

SAS SCOOP COMMUNICATION

Agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par Me Jean Christophe CASADEI de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau D’ORLEANS

ET

INTIMÉE :

Madame N I

XXX

XXX

comparante en personne

assistée de Me Jean François LE METAYER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau D’ORLÉANS

Après débats et audition des parties à l’audience publique du 02 Avril 2015

LA COUR COMPOSÉE DE :

Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,

Madame Valérie ROUSSEAU, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Marie-Hélène ROULLET, Greffier.

Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 04 JUIN 2015, Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Président de Chambre, assisté de Madame Marie-Hélène ROULLET, Greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

Madame N I a été engagée le 1er septembre 2002 par la SAS SCOOP COMMUNICATION qui exerce l’activité de régie publicitaire pour différents titres de presse, en qualité de commerciale en contrat à durée indéterminée.

Suivant avenant du 27 juin 2008, il lui a été confié les fonctions de commerciale animatrice de vente, statut cadre à compter du 1er juillet 2008 et sa rémunération a été réévaluée par avenant du 23 décembre 2008.

Madame I a été en arrêt de travail du 11 mars 2011 au 12 octobre 2011

Le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste de travail selon la procédure d’urgence le 3 octobre 2011.

Elle a été convoquée à un entretien préalable le 18 octobre 2011 et a été licenciée pour inaptitude le 2 novembre 2011.

Madame I a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans, section encadrement, le 7 juillet 2011, aux fins, à titre principal, de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et voir condamner la SAS SCOOP COMMUNICATION à lui payer les sommes de :

—  62 540,51€ de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 6 254,05 euros de congés payés y afférents,

—  24 240 € d’indemnité pour travail dissimulé,

—  5 000 € de dommages et intérêts pour non prise en charge des frais professionnels,

—  10 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

—  88 000 € sur le fondement de l’article L 1235-5 du code du travail,

—  12 120 € d’indemnité compensatrice de préavis et 1 212 € de congés payés y afférents,

Il était demandé, subsidiairement, de juger son licenciement nul ou, plus subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société SCOOP COMMUNICATION à payer les sommes de :

—  88 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

—  12 120 € d’indemnité compensatrice de préavis et 1 212 € de congés payés y afférents,

Il était également sollicité la remise sous astreinte de bulletins de salaires et de documents de fin de contrat rectifiés outre une somme de € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société qui s’est opposée, à titre principal, aux demandes, a sollicité leur réduction à de plus justes proportions et a réclamé une somme de 500 € pour frais de procédure.

Par jugement du 5 novembre 2013, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud’hommes d’Orléans, section encadrement, en formation de départage, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS SCOOP COMMUNICATION et l’a condamnée à payer à Madame I les sommes de 6 254,05 € de rappel de salaire sur heures supplémentaires, 625,40 € au titre des congés payés afférents, 24 240 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, 25 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 12 120 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 1 212 € de congés payés afférents, 1 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

La SAS SCOOP COMMUNICATION a relevé appel de la décision le 22 novembre 2013.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées oralement lors de l’audience des débats et qui sont ci-après résumées.

1 ) Ceux de la SAS SCOOP COMMUNICATION :

La société SCOOP COMMUNICATION demande à la cour 'd’annuler’le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Madame I de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 500 € pour frais de procédure.

La société qui conteste avoir commis des manquements pouvant justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail fait valoir s’agissant de la demande d’heures supplémentaires et pour travail dissimulé, en substance :

— que la production tardive des agendas par la salariée, dans le but manifeste de contourner les règles de preuve en matière d’heures supplémentaires, constitue un procédé déloyal qui permet de douter de la sincérité des mentions portées sur les agendas auxquels aucun caractère probant ne peut être accordé,

— que Madame I, qui avait le statut de maestro, bénéficiait de la faculté d’organiser librement son temps de travail, que cette liberté ne lui imposait pas de dépasser la durée de travail de 35 heures hebdomadaire, qu’en contrepartie, elle était tenue de renseigner quotidiennement la base de données SCOOP WORK de suivi de l’activité des commerciaux, ce dont elle s’est affranchie profitant des bonnes relations entretenues à l’époque, que les relevés de la base SCOOP WORK dont le caractère infalsifiable a été constaté par huissier, démontrent qu’elle n’a pas accompli d’heures supplémentaires, que l’inspection du travail qui a procédé à plusieurs contrôle sur dénonciation de la salariée, n’a d’ailleurs relevé aucune anomalie,

— que les témoignages produits dont certains émanent d’anciens salariés ayant été condamnés pour concurrence déloyale ne constituent pas une preuve des prétendus heures supplémentaires ni davantage les courriels adressés à des heures tardives ce que rien ne justifiait,

— que le décompte des heures communiqué qui comporte de nombreuses incohérences, ne peut être retenu dans la mesure où il ne précise pas le nombre d’heures réalisées quotidiennement et qu’il repose sur une projection sur plusieurs années d’une durée de travail calculée sur 6 mois,

— que les tableaux de synthèse établis à partir des agendas de Madame I démontrent que celle-ci n’a accompli aucune heure supplémentaire,

— que la nature de l’activité de la salariée ne lui imposait pas de dépasser 35 heures, et qu’elle n’a jamais donné son accord implicite à la réalisation d’heures supplémentaires dont elle n’était pas informée,

— que, subsidiairement, la demande est prescrite pour la période antérieure au 7 juillet 2006, et que le travail dissimulé n’est pas caractérisé en l’absence d’élément intentionnel du fait de son ignorance des heures effectuées.

Elle explique n’avoir jamais refusé de rembourser les frais professionnels dès lors que le salarié avait sollicité son accord préalable et que les justificatifs des dépenses lui étaient fournis, ce qui n’est pas le cas de Madame I qui forme une demande forfaitaire.

Réfutant tout harcèlement, elle affirme que la liberté de ton de certains courriels s’explique par les bonnes relations de l’époque, que Madame I ne justifie pas d’agissements répétés qui lui soient imputables ni que ses troubles de santé soient la conséquence des faits qu’elle dénonce.

Elle affirme que le licenciement n’est pas nul dans la mesure où le harcèlement n’est pas établi et que l’avis d’inaptitude a été rendu par le médecin du travail à l’occasion d’une visite de reprise sollicitée directement par la salariée, ni davantage dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors qu’elle justifie avoir procédé à des recherches de reclassement au sein des sociétés du groupe et que le médecin du travail s’est opposé à tout reclassement.

2 ) Ceux de Madame N I :

Madame I reprend devant la cour ses prétentions initiales auxquelles elle ajoute une demande en paiement de la somme de 4 040 € de rappel de salaire pour la période d’un mois qui s’est écoulée entre la visite médicale et la notification du licenciement dans l’hypothèse ou celui-ci serait jugé nul. Elle réclame une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle affirme avoir communiqué à la société dès le 8 juin 2011, les pièces établissant la réalité des heures supplémentaires qu’elle a exécutées et que celle-ci ne pouvait ignorer compte tenu du chiffre d’affaires qu’elle réalisait, de la nature de son activité qui lui imposait de démarcher les clients après leur journée de travail, et de ce que la société avait accès à sa messagerie et à un logiciel enregistrant les heures de connexion et de déconnexion.

Elle objecte que le logiciel SCOOP WORK ne permettait pas la saisie journalière des horaires de travail, qu’il s’agissait d’un agenda électronique sur lequel les commerciaux pouvaient noter leurs actions, que le tableau des connexions à la base de données annexé au constat d’huissier ne correspond pas au temps de travail effectif et qu’il ne lui a jamais été reproché, avant la naissance de leur différend, de ne pas renseigner suffisamment l’agenda électronique.

Elle fait valoir qu’elle a établi un décompte précis et détaillé de ses heures de travail pour la période du 6 septembre 2010 au 5 mars 2011, qui est représentatif du temps de travail accompli pendant les 5 années pour lesquels elle forme une demande de rappel de salaire qui n’est pas prescrite.

Elle considère que le travail dissimulé est caractérisé dès lors que l’employeur avait connaissance des heures supplémentaires qu’elle effectuait et qu’il a sciemment omis de les mentionner sur les bulletins de salaire et de rémunérer.

Elle reproche à la société de l’avoir irrégulièrement privée pendant plusieurs années du remboursement de ses frais professionnels, ce qui justifie sa demande de dommages et intérêts.

Elle se plaint d’avoir été victime de harcèlement moral, d’avoir subi des agissements répétés de son employeur qui se sont traduits par des courriels particulièrement agressifs au ton déplacé, des objectifs irréalisables, des demandes de travail le samedi, le retrait d’une partie de ses fonctions et la remise en cause de ses compétences, qui ont dégradé ses conditions de travail et son état de santé.

Elle s’estime fondée, en raison de ces graves manquements de l’employeur, à obtenir la résiliation aux torts de celui-ci de son contrat de travail.

Subsidiairement, elle invoque la nullité de son licenciement, dans la mesure où en premier lieu son inaptitude est la conséquence du harcèlement qu’elle a subi et qu’en second lieu, l’avis médical rendu le 3 octobre, avant l’expiration de la suspension du contrat, ne constitue pas une visite de reprise mais de pré-reprise.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 14 novembre 2013, en sorte que l’appel, régularisé au greffe de cette cour, le 22 novembre 2013 suivant, dans le délai légal d’un mois, est recevable en la forme.

1) Sur la demande de résiliation judiciaire :

Le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail s’il établit à l’encontre de son employeur des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La réalité et la gravité des manquements reprochés à l’employeur seront successivement examinés ci-après.

— sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande Madame I produit notamment :

— un décompte journalier des heures de travail pour la période du 6 septembre 2010 au 5 mars 2011, et des agendas,

— les témoignages de clients : Madame A, Messieurs X, G, H, J qui attestent avoir rencontré Madame I à plusieurs reprises après 18 heures 30, voire 20 heures dans le cadre de rendez-vous professionnels de prospection, de signature de contrat ou autres,

— les témoignages d’anciens collègues de travail : Madame C, Messieurs K, B, L, F que rien ne justifie d’écarter, qui indiquent que les commerciaux sont amenés à dépasser régulièrement les 35 heures, compte tenu des trajets pour se rendre chez les clients et des tâches administratives annexes qui s’ajoutent au travail de prospection, qu’il n’était pas rare que Madame M en rendez-vous après 20 heures, qu’elle a été amenée à s’occuper de la distribution et de la promotion de supports souvent en dehors de ses heures de travail et parfois le week-end (témoignage Monsieur F, ancien responsable des ventes),

— plus de 500 courriels couvrant la période de septembre 2010 à mars 2011, adressés après 18 heures 30 ou au cours de la pause méridienne, ou encore les fins de semaines les samedis et dimanches,

Madame I produit ainsi des éléments préalables pour la période correspondant au décompte des heures quotidiennes de septembre 2010 au 5 mars 2011 qui peuvent être discutés par l’employeur.

En revanche, Madame I ne fournit pas d’éléments pour la période antérieure à septembre 2010 susceptibles d’étayer sa demande et pouvant être discutés par l’employeur puisqu’elle ne communique pas de décompte détaillé des heures accomplies mais opère un calcul sur la base du décompte qu’elle a établi pour la période de septembre 2010 au 5 mars 2011 ; or une telle méthode d’évaluation globale et forfaitaire qui ne ne peut être discutée ne peut être retenue.

L’employeur qui critique la crédibilité du décompte de la salariée produit :

— un procès-verbal de constat d’huissier du 22 décembre 2011aux termes duquel l’huissier indique avoir constaté que la société SCOOP COMMUNICATION dispose d’un matériel informatique SCOOP WORK, dans lequel les horaires journaliers de travail du personnel son insérés,

— les relevés d’heures quotidiennes et hebdomadaires de Madame I extraits de la base de donnée et annexés au constat pour les années 2007 à 2011.

La cour relève que la société SCOOP COMMUNICATION qui n’a jamais reproché à Madame I, avant le 9 février 2011, de ne pas avoir correctement renseigné ce logiciel, ne peut dès lors sérieusement prétendre que la salariée aurait manqué à son obligation contractuelle, au demeurant non spécifiée, et l’aurait ainsi privée de la possibilité de connaître ses heures de travail.

En outre, il ressort des termes du courrier de la société du 9 février 2011 que ce logiciel n’est pas un logiciel de comptabilisation de la durée du travail puisqu’il est indiqué qu’il est destiné à enregistrer les comptes rendus d’activité et l’agenda en ligne, ce que confirme Madame Y dans son témoignage donné en faveur de l’employeur.

La lecture du mode d’emploi du logiciel SCOOP WORK démontre qu’il s’agit principalement d’un logiciel de gestion de l’agenda et de la clientèle, destiné à faciliter la prospection commerciale, et qui permet, accessoirement, d’enregistrer le temps de travail grâce au compteur horaire qui se déclenche lors de la connexion et de la déconnexion via internet.

Or, il se déduit d’évidence, de l’absence de consignes claires de l’employeur concernant l’utilisation de ce logiciel, du fait qu’il n’a jamais fait d’observations à Madame I antérieurement avant février 2011, que le logiciel n’était pas employé aux fins de comptabiliser le temps de travail.

D’ailleurs, l’examen des relevés de la base SCOOP WORK fait apparaître des durées mensuelles de travail variant entre 30 heures et 75 heures au maximum très éloignées des 151,67 contractuellement prévues, et qui sont parfaitement incompatibles avec les résultats commerciaux obtenus par Madame I dont atteste Monsieur Z, ancien directeur commercial, ce qui confirme que les relevés communiqués ne correspondent pas à la durée de travail.

La société ne peut davantage sérieusement invoquer le statut 'maestro’ dont bénéficiait Madame I qui lui permettait de s’organiser librement dans son travail, pour contester le décompte qu’elle produit, et ce alors que par courriel du 26 janvier 2011, elle lui demandait de venir travailler des samedis pour encadrer les équipes de distribution et de promotion sans prendre en compte son temps de travail de 14 heures à 18 heures ; la liberté d’organisation dans le travail invoquée ne pouvant conférer à l’employeur le pouvoir d’exiger du salarié une totale disponibilité et de s’affranchir des règles relatives à la durée légale du travail.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction, au sens du texte précité, que Madame I a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées à concurrence de 6 254,05 euros pour la période du 6 septembre 2010 au 5 mars 2011.

La décision du conseil sera par suite confirmée.

— sur le remboursement des frais professionnels :

Il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.

Or, le contrat de travail de Madame I, en violation de ce principe d’ordre public, comporte une clause qui exclut tout remboursement des frais professionnels autres que les frais de carburant.

Par courrier du 9 mai 2011 adressé au dirigeant de la société SCOOP COMMUNICATION Madame I a réclamé le remboursement de ses frais professionnels expliquant, à cette occasion que, contrairement à ce que son employeur lui avait toujours indiqué, elle était en droit d’être défrayée de ses frais professionnels.

La société qui affirme qu’elle ne s’est jamais opposée au remboursement des frais professionnels, sous réserve que la salariée sollicite l’autorisation préalable de les engager et produise les justificatifs de ses dépenses, ne fournit aucun élément, telle qu’une note de service ou autre, établissant qu’elle ait porté à la connaissance de Madame I les règles de remboursement de frais, alors que le contrat excluait formellement leur prise en charge.

Il est ainsi suffisamment établi que Madame I a effectivement été privée de la possibilité de solliciter et d’obtenir le remboursement des frais professionnels, autres que de carburant, correspondant notamment aux dépenses de restauration des clients de la société, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice.

Il ne saurait être reproché à Madame I de ne pas avoir conservé la totalité des justificatifs des frais professionnels exposés, alors que son contrat stipulait qu’elle ne pouvait en obtenir le remboursement.

Ainsi, au vu du montant des frais qui lui ont été remboursé à la suite de sa demande du 9 mai 2011, il convient de lui allouer une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi.

La décision du conseil sera infirmée en conséquence.

— sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Madame I se plaint de ce que son employeur lui a adressé des courriels particulièrement agressifs et au ton déplacé, lui a fixé des objectifs irréalisables, lui a demandé d’augmenter son temps de travail en l’obligeant à travailler certains samedi, lui a retiré une partie de ses fonctions et notamment des clients générateurs de commissions importantes.

Elle produit pour étayer ses affirmations des échanges de courriels et courriers.

Il est justifié par les courriels communiqués que Monsieur E s’adressait à Madame I en ces termes :

— le 6 septembre 2010 : 'la discussion, stérile et petite est close', alors qu’elle l’interrogeait dans des termes courtois sur la raisons pour laquelle il était fait une exception aux règles applicables en matière de partage de commission,

— le 8 septembre 2010, 'inutile de faire l’autruche. Plutôt que de pleurnicher sur ce que tu n’as pas le droit de faire, fais ce que tu dois faire, c’est à dire l’immense majorité de clients. Au travail et aux résultats !', alors qu’elle s’inquiétait des raisons pour lesquelles, elle ne pouvait plus signer de contrat avec un client,

— le 16 décembre 2010, 'c’est quoi ces mails à la con ' Tant pis pour toi 5 000 € de perdus uniquement parce que tu n’expliques pas clairement aux gens que la pub ce n’est pas lié au rédactionnel', suite à la réception d’un courriel d’un client qui vantait le professionnalisme de Madame I mais déplorait d’avoir vainement tenté de joindre la direction et de ne jamais été rappelé en dépit de son insistance,

— le 10 mars 2011, 'cela tourne au ridicule. Je veux que tu répondes à mon mail, c’est à dire que tu me fasses le rapport de ces échanges et que tu ne te contentes pas de m’adresser des copies de contrat. Cà n’importe quelle secrétaire peut le faire en un quart de seconde.', alors même que Madame I lui avait déjà fourni des informations et qu’il n’explicitera sa demande que postérieurement à cet envoi,

Le ton acerbe, déplacé et discourtois, employé par Monsieur E, ne saurait s’expliquer par l’ancienneté des relations professionnelles et de prétendus liens amicaux, alors même que Madame I, ne s’est autorisé aucune familiarité et s’est exprimé en termes courtois et adapté aux relations professionnelles.

Il est justifié que par courriel du 20 janvier 2011, Monsieur E a demandé à Madame I d’encadrer les équipes d’intérimaires et de participer à la distribution du magazine EDITH les samedis et en particulier le samedi 5 février de 14 heures à 18 heures.

Or, cette demande excède le pouvoir de direction de l’employeur et traduit une intention vexatoire, puisque le travail demandé de distribution de journaux ne correspondait pas aux attributions de Madame I qui était commerciale animatrice des ventes statut cadre et qu’il lui était imposé de venir travailler le samedi après-midi sans même envisager les modalités de prise en charge de ce temps de travail supplémentaire.

Alors que Madame I a fait part de son employeur de son refus légitime de participer à la distribution du journal, il est établi que celui-ci, par lettre en réponse du 9 février 2011, lui a pour la première fois reproché, manifestement par mesure de rétorsion, de renseigner irrégulièrement son agenda en ligne ainsi qu’un défaut d’animation commerciale .

Il est également établi que par courrier du 10 mars 2011, alors que Madame I se plaignait du caractère irréalisable des objectifs assignés et de sa mise à l’écart, concernant la commercialisation du magazine EDTH dont elle était l’initiatrice, au profit de Madame E épouse du dirigeant, son employeur lui a demandé de ne plus commercialiser les nouveaux espaces sur le magazine EDITH à compter du lundi 21 mars 2011.

Là encore cette décision manifeste clairement la volonté de l’employeur de réduire ses attributions, alors qu’il est démontré par les courriels notamment de félicitations adressés à Madame I, qu’elle était bien à l’origine de ce projet et qu’il y a contribué activement, et qu’en vertu de la note de service du 27 mai 2003, et il n’existait pas dans l’entreprise de limite à la liberté de commercialisation.

Il est enfin démontré par les avis d’arrêts de travail et le courrier du médecin du travail du 3 octobre 2011 que Madame I a souffert d’un syndrome anxio dépressif réactionnel aux difficultés rencontrées dans l’entreprise.

Il se trouve ainsi suffisamment démontré, l’existence matérielle de faits précis et concordants, établissant la réalité du harcèlement moral subi par Madame I de la part de son employeur.

Compte tenu des circonstances du harcèlement, de sa durée, et des conséquences dommageables, il sera alloué à Madame I la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La décision du conseil sera réformée en conséquence.

Les manquements retenus ci-dessus, revêtent un caractère de gravité telle, s’agissant du non paiement des heures supplémentaires et du harcèlement moral, qu’il rendait impossible la poursuite de la relation contractuelle, ce qui justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur au jour du licenciement de Madame I.

2) Sur les demandes en paiement :

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame I a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le montant de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents alloués par le conseil ne sont pas critiqués.

Madame I ne fournissant aucun justificatif de sa situation, l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse a été justement arrêtée à la somme de 25 000 euros en application de l’article L 1235-3 du code du travail.

La décision du conseil sera, en conséquence, confirmée de ces chefs de demandes.

3) Sur le travail dissimulé :

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Au regard des fonctions exercées par Madame I, de son niveau d’activité qui donnait lieu à une des rémunérations les plus élevées de la société assise notamment sur le chiffre d’affaires réalisé, l’employeur ne pouvait ignorer que celle-ci effectuait des heures supplémentaires, qu’il a manifestement sciemment dissimulé, en invoquant un statut de 'maestro’ lui permettant de s’affranchir des règles relatives à la durée du travail sous couvert de liberté d’organisation.

La décision du conseil sera également confirmée sur ce point

4) Sur les autres demandes :

Les autres dispositions du jugement relatives au remboursement des indemnités de chômage par application de l’article L 1235-4 du code du travail et à la remise des documents de fin de contrat seront confirmées.

La SAS SCOOP COMMUNICATION sera condamnée à payer à Madame I la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.La SAS SCOOP COMMUNICATION qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

D, en la forme, l’appel de la SAS SCOOP COMMUNICATION ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans, du 5 novembre 2013, section encadrement, formation de départage, sauf en ce qui concerne le montant alloué à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et en ce qu’il a débouté Madame I de sa demande de dommages et intérêts pour la non prise en charge des frais professionnels ;

STATUANT À NOUVEAU des chefs infirmés,

CONDAMNE la SA SCOOP COMMUNICATION à payer à Madame N I, les sommes de :

—  3 000 euros (TROIS MILLE EUROS) de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

—  1 000 euros (MILLE EUROS) de dommages et intérêts pour avoir été privée du remboursement de ses frais professionnels,

—  1 500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ou contraires ;

CONDAMNE la SAS SCOOP COMMUNICATION aux dépens.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Marie-Hélène ROULLET Hubert de BECDELIEVRE

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Cour d'appel d'Orléans, 4 juin 2015, n° 13/03693