Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 19 décembre 2019, n° 16/03983

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 19 DECEMBRE 2019 à

la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

la SELARL 2BMP

CLM

ARRÊT du : 19 DECEMBRE 2019

MINUTE N° : 556 – 19

N° RG 16/03983 – N° Portalis DBVN-V-B7A-FLLZ

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 22 Novembre 2016 - Section : COMMERCE

APPELANTES :

SAS SOCIETE GENILLOISE D’ENTREPOT

[…]

[…]

représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

SELARL G ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS SOCIETE GENILLOISE D’ENTREPOT, mission conduite par Maître F G

[…]

[…]

représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

Maître X A ès-qualités d’administrateur judiciaire de la SAS SOCIETE GENILLOISE D’ENTREPOT

[…]

[…]

représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

Madame B C

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Louis PALHETA de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2017/000584 du 13/02/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ORLEANS)

Ordonnance de clôture :06 mars 2019

A l’audience publique du 12 Mars 2019 tenue par Madame B J-K,, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Y-H I, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Madame B J-K, a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame B J-K, Présidente de Chambre

Madame Carole VIOCHE, Conseiller

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller

Puis le 19 DECEMBRE 2019,(délibéré initialement fixé au 13 juin 2019 prorogé au 03 octobre, 21 Novembre, 12 Décembre 2019), Madame B J-K, Présidente de Chambre, assistée de Mme Y-H I, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Génilloise d’Entrepôt a pour activité l’entreposage, l’expédition, la gestion de stocks, la distribution, la restauration et la rénovation de livres et le broyage.

Elle emploie plus de onze salariés.

A compter du 18 juin 2007, la société Génilloise d’Entrepôt a embauché Mme B C, née le […], en qualité d’agent de rénovation. Il n’est pas produit de contrat de travail écrit. Dans le dernier état de la relation de travail, le salaire de base brut mensuel de la salariée s’élevait à la somme de 1 462 €.

Par lettre remise en main propre le 17 avril 2015, la société Génilloise d’Entrepôt a convoqué les délégués du personnel afin de les informer et consulter sur un projet de restructuration, de licenciement collectif pour motif économique et sur les mesures d’accompagnement. Il était envisagé de licencier neuf salariés dont quatre préparateurs de commandes sur un effectif de quarante-trois

salariés.

Lors de la réunion extraordinaire qui s’est tenue le 21 avril 2015, les délégués du personnel ont rendu un avis favorable sur le projet de restructuration envisagé et sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, sur les critères d’ordre des licenciements, sur le calendrier prévisionnel de licenciement et sur les mesures d’accompagnement proposées.

Le 22 avril 2015, l’employeur a transmis à la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (ci-après : la DIRECCTE) la copie des convocations des délégués du personnel, les notes d’informations relatives au projet de restructuration entraînant une compression d’effectif et aux mesures d’accompagnement ainsi qu’une copie du procès-verbal de la réunion du 21 avril 2015.

Par courrier recommandé du même jour, il a convoqué Mme B C à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, entretien fixé au 05 mai 2015 au cours duquel il lui a remis la documentation relative au le contrat de sécurisation professionnelle.

Le 07 mai 2015, Mme B C a signé le bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre recommandée du 18 mai 2015, la société Génilloise d’Entrepôt lui a notifié les motifs économiques justifiant son licenciement dans les termes suivants :

'Madame,

Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s’est déroulé le 5 mai 2015 lors duquel nous vous avons informé que nous étions contraints d’envisager votre licenciement.

Comme préalablement indiqué, les délégués du personnel ont été informés et consultés sur le projet de réorganisation de la société, de nature à affecter le volume des effectifs, et sur le projet de licenciement pour motif économique, lors de la réunion qui s’est tenue, sous deux ordres du jour distincts, le 21 avril 2015.

Votre poste est concerné et ainsi nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique.

En effet, cette mesure qui s’impose à la société, est justifiée en raison des faits suivants :

• forte baisse d’activité dans le monde de l’édition dans lequel la société réalise à ce jour 90 % de son activité, due notamment à un mouvement de concentration sur les principaux distributeurs ;

• dénonciation du contrat de stockage de la société Sodis en juillet 2014 ;

• baisse de 50 % du chiffre d’affaires réalisé avec CNDP, due à des restrictions budgétaires ;

• liquidations des sociétés Apologue et Sutton en février et mars 2015, entraînant sur l’année une perte de chiffre d’affaires de 185 000,00 €.

Nous vous informons que préalablement, il a été recherché toute autre solution de reclassement vous concernant tant en interne qu’en externe, auprès de sociétés tierces, acteurs locaux, agences d’intérim, chambres de commerce et de métier, selon la liste communiquée aux délégués du personnel, mais malheureusement en vain à ce jour.

Par ailleurs, comme aux délégués du personnel, nous vous confirmons que vous pouvez bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle. Ce dernier vous a été adressé par courrier recommandé le 05 mai

2015 compte tenu de votre absence à l’entretien préalable. Le délai de réflexion est fixé au 26 mai 2015 pour prendre position sur ladite convention.[…]

'.

Mme B C ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail a été rompu à l’expiration du délai de réflexion, soit le 26 mai 2015.

Le 19 mai 2015, la société Génilloise d’Entrepôt a informé la Direction Régionale des Entreprises et de la Concurrence et de la Consommation du Travail et de l’Emploi du licenciement de huit salariés pour motif économique, dont celui de Mme B C.

Le 26 mai 2015, la salariée a sollicité auprès de son employeur la communication des critères d’ordre de licenciement et les points attribués à chaque salarié.

Le 04 juin 2015, ce dernier lui a communiqué les critères d’ordre de licenciement en précisant que les délégués du personnel avaient émis un avis favorable sur l’application de ces critères.

Le 17 juin 2015, l’employeur a proposé à Mme B C un contrat de travail à durée déterminée à compter du 22 juin 2015 en raison d’un surcroît d’activité.

Par courrier du 19 juin 2015 dont copie à l’inspection du travail, Mme B C a, notamment, fait part de son étonnement quant à l’existence d’un surcroît d’activité et a sollicité la communication des points qui lui avaient été attribués par application des critères d’ordre ainsi que celle du procès-verbal relatif à la réunion avec les délégués du personnel justifiant les difficultés économiques et les informations de nature économique concernant l’entreprise. Le 21 juillet 2015, elle a relancé son employeur dans les mêmes termes.

Le 23 juillet 2015, celui-ci a répondu à ses questions et, s’agissant des points qui lui avaient été attribués dans le cadre de l’application des critères d’ordre, il lui a communiqué le procès-verbal de réunion des délégués du personnel et lui a précisé qu’en cas de contestation relative à l’ordre des licenciements, c’est seulement au juge qu’il devait communiquer les éléments objectifs et vérifiables sur lesquels il avait basé son choix.

Le 02 septembre 2015, il lui a proposé un contrat de travail à durée déterminée dans le cadre d’un surcroît d’activité à compter du 09 septembre 2015, pour une période de trois mois.

Le 1er octobre 2015 et le 22 octobre 2015, il lui a proposé un contrat de travail à durée déterminée dans le cadre d’un surcroît temporaire d’activité, respectivement, à compter du 12 octobre 2015 et à compter du 29 octobre 2015 pour une période de 45 jours.

Le 07 janvier 2016, Mme B C a saisi le conseil de prud’hommes de Tours afin de contester son licenciement et d’obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

Dans le dernier état de la procédure de première instance, elle sollicitait en outre, à titre subsidiaire, le paiement du même montant de dommages-intérêts pour non-respect des critères d’ordre de licenciement.

Par jugement du 19 avril 2016, le tribunal de commerce de Tours a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Génilloise d’Entrepôt, désigné M. A X en qualité d’administrateur judiciaire et la SELARL G, prise en la personne de M. F G, en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 22 novembre 2016 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud’hommes de Tours a :

— déclaré le licenciement de Mme B C dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamné la société Génilloise d’Entrepôt à payer à Mme B C les sommes suivantes :

—  12 000 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  2 924 € brut d’indemnité compensatrice de préavis outre 292,40 € brut de congés payés afférents ;

—  1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rappelé que l’exécution provisoire était de droit sur les créances salariales et fixé la moyenne mensuelle brute en application de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 1 462 € ;

— ordonné à la société Génilloise d’Entrepôt de remettre à Mme B C un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire, le tout conforme au jugement, et ce, sous astreinte de 15 € par jour et par document à partir du 15e jour de retard après notification du jugement ;

— s’est réservé le droit de liquider l’astreinte ;

— déclaré la décision opposable à la SELARL G, mission conduite par M. F G, pris en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Génilloise d’Entrepôt et à M. X pris en qualité d’administrateur judiciaire de la société Génilloise d’Entrepôt ;

— débouté Mme B C du surplus de ses demandes ;

— débouté la société Génilloise d’Entrepôt de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens de l’instance ainsi qu’aux frais éventuels d’exécution et émoluments d’huissier.

Par courrier électronique du 19 décembre 2016, la société Génilloise d’Entrepôt, la société G ès qualités et M. A X, ès qualités ont relevé appel de ce jugement dont ils avaient reçu la notification le 25 novembre 2016.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les dernières écritures remises au greffe le 21janvier 2019 aux termes desquelles la société Génilloise d’Entrepôt, la société G, prise en qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde de ladite société et M. A X, pris en qualité d’administrateur judiciaire de ladite société demandent à la cour de :

— les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;

statuant à nouveau,

A titre principal, débouter Mme B C de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, la débouter de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

en toute hypothèse, la condamner au paiement d’une somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Les appelants font valoir en substance que :

sur le licenciement :

— la salariée a été informée du motif économique de son licenciement par voie d’affichage du compte-rendu de la réunion des délégués du personnel si bien qu’elle en a eu connaissance avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ;

- la lettre de licenciement indique de façon claire et non équivoque les conséquences des difficultés économiques de la société sur le poste de travail de la salariée et il est établi que celui-ci a bien été supprimé ;

— la lettre de licenciement ne se réfère pas à l’existence de difficultés économiques mais à une réorganisation en lien avec une baisse d’activité du fait de la liquidation judiciaire de deux clients importants et de la réorganisation engagée par les autres ;

— dans ces circonstances, et n’ayant aucune visibilité sur la conquête de nouveaux marchés, elle a dû se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité ; postérieurement aux licenciements pour motif économique, elle a dû solliciter une mesure de sauvegarde ;

— elle n’appartient à aucun groupe ; le registre des entrées et des sorties du personnel prouve qu’elle ne disposait d’aucun poste disponible correspondant aux qualités professionnelles de la salariée au moment du licenciement ; elle lui a proposé des offres d’emploi en CDD postérieurement au licenciement ;

— la salariée n’a pas fait valoir sa priorité de réembauchage ;

— si la cour déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans remettre pour autant en cause le motif économique, la salariée ne pourra pas prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis ; en effet, c’est seulement en cas dans le cas où la cause économique n’est pas établie ou pêche que le salarié peut prétendre au paiement d’une telle indemnité ;

sur les critères d’ordre des licenciements :

— elle produit le tableau d’attribution des points, en fonction des critères d’ordre des licenciements ; elle les a appliqués de manière objective envers Mme B C.

Vu les dernières écritures remises au greffe le 12 février 2019, aux termes desquelles, relevant appel incident, Mme B C demande à la cour de :

— déclarer la société Génilloise d’Entrepôt, si ce n’est irrecevable, en tout cas mal fondée en son appel ;

— en conséquence l’en débouter ;

— la recevoir en ses demandes et les dire bien fondées ;

— en conséquence, confirmer dans son principe l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et la somme allouée à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

— infirmer le jugement entrepris s’agissant de la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et condamner la société Génilloise d’Entrepôt à lui payer de ce chef la somme de 18 000 € ; subsidiairement, la condamner à lui payer la somme de 18 000 € de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre de licenciement ;

— ordonner, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi ;

— condamner la société Génilloise d’Entrepôt aux dépens qui comprendront les frais éventuels d’exécution et au paiement d’une somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée fait valoir en substance que :

sur le licenciement :

— alors qu’elle a adhéré au CSP le 7 mai 2015, l’employeur ne l’a informée par écrit du motif économique de son licenciement que par lettre du 18 mai suivant ; n’ayant pas été informée du motif économique de son licenciement avant d’adhérer au CSP, son licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

— la rupture se produit à la date à laquelle elle accepte la CSP ; seul l’employeur est en mesure d’établir la date de remise de l’acceptation ;

— celui-ci n’établit ni l’existence de l’affichage du procès-verbal de la réunion extraordinaire des délégués du personnel, ni qu’elle en aurait eu connaissance ;

— la lettre du 18 mai 2015 n’énonce pas l’incidence sur son emploi de la réorganisation de la société, de la baisse d’activité, de la dénonciation d’un contrat de stockage, de la diminution du chiffre d’affaires ou de la liquidation de sociétés partenaires ; dès lors, le motif économique n’est pas constitué ;

— l’employeur ne justifie pas de l’existence de difficultés économiques, ni d’une menace sur son activité ou sur son secteur d’activité rendant nécessaire une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité, ni du besoin de prévenir les difficultés économiques ;

— postérieurement à la rupture de son contrat de travail, il a procédé à plusieurs embauches et elle-même apparaît avoir été remplacée dans son poste et ses fonctions ;

— contrairement à l’engagement pris lors de la réunion des délégués du personnel, il ne démontre pas avoir recherché des reclassements en externe ; la recherche de reclassement n’a été ni sérieuse, ni loyale ;

A titre subsidiaire, sur l’ordre des licenciements :

— les salariés qui se sont déclarés intéressés par un départ volontaire sont toujours en poste ;

— elle a été licenciée car elle n’a obtenu aucun point sur le critère des qualités professionnelles ; aucun élément objectif et vérifiable sur l’appréciation des critères mis en oeuvre n’est produit.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1°) Sur la rupture :

Lorsque, la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en énoncer le motif économique ainsi que la mention du bénéfice de la priorité de réembauche soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.

Il résulte de cette règle que le salarié doit être informé du motif économique de la rupture et du bénéfice de la priorité de réembauche au plus tard au moment où il accepte d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle afin de donner un consentement éclairé quant à la décision de rompre son contrat de travail, laquelle, dans ce cas, contrairement à l’hypothèse du licenciement, émane de lui, même si, dans les deux cas, l’initiative de la rupture est le fait de l’employeur.

C’est en signant le bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle que le salarié prend la décision de rompre son contrat de travail, peu important qu’il en informe l’employeur ultérieurement en lui remettant son bulletin d’acceptation.

Sauf à vider la règle ci-dessus rappelée de sa substance et de son intérêt, c’est la date à laquelle le salarié a signé le bulletin d’acceptation du CSP qui doit être prise en compte pour l’appréciation de l’antériorité de la notification du motif économique de la rupture.

Au cas d’espèce, Mme B C a signé le récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle le 05 mai 2015, soit le jour de l’entretien préalable.

Elle a signé le volet 3 du bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 7 mai 2015. Ce volet 3 comporte la seule signature de Mme B C.

Le volet 1 du bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui rappelle la date de remise du document d’information au salarié, précise la date de fin du délai de réflexion et comporte tant la signature de Mme B C que celle du président de la société Génilloise d’Entrepôt porte également la date manuscrite du 07 mai 2015 dont il n’est pas discuté qu’elle est bien celle de la signature du bulletin d’acceptation.

Le courrier de convocation à l’entretien préalable indique seulement qu’il fait suite à la réunion des délégués du personnel portant sur le projet de restructuration entraînant une compression d’effectif et sur les mesures d’accompagnement et qu’un licenciement pour motif économique est envisagé à l’égard de Mme B C mais il est radicalement muet sur le motif économique fondant ce projet de rupture.

L’employeur ne démontre ni avoir affiché le procès-verbal de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 21 avril 2015, ni que Mme B C ait eu connaissance de ce procès-verbal avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. De surcroît, un affichage ne serait pas de nature à satisfaire à l’exigence d’information écrite personnelle du salarié concerné par le projet de licenciement pour motif économique.

Ce n’est que par courrier recommandé daté du et posté le 18 mai 2015 que la société Génilloise d’Entrepôt a notifié à Mme B C le motif économique destiné à fonder la rupture de son contrat de travail et l’existence de la priorité de réembauche.

La circonstance que ce courrier rappelle, au demeurant de façon tout à fait stéréotypée, le bénéfice possible du contrat de sécurisation professionnelle et le mécanisme de ce dispositif ne permet pas de

faire la preuve de ce qu’à cette date, l’employeur n’aurait toujours pas été informé de l’acceptation du CSP par la salariée et elle est, en tout état de cause, sans incidence sur la solution du présent litige dès lors que seule est à prendre en considération la date d’acceptation du CSP par la salariée.

Sans qu’il y ait lieu à examen des autres moyens et de la demande indemnitaire pour non-respect des critères d’ordre de licenciement formée à titre subsidiaire, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement de Mme B C dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2°) Sur les conséquences financières de la rupture :

En l’absence de motif économique justifié, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l’employeur est tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.

L’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents sont dus à la salariée, même si l’employeur a versé à Pôle emploi une contribution au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle.

Contrairement à ce que soutient l’employeur, lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d’une notification tardive du motif économique et de la priorité de réembauche au regard de la date d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis.

Les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des droits de Mme B C à cet égard, le jugement déféré sera confirmé s’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis allouée.

Mme B C comptant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés au moment du licenciement, trouvent à s’appliquer les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en l’absence de réintégration, l’indemnité due au salarié ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération de la situation particulière de Mme B C, notamment de son âge (47 ans) et de son ancienneté (7 ans et 11 mois) au moment de la rupture, du niveau de sa rémunération, des circonstances de la rupture, de la capacité de la salariée à retrouver un emploi (elle établit avoir été indemnisée par Pôle emploi au moins jusqu’en juin 2017 et n’avoir jamais retrouvé d’emploi pérenne mais avoir multiplié les contrats de mission, les CDD, notamment dans le cadre d’emplois auprès de particuliers employeurs )

, le préjudice ayant résulté pour elle de la perte injustifiée de son emploi sera justement

réparé par une indemnité qu’il convient de porter à la somme de 14 000 € de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

3°) Sur les documents de fin de contrat :

Il sera ordonné à la société Génilloise d’Entrepôt de remettre à Mme B C un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt.

Aucune circonstance ne justifie d’assortir ce chef de décision d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.

4°) Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Génilloise d’Entrepôt aux dépens

et, dès lors qu’elle succombe en son appel, elle sera condamnée aux dépens d’appel.

Cependant, les frais et dépens afférents aux procédures d’exécution susceptibles d’être mises en oeuvre en vue de l’exécution d’une décision de justice sont étrangers aux dépens de l’instance qui a abouti à cette décision.

Le juge de l’instance principal ne peut pas se prononcer, pour l’avenir, sur le sort des frais et dépens afférents à ces éventuelles procédures d’exécution, lesquels relèvent, le cas échéant, de l’appréciation du juge de l’exécution.

La demande de l’intimée tendant à ce que les dépens comprennent les éventuels frais d’exécution doit en conséquence être rejetée et le jugement déféré infirmé sur ce point.

Il sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles. La société Génilloise d’Entrepôt sera condamnée à payer à Mme B C une indemnité de procédure d’un montant de 1 500 € en cause d’appel et les appelants seront déboutés de ce chef de prétention.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf s’agissant du montant des dommages et intérêts alloués à Mme B C pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a dit que les dépens de première instance comprendraient les frais éventuels d’exécution ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Condamne la société Génilloise d’Entrepôt à payer à Mme B C la somme de 14 000 € de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Génilloise d’Entrepôt de remettre à Mme B C un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce, au plus tard, dans le mois de sa signification ; dit n’y avoir lieu à mesure d’astreinte ;

Condamne la société Génilloise d’Entrepôt à payer à Mme B C une indemnité de procédure de 1 500 € en cause d’appel et déboute les appelants de cette demande ;

Condamne la société Génilloise d’Entrepôt aux dépens d’appel et rejette la demande de Mme B C tendant à voir dire que les dépens de première instance et d’appel comprendront les frais éventuels d’exécution.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Y-H I B J-K

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