Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 8 décembre 2020, n° 17/03601

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. sécurité soc., 8 déc. 2020, n° 17/03601
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 17/03601
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans, 13 novembre 2017
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

CPAM DU LOIRET

Me Quentin ROUSSEL

EXPÉDITIONS à :

X-I D

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉSOCIALE

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’ORLEANS

ARRÊT du : 08 DECEMBRE 2020

Minute N°330/2020

N° R.G. : N° RG 17/03601 – N° Portalis DBVN-V-B7B-FS67

Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’ORLEANS en date

du 14 Novembre 2017

ENTRE

APPELANTE :

CPAM DU LOIRET

Affaires Juridiques et Contentieux

[…]

[…]

Représentée par Mme Sylvie LAJUGIE en vertu d’un pouvoir spécial

D’UNE PART,

ET

INTIMÉ :

Monsieur X-I D

[…]

Chez E F

[…]

Représenté par Me Quentin ROUSSEL, substituée par Me Johanne BONVILLAIN, avocats au barreau D’ORLEANS

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[…]

[…]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

A l’audience publique du 06 OCTOBRE 2020, Madame Sophie GRALL, Président de chambre, a entendu les parties et leur avocat, avec leur accord, par application l’article 945-1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Sophie GRALL, Président de chambre,

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller

Greffier :

Madame Ophélie FIEF, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 06 OCTOBRE 2020.

ARRÊT :

PRONONCÉ le 08 DECEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

M. X-I D a été embauché par Y à Orléans (45), le 1er juillet 2013, en qualité de représentant de secteur.

Le 28 août 2015, M. X-I D a établi une déclaration d’accident du travail le concernant faisant état d’un accident survenu le '21 avril 2015" sur son lieu de travail habituel et décrit en ces termes: 'dépression suite harcèlement de l’employeur'.

Ladite déclaration d’accident du travail faisait mention de la présence d’un témoin en la personne de Mme G H, représentante syndicale Y.

Un certificat médical initial daté du 21 avril 2015 a été établi par le Docteur Z, médecin généraliste, constatant un 'syndrome anxieux suite harcèlement au travail' et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 31 août 2015.

Par lettres en date des 10 août 2015 et 14 septembre 2015, Y a formulé des réserves.

Après avoir procédé à une instruction, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret a notifié le 23 novembre 2015 à M. X-I D un refus de prise en charge de l’accident déclaré au titre de la législation relative aux risques professionnels pour le motif suivant:

'Il n’existe pas de fait accidentel, survenu soudainement ou à l’occasion du travail, ayant entraîné une lésion corporelle.

Ainsi, il n’existe pas de preuve que l’accident invoqué se soit produit par le fait ou à l’occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur.

Or, il incombe à la victime ou à ses ayants-droit d’établir les circonstances de l’accident autrement que par leurs propres affirmations'.

Après avoir contesté en vain cette décision devant la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret qui a décidé le 4 février 2016 de maintenir la décision prise par la caisse primaire, M. X-I D a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Orléans d’un recours contre la décision de refus de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par jugement prononcé le 14 novembre 2017, notifié par lettre du 20 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Orléans a:

— reconnu le caractère professionnel de l’accident survenu à M. X-I D le 20 avril 2015 au titre de la législation professionnelle,

— infirmé la décision rendue le 4 février 2016 par la commission de recours amiable,

— renvoyé M. X-I D devant la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret pour la liquidation de ses droits,

— condamné la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret à payer à M. X-I D une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— rejeté tous autres chefs de demande.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret a interjeté appel de ce jugement le 4 décembre 2017.

L’audience du 17 mars 2020 à laquelle l’affaire avait été appelée n’ayant pu se tenir du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, les parties ont été re-convoquées par les soins du greffe à l’audience du 6 octobre 2020.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret demande à la cour de:

— dire son appel bien-fondé.

— infirmer le jugement entrepris.

— dire que M. X-I D ne saurait bénéficier de la législation sur les risques professionnels.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret fait valoir principalement ce qui suit:

— une dépression ne peut être qualifiée d’accident du travail en l’absence d’élément objectif susceptible d’établir la réalité de l’événement traumatique justifiant la demande de prise en charge.

— une situation qualifiée de 'harcèlement' ne peut être qualifiée d’événement brutal et soudain.

— la date de l’événement allégué n’est pas établie avec certitude, fixée d’abord au 21 avril 2015, avant d’être fixée au 20 avril 2015, date à laquelle M. X-I D aurait eu un entretien avec ses supérieurs.

— M. X-I D n’établit aucunement avoir été victime d’un choc émotionnel survenu brutalement le 20 avril ou le 21 avril 2015.

M. X-I D demande à la cour de:

— confirmer le jugement entrepris.

— débouter la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’ensemble de ses demandes.

— dire qu’il est en droit de bénéficier de la législation sur les risques professionnels.

— condamner la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

— condamner la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret aux entiers dépens.

M. X-I D fait valoir principalement ce qui suit:

— il a développé un syndrome anxio-dépressif à la sortie de l’entretien préalable à sanction disciplinaire avec son employeur qui s’est tenu le 20 avril 2015 de sorte que l’événement accidentel soudain qui a provoqué la lésion psychique s’est réalisé au temps et au lieu du travail et que la présomption d’imputabilité instituée par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale a vocation à s’appliquer.

— la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret, qui ne rapporte aucunement la preuve de ce que l’accident n’est pas imputable au travail, échoue à renverser la présomption d’imputabilité.

Pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures respectives.

SUR CE, LA COUR :

Aux termes de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’accident du travail est un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date

d’apparition de celle-ci.

La lésion peut être d’ordre psychologique dès lors qu’elle est imputable à un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines.

Dans les rapports caisse-assuré, il incombe à l’assuré qui se dit victime d’un accident du travail de rapporter la preuve de la matérialité de l’accident et de la survenance d’une lésion en lien avec le travail.

Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, tous faits permettant de retenir des présomptions graves, précises et concordantes en ce sens pouvant être invoqués.

Si la victime d’un accident du travail doit en informer l’employeur dans la journée où l’accident s’est produit ou au plus tard dans les 24 heures, le non-respect de ce délai ne lui fait pas perdre nécessairement le bénéfice de la présomption d’imputabilité au travail.

En l’espèce, M. X-I D expose qu’il a été convoqué le 7 avril 2015 à un entretien préalable à sanction disciplinaire, qui s’est tenu le 20 avril 2015, et dans l’attente duquel il a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire jusqu’à l’issue de la procédure.

Il indique qu’il lui a été reproché par son employeur d’avoir offert un chocolat de Pâques à sa responsable de service et de lui avoir adressé un message à son bureau un jour où il était censé être en congé.

Il fait valoir qu’il a été très choqué par l’attitude et les propos de son employeur lors de cet entretien et qu’il a alors développé un syndrome anxio-dépressif qui a été attesté le 21 avril 2015 par le Docteur I Z qui lui a prescrit un arrêt de travail.

Il ajoute qu’il a fait l’objet le 11 mai 2015 de la part de son employeur d’un avertissement qu’il a contesté le 12 octobre 2015 et précise qu’il n’avait jamais reçu la moindre sanction disciplinaire auparavant.

Il y a lieu de relever que la date de l’accident mentionnée dans la déclaration d’accident du travail établie par M. X-I D est le '21 avril 2015" et non le '20 avril 2015", et que Mme G H, représentante syndicale Y, qu’il désigne comme témoin, a répondu par la négative à la question 'Avez vous vu personnellement l’accident se produire'' qui lui a été posée dans le cadre de la demande de renseignements adressée par la caisse primaire durant l’instruction, qu’elle a complété le 22 octobre 2015, en indiquant avoir été avisée de l’accident le 21 avril 2015 et en se présentant comme 'témoin (non direct le 21 avril mais de la suite des événements)'.

Pour autant, il ressort des pièces produites que M. X-I D a bien été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire qui s’est tenu le 20 avril 2015.

Si l’employeur mentionne dans sa réponse au questionnaire envoyé par la caisse primaire 'Il n’y a pas d’accident du travail à déclarer' et s’il précise notamment dans sa lettre adressée à la caisse primaire le 16 novembre 2015 que l’entretien 's’est tenu en présence d’un représentant du personnel (Mme G H) qui assistait M. X-I D et il s’est terminé dans des conditions normales, sans incident', Mme G H a pour sa part indiqué que M. X-I D avait été très choqué par les accusations portées à son encontre par son employeur ainsi qu’il résulte de son témoignage rédigé en ces termes le 17 décembre 2015:

'Notre direction, M. A (directeur) et M. B (DRH) lui ont alors demandé d’avouer ses sentiments amoureux pour notre responsable Mme C. Ils nous ont montré des photos de bouquets, d’une boîte de chocolats et d’un parfum que Mme C aurait reçu sur son lieu de travail et à son domicile. Ils ont accusé M. D d’en être l’auteur. Ils nous ont annoncé que Mme C avait déposé une plainte. Ils ont proposé à M. D de reconnaître les faits et de prendre sa retraite afin de clore l’épisode. Mon collègue blessé par de telles accusations était très choqué. Il a reconnu avoir déposé pour Pâques un chien en chocolat à Mme C, mais ne pas être l’auteur des bouquets ou autres présents. Il a aussi reconnu ne pas avoir été auparavant informé que Mme C recevait des présents. Il a aussi dit ne pas vouloir prendre sa retraite maintenant et ne pas être épris de Mme C'.

L’existence d’une lésion psychique imputable à cet entretien est corroborée par le certificat médical initial daté du 21 avril 2015 établi par le Docteur I Z, ce même praticien ayant écrit au médecin conseil de la caisse primaire le 26 juin 2015 en lui indiquant notamment 'Je vous adresse X-I D (…) pour demande de reconnaissance en accident du travail de la pathologie anxio-dépressive liée à un problème relationnel avec l’employeur (…)' et attestant le 3 mai 2017 en ces termes: 'Je soussigné (…) certifie avoir vu en consultation le 21 avril 2015 X-I D suite à un traumatisme psychologique subi la veille le 20 avril 2015 sur son lieu de travail selon les dires du patient. N’étant pas possesseur d’imprimé accident du travail, j’ai prescrit un arrêt de travail en maladie simple. Suite à la consultation du médecin du travail et selon son avis, j’ai fait une demande de reconnaissance en accident du travail compte tenu des symptômes constatés et de circonstances les ayant provoqués. Je précise que M. D est toujours en arrêt de travail pour les mêmes symptômes depuis le 21 avril 2015, symptômes provoqués par le traumatisme du 20 avril 2015'.

Il convient, par ailleurs, d’observer que M. X-I D explique le caractère tardif de la déclaration de l’accident du travail par le fait que ladite déclaration a été effectuée, après consultation du médecin du travail, le Docteur J K, médecin du travail, indiquant, aux termes d’une lettre adressée le 15 juin 2015 au Docteur I Z, avoir vu M. X-I D en consultation le jour même et l’avoir informé de ce que 'son arrêt maladie actuel sembl(ait) faire suite à un entretien à son travail et pourrait de ce fait faire l’objet d’une déclaration en accident du travail'.

Il s’ensuit qu’il existe ainsi un ensemble d’éléments graves, précis et concordants attestant de la survenance d’un événement brutal au temps et au lieu du travail et de l’existence d’une lésion psychique en lien avec cet événement, le point de savoir si les griefs formulés par l’employeur à l’encontre de M. X-I D lors de l’entretien du 20 avril 2015 étaient ou non fondés étant à cet égard dépourvu d’incidence.

La présomption d’imputabilité au travail édictée par l’article L 411-1 précité a donc vocation à s’appliquer à l’accident survenu le 20 avril 2015 au préjudice de M. X-I D.

Ladite présomption n’étant en rien détruite par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret, qui ne justifie pas que la lésion est due à une cause totalement étrangère au travail, il convient, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il convient de laisser la charge des dépens d’appel à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret.

Il n’y a pas lieu de faire application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 14 novembre 2017 par le tribunal des

affaires de sécurité sociale d’Orléans;

Dit n’y avoir lieu de faire application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

Condamne la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Loiret aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre et Madame Ophélie FIEF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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