Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 31 mars 2011, n° 08/00491

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. soc., 31 mars 2011, n° 08/00491
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 08/00491
Décision précédente : Tribunal du travail de Papeete, 29 septembre 2008, N° 07/00113

Sur les parties

Texte intégral

N° 188

RG 491/SOC/08


Copie exécutoire délivrée au Syndicat A TIA I MUA

le 05.04.2011

Copie authentique délivrée à Me Quinquis

le 05.04.2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 31 mars 2011

Madame Catherine TEHEIURA, conseillère à la Cour d’Appel de Papeete, assistée de Mademoiselle Ida PAULO, faisant fonction de greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l’arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Mademoiselle X Y, née le XXX à XXX, employée de restauration, demeurant XXX à XXX

Appelante par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail sous le numéro 08/00136 avec transmission de dossier le 30 septembre 2008, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’Appel le même jour, sous le numéro de rôle 08/00491, ensuite d’un jugement n° 07/00113 rendu par le Tribunal du Travail de Papeete le 4 août 2008 ;

Représentée par la Confédération A TIA I MUA, dont le siège social est sis XXX

Comparante en la personne de Monsieur Z-A B, permanent syndical dûment mandaté ;

d’une part ;

Et :

La SAR JP SNACK FOODS, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le n° 00 508-B, dont le siège social est sis XXX, prise en la personne de son gérant ;

Intimée ;

Représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

d’autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 3 février 2011, devant M. SELMES, président de chambre,

Mme TEHEIURA et M. MONDONNEIX, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l’arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

Par acte sous seing privé du 15 septembre 2005, X Y a été engagée par la Sarl JP Snack Foods pour une durée de 3 mois à compter du 15 septembre 2005 en qualité d’employée de restauration.

Par acte sous seing privé du 15 décembre 2005, elle a été engagée par la Sarl JP Snack Foods pour une durée de 3 mois à compter du 15 décembre 2005 en qualité d’employée de restauration.

Par acte sous seing privé du 18 avril 2006, elle a été engagée par la Sarl JP Snack Foods à compter du 18 avril 2006 en qualité de responsable de stand de restauration moyennant «un salaire brut de 135 200 FCFP sur une base mensuelle de 169h».

Par lettre du 3 janvier 2007, elle a fait l’objet d’un avertissement «pour des absences répétitifs et non justifiées».

Par lettre du 26 janvier 2007, elle a informé son employeur de sa démission.

Par lettre du 1er février 2007, elle lui reprochait une rétrogradation, un salaire non-conforme à sa catégorie professionnelle, des prélèvements sur salaires, le défaut de paiement d’une prime de repas et des heures supplémentaires et le refus d’une journée pour recherche d’emploi au cours de l’exécution du préavis.

Par lettre du 5 février 2007, elle a été licenciée pour faute grave caractérisée par une attitude malhonnête, des absences fréquentes et un comportement désagréable avec les clients.

Par jugement rendu le 4 août 2008, le tribunal du travail de Papeete a :

— dit que la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979 ne s’applique pas au contrat de travail ;

— rejeté la demande en paiement d’arriérés de salaires formée par X Y ;

— constaté que la rupture du contrat de travail est intervenue par l’effet de la démission ;

— rejeté les demandes relatives au licenciement formées par X Y ;

— condamné la Sarl JP Snack Foods à verser à X Y la somme de 58 860 FCP, au titre des congés payés et celle de 88 480 FCP, au titre de l’indemnité de préavis ;

— condamné la Sarl JP Snack Foods aux dépens.

Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 30 septembre 2008, X Y a relevé appel de cette décision afin d’en obtenir l’infirmation sauf en ce qu’elle a condamné la Sarl JP Snack Foods à lui verser la somme de 58 860 FCP, au titre des congés payés et celle de 88 480 FCP, au titre de l’indemnité de préavis et en ce qu’elle a condamné la Sarl JP Snack Foods aux dépens.

Elle demande à la cour de :

— dire la convention collective de l’industrie hôtelière applicable au litige ;

— lui allouer :

* la somme de 424 177 FCP, à titre de rappels de salaires ;

* la somme de 42 418 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappels de salaires ;

* la somme de 60 000 FCP indûment prélevée au titre des repas

* la somme de 170 620 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier ;

* la somme de 2 047 435 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* la somme de 2 047 435 FCP, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

* la somme de 170 620 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* la somme de 17 062 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* la somme de 35 000 FCP, à titre d’indemnité de licenciement ;

* la somme de 400 000 FCP, à titre d’indemnité pour le préjudice subi.

— enjoindre à la Sarl JP Snack Foods de lui délivrer un certificat de travail ;

— allouer à la confédération syndicale A Tia I Mua la somme de 150 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Elle soutient que la convention collective de l’industrie hôtelière du 21 décembre 1979 étendue par décision n° 1016 TLS du 15 octobre 1982 a été rendue obligatoire à tous les employeurs par arrêté d’extension n° 115 CM du 4 février 1994 ; qu’elle fait la distinction entre grande hôtellerie et petite hôtellerie et que le dernier avenant du 22 juillet 1999 a été signé notamment par le syndicat des restaurateurs, restaurants-bars et snacks-bar de Polynésie française (SRRBSBPF) ; qu’elle était responsable du stand de restauration, poste qui correspond à la 6e catégorie : chef de rang de la classification professionnelle des personnels restaurant et bar ; qu’elle avait droit à la fourniture de nourriture et qu’il lui reste dû la somme de 424 177 FCP, au titre des salaires et accessoires ; que l’employeur l’a obligée à signer une reconnaissance de dette le 2 février 2007 et a indûment prélevé la somme de 60 000 FCP sur le salaire du mois de janvier 2007 ; qu’il n’a pas respecté la réglementation en matière d’horaires de travail ; que les manquements de l’employeur à la loyauté dans l’exécution du contrat de travail, les atteintes à sa dignité (accusations de vols, plainte) et la dégradation des conditions de travail sont constitutifs d’un harcèlement moral qui a perturbé son équilibre psychologique et l’ont contrainte à la démission ; qu’elle n’a fait aucun aveu et que son licenciement, qui n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et qui est intervenu sans respect de la procédure, est abusif.

L’Eurl JP Snack Foods sollicite la confirmation du jugement attaqué et le paiement de la somme de 250 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Elle fait valoir qu’elle exerce une activité de restauration rapide à emporter qui ne relève pas du secteur de l’industrie hôtelière ; que les avenants distinguant la petite hôtellerie et la grande hôtellerie ne concernent que la rémunération ; qu’en outre, ne sont établis ni leur extension à l’ensemble de la profession, ni son adhésion au SRRBSBPF, ni un usage permettant l’application de la convention collective de l’industrie hôtelière aux snacks et roulottes et qu’en tout état de cause, X Y ne justifie pouvoir prétendre à la qualité de chef de rang ; que la demande en paiement de la somme de 60 000 FCP, nouvelle en appel, est irrecevable ; qu’au cours du mois de janvier 2007, elle a constaté que «des produits destinés à la vente disparaissaient du stock sans avoir été vendus, qu’ils aient été consommés gratuitement sur place ou subtilisés» et que X Y a reconnu les faits ; qu’elle «ne conteste pas sérieusement avoir librement décidé de quitter l’entreprise» et qu’elle a voulu, en démissionnant, ne pas avoir à répondre de ses agissements ; que la lettre de démission ne mentionne pas de faute et que les griefs indiqués dans la lettre du 1er février ne sont pas sérieux, ni susceptibles de lui rendre imputable la rupture du contrat de travail ; que celle-ci est intervenue le 26 février 2007, date de sa notification ; que X Y ne saurait donc solliciter l’indemnisation d’un licenciement dépourvu d’effet et qui, subsidiairement, est régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que X Y n’a pas subi de harcèlement moral ; qu’elle a accepté son planning de travail et que son licenciement a été envisagé, «non pas pour avoir pris ses repas sur place, mais pour avoir subtilisé des marchandises et gracieusement distribué nourriture et boissons à des tiers».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2010.

MOTIFS DE LA DECISION,

Sur la recevabilité de l’appel :

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d’en relever d’office l’irrégularité.

Sur l’application de la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti :

Le contrat de travail du 18 avril 2006 a été conclu avant la signature de la convention collective de l’industrie hôtelière de Polynésie française du 12 décembre 2006 étendue à toute la profession par arrêté n° 0753/CM du 4 juin 2007.

Il convient, dès lors, de rechercher si la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979 est applicable à la situation professionnelle de X Y.

Selon son article 1er, cette convention collective «règle les conditions générales d’emploi des travailleurs des entreprises et établissements sis dans l’île de Tahiti et appartenant au secteur d’activité de l’industrie hôtelière.»

L’expression «industrie hôtelière», qui peut être traduite par «métiers de l’hôtellerie», est particulièrement générale et concerne autant le logement que la restauration.

La convention collective du 21 décembre 1979 ne précise pas que les métiers de la restauration auxquels elle est applicable doivent être intégrés dans des hôtels.

Et, au contraire, son annexe I sur les classifications professionnelles prévoient expressément la classification professionnelle des personnels restaurant et bar.

Par ailleurs, elle ne fait pas de référence à la taille des hôtels, ni à celles des restaurants et n’exclut donc pas les petites structures comme celles des pensions de famille ou des snacks.

Enfin, la convention collective n’a pas été signée par des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentant uniquement les grands hôtels.

Les dispositions de la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979 ont été rendues obligatoires pour tous les employeurs et travailleurs du secteur d’activité de l’industrie hôtelière de l’île de Tahiti par décision n° 1016 TLS du 15 octobre 1982.

Elle s’applique donc à la situation professionnelle de X Y qui a été engagée pour exercer les fonctions de responsable de stand de restauration.

Sur la classification et les rappels de salaires :

X Y se prévaut de la qualité de chef de rang 6e catégorie prévue dans la classification professionnelle des personnels restaurant et bar résultant de l’annexe I à la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979.

Toutefois, pour accéder à cette catégorie, le salarié doit posséder un CEP, parler couramment l’anglais et avoir acquis une expérience de 18 mois comme ½ chef de rang.

Or, X Y ne justifie ni de ses diplômes, ni de sa pratique de l’anglais, ni d’une ancienneté de 18 mois en matière de restauration.

Elle ne peut donc être classée en 6e catégorie de la classification professionnelle des personnels restaurant et bar de la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979.

Et sa demande de rappels de salaires et de congés payés formée à ce titre doit ainsi être rejetée.

Sur la fourniture de nourriture :

L’article 35 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979 précise qu’aux salaires minima conventionnels s’ajoutent des avantages en nature, telle la fourniture de nourriture ou une indemnité compensatrice mais que cette prestation ne bénéficie qu’aux «seuls employés que leur service empêche de se rendre à leur domicile pour s’y restaurer».

Or, X Y ne travaillait pas tous les jours au moment des repas et elle n’habitait pas loin de son lieu de travail, ce qui lui permettait d’aller manger chez elle.

Dans ces conditions, elle ne peut prétendre à bénéficier des dispositions de l’article 35 de la convention collective susvisée et sa demande en paiement fondée sur la prestation en nature doit être rejetée.

Sur la retenue sur salaire :

L’article 7 de la délibération n° 2004-3 APF du 15 janvier 2004 prévoit que sont recevables en tout état de cause, même en appel, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail.

Bien que le bulletin de salaire du mois de janvier 2007 versé aux débats par l’appelante ne le fasse pas clairement apparaître, l’Eurl JP Snack Foods ne conteste pas sérieusement avoir déduit la somme de 60 000 FCP du salaire de janvier 2007.

Toutefois, par «reconnaissance de dettes » du 2 février 2007, X Y s’est engagée à «rembourser le préjudice» résultant «de la consommation gratuite des produits de snack sur place» et a autorisé son employeur à prélever la somme de 60 000 FCP sur le salaire de janvier.

L’acte a été signé alors que le contrat de travail était rompu puisque l’appelante avait informé l’Eurl JP Snack Foods de sa démission et qu’elle lui avait déjà écrit les motifs de sa décision.

X Y ne se trouvait donc plus sous la subordination de l’intimé et aucun élément n’établit, ni ne fait présumer, qu’elle ait agi sous la contrainte.

Sa demande de remboursement de la somme de 60 000 FCP doit, dans ces conditions, être rejetée.

Sur la démission :

Lorsque le salarié remet en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

En l’espèce, la démission de X Y est équivoque puisque, moins d’une semaine après qu’elle ait été donnée, la salariée en a écrit les motifs à son employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige et il appartient à la cour d’examiner les manquements invoqués par l’appelante à l’encontre de l’Eurl JP Snack Foods.

Par ailleurs, il convient de souligner que la prise d’acte de la rupture entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et que le licenciement auquel a procédé l’Eurl JP Snack Foods est dépourvu de tout effet.

Ainsi qu’il l’a été souligné ci-dessus, X Y ne peut reprocher à son employeur ni une classification professionnelle erronée, ni un défaut de paiement de salaires.

En outre, elle n’établit ni qu’elle a été rétrogradée, ni qu’elle a subi des retenues sur salaires, ni qu’elle a effectué des heures supplémentaires, ni que ses horaires lui étaient imposés, ni qu’ils portaient atteinte à ses conditions de travail et à sa vie privée.

La plainte du 29 janvier 2007 n’a pas été déposée contre elle et le prétendu refus d’une journée supplémentaire pour recherche d’emploi serait postérieur à la rupture du contrat de travail.

En conséquence, l’appelant ne rapporte pas la preuve de manquements de l’employeur à ses obligations et d’agissements constitutifs de harcèlement moral qui rendent sa démission équivoque et entraînent la qualification de celle-ci en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu’il a dit que le contrat de travail a été rompu par l’effet de la démission de X Y.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’Eurl JP Snack Foods la totalité de ses frais irrépétibles d’appel.

Sa demande fondée sur l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française doit donc être rejetée.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 4 août 2008 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions, à l’exception de celles concernant l’applicabilité de la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979 ;

L’infirmant sur ce point,

Dit que la convention collective de l’industrie hôtelière de Tahiti du 21 décembre 1979 est applicable au contrat de travail ayant lié X Y et l’Eurl JP Snack Foods ;

Rejette la demande de remboursement de la somme de SOXIANTE MILLE (60 000) FRANCS PACIFIQUE formée par X Y ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;

Dit que X Y supportera les dépens d’appel.

Prononcé à Papeete, le 31 mars 2011.

Le Greffier, Le Président,

Signé :I. PAULO Signé : JP. SELMES

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Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 31 mars 2011, n° 08/00491