Cour d'appel de Papeete, 11 décembre 2014, n° 14/00122

  • Actionnaire·
  • Sociétés·
  • Polynésie française·
  • Assemblée générale·
  • Expertise de gestion·
  • Commissaire aux comptes·
  • Certification des comptes·
  • Document·
  • Responsabilité·
  • Action en responsabilité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Papeete, 11 déc. 2014, n° 14/00122
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 14/00122
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 11 décembre 2013, N° 612;13/00407

Sur les parties

Texte intégral

N° 804

GR


Copies authentiques

délivrées à :

— Me Quinquis,

— Me Dumas,

Le 21.01.2015.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 11 décembre 2014

RG 14/00122 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé n°612, rg 13/00407 du Tribunal civil de première instance de Papeete en date du 12 décembre 2013 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 14 mars 2014 ;

Appelante :

La Société du Frigorifique de Papeete (SFP), société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le n°96-B, n°TAHITI 024711, prise en la personne de son président du conseil d’administration, dont le siège social se situe zone industrielle de Fare Ute;

Représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete;

Intimés :

Madame C D épouse Y, de nationalité française, demeurant XXX ;

Monsieur A Z, né le XXX à XXX, demeurant à XXX, XXX

Représentés par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 25 septembre 2014 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 2 octobre 2014, devant M. BLASER, président de chambre, Mme I-J et M. X, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme M-N ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement ce jour par M. BLASER, président, en présence de Mme M-N, greffier, lesquels ont signé la minute.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Deux actionnaires minoritaires de la SA SOCIÉTÉ DU FRIGORIFIQUE DE Papeete (SFP), A Z et C D, ont demandé en référé une expertise des comptes de la société en vue d’engager une action en responsabilité contre ses gérants et ses actionnaires majoritaires. Leurs griefs sont les suivants : ils ont été tenus à l’écart du fonctionnement de la société pendant plus de dix ans ; ils n’ont obtenu que difficilement et incomplètement les documents sociaux ; ils ont été convoqués à une assemblée générale pour la première fois en mai 2013 ; il a été indiqué à Y. Z, arrivé avec 12 minutes de retard, que celle-ci était déjà terminée ; les procès-verbaux et les feuilles d’émargement ne leur ont pas été transmis ; au vu des comptes sociaux des quatre dernières années, ils ont constaté que le chiffre d’affaires avait diminué de 60 à 15 M F CFP, avec une perte de 18, 3 M F CFP, et que la trésorerie était passée de 5 M F CFP en 2011 à 2,3 M F CFP ; la perspective est une mise en sommeil ou une liquidation de la société, alors que les actionnaires minoritaires n’ont pas été consultés ; en 2012, le commissaire aux comptes n’a pas été en mesure de certifier les comptes.

Par ordonnance du 12 décembre 2013, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a :

Ordonné une expertise ;

Commis en qualité d’expert M. E F, expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Papeete, avec pour mission portant sur l’ensemble des comptes de la société, de ses bilans, documents sociaux et financiers, des facturations établies depuis 2008, de :

— convoquer les parties et se faire remettre tous documents utiles ; entendre tous sachants qu’il estimera nécessaire, à charge d’en indiquer l’identité dans son rapport ;

— qu’il soit déterminé si la direction a agi avec diligence et conformément à son obligation de loyauté quant à la gestion de la société;

— qu’il soit déterminé si les prestations fournies par la société ont toutes été facturées, y compris celles qui auraient éventuellement été fournies à certains actionnaires de la société, eux-mêmes importateurs grossistes et vérifier que les facturations établies soient sincères ;

— qu’il soit déterminé précisément si les bénéfices ont été investis afin de permettre la continuité de la société et de renouveler ses infrastructures et préciser à défaut quelle a été l’utilisation desdits bénéfices ;

— qu’il soit déterminé si la rémunération des gérants a été fixée conformément aux règles en vigueur ;

— qu’il soit déterminé si les assemblées générales ont été effectivement tenues et les convocations régulièrement délivrées à l’ensemble des actionnaires ;

fixé à 250 000 F CFP le montant de la consignation devant être versée par A Z et C Y dans le délai de trente jours ;

fixé à deux mois le délai pour le dépôt du rapport ;

donné acte de ses protestations et réserves à la SOCIÉTÉ FRIGORIFIQUE DE Papeete ;

dit n’y avoir lieu à article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;

laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens.

La SOCIÉTÉ DU FRIGORIFIQUE DE PAPEETE a relevé appel de cette décision par requête enregistrée au greffe le 14 mars 2014 et par exploit portant signification de celle-ci délivré le 9 mai 2014 à A Z.

Il est demandé à la cour :

1° par la SOCIÉTÉ DU FRIGORIFIQUE DE Papeete (SFP), appelante, dans sa requête et dans ses conclusions visées le 22 août 2014, de :

infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau, rejeter purement et simplement la mesure d’expertise sollicitée ;

à titre subsidiaire, lui décerner acte de ses protestations et réserves ;

condamner les intimés aux dépens et à lui verser la somme de 250 000 F CFP en remboursement de ses débours non compris dans les dépens ;

2° par A Z et C D épouse Y, intimés, dans leurs conclusions visées le 16 juin 2014, de :

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

condamner la société SFP aux dépens et à payer la somme de 113 000 F CFP en remboursement de leurs débours non compris dans les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2014.

Les moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé, sont résumés dans les motifs qui suivent.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n’est pas discutée.

L’ordonnance dont appel a retenu qu’il résultait du dossier que la société connaît des difficultés importantes ; qu’en 2012, le commissaire aux comptes a indiqué ne pas avoir obtenu les déclarations écrites de la direction prévues par les normes d’exercice professionnel et ne pas être en conséquence en situation de certifier les comptes ; que dans ces conditions, les requérants, bien qu’étant actionnaires minoritaires, avaient vocation à solliciter la mesure d’expertise, celle-ci étant toutefois limitée aux cinq dernières années.

La société SFP fait valoir que la demande est irrecevable, car, ayant la forme d’une société anonyme, elle ne comprend pas de « gérants », et la responsabilité de son actionnaire majoritaire, la société ETFP, qui n’a pas été appelée en cause, ne peut être recherchée pour d’hypothétiques fautes de gestion des dirigeants. Elle soutient également que cette demande n’est pas fondée, car les requérants n’ont pas été tenus à l’écart, mais se sont désintéressés de l’affaire ; les assemblées générales ont été convoquées et tenues ; un conseil d’administration a décidé une cessation partielle et provisoire d’activité en 2013 pour ne pas aggraver les pertes ; une assemblée générale a été convoquée en octobre 2013 pour examiner une éventuelle dissolution ; les comptes des exercices 2009 à 2011 ont été certifiés et communiqués aux actionnaires ; les réserves de 2012 s’expliquent par le fait que les comptes avaient été établis dans la perspective d’une continuation de l’exploitation, et la situation a été régularisée ; la rémunération des dirigeants a été fixée conformément aux règles en vigueur ; la demande des requérants est en réalité une expertise de gestion, laquelle ne peut concerner que des opérations précises après consultation préalable du président du conseil d’administration.

A Z et C D épouse Y maintiennent leur demande en exposant que leur action en responsabilité sera exercée contre les dirigeants effectifs de la société et que l’actionnaire majoritaire peut être mis en cause ; qu’il n’est pas justifié qu’ils aient été convoqués individuellement aux assemblées générales ; qu’ils ne se sont pas désintéressés de la société ; que le refus de certification des comptes a été motivé par la non-présentation des documents obligatoires ; que l’activité est compromise ; et qu’une expertise de gestion peut être demandée en référé indépendamment de la procédure prévue par l’article L225-231 du Code de commerce.

Sur quoi :

Tout intéressé peut demander en référé une mesure d’instruction légalement admissible s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (C.P.C.P.F., art. 84).

Dans une société anonyme, les actionnaires ne participent à la vie sociale que par leur droit d’assister à des assemblées dans lesquelles les décisions sont prises à la majorité. Les droits des actionnaires minoritaires sont garantis par les règles en matière de convocation et de tenue des assemblées générales, par la communication de certains documents, par le contrôle exercé par les commissaires aux comptes, et par le droit de demander une expertise de gestion.

Les actionnaires minoritaires peuvent également rechercher la responsabilité des dirigeants sociaux. Ils peuvent alors avoir recours aux dispositions de l’article 84 du Code de procédure civile de la Polynésie française, dont la finalité est probatoire, alors que l’expertise prévue par l’article L.225-31 du Code de commerce a pour objet d’examiner les conditions dans lesquelles ont été mises en 'uvre des opérations de gestion.

En l’espèce, la demande des consorts Z-Y entre dans les prévisions de l’article 84 du Code de procédure civile de la Polynésie française, puisqu’ils exposent qu’elle est motivée par leur volonté d’exercer une telle action en responsabilité. Peu importe qu’ils aient employé le terme de gérants pour désigner les dirigeants sociaux. D’autre part, la responsabilité de certains actionnaires peut être engagée du fait d’un abus de majorité.

Dans son rapport sur l’exercice clos le 31 décembre 2011, le commissaire aux comptes a relevé qu’il n’avait pas obtenu les déclarations écrites de la direction prévues par les normes d’exercice professionnel, et que les comptes annuels avaient été établis dans une perspective de continuité de l’exploitation, alors que l’arrêt de celle-ci avait été proposé.

La mise en sommeil de la société a été décidée lors d’une assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 28 juin 2012. La feuille de présence mentionne la participation de 7 actionnaires sur 29, parmi lesquels ne figuraient ni C Y (résidant en métropole), ni A Z. Le procès verbal indique que les actionnaires ont été convoqués par encart dans le journal d’annonces légales Fenua TV du 6 juin 2012 et par lettre du 8 juin 2012. Le modèle de convocation individuelle communiqué ne mentionne pas la mise en sommeil de la société comme étant à l’ordre du jour de l’assemblée générale extraordinaire, mais cette question figure dans l’avis de convocation qui a été publié. F. Y a demandé communication du bilan 2011 par courrier du 25 septembre 2012. A Z a demandé par lettre du 17 janvier 2013 l’ensemble des documents fournis aux actionnaires avant les assemblées générales des cinq années précédentes. Le notaire fondé de pouvoirs de la société SFP leur a adressé le 2 mai 2013 les documents relatifs aux exercices 2009, 2010 et 2011.

La mesure d’expertise ordonnée en premier ressort a pour objet de relever contradictoirement les éléments pertinents et utiles qui permettront à la juridiction qui sera éventuellement saisie d’apprécier si les griefs des requérants quant à leur surprise au vu des circonstances qui ont conduit aux pertes et à la mise en sommeil de la société s’expliquent par une communication insuffisante ou fautive de la part des organes de gestion, ou bien par un désintérêt de leur part, et si ces mauvais résultats ont été ou non causés par des fautes de gestion ou par un abus de majorité. Le défaut de certification des comptes de l’exercice 2011 pour non-production des déclarations normatives par les organes de gestion est un motif légitime d’ordonner cette mesure.

L’ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée, y compris en ce qu’elle a donné acte à la société SFP de ses protestations et réserves. L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

Vu l’article 84 du Code de procédure civile de la Polynésie française,

Confirme l’ordonnance rendue le 12 décembre 2013 par le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;

Met les dépens d’appel à la charge de la SA SOCIÉTÉ DU FRIGORIFIQUE DE Papeete.

Prononcé à Papeete, le 11 décembre 2014.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. M-N signé : R. BLASER

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Papeete, 11 décembre 2014, n° 14/00122