Cour d'appel de Papeete, 22 janvier 2015, n° 14/00452

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, 22 janv. 2015, n° 14/00452
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 14/00452
Décision précédente : Tribunal d'instance, 10 août 2014, N° 292;14/00236

Sur les parties

Texte intégral

N° 38

GTL


Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Jourdainne,

le 02.02.2015.

Copie authentique délivrée à :

— Me Malgras,

le 02.02.2015.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE A

Chambre Civile

Audience du 22 janvier 2015

RG 14/00452 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé n° 292, rg 14/00236 du Tribunal civil de première instance de A en date du 11 août 2014 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 26 août 2014 ;

Appelant et défendeur :

Monsieur B C, né le XXX à A, de nationalité française, demeurant actuellement sur une XXX', rattaché à la commune de Arue, XXX – XXX

Représenté par Me Benoît MALGRAS, avocat au barreau de A ;

Intimée et demanderesse :

La Société Anonyme Y Unlimited (anciennement Sa Tetiaroa), immatriculée au Rcs de A, sous le n° 7980 B, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis XXX, BP 44530 – 98713 A ;

Représenté par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de A ;

Ordonnance de clôture du 5 décembre 2014 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 Décembre 2014, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme X et M. Z, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement ce jour par M. THIBAULT-LAURENT, président, en présence de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, lesquels ont signé la minute.

A R R E T,

FAITS – PROCEDURE – DEMANDE DES PARTIES :

Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs de l’ordonnance entreprise du 11 août 2014, auxquels la Cour se réfère expressément ;

Vu la déclaration d’appel de M. B C, visée le 26 août 2014, portant constitution de Me MALGRAS, avocat, concernant l’ordonnance rendue le 11 août 2014 par laquelle le juge des référés du Tribunal Civil de Première Instance de A, dans une instance en interdiction de s’introduire sur le domaine privé de l’atoll de Tetiaroa, et interdiction de s’approcher du motu Onetahi, sur lequel est implanté l’hôtel Le Brando, a :

— Fait interdiction à M. B C et à toute personne de son chef de s’introduire et/ou de pénétrer d’une quelconque façon sur le domaine privé de l’atoll de Tetiaroa, ce sens astreinte provisoire de 200.000 FCP par infraction et/ou fait intentionnel ou non qui sera constaté par tous moyens par la SA Y ou par toute personne de son chef à compter de la signification de sa décision ;

— Fait interdiction à M. B C et à toute personne de son chef de s’approcher du Motu ONETAHI, sur lequel est implanté l’hôtel Le Brando, à une distance inférieure à 10 km et ce sous astreinte de 100.000 FCP par infraction qui pourra être constatée par tous moyens dès la signification de sa décision ;

— Débouté M. B C de l’ensemble de ses demandes ;

— Condamné M. B C à payer à la SA Y la somme de 165.000 FCP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Vu la constitution de Me JOURDAINNE, avocat, pour le compte de la SA Y, reçue au greffe de la Cour le 11 septembre 2014 ;

Vu, en leurs moyens, les conclusions d’appel des parties aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la Cour :

Monsieur B C, appelant, de :

— infirmer l’ordonnance entreprise,

— Et, vu l’article 2 de la délibération n°2004-34 APF en date du 12 février 2004,

— Constater que la SA Y UNLIMITED était irrecevable à demander au juge des référés de réglementer la circulation ou même le stationnement dans le domaine public maritime ;

— Constater tout autant la nullité de la décision en ce qu’elle interdit à Monsieur B C de s’approcher à moins de 10 km du motu ONETAHI ;

Statuant à nouveau,

— Constater que Monsieur B C n’a commis aucun abus de droit causant un trouble manifestement illicite à la SA Y UNLIMITED ;

— Relever que l’hôtel « le Brando » n’est nullement dans la cause et qu’il n’y avait lieu de statuer à son profit ;

— Réformer en conséquence l’Ordonnance entreprise,

— Débouter en conséquence la SA Y UNLIMITED de l’intégralité de ses demandes, celles-ci étant infondées et relevant au mieux de la compétence du Pays et du juge administratif ;

— Condamner la SA Y UNLIMITED à lui verser une somme de 200.000 XPF sur le fondement de l’article 407 du Code de procédure civile, au titre des frais de 1re instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépends de 1re instance et d’appel ;

La société anonyme Y, intimée, de :

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé entreprise ;

— débouter M. B C de l’intégralité de ses demandes ;

— le condamner à lui payer la somme de 200 000 XPF, en remboursement des frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Vu l’ordonnance de clôture du 05 décembre 2014 ;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu’il est rappelé que par requête déposée le 13 juin 2014 précédée d’une assignation du 12 juin 20I 4, la SA Y a saisi le juge des référés d’une demande à l’encontre de M. B C tendant à lui interdire et à toute personne de son chef de s’introduire/pénétrer d’une quelconque façon sur le domaine privé de l’atoll de Tetiaroa, ce sous astreinte provisoire de 200.000 FCP par infraction et/ou fait intentionnel ou non ; qu’elle demandait également qu’il lui soit fait interdiction ainsi qu’à toute personne de son chef de s’approcher du Motu ONETAHI, sur lequel est implanté l’hôtel Le Brando, dans un périmètre de 10 km et ce sous astreinte de 100.000 FCP par infraction qui pourrait être constatée ;

Qu’elle exposait qu’elle est propriétaire de l’atoll de Tetiaroa sur lequel elle exploite un établissement hôtelier de grand luxe mais qui est aussi une réserve naturelle d’oiseaux ; que malgré l’absence de passe permettant l’accès de bateaux dans le lagon intérieur, M. B C est parvenu à hisser sa pirogue par-dessus les coraux et à s’installer à demeure, avec sa famille, dans le lagon ; que cette installation, dépourvue de dispositif d’assainissement des eaux vannes et usées, est cause de nuisances à l’environnement ; que M. B C et sa famille se sont livrés à des incursions réitérées sur son domaine privé malgré les interdictions et les avertissements signifiées à de multiples reprises et ont notamment tagué un panneau de signalisation ; qu’il a menacé de s’approcher de l’hôtel pour brandir des banderoles et causer des nuisances sonores ; que le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que M. B C contestait que son incursion dans le domaine public soit cause de nuisances et affirmait ne pas s’introduire sur les terres émergées qui seules sont la propriété de la SA Y ; qu’il indiquait se borner vivre sur sa pirogue avec sa famille qui mouille dans les eaux publiques ; qu’il demandait la condamnation de la SA Y à lui payer la somme de 5.000.000 FCP à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par des violences psychologiques sur son enfant mineur et par des agissements sans accréditation officielle sur le domaine public et 5.000.000 FCP en cas de récidive ; qu’il demandait également que la SA Y cesse toute allusion de nature à le discréditer sous astreinte de 1.000.000 FCP et qu’il lui soit interdit d’influencer les navigateurs qui croisent sur l’atoll susceptibles de lui apporter une aide ; qu’il demandait qu’il soit mis fin aux agissements incessants des personnels et de toute personne de leur chef autour de sa pirogue à moins de 300 m sous astreinte de 1.000.000 FCP par infraction, ainsi que paiement de la somme de 1.000.000 FCP à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par les accusations erronées faites à son encontre qui portent atteinte à sa vie privée et à son intégrité ; qu’il demandait le retrait des pancartes litigieuses aux frais de la SA Y sous astreinte de 200.000 FCP qu’il demandait enfin un bornage contradictoire qui matérialisera les zones les plus fréquentées c’est-à-dire l’îlot de RIMATU et l’île aux oiseaux jouxtant celui-ci, cette contrainte étant assortie d’une astreinte de 1.000.000 FCP ;

Attendu que c’est à juste titre, et par des motifs pertinents, exacts et suffisants, exempts de toute erreur de Droit, que la Cour s’approprie, et qui seront ci-après reproduits, que le premier juge a statué comme sus-indiqué ;

Attendu, en effet, que :

« I) – Attendu qu’aux termes de l’article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française, le président du tribunal, statuant en référé, peut toujours prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu qu’il est établi par les divers constats et documents photographiques produits aux débats et d’ailleurs reconnu, voire revendiqué, par M. B C, qu’il s’est introduit sans autorisation dans le lagon intérieur de l’atoll de Tetiaroa en passant en force par-dessus la barrière de corail où n’existe pas de passe et où il n’y a qu’un faible tirant d’eau ne permettant pas un passage normal des embarcations ;

Que si son imposante pirogue mouille dans le lagon, qui est un espace public, pour autant il est démontré qu’il se livre à des incursions réitérées sur les terres émergées et dans un lac intérieur, en dépassant largement la frange de sable des motus qui est publique, non seulement avec son épouse et leur fille mais aussi avec d’autres personnes ; qu’il a volontairement dégradé un panneau mis en place par la SA Y sur le domaine privé de l’atoll ;

Attendu que M. B C ne se livre pas à une simple activité sporadique de loisir de pêche ou d’études astronomiques ou de découverte de la nature mais réside à demeure sur sa pirogue sur laquelle il a établi son domicile principal ;

Attendu qu’une telle installation pérenne est dommageable à l’environnement jusqu’ici préservé de l’atoll qui est notamment une réserve d’oiseaux unique en Polynésie, alors surtout que l’établissement hôtelier Le Brando a initié une démarche particulière de protection de l’environnement tant lors de sa construction qu’à l’occasion de son exploitation commerciale ;

Qu’elle est également source de nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage à proximité d’un établissement hôtelier de très grand luxe qui fait la renommée touristique de la Polynésie française dans le monde entier par son caractère d’exception et la publicité qui lui a été consacrée avant même son ouverture au public et qui lui est consacrée depuis l’accueil de ses premiers clients, tant par le rejet des effluents dans le lagon que par les revendications s’affichant comme étant à caractère écologique voire politique relativement à ce que M. B C considère comme une atteinte intolérable à un site protégé ;

Attendu que l’immixtion de M. B C et de sa famille dans le lagon de l’atoll constitue un abus de droit source d’un trouble manifestement illicite auquel il convient de remédier en lui imposant des interdictions comme il sera dit dans le dispositif de la présente ordonnance ;

II) – Attendu que les articles 431 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française limitent les pouvoirs du juge des référés et ne lui donnent pas celui de réparer des préjudices, tout au plus celui d’allouer une provision dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ;

Attendu qu’en l’espèce, les diverses atteintes dont se plaint M. B C ne sont nullement établies et en tout cas nécessitent d’être caractérisées et appréciées par le juge du fond, l’obligation à réparation d’un préjudice supposant préalablement la démonstration d’une faute et d’un lien de causalité entre ladite faute et le dommage allégué, ce qui ne relève pas des pouvoirs du juge des référés ;

Attendu que M. B C qui n’est pas propriétaire de l’atoll de Tetiaroa voire d’une partie de l’atoll, ni même un voisin limitrophe, mais seulement un citoyen qui abuse de son droit de jouir du domaine public, n’est pas fondé à demander un bornage de l’atoll ;

Attendu que si, comme cela vient d’être rappelé, le juge des référés a le pouvoir de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, encore faut-il démontrer l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite ;

Que les atteintes à sa vie familiale et privée imputées au personnel de la SA Y, qui seraient caractérisées par une approche à trop grande proximité de sa pirogue et/ou par le rappel d’interdictions de s’introduire dans un domaine privé et de dégrader l’environnement, ne sont nullement établies et, à supposer qu’elles le soient, rien ne permet d’affirmer qu’elles soient fautives, alors que l’approche de la pirogue sur le domaine public du lagon n’est que la manifestation de la liberté que revendique M. B C pour lui-même et pour les siens de sorte qu’il ne saurait faire grief aux autres d’en faire le même usage ;

Attendu que la SA Y est fondée à avertir les usagers de la mer qui croisent à proximité de l’atoll de Tetiaroa de ce qu’ils s’approchent d’une propriété privée et que se livrer a une intrusion et que se livrer à une intrusion forcée à l’intérieur du lagon par des voies autres que la voie naturelle d’une passe publique constitue un abus de droit ;

Attendu, en conséquence, qu’il convient de débouter M. B C de l’ensemble de ses demandes ;

III) – Attendu que M. B C, qui succombe, doit supporter les dépens ;

Attendu qu’il est inéquitable que la SA Y conserve la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés ; qu’il convient de condamner M. B C à lui payer la somme de 165.000 FOP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;»

Attendu que M. B C n’apporte, au soutien de son appel, aucun moyen opérant de nature à remettre en cause l’exacte appréciation, tant en fait qu’en Droit, du premier juge, qui n’a commis aucune erreur de qualification des faits, et a justement considéré qu’en installant de façon pérenne et permanente sa pirogue, dont il a fait sa résidence principale, causant ainsi une pollution du domaine public maritime, ayant des répercussions directes sur la propriété privée de la SA Y, M. B C a abusé de son droit d’utiliser le domaine public maritime au détriment de la propriété privée qui se trouve alentour ;

Attendu qu’il ne saurait être soutenu que l’hôtel 'Le Brando’ n’est nullement dans la cause et qu’il n’y avait pas lieu de statuer à son profit, alors que l’hôtel 'Le Brando’ est exploité par la société TBSA, qui est la locataire de la SA Y, qui a, comme tout bailleur, l’obligation de lui assurer la jouissance paisible des lieux ;

Attendu qu’il s’ensuit que l’ordonnance entreprise est en voie de confirmation ;

que l’équité commande d’allouer à la SA Y la somme de 200 000 XPF par application de l’article 407 du code de procédure civile, pour les frais non compris dans les dépens engagés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référés et en dernier ressort ;

DECLARE Monsieur B C recevable mais mal fondé en son appel ;

L’en déboute ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. B C à payer à la SA Y UNLIMITED la somme de 200 000 XPF par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

LE CONDAMNE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me JOURDAINNE, avocat, sur son affirmation qu’il a fait l’avance des frais sans avoir reçu provision suffisante ;

Prononcé à A, le 22 janvier 2015.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. THIBAULT-LAURENT

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