Cour d'appel de Papeete, 8 janvier 2015, n° 13/00311

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, 8 janv. 2015, n° 13/00311
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 13/00311
Décision précédente : Tribunal du travail de Papeete, 5 mai 2013, N° 13/0079;11/00273;13/00046

Sur les parties

Texte intégral

N° 3

CT


Copie exécutoire

délivrée à :

— Me C. Jérusalémy,

le 17.03.2015.

Copie authentique délivrée à :

— Me Millet,

le 17.03.2015.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 8 janvier 2015

RG 13/00311 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n°13/0079, rg 11/00273 du Tribunal du Travail de Papeete en date du 6 mai 2013 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 13/00046 le 22 mai 2013, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d’appel le 28 mai 2013 ;

Appelante :

La Snc Aremiti Ferry, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le n° 9254 B, dont le siège social est sis à XXX – XXX, prise en la personne de son gérant ;

Représenté par Me Thibaut MILLET, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

Monsieur C A B, né le XXX à XXX, XXX

Représenté par Me Théodore CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 11 juillet 2014 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 septembre 2014, devant Mme TEHEIURA, conseiller faisant fonction de présidente, Mme I-J et M. X, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme K-L ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement ce jour par Mme TEHEIURA, président, en présence de Mme K-L, greffier, lesquels ont signé la minute.

A R R E T,

Par acte sous seing privé du 10 février 2007, F A B a été engagé par la SNC Aremiti Ferry en qualité de man’uvre.

Par lettre du 7 mai 2009, il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement et a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 19 mai 2009 ainsi rédigée:

« Il vous est reproché d’avoir contribué par votre comportement à la survenance de l’accident qui a affecté l’Aremiti Ferry le 06 mai 2009 à l’entrée de la passe de Vaiare.

Nous vous reprochons tout particulièrement votre comportement non professionnel : en effet, vous jouiez au football avec d’autres membres de l’équipage lorsque l’accident a eu lieu ; alors que selon votre planning de travail, entre 15 H 15 et 17 H 30, vous êtes en service et devez effectuer des travaux d’entretien.

Nous avons d’ailleurs visionné les caméras de surveillance qui confirment nos dires et qui confirment également que la partie s’est arrêtée à 16 H 04 au moment de l’accident.

Par ces faits, vous avez fait preuve d’un manquement total de conscience professionnelle.

En outre, vous n’étiez pas à votre poste, vous avez donc commis un manquement grave aux règles de discipline.

Lors de notre entretien, vous m’avez confirmé qu’effectivement vous n’étiez pas à votre poste et que vous jouiez au football.

Ces faits qui sont constitutifs d’une faute grave rendant impossible votre maintien au sein de notre Société. Je vous notifie donc votre licenciement sans préavis. »

Par jugement rendu le 6 mai 2013, le tribunal du travail de Papeete a :

— déclaré recevable la requête de F A B ;

— dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et abusif ;

— alloué à F A B:

*la somme de 179 806 FCP bruts, à titre d’indemnité compensatrice de préavis

*la somme de 20 306 FCP bruts, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

*la somme de 1 078 836 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

*la somme de 1 078 836 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement abusif

*la somme de 164 806 FCP, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

*la somme de 90 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— enjoint à la SNC Aremiti Ferry de régulariser la situation de F A B à l’égard de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et/ou de l’ENIM ;

— mis les dépens à la charge de la SNC Aremiti Ferry.

Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 22 mai 2013, la SNC Aremiti Ferry a relevé appel de cette décision afin d’en obtenir l’infirmation.

La Sarl Aremiti Ferry demande à la cour de :

— déclarer irrecevable l’action engagée par F A B;

— subsidiairement, dire le licenciement fondé sur une faute grave ;

— très subsidiairement, dire le licenciement fondé sur une faute réelle et sérieuse et allouer à F A B un mois de salaire à titre d’indemnité de préavis ;

— à titre infiniment subsidiaire, dire que le licenciement n’est pas abusif;

— lui allouer la somme de 200 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Elle soutient que « l’article 44 de la convention collective applicable au personnel subalterne des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie Française, signée le 1er octobre 1959, prévoit que toute action en justice relative à un litige particulier’doit être précédée d’une tentative de conciliation préalable obligatoire » ; que l’article 120 de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime reprend la même obligation ; que cette loi est applicable en Polynésie française dès lors qu’elle a été publiée au journal officiel des établissements français de l’Océanie du 1er septembre 1927 ; que la loi du 2 novembre 1960, qui modifie la loi de 1926 et y apporte les adaptations rendues nécessaires par les spécificités administratives de la Polynésie française, a été promulguée en Polynésie française pour y être exécutée ; que le code du travail maritime n’a pas été abrogé et que, par arrêt rendu le 6 février 2014, la cour d’appel de Papeete a confirmé que le code du travail maritime est applicable en Polynésie française ; que la procédure de conciliation est favorable à l’employeur et au salarié en ce qu’elle encourage la négociation et qu’elle évite au salarié un procès long et coûteux ; que, si elle s’impose aussi bien au salarié qu’à l’employeur, elle n’avait, toutefois, pas l’obligation de l’engager avant de procéder au licenciement de l’intimé dans la mesure où un litige n’est susceptible d’exister que si le salarié conteste le bien fondé de la décision de l’employeur ; que F A B ne justifie d’aucune tentative de conciliation préalable à la saisine du tribunal du travail et que son action est donc irrecevable.

Elle ajoute qu’il est reproché à l’intimé « un fait réel et sérieux', celui d’avoir « quitté son poste de travail pour aller jouer au football avec d’autres membres de l’équipage », qui est lui-même générateur de deux fautes’qui constituent les deux principaux motifs de licenciement mentionnés dans le courrier de rupture’ : un abandon de poste fautif» et « un manque de conscience professionnelle également qualifié dans le courrier de licenciement de « comportement non professionnel » et de « manquement grave aux règles de discipline » ; que le caractère partial et dénué d’honnêteté de l’attestation du capitaine Taputu prive celle-ci de toute valeur probante ; que F A B « a abandonné son poste pendant ses horaires de travail, entre Y et Z – heure de la collision du navire – et ce, dans le seul but de jouer au football dans le garage fermé du ferry, alors même que ce dernier était en pleine navigation » ; qu’il « jouait encore au football alors même que le navire s’apprêtait à engager une manoeuvre délicate pour entrer dans la passe de VAIARE et qu’il jouait toujours lorsque le choc contre le récif est survenu » ; que « le fait de vouloir jouer au football à l’insu de l’employeur ne saurait en aucun cas constituer un motif légitime d’abandon de poste, quand bien même cette partie de football aurait été tolérée – voir même encouragée ! – par le capitaine du navire » ; que F A B « a abandonné de manière fautive et grave son poste de travail » ; que « pendant cette partie de football', le navire était en mer et transportait à son bord un certain nombre de passagers»; qu’ « en cessant de veiller au bon fonctionnement des machines du navire,'M. A B a fait courir un risque au navire et à ses occupants » et qu’il « a gravement manqué de conscience professionnelle » ; que ce manque de conscience professionnelle suffit à caractériser la faute grave, « sans qu’il soit nécessaire d’évoquer le lien de causalité entre la défection de M. A B et l’accident » ; que, si elle avait été informée des parties de football, elle aurait procédé à des licenciements pour faute grave, même en l’absence d’accident et que la rupture du contrat de travail n’est pas intervenue dans des conditions humiliantes et vexatoires.

F A B sollicite la confirmation du jugement attaqué et le paiement de la somme de 220 000 FCP, au titre des frais irrépétibles d’appel.

Il fait valoir que la loi du 13 décembre 1926 n’a pas été étendue à la Polynésie française et que sa publication ne vaut pas extension ; que la loi n° 66-508 du 12 juillet 1966 ayant pour objet de rendre la loi du 13 décembre 1926 applicable à la Polynésie française n’a pas été suivie d’un décret d’application ; que la loi du 13 décembre 1926 a été abrogée par l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 et que la loi du Pays n° 2011-15 du 4 mai 2011 ignore le code du travail maritime; que l’article 44 de la convention collective du 1er octobre 1959 est contraire aux dispositions de l’article Lp. 1411-3 du code du travail de la Polynésie française ; que « l’obligation faite au tribunal du travail de tenter de concilier les parties a été supprimée au profit d’une simple faculté par la délibération n° 2004-3/APF du 15 janvier 2004 » ; qu’ « une tentative de conciliation, qu’elle soit préalable ou non à la saisine du tribunal, présente peu d’intérêt, si ce n’est de porter préjudice au salarié en retardant l’engagement d’une procédure judiciaire » ; que « la jurisprudence produite par la société appelante témoigne de ce que la clause litigieuse, présentée comme une garantie pour le marin, a servi en réalité à le priver d’un débat au fond devant les juridictions et à faire obstacle à la condamnation de l’employeur au paiement des indemnités légales » et que l’article 44 de la convention collective du 1er octobre 1959 est moins favorable que les dispositions de droit commun du code du travail polynésien ; que « la contribution à l’accident constitue le motif déterminant aux yeux de l’employeur puisque c’est celui qui est développé à l’exclusion de tout autre dans la lettre de convocation du 7 mai 2009 et qui est invoqué avant tout autre dans la lettre de licenciement » ; que l’ « accident a permis de découvrir les négligences graves commises au niveau du poste de commandement du navire » et que le lien de causalité entre cet accident et son comportement n’est pas établi ; que « la lettre de licenciement ne fait pas état d’un manquement’aux règles de sécurité, motif qu’il n’y a donc pas lieu de vérifier, mais d’un manquement aux règles de discipline, lequel n’est pas avéré » ; qu’ « à bord, l’équipage se trouve sous l’autorité hiérarchique du capitaine, seul maître à bord selon les règles en matière maritime » et qu’il a joué au football avec l’autorisation du capitaine ; qu’il « ne pouvait rien faire pour empêcher l’accident, n’ayant aucune visibilité ni maîtrise des conditions de navigation » ; que « les travaux d’entretien étaient nécessairement achevés (les marins étant à bord depuis 5h30 du matin) pour que le capitaine autorise une pause collective » ; que « les marins jouaient devant les caméras de surveillance du navire et pouvaient légitimement penser que les usages mis en place par le capitaine étaient connus de l’employeur » ; qu’il « n’avait donc aucune raison de refuser la pause et la distraction autorisées par le capitaine qui avaient pour but de maintenir la condition physique de l’équipage » et que « son comportement, s’il pouvait être sanctionné, ne justifiait pas un licenciement » ; qu’il a été licencié de manière brutale, sans préavis, alors qu’il possédait une ancienneté supérieure à 3 ans et qu’il n’avait fait l’objet d’aucun reproche ni sanction ; que la rupture du contrat de travail est intervenue dans des conditions humiliantes et vexatoires et qu’il « s’est trouvé sans emploi, dans une situation financière difficile, avec une mauvaise réputation faite par son ancien employeur, susceptible de nuire à la recherche d’un emploi ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juillet 2014.

A l’audience de plaidoiries du 11 septembre 2014, le conseil de la Sarl Aremiti Ferry a précisé qu’il renonçait à se prévaloir de la prescription prévue par les dispositions de l’article 130 de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime et se désistait de la demande formée à ce titre.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d’en relever d’office l’irrégularité.

Sur le droit d’agir de F A B

*sur la procédure de conciliation obligatoire et préalable

Il n’est pas contesté que le contrat de travail liant les parties était régi par la convention collective du 1er octobre 1959 applicable au personnel subalterne des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 20 tonneaux et plus de jauge brute au cabotage d’outre-mer.

L’article 44 de cette convention collective dispose que : « Tout litige particulier survenant à un marin sera présenté à l’administrateur de l’inscription maritime ou à défaut à l’inspecteur territorial du travail et des lois sociales qui s’efforcera, dans toute la mesure du possible, d’obtenir un accord de conciliation entre les deux parties au litige.

Dans le cas où un accord ne pourrait s’établir, le litige sera présenté au tribunal du travail, dans les formes prévues au code du travail des territoires d’outre-mer et arrêtés du chef du territoire ».

Il institue ainsi une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge et constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si une partie l’invoque.

Toutefois, s’agissant du « litige particulier survenant à un marin », il est rédigé en termes généraux et il n’en propose aucune définition particulière.

Or, si la Sarl Aremiti Ferry a pris l’initiative d’engager une procédure de licenciement disciplinaire à l’encontre de F A B, c’est qu’elle se trouvait en profond désaccord avec la façon de travailler du salarié et qu’il existait donc un litige sérieux entre eux.

Elle avait donc l’obligation, sur le fondement de l’article 44 de la convention collective susvisée, de saisir l’inspecteur du travail, la tentative de conciliation possédant un caractère d’autant plus protecteur qu’elle était susceptible d’éviter au salarié de perdre son emploi.

La Sarl Aremiti Ferry se prévaut ainsi d’une règle qu’elle n’a pas respectée et qui a privé l’intimé de la possibilité d’un accord sur son maintien dans l’entreprise.

Dans ces conditions, sa mauvaise foi lui interdit d’imposer à F A B une saisine de l’inspection du travail à laquelle elle s’est dispensée de procéder.

En tout état de cause, F A B, qui n’avait pas l’obligation de soulever la fin de non-recevoir tirée de l’absence de procédure de conciliation obligatoire et préalable, a légitimement considéré que, le litige s’étant manifesté par la mise en 'uvre de la procédure de licenciement et l’employeur ayant clairement fait connaître son refus de négocier, ses demandes pouvaient être présentées devant le tribunal du travail.

Enfin, il importe peu de déterminer si la loi du 13 décembre 1926 est applicable en Polynésie française dans la mesure où, même dans l’hypothèse où elle le serait, les motifs qui justifient le rejet de la fin de non-recevoir fondée sur l’article 44 de la convention collective du 1er octobre 1959 conduiraient également la cour à rejeter la fin de non-recevoir fondée sur l’article 120 de ladite loi qui prévoit une procédure de conciliation obligatoire et préalable en cas de « litiges qui s’élèvent en ce qui concerne les contrats d’engagement régis par la présente loi entre les armateurs ou leurs représentants et les marins, à l’exception des capitaines’ ».

*sur la prescription

Il convient de constater que la Sarl Aremiti Ferry renonce à se prévaloir de l’article 130 de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime selon lequel :

« Toutes actions ayant trait au contrat d’engagement sont prescrites un an après le voyage terminé. »

Dans ces conditions, l’action engagée par F A B devant le tribunal du travail doit être déclarée recevable.

Sur le bien fondé du licenciement

Dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, la Sarl Aremiti Ferry reproche à F A B:

— un comportement ayant contribué à l’accident qui s’est produit le 6 mai 2009 vers 16h à l’entrée de la passe de Vaiare à Moorea et qui a endommagé le navire Aremiti Ferry ;

— un manque total de conscience professionnelle du fait qu’il n’a pas respecté son planning ;

— un manquement grave aux règles de discipline du fait qu’il ne se trouvait pas à son poste.

Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des écritures de l’appelante, qu’à l’approche de la passe de Vaiare, « la barre du navire avait été confié à un mousse’totalement incompétent et inexpérimenté, lequel, paniqué', avait laissé au dernier moment la barre au chef mécanicien » qui ne possédait « lui non plus aucune compétence pour piloter ».

Par ailleurs, aucun élément n’établit qu’au moment de l’accident, F A B, qui exerçait les fonctions de man’uvre, avait une tâche spécifique à réaliser en prévision du passage dans le lagon de Moorea et qu’il avait un rôle à jouer lié au pilotage du navire et à la manoeuvre d’approche du récif.

Dans ces conditions, la Sarl Aremiti Ferry ne saurait lui imputer une quelconque part de responsabilité dans le sinistre survenu le 6 mai 2009.

Il n’en demeure pas moins que, ce jour-là au moment de la collision, F A B ne se trouvait pas à son poste et qu’il jouait au football dans le garage.

Toutefois, il le faisait en présence du capitaine du navire et, dans ses écritures, l’appelante précise que plusieurs membres de l’équipage ont reconnu que ledit capitaine occupait le poste de gardien de but.

Il est ainsi suffisamment démontré que F A B n’agissait pas à l’insu du capitaine ; que celui-ci ne lui avait pas imposé un travail spécial au moment de l’accident et qu’il ne lui avait pas demandé de rejoindre son poste.

L’activité ludique reprochée à F A B s’est donc exercée avec l’autorisation du capitaine qui était le supérieur hiérarchique de l’intimé et qui, selon les règles maritimes, est le seul maître à bord, en dépit de son attitude particulièrement répréhensible.

Une telle situation est de nature à réduire de façon importante la gravité du comportement adopté par F A B et à rendre le licenciement disproportionné par rapport à la faute commise.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnisation du licenciement

L’article 14-1 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 applicable au moment du licenciement dispose que lorsque le licenciement est prononcé en l’absence de motif réel et sérieux, il est octroyé «au salarié ayant douze mois d’ancienneté dans l’entreprise une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois précédant la rupture sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité» de licenciement.

L’article 19 bis de la convention collective du 1er octobre 1959 accorde, sauf cas de faute lourde, au salarié licencié une indemnité de licenciement égale à 1 mois de salaire de un an à cinq ans de service.

L’article 9-1 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 alors applicable dispose que, sauf en cas de faute grave : « si l’ancienneté de services continus chez le même employeur est inférieure à cinq ans :' pour les ouvriers et employés payés au mois, le préavis est fixé à un mois ».

L’article 10 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 alors applicable dispose que : « L’inobservation du préavis par l’employeur ouvre droit au profit du salarié, et sauf faute grave de celui-ci, à une indemnité compensatrice dont le montant est égal au salaire dû au titre de la durée du préavis non effectué’ ».

Compte-tenu de son salaire, de son ancienneté et des circonstances du licenciement, il doit être alloué à l’intimé :

— la somme de 179 806 FCP bruts, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

— la somme de 20 306 FCP bruts, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

— la somme de 1 078 836 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

— la somme de 164 806 FCP, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur le caractère abusif du licenciement

L’article 11 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 alors applicable dispose que : «la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée’ouvre droit à des dommages-intérêts, si elle est abusive».

Il appartient au salarié qui se prévaut d’un licenciement abusif d’établir l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’un comportement fautif de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement.

En l’espèce, alors qu’il n’avait jamais fait l’objet auparavant de sanction, F A B a été brutalement privé de son emploi et de sa rémunération par l’effet d’une mise à pied et d’un licenciement sans préavis.

En outre, la rupture du contrat de travail est intervenue dans des conditions éprouvantes et vexatoires puisque l’employeur n’a pas hésité à présenter F A B comme en partie responsable d’un accident auquel il était étranger.

Il a donc été alloué à juste titre à l’intimé la somme de 1 078 836 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement abusif.

Dans ces conditions, le jugement attaqué sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de F A B la totalité de ses frais irrépétibles d’appel et l’appelante sera donc tenue de lui verser la somme de 150 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort

Déclare l’appel recevable ;

Déclare recevable l’action engagée par F A B ;

Confirme le jugement rendu le 6 mai 2013 par le tribunal du travail de Papeete ;

Dit que la Sarl Aremiti Ferry doit verser à F A B la somme de 150 000 FCP, en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;

Dit que la Sarl Aremiti Ferry supportera les dépens d’appel.

Prononcé à Papeete, le 8 janvier 2015.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. K-L signé : C. TEHEIURA

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