Cour d'appel de Paris, 15 mai 1970, n° 9999

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 15 mai 1970, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS, 15 MAI 1970, 7ème chambre

Si le droit à la liberté d’expression est certain, il n’est pas sans limite et peut s’exercer qu’à la condition de ne pas porter atteinte au droit au respect de la vie privée, c’est-à-dire « au droit pour une personne d''être libre de mener sa propre existence comme elle l’entend, avec le minimum d’ingérences extérieures (1); C’est ainsi que doivent, en particulier, être mis à l’abris de toute atteinte: « le droit au nom, à l’image, à la voir, a l’intimité, à l’honneur et à la réputation, à l’oubli et à sa propre biographie » (2); La liberté de la presse et le droit du public à l’information qui en est le corollaire ne sauraient justifier, même pour satisfaire une clientèle de plus en plus avide d’informations sensationnelles ou dans un esprit de lucre, des atteintes de plus en plus fréquentes au droit de chacun à la paix et à la tranquillité (3); Constitue une atteinte manifeste au droit d’un chanteur et de son épouse au respect de leur vie privée permettant l’allocation de dommages-intérêts, la publication, dans un article d’hebdomadaire, de l’adresse du chanteur, de son nom, de son numéro de téléphone, de la localité où se trouve sa maison de campagne, et cela d’autant plus que l’auteur de l’article reconnaît que ses victimes mènent une vie simple et se conduisent discrètement (4); Il importe peu que certains renseignements ou clichés aient été antérieurement divulgués dans la presse avec l’accord des intéressés, dès lors que ce n’est pas par cette autorisation expresse ou tacite de publications antérieures que le chanteur avait renoncé au droit de s’opposer à toute divulgation ultérieure (5); Le dommage est suffisamment compensé par l’allocation de 5000 F de dommages-intérêts, la condamnation de la société d’édition à la publication du jugement dans deux journaux, sans qu’il soit utile de donner acte au chanteur et à son épouse de l’utilisation qu’ils comptent faire du montant des dommages-intérêts qu’il leur appartiendra d’utiliser comme ils l’entendront (6).

LA COUR: Statuant tant sur l’appel principal interjeté par la S.A.R.L. « France-éditions et publications » que sur l’appel incident relevé par A X, dit A B, et par C D, son épouse, d’une jugement rendu le 7 juin 1968 par le tribunal de grande instance de Paris qui a: 1. condamné la Société France-éditions et publications à payer aux époux X la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par eux à la suite de la publication de l’article intitulé « Comment croyez-vous que vive A B, le célèbre auteur du cuirassé Potemkine », paru dans le numéro 1070 de l’hebdomadaire France Dimanche du 21 février 1967; 2. condamné la société France-éditions et publications à faire publier à ses frais dans le journal France Dimanche ainsi que dans les journeaux France Soir et Le Monde, le jugement entrepris, à concurrence de 1 500 F par publication; 3. donné aux époux X l’acte par eux sollicité; 4. dit n’y avoir lieu à exécution provisoire; 5. condamné la Société France-éditions et publications aux entiers dépens;

Considérant que les premiers juges ayant fait une exacte relation des faits de la cause et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère expressément à leur exposé; Considérant qu’en cause d’appel la Société France-éditions et publication sollicite la cour d’infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de déclarer les époux Y mal fondés en leurs prétentions à raison de ce que l’article incriminé ne relate que les faits rendus publics par des publication antérieures, de dire et juger que le principe de respect de la vie privée ne peut recevoir application de la cas où, comme en l’espèce, les faits et photographies divulgués ont déjà fait l’objet, avec l’accord des intéressés, d’articles et de reproductions antérieurs, de débouter les époux X de toutes leurs demandes, fins et conclusions et de les condamner conjointement et solidairement aux dépens de première instance et d’appel; Considérant que les époux X sollicitent au contraire la cour, sur leur appel incident de leur adjuger le bénéfice de leur exploit introductif d’instance et de leurs conclusions éventuellement prises devant le tribunal et, par voie de conséquence, de condamner la Société France-éditions et publications au paiement à leur profit de la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts pour chacun d’eux soit au total 30 000 F, d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir aux frais de ladite société dans les journaux France Dimanche, France Soir, l’Express, le Monde et Paris Match, à concurrence de 3 000 F pour chaque publication, de donner acte à nouveau aux époux Z ce qu’ils s’engagent à verser à une oeuvre sociales artistes le


montant de l’indemnité qui leur sera payée à titre des dommages-intérêts, enfin de condamner aux dépens, y compris ceux de l’appel incident, la Société France-Editions et publications; Considérant que les époux X reprochent à l’appelante d’avoir, en publiant l’article incriminé, porté atteinte au respect dû à leur vie privée et de leur avoir, par suite des révélations faites au public, fait perdre le droit à la tranquillité; qu’ils soutiennent qu’en dépit du caractère élogieux de l’article incriminé, invoqué par la Société France-éditions et publications, il s’agit d’une intolérable intrusion dans la vie privée et que vainement ladite société entend faire état de ce qu’elle aurait déjà dit antérieurement de l’artiste puisqu’elle se contredit elle-même en se vantant dans le texte « de l’étonnant secret surpris par elle a semaine dernière »; qu’ainsi elle ne peut nier avoir voulu faire – et avoir fait- du nouveau et du sensationnel au prix d’une opération illicite sur laquelle elle ne s’était fait aucune illusion puisqu’elle s’était bien gardée de demander à l’artiste une autorisation qu’elle savait bien devoir lui être refusée; que c’est dans ces conditions que se sont trouvés révélés avec précision: le lieu du domicile parisien de l’artiste, le numéro de la rue, la situation de l’immeuble, l’étage, le palier, même son nom patronyme jusqu’alors inconnu du public, son numéro de téléphone, toutes indiscrétions coupables de nature à rendre vains les efforts de l’intéressé, jusque-là efficaces, pour préserver le calme et le secret de sa vie privée comme celle de sa famille; que ce comportement préjudiciable mérite une sanction; considérant que si le droit à la liberté d’expression est certain, il n’est pas sans limite et ne peut s’exercer qu’à la condition de ne pas porter atteinte au droit au respect de la vie privée, c’est-à- dire « au droit pour une personne d’être libre de mener sa propre existence comme elle l’entend, avec le minimum d’ingérences extérieures »; que c’est ainsi que doivent en particulier être mis à l’abri de toute atteinte: « le droit au nom, à l’image, à la voix, à l’intimité, à l’honneur et à la réputation, à l’oubli et à sa propre biographie »; que la liberté de la presse et le droit au public à l’information qui en est le corollaire ne sauraient justifier, même pour satisfaire une clientèle de plus en plus avide d’informations sensationnelles ou dans un esprit de lucre, des atteintes de plus en plus fréquentes au droit de chacun à la paix et à la tranquillité; Considérant qu’en l’espèce l’article agrémenté des photographies, paru dans l’hebdomadaire France Dimanche numéro 1070 du 21 février 1967, édité par la Société France-éditions et publications et dont un exemplaire a été régulièrement versé aux débats, comporte dans les passages principaux visés dans le jugement dont l’appel, la révélation du domicile de A B du numéro de la rue, de l’étage, de la situation de l’immeuble, du nom patronyme de l’artiste, de son numéro de téléphone, de la localité où se trouve sa maison de campagne; que cette révélation constitue une immixtion d’autant plus inopportune dans la vie privée des époux X que l’auteur de l’article incriminé reconnaît que ceux-ci « se cachent bien » et qu’ils mènent une vie simple, se refusant de se conduire « comme les autres chanteurs arrivés »; Considérant que c’est fort justement que les premiers juges ont fait observer qu’il importait peu que certains renseignements ou clichés eussent antérieurement été divulgués dans la presse, même avec l’accord de l’intéressé, dès lors que la Société France-éditions et publications ne justifiait pas avoir obtenu de lui une autorisation expresse et spéciale pour faire paraître l’article litigieux dans le numéro 1070 de France Dimanche; que ce n’est pas en effet, parce que A B avait autorisé expressément ou tacitement les publications antérieures qu’il avait, ce faisant, renoncé au droit de s’opposer à toute divulgation ultérieure; Considérant qu’il a été aussi justement fait observer par le tribunal que l’article litigieux fournissait sur la vie privée des époux X un certain nombre d’informations absentes des articles antérieurement publiés; Considérant qu’une atteinte manifeste ayant en définitive été portée au droit des époux X au respect de leur vie privée et cette atteinte leur ayant été préjudiciable, ainsi qu’ils en justifient par la production de documents régulièrement versés aux débats, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la Société France éditions et publications; qu’il échec cependant, au vu des éléments d’appréciation soumis à la cour, de réduire de 10 000 à 5000 F le montant des dommages-intérêts dus aux susnommés, en réparation de leur préjudice consécutif à la publication de l’article incriminé; qu’il convient en ouvre de condamner ladite société faire publier à ses frais dans les journaux suivants: 1. France-Dimanche, 2. Le Monde; Considérant en qu’il n’y a pas lieu de donner aux époux X l’acte par eux requis; qu’il leur appartiendra d’utiliser comme ils l’entendront le montant des dommages-dommages-intérêts à eux alloués par la présente décision; Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, reçoit en son appel principal la Société France-éditions et publications; l’y dit partiellement bien fondé et y fait partiellement droit; reçoit les époux X en leur appel incident; les y dit mal fondés et les en déboute; confirme le
jugement entrepris en tant qu’il a retenu la responsabilité de la Société France-éditions et publications, mais l’étendant en ce qui concerne les dommages-intérêts, condamne ladite société à payer aux époux X à titre de dommages-intérêts la somme de 5000 F; la condamne en outre à faire publier à ses frais dans les journaux suivants: 1. France Dimanche; 2. Le Monde, le présent arrêt à concurrence de 3000 F par publication; dit n’y avoir lieu de donner aux époux X l’acte par eux sollicité; … et vu les circonstances, condamne la société France- éditions et publications aux dépens d’appel, principal et incident.

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