Cour d'appel de Paris, 17 octobre 1983, n° 9999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 17 oct. 1983, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

COUR DE PARIS (4 CH.), 17 octobre 1983 Sté S.E.I.T.A.

La Cour,

Statuant sur le recours formé le 6 mai 1983 par la Société Nationale d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes dite S.E.I.T.A. et rectifié le 27 mai 1983 en annulation de la décision du 7 avril 1983 du Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle rejetant le dépôt de la marque Royale effectué le 1er avril 1981 sous le n° 592 824.

Faits et procédure

La S.E.I.T.A. a déposé le 1er avril 1981 à l’Institut National de la Propriété Industrielle la marque complexe constituée de la dénomination Royale et d’une figurine représentant un navire à voiles pour désigner l’ensemble des produits des classes 9, 12, 16, 18, 25 et 28;

Il est constant que lors de ce dépôt la S.E.I.T.A. était titulaire d’une marque identique pour les produits du tabac (classe 34) et utilisait cette marque pour désigner des cigarettes qu’elle commercialisait ;

Le 4 juin 1981, le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle notifiait à la S.E.I.T.A. le rejet provisoire de la marque déposée le 1er avril 1981 au motif que l’utilisation de cette marque Royale serait contraire à l’ordre public en ce qu’elle contreviendrait aux dispositions de l’article 4 de la loi n° 76 616 du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme, interdisant la distribution d’objets d’usage ou de consommation courante, autres que les objets servant directement à la consommation du tabac ou des produits du tabac s’ils portent le nom ou la marque d’un commerçant du tabac ou de produits du tabac;

Puis, par décision du 7 avril 1983 du Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle le dépôt de la marque litigieuse était définitivement rejeté au motif qu’à défaut d’objection formulée dans le délai prescrit en réponse à la notification de refus provisoire, il convenait d’en confirmer les termes ;

Discussion

Considérant que le recours présenté par la S.E.I.T.A. est recevable en la forme comme introduit dans le délai prévu ;

Considérant au fond que la requérant oppose six arguments à la décision de refus du dépôt de la marque ;


1. Considérant qu’elle soutient que le rejet contrevient aux dispositions de l’article 7 de la Convention de Paris selon lequel la nature du produit où la marque doit être apposée ne peut en aucun cas faire obstacle à l’enregistrement de la marque ;

Mais considérant que cet argument ne peut être retenu ;

Considérant en effet que l’article 7 de la Convention d’Union de Paris ne peut être interprété comme prohibant par l’appréciation de la validité d’une marque toute référence à la nature du produit que cette marque doit désigner, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 qui dispose notamment que ne peuvent être admis comme marques les signes constitués exclusivement de la désignation nécessaire ou générique de ces produits ou de termes indiquant leur composition ou leur qualité essentielle ;

Considérant que cet article 7 de la Convention de Paris a seulement pour objet de rendre la protection de la marque indépendante de la question de savoir si les produits auxquels s’appliquerait cette protection peuvent ou non être vendus dans le pays où ladite protection est demandée; que cet article 7 permet ainsi l’enregistrement de la marque pour un article dont la commercialisation n’est pas autorisée ou est limitée en raison de la réglementation en cours, le déposant pouvant de la sorte garantir ses droits dans l’éventualité où cette vente serait autorisée par la suite ;

Or considérant que ledit article 7 ne peut trouver son application en l’espèce où la marque litigieuse a été déposée pour désigner des produits dont la commercialisation n’est pas interdite en France ;

2. Considérant que la S.E.I.T.A. fait valoir que l’interdiction de l’article ada la loi du 9 juillet 1976 vise uniquement l’offre, la remise ou la distribution des objets marqués et non l’enregistrement de la marque qui ne peut en lui-même être assimilé à une offre de produit et encore moins à sa remise ou sa distribution:

Mais considérant que cet argument n’est pas pertinent; qu’en effet, l’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 dispose que ne peuvent être admis comme marques les signes dont «l’utilisation » serait contraire à l’ordre public; qu’il en résulte que le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle est en droit de refuser une demande d’enregistrement portant sur un signe qui n’est pas en soi contraire à l’ordre public mais dont l’utilisation par offre, remise ou dis tribution de l’objet marqué serait susceptible de l’être en vertu de l’article 4 de la loi du 9 juillet 1976;

3. Considérant que la requérante allègue que cet article 4 ne vise pas en son alinéa 1 l’ensemble des produits autres que ceux servant directement à la consommation du tabac, mais uniquement les objets d’usage ou de consommation courants, qu’il en résulterait que le législateur aurait entendu interdire uni quement toute publicité pour des produits de tabac réalisée au moyen d’objets publicitaires autres que ceux servant directement à la consommation


de tabac et non prohiber de manière générale tout usage d’un signe à titre de marque, dès lors que ce signe serait utilisé également à titre de marque pour désigner un produit de tabac; que les dispositions regroupées par la loi du 9 juillet 1976 en son titre I intitulé «Dispositions relatives à la propagande et à la publicité» ne pourraient recevoir application qu’à condition que les faits incriminés puissent s’analyser en une propagande pour le tabac ou une publicité pour les produits du tabac et qu’à partir du moment où il est établi que la marque est utilisée pour identifier le produit lui-même et non dans un but publicitaire en faveur des produits au l’interdiction ne pourrait jouer;

Mais considérant que cette argumentation ne peut être admise en l’espèce;

Considérant d’abord que la S.E.I.T.A. a déposé la marque litigieuse pour désigner non tel ou tel produit déterminé mais, à de rares exceptions près, l’ensemble des produits appartenant aux classes 9, 12, 16, 18, 25 et 28; qu’il apparaît ainsi que dans ces différentes classes, la marque est destinée à couvrir des produits d’usage et de consommation courants;

Considérant ensuite que l’article 4 § 1er de la loi du 9 juillet 1976 interdit toute distribution de produits d’usage ou de consommation courants (autres que ceux servant à la consommation du tabac) portant la marque d’un tabac ou de produits de tabac, que cette distribution soit faite à titre gratuit ou onéreux et quelle que soit la valeur marchande du produit distribué, qui résulte que la portée de cet article n’est pas limitée aux seuls objets publicitaires;

Considérant en effet que l’apposition sur les objets distribués de la marqu. produit de tabac est susceptible de constituer par le fait même une puu faveur de ce produit et qu’il en est notamment ainsi en l’espèce ou la marque Royale déposée précédemment par la S.E.I.T.A. pour désigner des prou tabac était exploitée de façon importante pour la vente de cigarettes,

Considérant en outre que l’Institut National de la Propriété Industrielle ne pouvait apprécier la marque litigieuse que telle qu’elle était déposée et n’avait pas la possibilité de rechercher quelles étaient les intentions de la déposante dans l’utilisation éventuelle de sa marque ;

Considérant que la requérante ne peut non plus alléguer que l’alinéa 2 de l’article 4 ayant excepté de l’interdiction formulée par l’alinéa 1er les produits portant la marque d’un commerçant du tabac qui étaient commercialisés avant le 1er avril 1976, il en résulterait que les produits appartenant aux mêmes catégories seraient présumés ne pas servir de support publicitaire en faveur du tabac; qu’en effet, cette exception n’a comme objet que de préserver les droits acquis avant la loi sur la répression du tabagisme ;

4. Considérant que la S.E.I.T.A. soutient que le texte de l’article 4 § 1er de la loi du 9 juillet 1976 viole la règle fondamentale de la spécialité de la marque au motif que la marque litigieuse ayant été déposée le 1er avril 1981 pour désigner les produits des classes 9, 12, 16, 18, 25 et 28 n’est pas en vertu de cette règle la marque qui avait été déposée précédemment pour désigner les produits de tabac, qu’elle lui est seulement identique par ses signes, que la requérante fait


valoir que cet article 4 n’indique pas que ses dispositions sont prises par dérogation de ce principe de la spécialité mais y fait au contraire application en ce qu’il vise en son premier alinéa la marque d’un produit de tabac et en son second alinéa la marque identique à un produit de tabac ;

Mais considérant que cet argument ne peut être retenu, qu’en effet le but de l’article 4 est de répondre à un objectif de protection de la santé publique, que la règle de la spécialité de la marque qui elle, répond à des préoccupations de droit privé, se trouve ainsi sans application en l’espèce ;

5. Considérant que la requérante allègue que l’application de l’article 4 de la loi du 9 juillet 1976 dans l’interprétation qu’en donne l’Institut National de la Propriété Industrielle aboutirait à des conséquences iniques et intolérables, qu’en effet, ces dispositions auraient pour effet de conférer aux titulaires de marques de tabac le privilège exorbitant d’étendre le domaine de protection de leurs marques à l’ensemble des produits et celui encore plus exorbitant de pouvoir rendre illégal l’usage de marques même antérieur à celui de leurs marques par le simple usage de celles-ci; qu’en outre cet article 4 interdisant également l’offre, la remise ou la distribution d’objets portant le nom d’un producteur, fabricant ou distributeur de tabac, il en résulterait en raison du grand nombre de ces derniers l’interdiction à une très large fraction de la population française de faire le commerce sous son nom et d’exercer une activité dans les domaines où le nom du producteur ou du fabricant doit obligatoirement figurer sur le produit ;

Mais considérant que cet argument est inopérant en l’espèce ;

Considérant d’abord qu’il y a lieu de relever que le présent litige ne concerne que le dépôt par la S.E.I.T.A. d’une marque, postérieurement à une marque identique désignant des produits de tabac et à l’exploitation de celle-ci par cette société ;

Considérant ensuite qu’il ne s’agit nullement d’étendre la protection d’une marque de tabac à l’ensemble des autres produits mais au contraire d’interdire la protection de ces autres produits par une marque identique ;

Considérant enfin qu’en tout état de cause l’interdiction de la distribution d’objets d’usage ou de consommation courants, autres que ceux servant directe. ment à la consommation du tabac, sous la marque (ou le nom) d’un commerçant du tabac est clairement prévue par l’article 4 § 1er de la loi du 9 juillet 1976, que le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle en refusant l’enregistrement de la marque litigieuse ne pouvait donc qu’appliquer cette interdiction quelles que puissent en être les conséquences éventuelles ;

6. Considérant que la requérante soutient enfin que l’interprétation donnée par l’Institut National de la Propriété Industrielle de l’article 4 § 1er aboutirait à vider pratiquement de tout sens l’article 3 de la même loi qui ne trouverait plus à s’appliquer que dans le cas tout à fait particulier des objets servant directement à la consommation du tabac ou des produits du tabac ;



Mais considérant que cet argument ne peut être retenu, qu’en effet, cet article 3 n’interdit pas seulement comme l’article 4 la remise d’objets portant la marque ou le nom d’un produit de tabac ou de ses fabricants ou commerçants mais prohibe de façon générale toute propagande ou publicité pour des objets autres que le tabac ou les produits du tabac qui constitue une propagande ou publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac ou de ses produits ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le rejet par le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle de la marque déposée par S.E.I.T.A. le 1er avril 1981 ne se heurte ni à l’esprit ni à la lettre de la loi du 9 juillet 1976 et n’est pas contraire au principe suivant lequel une loi pénale doit être interprétée restrictivement ;

Considérant qu’il s’ensuit que le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle a été bien fondé en sa décision de rejet et que la S.E.I.T.A. doit donc être déboutée de son recours en annulation de cette décision ;

Par ces motifs :

En la forme : reçoit la société Nationale d’Exploitation Industrielle des tabacs et Allumettes en son recours du 6 mar 1983 ;

Au fond : La déboute de ce recours en annulation de la décision du Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle qui a rejeté le dépôt de la marque Royale effectué le 1er avril 1981 sous le n°592 824 ;

Dit que le Greffier de cette Cour devra dans les huit jours notifier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le présent arrêt tant à la société Nationale d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes qu’au Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle.

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