Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 7 avril 1995

  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Reproduction des caracteristiques essentielles·
  • Obligation de vérification et de vigilance·
  • Renseignements et precautions insuffisants·
  • Existence de deux filieres de contrefaçon·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Preuve non rapportée par les defendeurs·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Appréciation selon les ressemblances·
  • Autres appels en garantie non fondes

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 7 avr. 1995
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 2 JUILLET 1992
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19950042
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Société VIVELOTTE qui exploite la marque ERES soutient qu’elle est titulaire des droits de création et d’exploitation d’un dessin de tissu référencé « TOURNESOL » pour l’avoir acquis de ses auteurs, Irène H L et Delia C en janvier 1989. Ce dessin a été utilisé par elle pour réaliser une collection de vêtements de plage, laquelle a été déposé entre les mains de M G, huissier, le 13 juillet 1989. Prétendant que des vêtements reproduisant ce même dessin étaient commercialisés par la Sté PRISUNIC, la Société VIVELOTTE a fait pratiquer une saisie contrefaçon dans le magasin exploité par cette Sté, sis […]. La Société VIVELOTTE a appris par la suite que ces vêtements avaient été fournis par la Société BEM’S, réalisé par la Sté JDH TEXTILES ci-après JDH et imprimés par la Société IMPRESSION DES IRIS. La Société VIVELOTTE ayant également appris que la Sté ATH diffusait des vêtements sous l’enseigne « RENATO BENE » dans un tissu qui selon elle reproduirait son dessin a fait pratiquer une saisie contrefaçon le 16 juin 1991 dans les locaux de cette société. Cette saisie a révélé que ce tissu avait été fourni par JDH. C’est dans ces conditions que la Société VIVELOTTE a assigné ces différentes sociétés en contrefaçon et concurrence déloyale. Le jugement déféré a :

-Dit que Société VIVELOTTE était titulaire des droits de reproduction d’un dessin de tournesol pour les avoir acquis de ces deux co-auteurs, Irène H L et Delia C.

-Dit que la Société IMPRESSION DES IRIS, en fabriquant et en commercialisant un tissu représentant des fleurs de tournesol, JDH en le commercialisant et en l’utilisant pour fabriquer des vêtements et les Stés BEM’S, ATH et PRISUNIC en vendant ces vêtements, sans l’autorisation de la Société VIVELOTTE, ont commis vis-à-vis de la Société VIVELOTTE des actes de contrefaçon et ont porté atteinte au droit moral de Mesdames H et C.

-Fixé le montant de la créance de la Société VIVELOTTE à l’égard de la Société IMPRESSION DES IRIS en redressement judiciaire, à laquelle celle-ci sera tenue in solidum avec ses co-défendeurs à deux fois 100000F et celui de Mesdames H L et C à deux fois 40000F, chacune.

-Condamné in solidum PRISUNIC, la Société BEM’S, et JDH, à payer à titre de dommages -intérêts 100000F à la Société VIVELOTTE, 40000F à Madame HARRINGTON L et 40000F à Madame C.

-Condamné in solidum ATH et JDH à payer à titre de dommages-intérêts 100000F à la Société VIVELOTTE, 40000F à Madame HARRINGTON L et 40000F à Madame C.

— Condamné sous la même solidarité les 5 cinq sociétés défenderesses à payer à la Société VIVELOTTE, à Madame HARRINGTON L et à Madame C la somme de 10000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

-Prononcé des mesures d’interdiction, de confiscation, de destruction et de publication.

-Condamné la Société BEM’S à garantir PRISUNIC du montant des condamnation mises à sa charge.

-Rejeté les autres demandes. JDH, la Société BEM’S et ATH ont relevé appel de cette décision. JDH qui conclut au débouté des demandes dirigées contre elle, estime que Mesdames H L et C ne rapportent pas la preuve de la création par elles, en janvier 1989, du dessin prétendument contrefait et subsidiairement de la cession de droits dudit dessin au profit de la Société VIVELOTTE. Elle soutient encore que le dessin litigieux, faute d’originalité suffisante et de nouveauté, est retombé dans le domaine public. Subsidiairement elle fait valoir l’absence de copie servile, de faute distincte de la contrefaçon, et de préjudice moral des créatrices du dessin. Plus subsidiairement encore JDH demande de fixer sa créance à l’encontre de la Société IMPRESSION DES IRIS, qu’elle appelle en garantie, à 50000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. Elle sollicite enfin de condamner les demanderesses à lui payer les sommes de 20000F de dommages-intérêts et la somme de 20000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. ATH qui reprend la même argumentation que JDH conclut à l’irrecevabilité et au débouté des demandes dirigées contre elle. Elle sollicite la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 50000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. Subsidiairement et pour le cas où l’action serait déclarée recevable elle conclut à sa mise hors de cause et demande la garantie de JDH, en sa qualité de fournisseur du tissu litigieux. Dans cette hypothèse elle sollicite la condamnation de JDH à lui payer la somme de 50000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC, ainsi qu’aux dépens. La Société BEM’S, reprend l’argumentation précédemment exposée. Elle fait valoir que sa bonne foi est présumée et en tant que de besoin démontrée. Elle conclut à la nullité de la saisie pratiquée le 10 juin 1991, dans les locaux de la Société BEM’S, à la restitution des vêtements et documents commerciaux saisis et au débouté des demandes de la Société VIVELOTTE notamment en solidarité. La Société BEM’S sollicite la condamnation des demanderesses à lui payer les sommes de 100000F de dommages-intérêts et la somme de 30000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. Subsidiairement elle demande la garantie de JDH. Dans cette hypothèse elle sollicite la condamnation de JDH à lui payer une somme de 30000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

PRISUNIC reprend les argumentations précédentes et demande la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 30000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. Subsidiairement, elle sollicite la garantie de la Société BEM’S. M N, ès qualités de Commissaire à l’exécution du plan de la Société IMPRESSION DES IRIS reprend les argumentations précédentes au soutien de sa demande de mise hors de cause et fait valoir sa bonne foi. Il sollicite la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 10000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. La Société VIVELOTTE, ainsi que les créatrices du dessin concluent à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts. Elles demandent de condamner in solidum PRISUNIC, la Société BEM’S, JDH et ATH à payer :

-à Mesdames H L et C, chacune la somme de 300000F à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon et atteinte au droit moral.

-à la Société VIVELOTTE la somme de 2000000F à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale.

- à chacune d’entre elles la somme de 50000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC. Les intimées demandent de fixer la créance de chacune d’elles à l’égard de la Société IMPRESSION DES IRIS aux montants ci-dessus indiqués, ajoutant que la Société IMPRESSION DES IRIS sera tenue in solidum avec les autres défendeurs. Elles demandent enfin l’organisation d’une expertise comptable.

DECISION I – SUR LA RECEVABILITE A AGIR Considérant que les intimées soutiennent qu’Irène H L, principale animatrice de la Société VIVELOTTE, en sa qualité de styliste, et Madame C ont procédé à la création d’un dessin de tissu référencé « Tournesol », en janvier 1989, ledit dessin devant être apposé sur des tissus destinés à la réalisation de toute une ligne de vêtements de plage ; que les auteurs de ce dessin auraient cédé leurs droits à la Société VIVELOTTE qui les a commercialisés, dès le mois de septembre 1989, que l’intégralité de la collection a fait l’objet d’un dépôt entre les mains de M G, huissier, le 13 juillet 1989 ; Considérant que la Société BEM’S fait valoir que les 4 « déclarations » ou « cessions de droits d’auteur » versées aux débats, et manifestement établies pour les besoins de la cause ne sont pas admissibles d’une part parce que ces documents sont délivrés par les demandeurs à eux-mêmes et d’autre part « parce que le dessin objet du document n’y est pas annexé comme annoncé sur les 3 documents prétendus d’époque d’entre eux, le quatrième, étant la reproduction industrielle sur tissus et non du dessin d’origine, document daté du 26 mai 1992 et donc sans intérêt » ; que la Société BEM’S s’étonne ensuite "de voir deux documents différents par leur présentation, mais portant le même

nom de Madame HARRINGTON L, le même texte censé correspondre à une cession de droits sur le dessin de tournesol, et la même date du 12 juillet 1989, curieusement la veille du dépôt chez l’huissier, à la requête de la Société VIVELOTTE" ; Considérant qu’il ne résulte pas des pièces versées aux débats et notamment des attestations et du PV de M G sus-visés la preuve de la création du dessin litigieux puis de sa cession ; qu’en effet les attestations produites qui émanent des demanderesses elles- mêmes ne sont corroborées par aucun autre document, que surtout aucun dessin du « tournesol » dont la protection est revendiquée n’y est annexé ; qu’il s’ensuit que Mesdames H L et C sont irrecevables à agir ; qu’elles seront déboutées de leurs demandes ; Considérant cependant que la Société VIVELOTTE justifie par les factures qu’elle verse aux débats, qu’elle exploitait commercialement en septembre 1989 le modèle litigieux ; qu’en l’absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé le modèle, ces actes de possession étaient de nature à faire présumer, à l’égard des tiers contrefacteurs, que la Société VIVELOTTE était titulaire d’éventuels droits de propriété incorporelle de l’auteur, quelle que fut la qualification de l’oeuvre ; qu’il s’ensuit que la Société VIVELOTTE est recevable à agir en contrefaçon et concurrence déloyale ; II – SUR L’ORIGINALITE DU MODELE Considérant qu’au soutien de leur appel les défenderesses font valoir :

-que le dessin contrefaisant serait inspiré directement des Tournesols de Van GOGH ;

-qu’on ne peut prétendre avoir un monopole sur les dessins de fleurs ;

-que la forme du pétale ne serait pas convaincante si l’on se réfère aux antériorités provenant du musée du textile ou de l’ouvrage de M. G sur Van GOGH ;

-que la forme stylisée du pétale ne saurait lui conférer un caractère nouveau et original ; Considérant cependant que comme les 1 juges l’ont noté, le dessin revendiqué diffère des fleurs composant le bouquet de VAN GOGH ainsi que du dessin du Musée du Textile Lyonnais ; Considérant que la taille des tournesols, la composition de leurs pétales et leur disposition entre eux reflètent un effort créatif et témoignent de la personnalité de leur auteur ; qu’il s’agit donc d’une oeuvre protégeable ; III – SUR LA CONTREFACON Considérant qu’à juste titre les 1 juges ont estimé que la jupe et le chemisier saisis lors des opérations de saisie contrefaçon au magasin PRISUNIC reproduisait d’une façon identique le tournesol de la Société VIVELOTTE ; qu’il importe peu que le dessin contrefaisant diffère du dessin original par les couleurs employées et par le graphisme, la contrefaçon s’appréciant par les ressemblances et étant constituée dès lors que les caractéristiques essentielles de l’oeuvre protégée sont reproduites ;

Considérant que ces articles ont été fournis à PRISUNIC par la Société BEM’S, laquelle s’est fournie en tissu auprès de JDH, qui l’a acheté à la Société IMPRESSION DES IRIS ; que la saisie contrefaçon effectuée dans les locaux de ATH a établi que cette dernière commercialisait des pantalons et des jupes dans le tissu représentant les tournesols litigieux ; que ce tissu provient de JDH et a été imprimé par la Société IMPRESSION DES IRIS ; Considérant qu’il appartient aux défendeurs auxquels est imputée l’atteinte aux droits privatifs incriminée, d’établir, qu’aucune faute, même de simple imprudence, ne peut être mise à leur charge ; qu’en l’espèce une telle preuve n’est pas rapportée par JDH ATH et la Société BEM’S ; qu’en ce qui concerne PRISUNIC, qui possède un service juridique, cette société a commis une faute d’imprudence en ne prenant pas suffisamment de renseignements et de précautions avant d’offrir à la vente les articles contrefaisants ; que les agissements de ces quatre sociétés constituent des actes de contrefaçon à l’égard de la Société VIVELOTTE ; Considérant que la Société IMPRESSION DES IRIS verse aux débats une lettre que lui a adressée la Sté KSB du 12 mars 1991, dont il résulte que ce n’est pas la Société IMPRESSION DES IRIS qui a crée le motif incriminé mais cette société KSB, la Société IMPRESSION DES IRIS s’étant contentée de l’imprimer ; qu’aucune faute même d’imprudence ne peut être reprochée à la Société IMPRESSION DES IRIS qui sera mise hors de cause ; Considérant qu’en équité il ne sera pas alloué à M N ès-qualités une somme sur le fondement de l’article 700 du NCPC ; IV – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que la Société VIVELOTTE ne justifie d’aucun fait distinct de la contrefaçon ; qu’elle sera déboutée de sa demande en concurrence déloyale ; V – SUR LE PREJUDICE Considérant que seront confirmées les mesures de confiscation, de destruction, d’interdiction et de publication, étant précisé pour ces dernières qu’elles feront mention du présent arrêt ; Considérant que la preuve n’est pas par ailleurs rapportée de l’insuffisance prétendue de la réparation accordée au titre de la contrefaçon, que la Société VIVELOTTE sera donc déboutée de son appel incident et le jugement confirmé de ce chef, sans qu’il y ait lieu à commettre un expert comptable ; que ces condamnations pécuniaires tiendront compte tant de la mise hors de cause de la Société IMPRESSION DES IRIS que du débouté des deux créatrices du modèle ; qu’elles tiendront également compte de l’existence de deux filières de contrefaçon comme l’ont fait à juste titre les 1 juges qui ont partagé les condamnations prononcées in solidum ;

Considérant qu’en équité, il sera alloué à la Société VIVELOTTE une somme de 25000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC, 1 instance et appel confondus ; VI – SUR LES DEMANDES EN GARANTIE Considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les 1 juges ont retenu la demande en garantie formulée par PRISUNIC uniquement à l’égard de la Société BEM’S, et débouté JDH ATH et la Société BEM’S de leurs demandes ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des 1 juges ; REFORME le jugement déféré en ce qui concerne Mesdames H L et C lesquelles irrecevables à agir seront déboutées de leurs demandes, et la Société IMPRESSION DES IRIS qui sera mise hors de cause ; le CONFIRME pour le surplus ; le PRECISANT : dit que les mesures de publication tiendront compte du présent arrêt ; REJETTE le surplus des demandes des parties ; CONDAMNE in solidum la Sté JDH TEXTILES, la Sté ATH, la Société BEM’S, et la Sté PRISUNIC à payer à la Société VIVELOTTE une somme de 25000F sur le fondement de l’article 700 du NCPC, 1 instance et appel confondus ; les CONDAMNE sous la même solidarité aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du NCPC par les avoués de la cause.

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