Cour d'appel de Paris, du 5 novembre 1999, 1999/04907

  • Détournement de fonds publics ou privés·
  • Atteinte à l'autorité de l'État·
  • Manquement au devoir de probité·
  • Éléments constitutifs·
  • Cabinet·
  • Détournement de fond·
  • Collaborateur·
  • Code pénal·
  • Conseil·
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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Lorsqu’il est établi qu’un président de conseil général, ordonnateur principal des dépenses du département, a reçu mission de gérer les fonds affectés au fonctionnement de celui-ci et qu’il a fait transmettre à la pairie départementale des documents faux accompagnant des ordres de paiement, celui-ci doit être considéré comme ayant disposé des fonds publics et, par leur utilisation à des dépenses étrangères à leur objet, avoir sciemment détourné ces fonds

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 nov. 1999, n° 99/04907
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 1999/04907
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évry, 11 mai 1998
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006935500
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Sur les parties

Texte intégral

DOSSIER N 98/04907- ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 1999 Pièce à conviction :

Consignation P.C. :

COUR D’APPEL DE PARIS

9ème Chambre, section B

(N , pages) Prononcé publiquement le VENDREDI 5 NOVEMBRE 1999, par la 9ème Chambre des Appels Correctionnels, section B, Sur appel d’un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EVRY – 61EME CHAMBRE du 12 MAI 1998, (E9516502550). PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X…

Y…, né le 27 Mars 1947 à NEUILLY SUR SEINE (92), fils de X… Roger et de PRELAT Jeanne, de nationalité francaise, marié demeurant 243 rue P.V. Couturier – 94130 ALFORTVILLE Prévenu, appelant, libre, comparant, absent au prononcé de l’arrêt Assisté de Maître VARAUT Alexandre, avocat au barreau de PARIS qui a déposé des conclusions visées par le Président et le Greffier. Z…

A… épouse X…, née le 25 Avril 1951 à LONS LE SAUNIER (39), fille de Z… Maurice et de ROMANET Marie Monique, de nationalité francaise, mariée demeurant 243 rue P.V. Couturier – 94130 ALFORTVILLE Prévenue, appelante, libre, comparante absente au prononcé de l’arrêt Assistée de Maître VARAUT Jean-Marc, avocat au barreau de PARIS qui a déposé des conclusions visées par le Président et le Greffier. LE MINISTÈRE PUBLIC Appelant, COMPOSITION DE LA COUR,lors des débats, du délibéré et du prononcé de l’arrêt : Président :Mme THIN, Conseillers:M. B…, M. REMENIERAS GREFFIER : Madame C… aux débats et au prononcé de l’arrêt. MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l’arrêt par Monsieur D…, Avocat Général. RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LA PREVENTION : X…

Y…

Z…

A… épouse X… ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, par ordonnance en date du 19 novembre 1997 de l’un des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’Evry pour :

— a) affaire enregistrée sous le n 9516502550 :

Y…

X… : . d’avoir dans le département de l’Essonne, du 01 mars 1993 au 28 février 1994, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en sa qualité de mandataire de la collectivité territoriale de l’ESSONNE, détourné des fonds qui lui avait été remis pour l’exercice de son mandat de président du conseil général de l’ESSONNE en n’utilisant pas ces fonds conformément à l’intérêt de la personne morale qu’il représentait, en l’espèce en versant à son épouse une rémunération sans contrepartie de « service fait » avec cette circonstance qu’il était au moment des faits officier public ou ministériel, . d’avoir dans le département de l’Essonne, du 01 mars 1994 au 31 décembre 1995, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit en sa qualité de président du conseil général de l’Essonne détourné des fonds publics qui lui ont été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, en l’espèce, en versant à son épouse une rémunération sans contrepartie de « service fait », A…

Z… : . d’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, sciemment recelé les fonds qu’elle savait provenir des délits d’abus de confiance et de détournement de fonds publics commis par son mari, Y…

X…, Président du conseil général de l’Essonne, personne dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public, au préjudice de la collectivité territoriale de l’Essonne.

— b) affaire enregistrée sous le n 9633220013 :

Y…

X… : . d’avoir à EVRY, courant 1994 et 1995 et en tout cas depuis temps non prescrit, falsifié des ordres de mission, documents délivrés par une administration publique en vue de constater un droit, une identité, une qualité ou d’accorder une autorisation et ce au préjudice du conseil général de l’Essonne, et de Mmes E…, F…, PLU-FERRAND, AMIARD, LEBRUN, MAINTIER avec cette circonstance que les faits ont

été commis à titre habituel, . d’avoir à EVRY, courant 1994 et 1995 et en tout cas depuis temps non prescrit et en tout cas sur le territoire national étant dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public en l’espèce président du conseil général de l’Essonne, détourné des fonds publics ou privés ou effets, pièces ou titre en tenant lieu, en l’espèce en faisant supporter indûment au conseil général de l’Essonne, 200.000 Frs de billets d’avion, de frais de location de voiture,

— affaire enregistrée sous le n 9804420003 :

Y…

X… : . d’avoir à EVRY et en tout cas sur le territoire national, du 25 avril 1994 au 9 juin 1995 et en tout cas depuis temps non prescrit étant dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public ou investi d’un mandat électif public, en l’espèce président du conseil général de l’Essonne, pris, reçu ou conservé directement un intérêt quelconque dans une entreprise ou opération dont il a eu au moment de l’acte en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement et ce en signant le 3 mai 1994 un contrat d’engagement de collaborateur de cabinet du président du conseil général avec Mme G… et en conservant cette personne en fonction jusqu’au 9 juin 1995 alors que Mme G… n’a pas exercé de fonctions au bénéfice du conseil général de l’Essonne mais a été employée à son service personnel à titre privé.

LE JUGEMENT : Le tribunal, par jugement contradictoire,

— a ordonné la jonction des procédures 9804420003, 9633220013 et 9516502550,

— a déclaré X…

Y… coupable d’ABUS DE CONFIANCE, du 1 mars 1993 au 28 février 1994, dans l’ESSONNE, infraction prévue par l’article 314-1 du Code pénal et réprimée par les articles 314-1 AL.2, 314-10 du Code pénal coupable de FAUX DANS UN DOCUMENT

ADMINISTRATIF COMMIS DE MANIERE HABITUELLE, de 1994 à février 1995, à EVRY, infraction prévue par les articles 441-2 AL.3 2 ,AL.1, 441-1 AL.1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-2 AL.3, 441-10, 441-11 du Code pénal coupable d’INGERENCE DE DEPOSITAIRE DE L’AUTORITE DANS UNE AFFAIRE QU’IL ADMINISTRE OU QU’IL SURVEILLE, du 25 avril 1994 au 9 juin 1995, à EVRY, infraction prévue par l’article 432-12 du Code pénal et réprimée par les articles 432-12 AL.1, 432-17 du Code pénal coupable de DETOURNEMENT DE FONDS OU ACCEPTATION D’AVANTAGES PAR DEPOSITAIRE DE L’AUTORITE PUBLIQUE, du 1 mars 1994 au 31 décembre 1995, dans l’ESSONNE, infraction prévue par l’article 432-15 AL.1 du Code pénal et réprimée par les articles 432-15 AL.1, 432-17 du Code pénal coupable de DETOURNEMENT DE FONDS OU ACCEPTATION D’AVANTAGES PAR DEPOSITAIRE DE L’AUTORITE PUBLIQUE, de 1994 à 1995,dans l’ESSONNE, infraction prévue par l’article 432-15 AL.1 du Code pénal et réprimée par les articles 432-15 AL.1, 432-17 du Code pénal Z…

A… épouse X… coupable de RECEL D’OBJET OBTENU A L’AIDE D’UN ABUS DE CONFIANCE, du 1 mars 1993 au 28 février 1994, dans l’ESSONNE, infraction prévue par les articles 321-1 AL.1,AL.2, 314-1 du Code pénal et réprimée par les articles 321-1 AL.3, 321-3, 321-9, 321-10 du Code pénal

coupable de RECEL DE DETOURNEMENT DE FONDS PUBLICS, du 1er mars 1994 au 31 décembre 1995 dans l’ESSONNE, infraction prévue par les articles 321-1 AL.1,AL.2, 314-1 du Code pénal et réprimée par les articles 321-1 AL.3, 321-3, 321-9, 321-10 du Code pénal Et par application de ces articles, a condamné – X…

Y… à 18 mois d’emprisonnement avec sursis, 300 000 Frs d’amende, a prononcé à son encontre la privation pour une durée de 2 ans pour partie des droits civiques, civils et de familles : le droit de vote, l’éligibilité – l’inégibilité emportant l’interdiction ou incapacité d’exercer une fonction publique, et a ordonné la confiscation des scellés. Z…

A… épouse X… à 300 000 Frs d’amende et a ordonné la confiscation des scellés, LES APPELS : Appel a été interjeté par :

Monsieur X…

Y…, le 19 Mai 1998 M. le Procureur de la République, le 20 Mai 1998 contre Monsieur X…

Y… Madame Z…

A…, le 22 Mai 1998 M. le Procureur de la République, le 22 Mai 1998 contre Madame Z…

A… DÉROULEMENT DES H… : A l’audience publique du 24 septembre 1999, Mme le Président a constaté l’identité des prévenus. Ont été entendus : Madame le Président THIN en son rapport ; X…

Y… et Z…

A… épouse X… en leurs interrogatoires et moyens de défense ; Maître Jean Marc VARAUT, avocat de Mme Z… épouse X… en sa plaidoirie ; Maître Alexandre VARAUT, avocat de M. X…, en sa plaidoirie ; Monsieur D…, Avocat Général, en ses réquisitions ; X…

Y…

Z…

A… épouse X…, à nouveau, qui ont eu la parole en dernier. Mme le Président a ensuite déclaré que l’arrêt serait prononcé le 5 NOVEMBRE 1999. DÉCISION : Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme,

Considérant que M. Y…

X… et Mme A…

Z… épouse X…, ainsi que le ministère public ont régulièrement interjeté appel des dispositions pénales du jugement rendu le 12 mai 1998 par le tribunal de grande instance d’EVRY ; que ces appels formés dans le délai légal sont recevables ; Au fond,

Considérant que les premiers juges, après rappel de la prévention ont exactement relaté les circonstances de la cause ; qu’il convient à cet égard de se référer aux énonciations du jugement entrepris ;

Qu’il suffit de rappeler que M. Y…

X… a exercé les responsabilités de député de l’Essonne depuis 1986, de Président du conseil général de ce département depuis le mois d’octobre 1988, et de maire de la commune de MENNECY, où il avait établi son domicile, depuis septembre 1990 ; qu’il était assisté dans ses fonctions de

Président du conseil général d’un cabinet composé de dix collaborateurs au maximum, auxquels s’ajoutaient une quinzaine de membres relevant du statut de la fonction publique territoriale, chargés des tâches d’exécution ;

Considérant qu’en 1995, le directeur de cabinet était M. I…, le directeur adjoint Mme J…, et le chef de cabinet, M. K… ; que par ailleurs sur les dix postes dont disposait le cabinet, sept étaient effectivement pourvus ;

Considérant que dans le courant du mois de mars 1995, certains organes de la presse écrite ont publié des articles mettant en doute la réalité du travail effectué par Mme A…

Z… épouse de M. X… au sein du cabinet, que le 7 mars 1995, une question écrite a été adressée à celui-ci par M. Philippe L…, membre du conseil général sur ce sujet, question reprise par M. Jean-Loup ENGLANDER, conseiller général et maire de Saint-Michel-sur-Orge le 10 mars, et que ce dernier a porté plainte pour ces faits auprès du parquet d’EVRY, le 1er juin 1995 ; qu’à la suite de cette plainte, une information a été ouverte ;

Considérant qu’à la suite d’une dénonciation, parvenue au mois de novembre 1996 entre les mains du juge d’instruction, chargé de l’information précitée, une enquête a été diligentée sur les conditions dans lesquelles un certain nombre de frais de déplacement en avion ou en train, et de location de voitures avaient été imputés sur le budget du conseil général au vu d’ordres de mission établis au nom de fonctionnaires de ce cabinet ;

Qu’eu égard aux éléments dénoncés, il a en outre été procédé à une enquête sur la réalité du travail fourni au bénéfice du conseil général par Mme Almira G…, rémunérée au titre d’un emploi de cabinet, alors qu’elle avait auparavant exercé une activité d’employée de maison au service des époux X…, et semblait

poursuivre son activité dans les mêmes conditions ;

Considérant que les faits ainsi dénoncés ont fait l’objet de trois procédures distinctes, soumises au tribunal correctionnel d’EVRY sous les qualifications respectives d’abus de confiance et détournement de fonds publics reprochés à M. X… relativement aux rémunérations de son épouse, et de recel de fonds procurés par ces délits reprochés à cette dernière, de faux commis à titre habituel et de détournement de fonds publics, pour les frais de déplacement, ainsi que de prise illégale d’intérêt pour l’engagement de Mme G…, imputés à M. X… ; que le tribunal, après avoir prononcé la jonction de ces procédures, a retenu M. et Mme X… dans les liens de la prévention pour l’ensemble des faits qui leur sont reprochés, et est entré en voie de condamnation à leur égard ainsi qu’il a été rappelé plus haut ;

I. SUR LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE DEPLACEMENT :

Considérant qu’il ressort de l’enquête que jusqu’en 1994, les billets et réservations de véhicules étaient commandés par téléphone auprès de l’agence de voyage « LOOK VOYAGE », prestataire habituel, les billets, accompagnés de la facture étant ensuite transmis au cabinet, qui adressait la facture et le bon de commande correspondant à la paierie départementale pour règlement ;

Considérant que M. I… a déclaré que lors de sa prise de fonctions de directeur du cabinet, au mois d’avril 1994, il avait constaté que de nombreux refus de prise en charge de ces frais étaient opposés par la paierie, et que le payeur départemental Mme M… qu’il avait alors interrogée à ce sujet lui avait indiqué que pour être prises en charge, les factures devaient être établies au nom de fonctionnaires titulaires, et accompagnées d’un ordre de mission ; que M. I… a déclaré qu’il avait alors "demandé à Mme F… de régulariser les factures en instance par l’établissement

d’ordres de mission antidatés, portant les noms de fonctionnaires titulaires du cabinet";

qu’il a précisé également à cet égard : "J’ai fait part de mon entretien et surtout des indications de Mme M… au président X… Il en a pris acte, et n’a pas fait d’observations particulières.

Il est évident que cette procédure mise en place passait par l’élaboration de faux documents…" ;

Que Mme M… a confirmé l’existence de cet entretien, en précisant qu’elle avait bien rappelé quelles étaient les pièces nécessaires pour permettre un remboursement, et en particulier attiré son attention sur l’exigence d’un ordre de mission ;

Considérant que les investigations auxquelles il a été procédé au cours de l’enquête ont mis en évidence une soixantaine de voyages réalisés entre le 20 janvier 1994 et le 9 février 1995, dont la demande de prise en charge sur le budget du conseil général a été accompagnée d’un ordre de mission faussement libellé au nom d’un fonctionnaire du cabinet ; que le coût total de ces déplacements réalisés par des membres de la famille de M. X…, ou des proches, est supérieur à 200 000 Frs, somme à laquelle est limitée la prévention ;

Considérant qu’au soutien de ses conclusions de relaxe, M. X… qui n’a pas contesté avoir signé matériellement les ordres de mission, mais prétendu l’avoir fait sans y prendre garde, affirme qu’il ne saurait lui être imputé un délit de faux, ces documents ayant été rédigés conformément aux conseils du Trésorier payeur départemental, et sur l’instruction donnée par son directeur de cabinet, en conséquence de ces recommandations, destinées à régulariser la situation ;

Considérant que les premiers juges ont a juste titre relevé que

l’attention de M. X… ne pouvait toutefois avoir manqué d’être attirée par l’invraisemblance des ordres de mission signés, pour justifier de voyages accomplis par lui-même, sa propre épouse, ou des personnes proches ; qu’à cet égard, il est significatif de se référer aux déclarations de M. N…, bénéficiaire, au moyen d’un ordre de mission au nom de F…, d’un voyage aller et retour PARIS-GENEVE les 24 et 26 juin 1994, qui était à l’époque des faits assistant parlementaire du député de l’Essonne M. O…, et que M. X… avait convié à l’accompagner pour participer à ses côtés à une compétition cyclo-sportive ; que le caractère répété du recours à ce procédé, et l’importance des sommes en cause, justement relevée par le tribunal établissent le caractère volontaire du recours à des justificatifs faux, afin de provoquer l’imputation sur le budget du conseil général de dépenses à caractère personnel ;

Considérant par ailleurs que M. X… fait valoir que l’élément moral de l’infraction de détournement de fonds publics n’est pas constitué ; qu’il avait en effet, dès le mois d’octobre 1996, et avant toute révélation des faits par la presse, pris l’initiative de s’enquérir de la procédure à suivre pour régulariser sa situation, et rembourser les sommes lui ayant ainsi bénéficié ; qu’il avait, suivant les conseils du Préfet de l’Essonne, consigné le 3 janvier 1997 la somme de 199 669 francs, puis engagé de sa propre initiative les démarches aboutissant au remboursement d’une somme globale de 225 147 francs au mois de mars suivant ;

Considérant que cette circonstance ne saurait constituer une preuve de l’absence de l’intention délictueuse lors des faits, mais peut s’analyser en un repentir actif, impropre à faire disparaître l’élément moral de l’infraction ;

Considérant que M. X… conclut également à l’absence d’élément matériel de l’infraction de détournement de fonds publics, au motif

que les fonds publics sont détenus non par l’ordonnateur mais par le comptable, et que dès lors, le délit de l’article 432-15 suppose pour être constitué qu’il soit imputable au comptable ;

Considérant toutefois que le texte de l’article 432-15 vise notamment toute personne dépositaire de l’autorité publique, ou chargée d’une mission de service public ; qu’en sa qualité de président du conseil général, et d’ordonnateur principal des dépenses du département, M. X… avait reçu mission de gérer les fonds affectés au fonctionnement de celui-ci ; que le contrôle exercé par le comptable porte sur la régularité des pièces produites à l’appui de l’ordre de paiement, mais non sur l’opportunité de la dépense ; qu’ainsi, en acceptant de faire établir et de transmettre à la paierie départementale des documents faux accompagnant des ordres de paiement, afin de permettre l’exécution de ceux-ci, il a disposé des fonds publics, et par leur utilisation à des dépenses étrangères à leur objet, sciemment détourné ces fonds qu’il avait mandat d’affecter à la couverture de dépenses engagées dans le cadre du fonctionnement du conseil général ;

Que le délit de détournement de fonds publics se trouve caractérisé à son encontre en tous ses éléments, et que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu M. X… dans les liens de la prévention de ce chef, ainsi que du chef de faux dans un document délivré par une administration publique, accompli à titre habituel ; II. SUR LES SALAIRES VERSES A MADAME X… :

Considérant que selon contrat du 15 mars 1993, Mme A…

Z… a été engagée par le président du conseil général de l’Essonne en tant que collaborateur de cabinet, à dater du 1er avril 1993, et moyennant une rémunération mensuelle brute de 21 500 francs ; que par

un avenant du 31 janvier 1994, cette rémunération brute a été portée à 25 204 francs, et maintenue à ce montant dans le contrat de réitération de son engagement du 29 avril 1994, à effet au 1er avril de cette même année ;

Considérant que les tâches qu’elle affirme avoir accomplies consistaient à assister son mari par la relecture et le contrôle de l’ensemble du courrier soumis à sa signature, le suivi et la rédaction du courrier réservé, ainsi qu’à assumer des fonctions de représentation, et à suivre des dossiers à caractère social, notamment en relation avec les questions relatives à l’enfance ;

Considérant qu’à l’issue de l’information, et au soutien de la décision de condamnation des premiers juges, ont été relevés un certain nombre d’éléments permettant de mettre en cause la réalité du travail accompli par Mme X… : qu’ainsi, des anomalies telles que l’établissement des contrats d’engagement sous le seul nom de jeune fille de Mme X…, ou encore l’absence de définition du contenu de ses attributions, et l’absence de références sur ces contrats ont été considérées comme révélant une volonté de dissimulation des rémunérations qui lui étaient servies ; qu’ont également été relevées les contradictions existant entre les différentes déclarations de l’intéressée et de M. X… relativement à l’organisation de son travail et au temps passé dans les locaux du conseil général, ainsi que les déclarations des divers collaborateurs et fonctionnaires du cabinet, qui ont affirmé que sa présence était intermittente ; que le tribunal a estimé cette présence telle que décrite par les témoins comme insuffisante au regard du salaire perçu ;

Considérant que des éléments matériels ont également été retenus, tels que l’omission de son nom dans les documents comportant la liste des collaborateurs du cabinet, ou encore le fait qu’aucun bureau ne lui était attribué avant 1995, date à laquelle les faits ont été

dénoncés, qu’elle n’avait pas, contrairement aux usages, été présentée aux membres du cabinet, et qu’aucune trace écrite des travaux réalisés par Mme X… n’avait été produite ; que seules six notes signées par M. Alain I…, dont une portant la date du 8 avril 1993, comportant une description des fonctions dévolues à Mme X… seraient susceptibles de constituer une telle trace écrite ; que toutefois les anomalies relevées dans le contenu de ces documents et les conditions de leur classement, ont conduit le tribunal à s’interroger sur leur sincérité et la date de leur établissement ;

qu’enfin, la volonté manifestée par le directeur et le directeur adjoint du cabinet de rendre apparente la présence de Mme X… au sein du cabinet, par l’attribution d’un bureau, et la mention de son nom dans l’annuaire du conseil général, et de « régulariser sa situation » après la divulgation des faits au printemps 1995, a également été retenue comme significative ;

Considérant qu’au soutien de ses conclusions de relaxe, M. X… soulève l’argument déjà exposé et auquel il a été répondu plus haut, tenant à l’impossibilité selon lui de retenir le délit de détournement de fonds publics à la charge d’un ordonnateur ; qu’il excipe également de la séparation des pouvoirs pour demander à la cour de surseoir à statuer jusqu’à ce que la cour des comptes, saisie de l’action tendant à le voir déclarer comptable de fait se soit prononcée sur ce point ;

qu’il fait enfin valoir sur les faits que la réalité du travail accompli par son épouse résulte des témoignages recueillis ;

Considérant que dans ses conclusions écrites, Mme X… souligne que les conclusions de l’enquête préliminaire démontraient la réalité de l’emploi qu’elle avait occupé, conformément aux horaires en usage pour un membre d’un cabinet, et qu’elle ne pouvait être considérée comme ayant recélé les sommes correspondant à une rémunération

justifiée, contrôlée, et payée par le Trésorier payeur général ;

Considérant sur l’exception tirée du principe de la séparation des pouvoirs que la procédure suivie devant les juridictions financières, tendant à voir déclarer un ordonnateur comptable de fait, de même que la décision de débet, n’ont pas de caractère sanctionnateur, mais un aspect patrimonial, et visent à rétablir les formes comptables, en imposant au comptable de fait de rendre compte des opérations accomplies par lui, et d’en supporter éventuellement les conséquences financières ;

Considérant que les faits reprochés à M. X… étant qualifiés d’abus de confiance pour la partie d’entre eux commise sous l’empire de l’ancien code pénal, et de détournement de fonds publics pour les faits postérieurs à l’entrée en vigueur du nouveau code, il appartient au juge pénal, contrairement à ce qui est soutenu, de se prononcer sur l’existence des infractions déférées au vu des éléments de la procédure qui lui est soumise, dont l’appréciation ne saurait être subordonnée à la constatation préalable d’une qualité de comptable de fait par la juridiction financière ; que l’exception sera en conséquence rejetée ;

Considérant que M. X… fait valoir oralement et dans une note adressée à la cour le 20 août 1999, que la modification de l’article 110 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale, par la loi du 12 juillet 1999 selon laquelle il est désormais précisé au sujet des collaborateurs de cabinet que : « ces collaborateurs ne rendent compte qu’à l’autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés et qui décide des conditions et des modalités d’exécution du service qu’ils remplissent auprès d’elle », implique qu’aucune appréciation de la qualité ou de la quantité du travail accompli par eux soit portée par une autre autorité que celle dont ils dépendent ;

que toutefois, ce texte n’instaure aucune dérogation aux règles générales relativement au contrôle de la légalité du recrutement des collaborateurs de cabinet au service des collectivités territoriales, ou encore aux règles présidant à la fixation de leur rémunération ; qu’ainsi demeure en particulier applicable l’exigence du service fait, dont l’effectivité est attestée par cette autorité, en sa qualité d’ordonnateur ;

Considérant qu’à cet égard, les premiers juges ont exactement relevé les éléments de la procédure relatifs aux anomalies constatées dans les contrats d’engagement de Mme X…, d’où il résulte que le contrôle de la légalité de ces engagements s’était trouvé entravé ;

que de manière pertinente, par des motifs auxquels il est expressément fait référence, ils ont analysé les déclarations recueillies par les enquêteurs, et les constatations de fait auxquelles ils ont procédé, et estimé que les époux X…, se trouvaient dans l’impossibilité d’apporter des éléments tangibles de la réalité de l’activité de Mme X…, en exécution de ces contrats ;

Considérant que devant la cour, les prévenus n’apportent aucun élément nouveau, se contentant de contester la portée des témoignages recueillis ;

Considérant que Mme X… a été engagée en tant que collaboratrice de cabinet, avec une rémunération proche du plafond fixé, ce qui suppose, en référence à la règle du service fait, et en l’absence de mention contraire dans l’acte d’engagement, une activité à plein temps ; qu’elle était par ailleurs, et dans le même temps rétribuée en tant qu’assistante parlementaire de son époux, et se trouve dans l’incapacité de préciser la consistance de ses interventions dans le cadre de l’une et l’autre de ces activités, ou de démontrer la réalité du travail qu’elle invoque notamment en ce qui concerne les

corrections du courrier auxquelles elle prétend avoir consacré une part importante de son activité ;

que les attestations adressées en copie par M. X…, en annexe à sa note du 20 août 1999 sont impropres à apporter la preuve de l’importance de son travail, dans le cadre de son activité au service du conseil général ;

Qu’ainsi il est établi que sur instructions de M. X…, il a été servi à Mme X… une rémunération sur la base d’un service fait, ne correspondant pas à la réalité ; que dès lors le jugement ne pourra qu’être confirmé, en ce qu’il a estimé caractérisés à la charge de M. X… les délits d’abus de confiance pour la première période visée à la prévention, et de détournement de fonds publics pour la seconde, ainsi que de recel de ces délits à l’encontre de Mme X… ;

III. SUR LE DELIT DEOIN ;

III. SUR LE DELIT DE PRISE ILLEGALE D’INTERET :

Considérant que Mme Almira G…, employée de maison au service des époux X…, a été salariée et déclarée auprès des organismes sociaux par eux-mêmes, pour les six premiers mois de l’année 1993 ; que par contrat du 2 août 1993, signé par M. X… lui-même, elle a été recrutée en tant que collaborateur de cabinet à mi-temps, à compter de 1er juillet 1993 ;

que par contrat d’engagement du 25 avril 1994, également signé de M. X…, Mme G… a été recrutée à mi-temps en qualité de collaborateur de cabinet à dater du 1er avril 1994, moyennant une rémunération brute mensuelle de 8 500 francs ;

que selon décision du président du conseil général en date du 30 mai 1995, il a été mis fin à ces fonctions à compter du 9 juin 1995, l’intéressée étant recrutée à partir de cette date au terme d’une décision signée le 22 juin 1995 par M. P…, agissant par

délégation, comme agent vacataire de catégorie B et affectée au cabinet du président, et maintenue dans ces fonctions à compter du 9 juillet 1995, par décision intervenue dans les mêmes conditions le 15 septembre suivant, son salaire brut demeurant à hauteur de 8 500 francs ; qu’enfin, à partir du mois de novembre 1996, elle a perçu des époux X… une rémunération spécifique de 2 612 francs, pour la garde de leurs enfants, le traitement brut servi par le conseil général étant ramené à 6 054 francs, ce qui permettait de maintenir ses émoluments au même niveau que précédemment ;

Considérant que la prévention reproche à M. X… une prise illégale d’intérêt, en ce qu’il a signé en tant que président du conseil général le contrat d’engagement d’une employée en réalité affectée à son service personnel ;

Considérant que M. X… a déclaré que Mme G… avait consacré une partie de son activité au service du conseil général, en assurant la préparation et le service des réceptions à caractère officiel qu’il organisait à son domicile, considéré comme plus agréable que les locaux du conseil général, et que pour le surplus, elle était « hormis les réceptions, une employée de maison à l’identique des employées de maison du corps préfectoral » ;

Que devant la cour, il a également soutenu qu’il avait choisi cette solution parce qu’elle s’avérait la moins onéreuse pour le conseil général, alors que par ailleurs il avait renoncé à occuper le logement de fonction qui lui était attribué ;

qu’il conclut en outre que pour la part de son activité consacrée au service privé de sa famille, et notamment la garde de ses enfants, elle avait été rémunérée au cours de la période visée à la prévention, soit du 25 avril 1994 au 9 juin 1995, au pair puisqu’elle était logée et nourrie à son domicile ; qu’il précise n’ avoir pris l’initiative de rembourser au département de l’Essonne la totalité de

la rémunération perçue par Mme G…, que dans un souci d’apaisement, et sans aucune reconnaissance de culpabilité de sa part ;

Considérant qu’il reprend devant la cour l’argumentation développée en première instance tiré de la liberté de choix des collaborateurs de cabinet, et de la libre détermination des fonctions qui peuvent y être exercées, en s’appuyant notamment sur le texte de l’article 110 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 12 août 1999 ;

Considérant que les premiers juges ont estimé le délit de prise illégale d’intérêt caractérisé en tous ses éléments, en relevant que les fonctions confiées à Mme G… n’apparaissaient pas correspondre à la mission susceptible d’être celle d’un collaborateur de cabinet, et qu’il était établi que l’intéressée consacrait la quasi-totalité de son temps au service privé des époux X… ;

Considérant qu’il est établi par les déclarations de Mme G… que celle-ci, recrutée à l’origine comme employée de maison des époux X…, a continué à consacrer la plus grande partie de son activité à leur service privé, après que le conseil général se fût substitué à eux pour lui servir sa rémunération ;

que si elle participé à la préparation et à la réalisation de réceptions au domicile de son employeur, qui pour une part au moins pouvaient ainsi que le revendique M. X…, s’inscrire dans son activité de président du conseil général, la périodicité de ces interventions qu’elle a elle-même eu quelque difficulté à estimer, ne saurait justifier la prise en charge par le conseil général de son salaire correspondant à la rémunération d’un travail accompli à temps complet ; que M. X… a tiré les conséquences de cette situation à partir du mois de novembre 1996, en prenant la décision de répartir la rémunération de son employée entre le conseil général et lui-même ;

Que la comparaison qu’il prétend faire avec les avantages offerts aux Préfets à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions est dénuée de pertinence ;

Qu’il convient en outre de relever que contrairement aux affirmations du prévenu, l’emploi de Mme G… n’avait aucun caractère de transparence, puisqu’il avait été dissimulé lors de son engagement qu’elle était domiciliée chez les époux X…, et qu’une fausse adresse avait alors été indiquée ;

Considérant que le prévenu conclut encore que le lien juridique ponctuel constitué par le contrat de collaborateur de cabinet de Mme G… ne constituerait pas au sens de la loi l’entreprise ou l’opération prévue par l’article 432-12 du code pénal ;

Mais considérant que les premiers juges ont exactement relevé que M. X… était bien une personne investie d’un mandat électif public,et que le recrutement de personnel de maison constituait bien un acte ou une opération entrant dans les prévisions de l’article 432-12 du code pénal ;

Considérant en effet que la mission de M. X… comportait la surveillance de l’exécution des missions confiées au personnel du conseil général ainsi que l’ordonnancement des dépenses afférentes à ces emplois ; qu’en engageant Mme G… au service du conseil général, alors que celle-ci devait consacrer son activité à son service privé, il s’est bien rendu coupable du délit de prise illégale d’intérêt ; Sur les peines : – relativement à M. X… :

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la gravité des faits, de la participation du prévenu à ceux-ci, et de sa personnalité, et que la peine d’emprisonnement avec sursis prononcée à son encontre sera confirmée ;

qu’en revanche, la cour diminuera le montant de l’amende, en le ramenant à la somme de 100 000 francs, et prononcera à titre de peine

complémentaire la privation du droit d’éligibilité pour une durée de deux ans, mais infirmera le jugement en ce qu’il avait également prononcé la privation du droit de vote ; – relativement à Mme X… :

Considérant qu’il y a lieu de ramener le montant de l’amende prononcée à son encontre à un montant de 100 000 francs, PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort. en la forme, reçoit les appels de M. Y…

X…, et de Mme A…

Z… épouse X…, ainsi que du ministère public, au fond,sur l’action publique seule en cause devant la cour, confirmant pour partie, infirmant pour partie le jugement dont appel, confirme le jugement sur les déclarations de culpabilité de M. Y…

X…, et de Mme A…

Z… épouse X…, les condamne : – M. Y…

X… à la peine de DIX-HUIT MOIS d’emprisonnement avec sursis, et de CENT-MILLE FRANCS d’amende, prononce à son égard la peine de complémentaire de privation du droit d’éligibilité pour une durée de deux ans, – Mme A…

Z…, épouse X… à une amende de CENT-MILLE francs, dit que la contrainte par corps s’exercera, s’il y a lieu à leur encontre, dans les conditions prévues aux articles 749 et suivants du code de procédure pénale. Sitôt le prononcé de la peine Madame le Président a donné au condamné l’avertissement prévu par l’article 132-29 du nouveau code pénal. LE PRÉSIDENT,

LE GREFFIER, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 800 Francs dont est redevable chaque condamné.

— Droits fixes de procédure soumis aux dispositions de l’article 1018 A du Code Général des Impôts-



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Cour d'appel de Paris, du 5 novembre 1999, 1999/04907