Cour d'appel de Paris, 4e chambre section a, 24 mars 2004

  • Atteinte au droit moral et patrimonial·
  • Producteur à l'origine du pseudonyme·
  • Atteinte aux droits de co-auteur·
  • Relations d'affaires·
  • Qualité d'employeur·
  • Atteinte à l'image·
  • Dépôt frauduleux·
  • Atteinte au nom·
  • Droit antérieur·
  • Usage antérieur

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. a, 24 mars 2004
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 2004, 790, IIIM-416
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 14 novembre 2003
  • 2002/04496
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : EMMA SHAPPLIN
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 97703512 ; 3016112
Classification internationale des marques : CL09; CL16; CL25; CL38; CL41
Référence INPI : M20040171
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Texte intégral

Vu l’appel interjeté, le 18 décembre 2003, par Crystèle J d’un jugement rendu le 14 novembre 2003 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- rejeté la demande d’annulation de la marque EMMA SHAPPLIN n° 97 703 512,
- rejeté la demande en déchéance des droits de Jean-Patrick C sur celle-ci,
- dit qu’en utilisant l’image et le nom de la demanderesse et le pseudonyme qui lui fut conféré, pour les albums auxquels elle n’avait pris aucune part, la société PENDRAGON RECORD SL a engagé sa responsabilité, En conséquence :

- interdit à la société PENDRAGON RECORD SL la poursuite ou le renouvellement des faits précités sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, et l’a condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dit que la société PENDRAGON RECORD SL a en outre porté atteinte aux droits de co-auteur qu’elle détient sur le titre SPENTE DEL S, en assurant la promotion et en offrant à la vente l’album OPERA TRANCE et l’a condamnée à lui verser la somme complémentaire de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts,
- recevant la demande reconventionnelle, lui a interdit de porter atteinte à la marque EMMA SHAPPLIN sous astreinte de 300 euros par infraction constatée passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement ,
- rejeté toutes autres demandes,
- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens ; Vu l’assignation à jour fixe signifiée le 7 janvier 2004 à Jean-Patrick C et la société PENDRAGON RECORDS SL, aux termes de laquelle Crystèle J demande à la Cour, au visa des articles 9, 1134 et 1165 du Code civil, L.111-1, L113-1, L.113-3, L.113-6, L.121-1 et suivants, L.122-1 et suivants, L.212-2 et L.212-3, L.335 à L.335-4, L.711-4, L.714-3 et L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle, l’article 8 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du. 26 octobre 1961 et la Convention pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la reproduction non autorisée de leur phonogrammes du 29 octobre 1971, les articles 142, 699, 700 et 753 du nouveau Code de procédure civile, de :

- juger qu’elle a acquis sous le pseudonyme EMMA S une notoriété suffisante le rendant indisponible pour un usage de marque par un tiers,
- subsidiairement, juger que Jean-Patrick C a commis une fraude en ayant déposé une marque portant sur un signe dont il ne pouvait ignorer l’usage antérieur par elle,
- interdire en conséquence à Jean-Patrick C et à la société PENDRAGON RECORD SL d’utiliser cette appellation à quelque titre que ce soit et notamment, comme marque, nom de domaine, adresse Internet ou titre, sauf pour désigner exclusivement l’interprète de l’album CARMINE MEO, et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
- prononcer la nullité de la marque n° 97 703 512 déposée dans les classes 9, 16, 25 et 41 par Jean-Patrick C, le 7 novembre 1997, et de la marque n° 3016112 déposée dans la classe 38, le 22 mars 2000, et, subsidiairement le déclarer déchu de ses droits sur la

marque n° 97 703 512 déposée dans les classes 9, 16,25 et 41 pour défaut d’usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans,
- ordonner la transmission de l’arrêt à intervenir aux bons soins du Greffe au Directeur de l’I.N.P.I. aux fins d’inscription au Registre National des Marques,
- ordonner aux intimés la suppression sur le site www.pendragonrecords.com ou sur tout autre site dont les intimés ensemble ou séparément seraient les propriétaires ou exploitants, de toute référence aux nom et prénoms Crystèle J, seuls ou associés à son image sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15 ème jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir,
- faire interdiction aux intimés, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15 ème jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, d’associer ou de rapprocher de quelque façon que ce soit et notamment aux moyens de procédés rédactionnels, graphiques ou iconographiques, sur n’importe quel support, le nom véritable, le pseudonyme ou l’image de la demanderesse, avec des produits discographiques, audiovisuels, photographiques ou avec le nom ou l’image d’artistes interprètes étrangers à l’album CARMINE MEO qu’elle a enregistré en 1997,
- interdire, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la fabrication, la présentation, la promotion, la commercialisation, dans le monde entier et sur tous modes, formes ou supports, de l’album intitulé OPERA TRANCE reproduisant des enregistrements du titre SPENCE LE S co-écrit par l’appelante,
- ordonner en conséquence aux intimés la suppression sur le site www.pendragonrecords.com ou sur tout autre site dont les défendeurs ensemble ou séparément seraient les propriétaires ou exploitants, de toute référence à l’album OPERA TRANCE sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15e jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir,
- ordonner aux intimés, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15 ème jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, de lui communiquer au moyen d’un envoi par pli RAR les justificatifs du nombre exact d’exemplaires de l’album OPERA TRANCE fabriqués puis vendus en précisant le nombre d’exemplaires vendus par pays,
- ordonner à Jean-Patrick C, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15e jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, de lui communiquer au moyen d’un envoi par pli RAR, un état récapitulatif de l’ensemble des recettes d’édition générées par l’exploitation de l’album OPERA TRANCE jusqu’au jour de l’arrêt à intervenir,
- ordonner la destruction, sous contrôle d’huissier qui établira un procès verbal de ses constatations aux frais exclusifs des intimés, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15 ème jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, de tous les exemplaires en stock de l’album OPERA TRANCE et de sa jaquette,
- ordonner la publication par extrait de l’arrêt à venir dans trois publications de son choix, aux frais des intimés, dans la limite de 5.000 euros par publication,

— ordonner, par ailleurs, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15e jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, la publication intégrale de l’arrêt à intervenir et son maintien pendant un mois à compter de la première publication sur le site www.pendragonrecords.com.

- ordonner sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.550 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du 15e jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, la communication par les intimés de lui faire une reddition de comptes complètes assortie de justificatifs de l’album OPERA TRANCE,
- juger que toutes les astreintes ci-avant requises pourront être liquidées par le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance de Paris,
- juger que l’ensemble des faits rapportés dans la présente assignation ont porté atteinte à son droit à l’image et à son droit au respect de sa vie privée, à ses intérêts moraux et patrimoniaux d’auteur et d’artiste, En conséquence ,
- condamner in solidum Jean-Patrick C et la société PENDRAGON RECORD SL à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

- 100.000 euros au titre de l’atteinte au droit à l’image, au respect de la vie privée et au respect de son nom réel et de son pseudonyme d’ artiste,
- 25.000 euros au titre de son droit moral de co-auteur de l’oeuvre SPENTE DEL S,
- 25.000 euros par provision au titre de son droit patrimonial de co-auteur de l’oeuvre SPENTE DEL S,
- 15.250 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, et aux dépens ; Vu les uniques conclusions, en date du 6 février 2004, par lesquelles Jean-Patrick C et la société PENDRAGON RECORD SL, poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation des marques EMMA SHAPPLIN, rejeté la demande de déchéance de ces marques et fait interdiction à Crystèle J de porter atteinte à la marque EMMA SHAPPLIN, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, demandent à la Cour d’infirmer les dispositions de ce jugement leur faisant grief, et, statuant à nouveau, de débouter Crystèle J de l’ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’en tous les dépens.

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

- le 12 juillet 1997, a été signé un contrat d’enregistrement et d’exclusivité entre Jean- Patrick C, sous l’enseigne PENDRAGON, en qualité de producteur, et Crystèle J, en qualité d’ artiste,
- le 11 septembre 1997, un contrat de production indépendante a été conclu entre Jean- Patrick C, exerçant à titre individuel sous la dénomination PENDRAGON RECORDS, et la société EMI MUSIC FRANCE, aux termes duquel Jean-Patrick C concédait à la

société EMI pendant la durée d’exploitation prévue à l’article 5 des présentes dans le cadre de son contrat d’exclusivité d’enregistrement avec L’ARTISTE EMMA S, le droit exclusif d’exploitation des enregistrements fournis en exécution du présent contrat,
- le 15 septembre 1997, une lettre d’engagement a été souscrite par la société EMI au profit de Crystèle J, dite EMMA S, agissant en qualité d’artiste interprète, étant précisé que Jean-Patrick C, agissant sous la dénomination PENDRAGON RECORDS, déclare avoir pris connaissance de la présente lettre et en approuver les termes sans restriction ni réserve,
- en juillet 1999, Jean-Patrick C s’est substitué la société PENDRAGON RECORDS SL pour poursuivre l’exécution de ces contrats,
- le 7 novembre 1997, Jean-Patrick C a déposé auprès de l’INPI, sous le n° 97 703 512, une marque EMMA SHAPPLIN, pour les classes de produits ou services 9, 16, 25 et 41 et notamment services rendus par un artiste lyrique, organisation de spectacles, agence pour artiste,
- le 5 décembre 1997, a été produit et distribué le premier album d’EMMA S, intitulé CARMINE MEO, les oeuvres de cet album ayant été écrites et composées par Jean- Patrick C, Crystèle J, sous le pseudonyme de GASTONE DI MURTA, ayant, toutefois, contribué à l’écriture de SPENTE DEL S,
- le 7 janvier 2000, EMMA S a démissionné, mettant fin au contrat d’enregistrement qui la liait avec la société PENDRAGON RECORDS SL,
- le 22 mars 2000, Jean-Patrick C a déposé auprès de l’INPI, sous le n° 3016112, une seconde marque EMMA SHAPPLIN, pour les produits et services de la classe 38,
- par arrêt du 11 avril 2002, la présente Cour a, notamment, confirmé un jugement du Conseil de prud’hommes de Paris, en date du 30 novembre 2000, en ce qu’il avait imputé à Crystèle J la responsabilité de la rupture du contrat à durée déterminée ; I – sur la validité des marques EMMA SHAPPLIN : 1) sur la nullité : Considérant que Crystèle J fait valoir, au soutien de sa demande en nullité des marques EMMA SHAPPLIN, déposées par Jean-Patrick C, que, à la date des dépôts, le signe contesté était indisponible puisqu’elle serait fondée à se prévaloir, en invoquant les dispositions de l’article L. 711-4 g du Code de la propriété intellectuelle, d’un droit antérieur à titre de pseudonyme ; Mais considérant que seul le pseudonyme bénéficiant d’un usage prolongé et notoire est, même s’il n’est pas nécessaire que son titulaire ait acquis sous celui-ci une notoriété dépassant le milieu où il exerce son activité, de nature à constituer un droit de la personnalité à l’égal du patronyme et, comme tel, bénéficiant de la protection légale instituée par le texte précité ; Or, considérant que Crystèle J ne justifie pas, au 7 novembre 1997, date du dépôt de la marque EMMA SHAPPLIN contestée, d’un tel usage du pseudonyme EMMA S ; Qu’en effet, il résulte des pièces versées aux débats par l’appelante, en premier lieu, que les nombreux articles de presse, communiqués sous le n° 4, dont elle entend se prévaloir pour établir une renommée internationale sous son pseudonyme, sont tous postérieurs à la date du dépôt de la marque contestée, puisque le premier article est paru le 24 janvier 1998 ;

Que, en deuxième lieu, les factures de professionnels de la musique – studios d’enregistrement, arrangeur, coiffeur-maquilleur, professeur de chant, accordeur de piano
- si elles font, pour certaines d’entre elles, référence à EMMA S, il résulte de leur examen que l’ensemble de ces factures a été adressé à la société PENDRAGON RECORDS SL et que la référence faite au pseudonyme revendiqué par Crystèle J n’avait d’autre objet que d’identifier le projet en cours de réalisation et rubriquer comme tél dans la comptabilité de la société productrice ; Que, en troisième lieu, l’appelante produit, tout aussi vainement, de nombreuses attestations, dont il convient de souligner qu’elles ont été manifestement établies dans un autre contexte procédural, dès lors qu’aucune de celles-ci ne rapportent directement la preuve qui incombe à l’appelante, de la notoriété du pseudonyme litigieux antérieurement au dépôt de la marque contestée; Que, en quatrième lieu, Crystèle J ne saurait exciper de la circonstance selon laquelle le contrat de licence conclu, trois semaines avant le dépôt litigieux, entre la société EMI et Jean-Patrick C fait référence à son pseudonyme puisque ce contrat est intervenu dans la période de réalisation du projet conçu par l’intimé, alors que le contrat d’artiste, signé le 12 juin 1997, n’en fait aucune mention ; Que, en cinquième lieu, la référence faite, notamment à l’hebdomadaire des professionnels de la musique et des médias du 21 novembre 1997, élément également postérieur au dépôt de la marque contestée, est inopérante puisque la couverture de cet hebdomadaire qui par ailleurs consacre un interview de deux pages à Crystèle J, s’inscrit, à quelques jours de la mise en vente de l’album, dans le cadre d’opérations de promotion dont le propre est l’utilisation de superlatifs, tel que celui de la révélation musicale de cette fin d’année, alors même que l’appelante n’avait encore réalisé aucune prestation publique ; Qu’il s’ensuit qu’à la date du 7 novembre 1997, Crystèle J ne pouvait se prévaloir d’un usage prolongé et notoire, tant auprès du grand public que des professionnels de la musique, du pseudonyme d’EMMA S, de sorte que les premiers juges ont, à bon droit, retenu que c’est l’album produit par Jean-Patrick C qui a fait connaître Crystèle J sous ce pseudonyme et que c’est le succès rencontré par cet album qui lui a permis de se faire désigner par les tiers sous ce pseudonyme ; Considérant que, au surplus, Jean-Patrick C produit, d’une part, une attestation de Georges B, aux termes de laquelle il est indiqué que Crystèle J se plaisait à appeler le disque en question « l’album de JP » et qu’elle s’amusait dans les couloirs du studio du pseudonyme d’ EMMA S qu’il avait choisi pour désigner son projet discographique. Mlle J a toujours été pour mes assistants et moi-même pendant toute la durée de l’enregistrement du disque, connue et appelée du nom de « CHRYSTEL » voire celui plus familier de J et, d’autre part, une attestation de Adelmo MINARDI qui rapporte que Jean- Patrick C m’a annoncé son désir de donner le nom « EMMA S » à son projet ; mademoiselle J – qui ne m’a pas semblé croire qu’elle porterait seule ce nom- a pris Monsieur C par le bras et m’a déclaré qu’ils allaient être les « RITA M » du lyrique, de sorte que, en sa qualité d’employeur de l’appelante à qui il a attribué son pseudonyme, il pouvait aussi valablement procéder, à son profit, au dépôt de ce pseudonyme à titre de marque ;

II – sur le dépôt frauduleux : Considérant que Crystèle J soutient encore que la marque contestée serait nulle dès lors que Jean-Patrick C qui ne pouvait ignorer ni l’usage antérieur qu’elle avait faite du pseudonyme, ni la prochaine diffusion de l’album justifiant de cet usage, aurait effectué un dépôt frauduleux ; Mais considérant que, en l’espèce, l’appelante ne saurait prétendre qu’il y aurait fraude au motif que le déposant savait, à la date du dépôt, qu’elle faisait usage du signe choisi comme marque dès lors qu’elle ne justifie pas de la réalité d’un tel usage ; Que, au surplus, il est établi que Crystèle J n’a émis aucune réserve quant au dépôt de la marque attaquée puisqu’il résulte de l’attestation, non contestée, de Michèle M épouse M que Jean-Patrick C a décidé que ce projet serait identifié par un nom qu’il avait créé: celui D’EMMA S et c’est en compagnie de Mademoiselle J qu’il s’est rendu à l’INPI pour enregistrer cette marque ; je les ai moi-même accompagnés en voiture à cette occasion et déposés devant la porte de l’Institut ; Qu’il s’ensuit que le dépôt critiqué est exempt de tout caractère frauduleux ; Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de Crystèle J en annulation des marques déposées EMMA SHAPPLIN ; III – sur la déchéance de la marque EMMA SHAPPLIN déposée le 7 novembre 1997, sous le n° 97703512 : Considérant que, aux termes de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans ; Considérant que le délai de cinq ans devant s’apprécier au jour de la demande en déchéance, il est établi qu’au 7 mars 2002, date de la signification de l’assignation, contenant cette demande, à Jean-Patrick C, ce délai n’était pas écoulé, de sorte que la demande de Crystèle J n’est pas fondée ; Que le jugement déféré qui a, de ce chef, rejeté la demande de l’appelante sera en conséquence confirmé ; IV – sur les autres atteintes : Considérant que, reprochant à Jean-Patrick C et à la société PENDRAGON RECORDS SL de porter atteinte à son droit moral d’artiste-interprète, à l’image, au respect de sa vie privée, au respect de son véritable patronyme et de son pseudonyme d’artiste, Crystèle J entend leur interdire d’utiliser EMMA S à quelque titre que ce soit, sauf pour désigner exclusivement l’interprète de l’album CARMINE MEO, de faire référence à ses noms et prénoms, d’utiliser les attributs de sa personnalité pour les associer à des produits ou à des artistes étrangers à l’album précité et d’exploiter le CD deux titres OPERA TRANCE reproduisant une version non autorisée de SPENTE DEL S ; Considérant, d’abord, que, selon les dispositions de l’article 15.1 du contrat d’autiste du 12 juin 1997, il était stipulé entre les parties que le Producteur pourra utiliser directement ou indirectement et pour toute publicité le nom de l’Artiste, son nom d’Artiste et les photographies et autres images le représentant et ce notamment pour les besoins du commerce et de la publicité relatifs aux phonogrammes, le tout aussi longtemps que le Producteur exploitera les enregistrements de l’Artiste ;

Qu’il s’ensuit que l’usage du nom patronymique de Crystèle J pour la promotion de ses enregistrements ne revêt pas le caractère abusif qu’elle confère à cette pratique, la référence faite par elle aux dispositions de l’article 15.1 du même contrat étant dépourvue de la portée que l’appelante tente de lui donner dès lors que l’usage, auquel il est renvoyé, concerne uniquement les modalités pratiques relatives à la promotion et à la publicité des enregistrements et ne sauraient donc faire échec aux dispositions générales précitées de l’article 15.2 du contrat; Considérant, ensuite, que l’appelante n’est pas fondée à prétendre que l’album intitulé « EMMA S » LE CONCERT est gravement attentatoire à ses droits motifs pris que, d’une part, le nom n’a pas à être mis entre guillemets comme s’il était mis entre parenthèses et, d’autre part, que les enregistrements n’auraient pas été distribués sans, au minimum, qu’il soit clairement dit qu’ils sont les siens ; Qu’en effet; le recours aux guillemets n’a d’autre finalité que de mettre, au plan visuel, en valeur l’identification de l’artiste-interprète et, ainsi, contrairement aux prétentions de l’appelante, faire clairement apparaître sa participation, en cette qualité, à la réalisation de l’album ; Considérant que, en outre, l’appelante reproche à la société PENDRAGON RECORDS SL d’avoir utilisé son pseudonyme pour la promotion d’enregistrements étrangers aux siens ; Mais considérant que, d’une part, il résulte de l’examen des constats dressés les 4 juin, 20 et 24 décembre 2002 par Pascal R, huissier de justice à la résidence de Paris, sur le site internet exploité par la société intimée www.pendragonrecords.com qu’il ne saurait être déduit de la seule mise en ligne d’une photographie de Crystèle J, aux cotés de celles de Jade Laura D’A, Nikoja T, Chiara Z et Ejena C, de la participation celle-ci à la promotion d’oeuvres autres que les siennes ; Que cette pratique qui consiste à présenter les artistes-interprètes sur un site internet est banale puisqu’elle se retrouve sur l’ensemble des sites ayant le même objet, l’huissier instrumentaire ayant ainsi relevé dans ses constatations que sur le site :

- www.sonymusic.com , des photographies de personnes se succèdent à peu près toutes les 5 secondes et il y a 5 photos différentes,
- www.wanerbrosrecords.com , 12 photographies d’artiste-interprète sont affichées,
- www.emimusic.com , les photographies d’artistes se succèdent les unes aux autres,
- www.bmg.com , la présence de 5 photographies ; Qu’il s’ensuit que contrairement à l’appréciation faite par les premiers juges, il n’est pas établi que la société PENDRAGON RECORDS SL ait tentée de créer une confusion dans l’esprit des internautes en les inclinant à penser que Crystèle J avait prêté sa voix aux albums ATYLANTOS et OPERA TRANCE ; Que sur ce point le jugement déféré sera donc infirmé ; Considérant, enfin, que, invoquant sa qualité de co-auteur de l’oeuvre SPENTE DEL S, Crystèle J est fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle, dès lors qu’il n’est pas contesté que cette oeuvre a, sans son autorisation, fait l’objet d’un remix figurant sur l’album OPERA TRANCE ; Qu’en effet, les intimés ne sauraient s’exonérer de toute responsabilité dans cette opération pour la rapporter sur la société CHRYSALIS RECORDS dès lors que la société PENDRAGON RECORDS SL apparaît sur les crédits de l’album OPERA TRANCE ; Que, par ailleurs, ils ne justifient pas que l’appelante aurait donné son accord au remixage

de ce titre en assurant la promotion de celui-ci aux Etats-Unis d’Amérique, les seuls documents versés aux débats étant en langue étrangère et non traduits en français ; Qu’il s’ensuit qu’il a été porté atteinte aux droits moral et pécuniaire de Crystèle J ; Mais considérant qu’il résulte d’un arrêt rendu le 11 avril 2002 par la présente Cour, que, s’agissant du remixage du titre inclus dans l’album intitulé OPERA TRANCE, il a été allouée à Crystèle J une indemnité de 6.000 euros ; Qu’il s’ensuit que le jugement déféré sera, de ce chef, infirmé ; Considérant que l’appelante sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes, sauf en ce qui concerne les mesures, telles que précisées au dispositif du présent arrêt, relatives à l’album intitulé OPERA TRANCE ; V – sur les autres demandes : Considérant qu’il résulte du sens de l’arrêt que Crystèle J ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile; que, en revanche, l’équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser aux intimés une indemnité de 5.000 euros ; PAR CES MOTIFS Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la disposition selon laquelle il a été dit qu’en utilisant l’image et le nom de la demanderesse et le pseudonyme qui lui fut conféré, pour des albums auxquels elle n’avait pris aucune part, la société PENDRAGON RECORDS SL a engagé sa responsabilité, les interdictions et condamnations pécuniaires prononcées à l’encontre de cette société, ainsi que les dépens et frais irrépétibles ; Et, statuant à nouveau, Interdit, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l’arrêt de l’arrêt à intervenir, aux intimés la fabrication, la présentation, la promotion et la commercialisation, dans le monde entier et sur tous modes, formes ou supports, de l’album intitulée OPERA TRANCE reproduisant des enregistrements du titre SPENCE DEL S co-écrit par l’appelante ; Ordonne, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l’arrêt de l’arrêt à intervenir, aux intimés de supprimer sur le site www.pendragonrecords.com ou sur tout autre site dont ils seraient ensemble ou séparément propriétaires ou exploitants, toute référence à l’album OPERA TRANCE ; Ordonne, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l’arrêt de l’arrêt à intervenir, aux intimés de communiquer à Crystèle J, au moyen d’un envoi par pli recommandé avec demande d’avis de réception, les justificatifs du nombre exact d’exemplaires de l’album OPERA TRANCE fabriqués puis vendus, en précisant le nombre d’exemplaires vendus par pays ; Ordonne sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l’arrêt de l’arrêt à intervenir, à Jean-Patrick C de communiquer à Crystèle J, au moyen d’un envoi par pli recommandé avec demande d’avis de réception, un état récapitulatif de l’ensemble des recettes d’édition générées par l’exploitation ainsi qu’une reddition de comptes relativement à l’album OPERA TRANCE jusqu’au jour du prononcé du présent arrêt ; Ordonne, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l’arrêt de l’arrêt à intervenir, la destruction,

sous contrôle d’huissier qui établira un procès verbal de ses constatations aux frais exclusifs des intimés, de tous les exemplaires en stock de l’album OPERA TRANCE et de sa jaquette ; Dit que la Cour se réserve la liquidation de ces astreintes ; Rejette toutes autres demandes de Crystèle J ; La condamne à verser à Jean-Patrick C et à la société PENDRAGON RECORDS SL une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne en outre aux dépens de première instance et d’appel qui pour les dépens d’appel seront recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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